DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET EMPLOI : L exemple tunisien



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Transcription:

DROIT DE LA SECURITE SOCIALE ET EMPLOI : L exemple tunisien Nouri Mzid Doyen de la Faculté de Droit de Sfax Le droit de la sécurité sociale est avant tout un droit de la solidarité. En effet, cette notion annoncée aujourd hui par la constitution comme l une des valeurs qui doivent être ancrées par l Etat et la société 1, a toujours été, et reste encore, au cœur du droit de la sécurité sociale. De ce point de vue, la sécurité sociale ne doit pas être conçue simplement comme une charge économique, mais surtout comme «un ensemble de mécanismes de solidarité collective fondés sur une redistribution des revenus» 2. Par cette finalité, le droit à la sécurité sociale se présente aujourd hui comme l une des composantes indissociables de l ensemble des droits de l homme 3. Cette affirmation est d autant plus actuelle que les mutations profondes engendrées par la privatisation et la libéralisation des échanges à l échelle nationale et internationale ont rendu la sécurité sociale plus que jamais sollicitée dans sa fonction de garde-fou contre les effets néfastes d une mondialisation déshumanisée. Traditionnellement, la sécurité sociale est définie par référence à la notion de «risques inhérents à la nature humaine» 4 tels que la maladie, la vieillesse, l invalidité, le décès etc. 5 Or, aujourd hui, la 1 2 3 4 5 L article 5 de la Constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle n 2002-51 du 1 er juin 2002, annonce que «l Etat et la société ouvrent à ancrer les valeurs de solidarité, d entraide et de tolérance entre les individus, les groupes et les générations». A. Euzéby, «Sécurité sociale : une solidarité indispensable», Revue internationale de sécurité sociale, vol.50, 3/97, p.3. C.f. J. Rivéro, «Sécurité sociale et droits de l homme», Rev. Fr. des affaires sociales, juillet-septembre 1985, p. 37. Article 1 er de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960 relative à l organisation des régimes de sécurité sociale. C.f. A. Mouelhi, Droit de la sécurité sociale, 2 ème éd. Tunis 2005. Du même auteur : Modèles et logiques de la couverture sociale en droit tunisien, th. Bordeaux I, 1989.

sécurité sociale est de plus en plus confrontée à d autres risques liés à la sélectivité du marché du travail et à la précarité de l emploi. Ces risques qui sont essentiellement économiques, du point du vue de leurs causes, ont des répercussions sociales évidentes 6. En effet, il n est pas excessif de dire que le chômage et le sousemploi sont devenus aujourd hui les principaux facteurs qui menacent la stabilité et la cohésion sociale. «Le clivage social est de moins en moins entre le capital et le travail et de plus en plus entre ceux qui travaillent et bénéficient d un revenu stable et ceux qui sont sousemployés ou en chômage» 7. L exigence de l emploi est devenue alors l un des paramètres essentiels de la législation sociale 8. Elle constitue l élément moteur de la politique sociale dans tout pays ayant opté pour un développement économique à visage humain. «Un homme n est pas pauvre parce qu il n a rien, mais parce qu il ne travaille pas» 9. Cette citation de Montesquieu traduit l idée que l emploi est conçu comme un facteur de dignité de la personne 10. Il contribue à dessiner ce qui fait l «humanité» de l homme, et constitue le socle qui lui permet d être reconnu ; le fondement de sa citoyenneté sociale. En réalité, l emploi est beaucoup plus que la simple justification d un salaire. Il ne désigne pas seulement un objet d échange, mais surtout un statut professionnel. Sous ce sens, la notion d emploi se présente comme la traduction d un lien étroit entre le travail et la sécurité des personnes 11. Ainsi, à travers les 6 7 8 9 10 11 Sur l impact de la crise économique sur la sécurité sociale, voir : T.P. Dumont, L impact de la crise économique sur les systèmes de protection sociale, éd. Economica 1987, E. Bouslah, «Crise de la sécurité sociale et insécurité», R.T.D. 2004, p. 235. M. ENNACEUR, «Le devenir du travail dans un monde en mutations», Revue tunisienne de Droit social, n 9, 2004, p.23. C.f. N. MZID, «Du droit du travail au droit de l emploi», Etudes juridiques n 8, p.115. Voir aussi la revue Travail et développement ; n 18-19, 2000 ( n spécial sur le thème : législation sociale et emploi). Montesquieu, L esprit des lois, Flammarion, 1979, p.134-135. C.f. D. Asquinazi-Bailleux, «Droit à l emploi et dignité», in Ethique, Droit et dignité de la personne, Mélanges Christian Bolze, éd. Economica, 1999, p.123. C.f. A. SUPIOT, «Du bon usage des lois en matière d emploi», Droit social, 1997, p.238.

