PREFECTURE DE LA DROME ENQUETE PUBLIQUE PREALABLE A LA DECLARATION D UTILITE PUBLIQUE DE L OPERATION DE RESTAURATION IMMOBILIERE DE L ILOT «MOUTON» A ROMANS-SUR-ISERE Mars 2015 Commissaire enquêteur : Yves Debouverie
2 Les travaux de réhabilitation d immeubles situés dans le centre historique de Romans (îlot «Mouton») dans le cadre d une opération de restauration immobilière (ORI) présentée par la ville ont fait l objet d une enquête publique préalable à leur déclaration d utilité publique par le préfet de la Drôme. Le présent document présente les conclusions personnelles et l avis du commissaire enquêteur qui a été chargé de conduire cette enquête. Il complète le rapport de l enquête publique mais constitue un document séparé. Le président du Tribunal administratif de Grenoble a désigné, par la décision n E14000241/38 du 5 septembre 2014, M. Yves Debouverie en qualité de commissaire enquêteur pour cette enquête publique. Le préfet de la Drôme, par l arrêté n 2014353-0005 du 19 décembre 2014, a prescrit l ouverture de «l enquête publique préalable à la déclaration d utilité publique concernant les travaux de réhabilitation d immeubles, situés dans le centre historique de Romans-sur-Isère, îlot Mouton, dans le cadre d une opération de restauration immobilière (ORI), présentée par la ville» pour la période du 19 janvier au 6 février 2015. La publicité réglementaire a été faite. Pendant cette période, j ai assuré trois permanences en mairie de Romans-sur-Isère. L enquête n a pas soulevé de difficultés particulières. Au total, 9 personnes, y compris les représentants d une association de sauvegarde du patrimoine, ont émis des observations écrites ou orales (observations favorables ou défavorables, propositions ou questions) qui sont analysées dans le rapport avec les éléments de réponse produits par la commune de Romans-sur-Isère. Parmi ces personnes, figure également l un des deux propriétaires d immeubles concernés qui a exprimé, notamment, son désaccord sur le périmètre de l opération. Mes conclusions sont les suivantes. L opération de restauration immobilière (ORI) consiste, selon le code de l urbanisme, en des travaux ayant pour objectif la transformation des conditions d habitabilité d immeubles dégradés. La procédure prévoit que les travaux de réhabilitation (y compris, le cas échéant, des travaux de mise en valeur du patrimoine) et le délai de réalisation sont prescrits par la collectivité aux propriétaires des immeubles concernés. Si ceux-ci n exécutent pas les travaux, ils peuvent être expropriés. L ORI doit au préalable avoir été déclarée d utilité publique par le préfet après enquête publique. L ORI est donc une procédure coercitive à laquelle une collectivité peut recourir, par exemple, pour débloquer une situation lorsque les mesures incitatives s avèrent inefficaces. C est bien le cas de l ORI lancée par la commune de Romans-sur-Isère pour les immeubles de l îlot Mouton. Les travaux prévus dans le cadre de l ORI de l îlot Mouton ont pour objet de réhabiliter des immeubles vacants en déshérence pour remettre les logements sur le marché. L état de dégradation ressort clairement des expertises réalisées pour les besoins de l étude préalable de l ORI (2012/2013), ainsi que des expertises antérieures réalisées pour les besoins des procédures administratives de police (péril imminent, abandon manifeste, évacuation des lieux) ou dans le cadre des procédures judiciaires dont ont fait l objet la plupart des immeubles concernés.
3 La réhabilitation de ces logements et l arrivée de nouveaux résidents constituent à l évidence pour le centre ancien de Romans-sur-Isère un enjeu urbain (redynamiser un quartier qui présente à certains égards l image d un quartier sinistré), social (enrayer la paupérisation du quartier, rééquilibrer la mixité sociale grâce à de nouveaux habitants aux revenus plus élevés, diminuer le sentiment d insécurité ou d abandon) et économique (revitalisation de commerces de proximité qui ont déserté certaines rues). Par ailleurs, les travaux programmés ont également pour objet la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine historique et architectural des immeubles inclus dans le périmètre de l ORI. L îlot Mouton fait partie du centre historique de la ville, il est inclus dans l aire de mise en valeur de l architecture et du patrimoine (AVAP). La façade et la toiture sur rue de la «maison du Mouton», inscrites dans la liste supplémentaire des monuments historiques, sont menacées d effondrement à un point tel qu un périmètre de sécurité interdisant toute circulation dans la rue a dû être instauré. Les expertises attestent la présence d éléments patrimoniaux dans les autres immeubles et leur état de dégradation. La sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine constituent donc un autre enjeu important pour la ville. Le développement du tourisme est, d ailleurs, un élément de revitalisation économique du centre ancien. La réhabilitation globale et pérenne de l îlot Mouton apparaît donc, tant en termes d habitat que de patrimoine, relever de l intérêt général. Le recours à une procédure coercitive (l ORI) est fondé sur l historique des actions engagées, sans succès, par les pouvoirs publics pour inciter les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires. Ainsi, les discussions qui ont eu lieu avec les propriétaires pour leur proposer une assistance technique et des aides financières dans le cadre des OPAH 1 qui se sont succédé sur une vingtaine d années n ont pas abouti à la réalisation de travaux. De même, les mesures de police n ont pas permis de débloquer la situation. Dans ces conditions, l ORI, qui impose l exécution de travaux de réhabilitation et permet l expropriation en cas de défaut, constitue sans doute le seul moyen pour la collectivité de sortir d une situation qui ne peut plus durer. L utilité publique des travaux de réhabilitation dans le cadre de l ORI paraît donc justifiée. L objectif premier de cette procédure est toutefois d arriver à ce que les propriétaires actuels réalisent les travaux requis. Ceci suppose aussi des mesures incitatives. La dernière OPAH s est achevée en 2011 et a été remplacée par un autre dispositif dans lequel les subventions de l ANAH sont plus faibles et ciblées uniquement sur des logements locatifs sociaux. La possibilité d obtenir une réduction d impôts (Malraux) constitue une incitation offerte par l ORI, mais il n est pas sûr que les propriétaires actuels puissent en bénéficier. Compte tenu de la lourdeur des travaux à réaliser et de la rentabilité incertaine d une telle opération, il me paraît souhaitable que les aides qui ont été proposées aux propriétaires par le passé soient à nouveau proposées à l occasion de la prescription des travaux qui suivra la déclaration d utilité publique. Une telle proposition serait de nature à préserver de manière raisonnable les droits des propriétaires actuels, dans l hypothèse où ils souhaiteraient garder la propriété de leurs biens. 1 OPAH : opération programmée d amélioration de l habitat. L OPAH est l outil principal mis en œuvre conjointement par l ANAH et les collectivités pour réhabiliter les centres urbains dégradés.