mécanismes de la sécurité sociale, l emploi inscrit son titulaire dans une solidarité financière face aux risques d altération de sa capacité de gain. Il n est pas étonnant alors de constater que le droit de la sécurité sociale, agissant en synergie avec le droit du travail et le droit de la formation professionnelle, est de plus en plus tourné vers la promotion de l emploi et la protection des travailleurs face au risque du chômage. En effet, le droit de la sécurité ne s adresse plus seulement aux salariés titulaires d un emploi et bénéficiant d un statut bien déterminé, mais aussi à ceux qui sont dépourvus d un tel statut car ils n ont pas encore eu la possibilité d accéder à la vie professionnelle ou se trouvent exclus de leur travail pour un motif indépendant de leur volonté. A cet égard, on a pu parler d une «instrumentalisation» du droit de la sécurité sociale par la politique étatique en matière d emploi 12. Il en découle une rénovation du système de sécurité sociale qui se traduit par des changements profonds affectant à la fois ses fonctions et les mécanismes qu il institue pour les réaliser. Ainsi, le système de sécurité sociale ne repose plus seulement sur la notion d assurance établissant un lien d équivalence entre les cotisations payées et les prestations allouées aux assurés sociaux. Il est aussi animé par un esprit de solidarité en faveur des personnes qui risquent d être exclues du domaine de la couverture sociale, étant exposées à des difficultés d insertion professionnelle ou menacées de perdre leur emploi pour des raisons économiques. Une double dimension peut ainsi être dégagée à travers l analyse de l évolution du droit de la sécurité sociale à l épreuve des problèmes de l emploi; celle d inciter à l accès à l emploi, d une part (I) et celle d instituer une protection sociale en faveur des personnes exclues de leur emploi, d une autre part (II). 12 C.f. A. MOULHI, «Le droit de la sécurité sociale à l épreuve des problèmes de l emploi», Revue Travail et développement, n 18-19, 2000, p. 19 ; R. ACHOUR, La sécurité sociale et l emploi, mém. Mastère en droit des affaires, Fac. de droit et des sc. éco. et polit. de Sousse, 2004-2005.

I- L INCITATION A L EMPLOI PAR LE DROIT DE LA SECURITE SOCIALE Dans une conjoncture économique marquée par le phénomène du chômage, la législation sociale est de plus en plus «instrumentalisée» en vue de promouvoir l emploi. Cette tendance générale marque aussi bien le droit du travail que le droit de la sécurité sociale. Elle s exprime par un ensemble de techniques juridiques portant encouragement à l emploi, se traduisant par des mesures multiples et variables. Certaines techniques sont d ordre général, en ce sens qu elles ne s adressent pas à une catégorie particulière de demandeurs d emploi (A). D autres techniques sont spécifiques, s adressant à certaines catégories de demandeurs d emploi exposés à des difficultés particulières d insertion ou de réinsertion sur le marché du travail. On peut les qualifier de techniques ciblées d incitation à l emploi (B). A- Les techniques d incitation à l emploi à caractère général On a souvent accusé la sécurité sociale d être un obstacle à l emploi à cause du système de son financement reposant essentiellement sur des cotisations assises sur les salaires 13. Ces cotisations sont souvent considérées par les chefs d entreprise comme étant des charges sociales très lourdes. Elles risquent d affaiblir la compétitivité de l entreprise et d avoir ainsi une incidence négative sur sa capacité d embauche 14. 13 14 Voir les dispositions de l article 42 de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960 relative à l organisation des régimes de sécurité sociale. Notons que, selon le régime général de sécurité sociale, applicable aux salariés du secteur privé, le taux des cotisations sociales est fixé actuellement à 23,75 % du salaire. A cela s ajoute un taux de cotisation relative au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles qui varie selon les secteurs d activité entre 0.4 % et 4 % (v. le décret n 95-538 du 1 er avril 1995, modifié par le décret n 99-1010 du 10 mai 1999). C.f. A EUZEBY, «Les charges sociales et l emploi : allègement ou rationalisation?», Revue internationale du travail, vol. 134, n 2, 1995 p. 249 ; du même auteur : «L allègement des charges sociales patronales ; quel espoir pour l emploi?», Dr. Soc. 2000 p. 368. V. aussi, H. AMOURI, «L incidence des cotisations patronales de sécurité sociale sur l emploi : faux problèmes ou vrai enjeu?». Rev. tunisienne de droit social, n 10, 2004, p. 129.

Pour cette raison, l allègement de ces charges sociales a toujours été présenté comme l une des principales revendications patronales en matière de politique sociale. En réponse à cette revendication, le législateur est intervenu, d abord, pour introduire plus de souplesse dans les dispositions de l article 42 de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960. Cet article, dans sa version ancienne, définissait de façon très rigide l assiette des cotisations sociales, en prévoyant que toutes les sommes directes ou indirectes, en espèces ou en nature, perçues par les salariés sont soumises à cotisations, à l exception des dommages-intérêts accordés judiciairement à l occasion de la rupture du contrat de travail. Faisant l objet d une modification en 1995 15, l article 42 (nouveau) prévoit désormais la possibilité d exclure certains éléments de l assiette des cotisations, dans un esprit d alléger les charges sociales des entreprises. En effet, cet article dispose que «sont entièrement ou partiellement exclus de l assiette de cotisations les avantages revêtant un caractère de remboursement de frais, d indemnisation ou d action sociale, culturelle et sportive au profit du salarié. La liste des avantages exclus de l assiette des cotisations, ainsi que les taux et plafonds d exemption sont fixés par décret». En application de cette disposition, les textes se sont succédés pour arrêter la liste des éléments exclus de l assiette des cotisations, en élargissant chaque fois d avantage cette liste 16. Par ailleurs, la quote part patronale au financement des régimes de sécurité sociale a été réduite de deux points en vertu de la loi n 97-4 du 3 février 1997. Cette même loi a prévu la possibilité d une réduction du taux de cotisation au profit des employeurs «qui assurent à leurs salariés ainsi qu à leurs ayants droit une couverture totale ou partielle des soins de santé dans le cadre d un régime conventionnel» 17. 15 16 17 Loi n 95-101 du 27 novembre 1995. Le premier décret pris en la matière était le décret n 96-341 du 6 mars 1996. Il a été modifié par le décret n 99-1011 du 10 mai 1999, avant d être abrogé et remplacé par le décret n 2003-1098 du 19 mai 2003. Art. 1 er de la loi n 97-4 du 3 février 1997 ayant modifié l art. 41 de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960. Voir en application de cette disposition, le décret n 97-1645 du 25 août 1997.