4 La question d un éventuel changement de destination des immeubles du périmètre de l ORI a été évoquée. Compte tenu de la valeur architecturale et patrimoniale des immeubles, il paraît exclu de les raser, ce qui est d ailleurs formellement interdit par le règlement de l AVAP pour la majorité des immeubles. Par ailleurs, il n y a pas de projet d implantation d activités (bureau, services) au stade actuel. Le maintien de la destination actuelle des immeubles (habitation), qui constitue le fondement de l ORI, paraît donc justifié. L immeuble situé 37 rue de l Armillerie, même si son intérêt patrimonial est moins éminent que celui d autres immeubles de l îlot Mouton appartenant au même propriétaire et si son état intérieur est moins délabré, n en demeure pas moins, à en juger par l étude de l ORI, un immeuble dans lequel des travaux de réhabilitation importants doivent être réalisés, tant pour le rendre décemment habitable que pour préserver ses éléments architecturaux. Cet immeuble participe en outre à la cohérence du projet de réhabilitation globale de l îlot Mouton. Il paraît donc justifié qu il soit inclus dans le périmètre de l ORI en dépit de l avis contraire du propriétaire. La ville de Romans a indiqué que deux immeubles (l un étant déjà sa propriété, l autre appartenant à un organisme public HLM) qui font géographiquement partie de l îlot Mouton sans être inclus dans le périmètre de l ORI seront cédés au porteur d un projet de réhabilitation globale de l îlot. La cohérence globale du projet est ainsi garantie sans qu il soit nécessaire que les deux immeubles soient inclus dans le périmètre de l ORI. Par ailleurs, la ville de Romans a indiqué que le petit jardin inclus dans sa propriété précitée pourrait être ouvert à la vue des riverains, ce qui répond à une attente dans un quartier où les espaces verts font défaut. Dans l hypothèse où les propriétaires renonceraient à réaliser les travaux prescrits dans le cadre de l ORI, la commune devrait acquérir (à l amiable ou par expropriation) les immeubles concernés et supporter le déficit résiduel de l opération globale de restauration des immeubles. Compte tenu des estimations faites dans le cadre de l étude de l ORI, de la convention conclue avec un établissement public foncier et des recherches de financement en cours auprès d autres institutions, l ORI ne devrait pas générer un coût financier trop important pour le budget de la commune. L utilité publique d un projet doit être appréciée au regard du bilan de ses avantages et de ses inconvénients. Les avantages des travaux de restauration immobilière de l îlot Mouton (sauvegarde du patrimoine historique et architectural, redynamisation du quartier, rééquilibrage vers le haut de la mixité sociale, effet favorable sur la sécurité publique, effet favorable pour la revitalisation économique du quartier, effet favorable pour le développement du tourisme, ouverture à la vue des passants d un petit espace vert, suppression du périmètre de sécurité interdisant la circulation devant la façade de la maison du Mouton) me paraissent prévaloir en face de ses inconvénients (atteinte au droit de la propriété pour les propriétaires actuels des immeubles, nuisances liées aux travaux, coût financier limité pour la collectivité, accroissement possible des difficultés de stationnement dans les rues du quartier).
5 Dans ces conditions, j émets un avis favorable à la déclaration d utilité publique des travaux de réhabilitation dans le cadre de l opération de restauration immobilière (ORI) présentée par la ville de Romans-sur-Isère concernant des immeubles du centre historique (îlot Mouton). Je recommande toutefois qu il soit proposé aux propriétaires, lors de la prescription des travaux d utilité publique à réaliser, des aides financières ou fiscales équivalentes à celles qui ont pu leur être proposées dans le cadre de la dernière opération programmée d amélioration de l habitat (OPAH) 2007-2011. Fait le 5 mars 2015, Yves Debouverie Commissaire enquêteur