Outre l allègement des charges sociales, d autres mesures d incitation indirecte à l emploi sont consacrées par le droit de la sécurité sociale, consistant surtout à agir sur le volume d emploi existant. Dans ce cadre, on peut mentionner notamment les restrictions relatives à l emploi des retraités. Ainsi, les agents soumis au droit de la fonction publique sont, en principe, tenus de quitter leur fonction à l âge de la retraite, fixé normalement à 60 ans, et ne peuvent être maintenus en activité au delà de cet âge qu exceptionnellement, par décret pris à la lumière d un rapport motivé du ministère de tutelle 18. Quant aux salariés du secteur privé, la loi a prévu un régime plus souple qui laisse à l assuré social la possibilité d être maintenu en activité au delà de l âge de 60 ans, en exigeant éventuellement l homologation de l inspection du travail. Mais dans tous les cas, le bénéfice du droit à la retraite est subordonné à la condition de l arrêt de l activité professionnelle par le salarié 19. Pour consolider les restrictions relatives à l emploi des retraités, la loi n 87-8 du 6 mars 1987 est venue interdire le cumul entre la pension de retraite et tout revenu permanent sous forme de salaire ou traitement 20. L objectif est clair : il s agit de libérer des postes d emploi qui étaient occupés par des personnes âgées en vue de promouvoir l emploi des jeunes. Cet objectif traduit dans une certaine mesure l idée de partage de travail en vue d une régulation du marché de l emploi par une redistribution du revenu salarial. Mais les techniques indirectes d incitation à l emploi restent souvent peu efficaces, notamment lorsqu il s agit de soutenir l insertion professionnelle de certaines catégories de demandeurs d emploi qui souffrent de la sélectivité très poussée du marché du travail. Pour cette raison, le droit de la sécurité sociale a tendance à intervenir de manière ciblée, par des techniques directes portant encouragement à l emploi de ces personnes. B- Les techniques ciblées d incitation à l emploi Parmi les personnes qui sont souvent pénalisées par la sélectivité du marché du travail, on doit mentionner en premier lieu les 18 19 20 Voir les dispositions de la loi n 85-12 du 5 mars 1985 portant régime des pensions civiles et militaires de retraite et des survivants dans le secteur public. Art. 14 et 15 de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960. La loi prévoit, toutefois, certaines exceptions à la règle de l interdiction de cumul entre la pension de retraite et le revenu professionnel. Voir à ce sujet le décret n 87-338 du 6 mars 1987 pris en application de cette loi.

personnes handicapées. Le législateur leur accorde une attention particulière en vue de faciliter leur insertion professionnelle 21. A ce niveau aussi, il procède par la technique d exonération du versement des charges sociales patronales, comme moyen d incitation à l emploi des handicapés. Cette exonération peut être partielle ou totale, selon le degré d handicap 22. D autres techniques ciblées s adressent aux jeunes primodemandeurs d emploi dont l insertion professionnelle est surtout facilitée par des incitations financières multiples, à travers des contrats de formation et d adaptation professionnelle réglementés par un arsenal juridique spécifique. Ainsi, par exemple, en matière d apprentissage, la loi prévoit que l indemnité allouée par l entreprise à l apprenti, pendant la durée du contrat, est totalement exonérée des prélèvements au titre de la sécurité sociale 23. En outre, l assurance contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des apprentis est prise en charge par l Etat et financée par le fonds des accidents du travail 24. Du reste, en cas de recrutement de l apprenti en tant que salarié, à l issue de son contrat d apprentissage, l entreprise bénéficie d une exonération de la contribution patronale au titre des cotisations sociales durant une année 25. 21 22 23 24 25 Voir les dispositions de la loi n 2005-83 du 15 août 2005 relative à la promotion et à la protection des personnes handicapées. Cette loi, ayant abrogé et remplacé la loi n 81-46 du 29 mai 1981, a prévu un ensemble de dispositions favorisant l emploi des personnes handicapées. A cet effet, elle dispose que «toute entreprise publique ou privée employant habituellement 100 travailleurs et plus, est tenue de réserver un taux de 1 % au moins des postes de travail à des personnes handicapées munies de la carte d handicapé «(Art. 30). Art. 34 de la loi n 2005-83 du 15 août 2005. En application des dispositions de cette loi, l article 9 du décret n 2005-3087 du 29 novembre 2005 a fixé comme suit les taux d exonération : - la moitié des contributions patronales pour la personne porteuse d un handicap léger. - les 2/3 des contributions patronales pour la personne porteuse d un handicap moyen. - la totalité des contributions patronales pour la personne porteuse d un handicap profond. Art. 24 de la loi n 93-10 du 17 février 1993 portant loi d orientation de la formation professionnelle. Art. 27 de la loi précitée du 17 février 1993. Art. 1 er de la loi n 81-75 du 9 août 1981 relative à la promotion de l emploi des jeunes, telle que modifiée et complétée par la loi n 93-17 du 22 février 1993.

De même, les entreprises qui accueillent des jeunes en stage d insertion professionnelle, dans le cadre d un contrat emploiformation ou d un contrat de stage d initiation à la vie professionnelle, bénéficient d une exonération de la contribution patronale aux titres des cotisations sociales durant le stage. Ces jeunes stagiaires sont couverts par le régime de sécurité sociale applicable aux étudiants tel que défini par la loi n 65-17 du 28 juin 1965, nonobstant la limite d âge prévue par cette loi 26. Ils sont couverts, en outre, par le régime de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les prestations dues dans le cadre de ce régime sont prises en charge par le fonds des accidents du travail et des maladies professionnelles 27. Enfin, pour inciter au recrutement de ces jeunes en tant que salariés au terme de leur stage, la loi prévoit en faveur de l entreprise une exonération de la contribution patronale au titre des cotisations sociales pendant deux ans lorsque le recrutement est effectué après un stage accomplis dans le cadre d un contrat emploi-formation, et pendant une année si le recrutement est effectué après un stage d initiation à la vie professionnelle 28. Mais le taux d insertion professionnelle des jeunes stagiaires à l issue de leur période de stage reste relativement limité 29, et il s agit souvent d une «insertion» temporaire sous forme de contrats de travail à durée déterminée. Tenant compte des limites du modèle d insertion professionnelle par les techniques de pré-emploi, notamment pour les diplômés de l université, le législateur a prévu en faveur de ces derniers d autres 26 27 28 29 Art. 1 er al. 2 de la loi n 88-6 du 8 février 1988 relative à la couverture des stagiaires en matière de sécurité sociale. Art. 1 er al. 4 de la même loi. Art. 1 er de la loi n 81-75 du 9 août 1981 relative à la promotion de l emploi des jeunes, modifiée et complétée par la loi n 93-17 du 22 février 1993. Pour consolider cet objectif lié au recrutement des stagiaires, le décret n 93-1049 du 3 mai 1993 a prévu que l accueil de nouveaux stagiaires par une entreprise est subordonné à la condition que cette entreprise recrute, parmi ces stagiaires, un nombre correspondant au moins à un taux fixé par arrêté du ministre chargé de l emploi. (Art. 10). Ce taux est actuellement fixé à 25 % de l ensemble des jeunes ayant terminé leur stage dans l entreprise au cours des trois dernières années (Art. 2 de l arrêté du 15 juin 1995). Ce taux se situe généralement entre 60 et 70 %. C. f. N. MZID, «Le cadre juridique de l insertion professionnelle des diplômés de l université», in Insertion professionnelle des diplômés de l université, ouv. collectif, coordonné par A. AMMOUS, A. CHAABANE et A. GHORBAL, pub. Ardès et Fondations Friedrick Ebert, 2006, p. 194.

mesures d emploi assisté. Ces mesures impliquent une prise en charge par l Etat, partiellement ou totalement, de la contribution patronale des cotisations sociales. Ainsi, le Code d incitations aux investissements dispose qu en vue d améliorer l encadrement des entreprises et d assurer une meilleure utilisation de leur capacité de production, l Etat peut prendre en charge, durant une période de cinq ans, 50 % de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale. Cette mesure s applique au titre des recrutements effectués dans le cadre des équipes de travail nouvellement créées et parmi les diplômés de l enseignement supérieur 30. L article 43 bis du même Code, tel que modifié par la loi de finances pour l année 2005, prévoit aussi que les entreprises exerçant des activités relevant du Code d incitations aux investissements peuvent bénéficier, durant une période de sept ans, de la prise en charge par l Etat de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale, au titre des nouveaux recrutements d agents tunisiens titulaires d un diplôme de l enseignement supérieur, et ce à compter de la date de recrutement de l agent pour la première fois 31. Ces mesures s appliquent aux nouveaux recrutements réalisés durant la période allant du 1 er janvier 2005 au 31 décembre 2009 32. L article 21 de la loi de finances pour l année 2005 a prévu d octroyer le même avantage, selon les mêmes conditions, au titre des nouveaux recrutements de diplômés de l enseignement supérieur par les associations de développement, les associations autorisées à 30 31 32 Art. 43 du Code d incitations aux investissements. Voir le décret n 94-493 du 28 février 1994 relatif à la détermination de la liste des activités de services bénéficiant des encouragements prévues par cet article. Le taux de cette prise en charge est fixé comme suit : 100 % durant les deux premières années. 85 % durant la 3 ème année. 70 % durant la 4 ème année. 55 % durant la 5 ème année. 40 % durant la 6 ème année. 25 % durant la 7 ème année. Art. 20 de la loi de finances pour l année 2005. Signalons que le décret n 2005-1857 du 27 juin 2005 est venu fixer les modalités et les procédures d application des dispositions de l article 43 bis (nouv.) du Code d incitations aux investissements.

octroyer les micro crédits, les associations de diffusion de la culture numérique et les associations de soutien aux handicapés 33. Par ailleurs, dans le cadre des incitations au développement régional, la loi a prévu une prise en charge par l Etat de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale, durant cinq ans, au titre des salaires versés aux employés tunisiens, et ce à partir de la date d entrée en activité effective pour les investissements réalisés dans les secteurs de l industrie, du tourisme et des services 34. Cette prise en charge de la contribution patronale est renouvelée pour une période supplémentaire de cinq ans lorsque ces investissements sont réalisés au titre du développement régional pour le tourisme saharien 35, ainsi que pour les investissements réalisés dans les zones de développement régional prioritaires 36. Enfin, les salariés ayant perdu leur emploi pour des raisons économiques ou technologiques ont aussi besoin d une protection juridique ciblée en vue de faciliter leur réinsertion professionnelle. En effet, ces salariés sont souvent exposés à une double exclusion engendrée par l impact des aléas économiques : être exclus de leur emploi pour un motif totalement indépendant de leur volonté et par là même être exclus du système de la couverture sociale. Cette situation très précaire a justifié l intervention du législateur par des mesures spécifiques en vue de faciliter leur réinsertion professionnelle. A cet effet, la loi de finances pour l année 2005 a prévu que les entreprises du secteur privé qui procèdent dans le cadre d un contrat de réinsertion professionnelle au recrutement de salariés ayant perdu leur emploi pour des raisons économiques ou techniques ou suite à la fermeture définitive ou subite de l entreprise, peuvent bénéficier pendant une année d une double prise en charge par l Etat : la prise en charge d un taux de 50% du salaire versé à la recrue, dans la limite de 33 34 35 36 Voir le décret n 2005-1856 du 27 juin 2005 fixant les modalités d application de l article 21 de la loi de finances pour l année 2005. Art. 25 du Code d incitations aux investissements. Ajouté par l article 2 de la loi n 99-4 du 11 janvier 1999. Ajouté par l article 19 de la loi de finances pour l année 2005. Selon cet article, la prise en charge par l Etat est fixée selon un taux dégressif comme suit : 80 % durant la 1 ère année. 65 % durant la 2 ème année. 50 % durant la 3 ème année. 35 % durant la 4 ème année. 20 % durant la 5 ème année.

200 dinars par mois, et la prise en charge de la contribution patronale au titre du salaire alloué par l entreprise à la recrue 37. Toutes ces mesures directes et indirectes d incitation à l emploi attestent que le droit de la sécurité sociale, comme le droit du travail, n a cessé de subir l attraction de la politique étatique de promotion de l emploi, ce qui a engendré parfois l aménagement de ses fonctions traditionnelles et l adaptation de ses principes contraignants en vue de faciliter l insertion professionnelle des personnes concernées. Mais les mutations du droit de la sécurité sociale ne se limitent pas à cette attraction de la politique de promotion de l emploi. Elles se manifestent aussi à travers d autres fonctions nouvelles dictées par l émergence de nouveaux besoins liés à l assistance sociale des personnes privées de leur emploi. II- L INTERVENTION DE LA SECURITE SOCIALE POUR L ASSISTANCE DES PERSONNES PRIVEES D EMPLOI Si l accès à l emploi est considéré comme un facteur de dignité de la personne humaine 38, la perte de l emploi constitue à l évidence une source d insécurité et d exclusion sociale, menaçant tout salarié sous l effet des mutations économiques et des contraintes du marché. Mais la législation sociale ne laisse pas sans protection les travailleurs privés de leur emploi pour des motifs économiques ou technologiques. A cet effet, la sécurité sociale est aussi sollicitée dans sa fonction du garde-fou contre les effets néfastes de la perte de l emploi due aux difficultés économiques aux quelles sont confrontées les entreprises. Cette fonction se traduit, essentiellement, par la prise en charge des créances salariales dues aux travailleurs licenciés pour des raisons économiques (A) ainsi que l institution d une couverture sociale minimale en faveur de ces travailleurs par des mécanismes d assistance venant atténuer la défaillance d un système d assurancechômage en droit tunisien (B). 37 38 Article 22 de la loi n 2004-90 du 31 décembre 2004 portant loi de finances pour l année 2005. C.f. D. Asquinazi-Bailleux, art. préc.

A- La prise en charge des créances salariales par la sécurité sociale La protection des créances salariales repose traditionnellement sur les mécanismes de privilège et de super-privilège, institués par la loi en raison de la nature alimentaire de ces créances 39. Mais cette garantie n est pas toujours suffisante pour assurer efficacement le paiement des créances salariales. Pour cette raison, la loi n 96-10- du 18 novembre 1996 40 est venue introduire un dispositif protecteur spécifique, en attribuant à la caisse nationale de sécurité sociale une fonction nouvelle ; celle de garantir le paiement des créances salariales dues aux travailleurs victimes de licenciement pour cause économique. Mais cette nouvelle fonction attribuée à la caisse de sécurité sociale revêt un caractère exceptionnel par rapport à sa fonction traditionnelle qui est la couverture des travailleurs et leurs familles contre les risques sociaux «inhérents à la nature humaine» 41. Aussi, l intervention de la sécurité sociale dans ce domaine estelle tributaire de certaines conditions soulignant le caractère subsidiaire de cette fonction de prise en charge des créances salariales par la C.N.S.S 42. En effet, ne peuvent bénéficier de cette prise en charge que les salariés licenciés pour des raisons économiques ou technologiques 43. 39 40 41 42 43 Sur ce sujet, voir : البشير المنوبي الفرشيشي "إمتياز الا جراء" ضمن مو ل ف جماعي بعنوان تا ثير القرن العشرين في القانون التونسي الخاص تونس 2000 ص. 129. Voir aussi : K. BAKLOUTI, La protection juridique du salaire, mémoire DEA en droit des affaires, Fac. De Droit de Sfax, 1996-1997. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi n 2002-24 du 27 février 2002. Selon l expression employée par l article 1 er de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960 relative à l organisation des régimes de sécurité sociale. Comme l a précisé le décret n 97-1926 du 29 septembre 1997 pris en application des dispositions de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996, les créances salariales susceptible d être prises en charge par la CNSS concernent : les salaires et accessoires impayés, les congés payés non réglés, les préavis de licenciement et la gratification de fin de service dans la limite des sommes fixées conformément aux dispositions du Code du travail (Art. 5 nouveau du décret n 97-1926 du 29 septembre 1997, tel que modifié par le décret n 2002-887 du 22 avril 2002). Art.2 de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996. Mais le domaine d intervention de la CNSS ne couvre pas les travailleurs licenciés par les entreprises publiques habilitées à bénéficier de l intervention du fonds de restructuration des

Peu importe le caractère régulier ou non du licenciement, puisque le législateur a élargi, depuis 2002, le domaine d intervention de la caisse aux travailleurs ayant perdu leur emploi suite à «la fermeture définitive et inopinée de l entreprise sans respect des procédures prévues au Code du travail» 44. Par ailleurs, le législateur exige que l entreprise soit en état de cessation de paiement. L article2 (nouveau) de la loi du 18 novembre 1996 dispose, en effet, que «la caisse nationale de sécurité sociale prend en charge les indemnités dues aux travailleurs ainsi que les droits légaux leur revenant, au cas où il est établi qu ils ne peuvent recouvrer les sommes qui leurs sont dues en raison de cessation de paiement de l entreprise». Cette condition implique que l entreprise se trouve dans l incapacité de faire face à son passif par son actif disponible 45. Le décret n 97-1926 du 29 septembre 1997 limite encore d avantage le domaine de la prise en charge des créances salariales par la sécurité sociale. En effet, aux termes de l article2 (nouveau) de ce décret, «l intervention de la caisse nationale de sécurité sociale se limite aux cas suivants : - la faillite de l entreprise - la fermeture définitive de l entreprise et l inexistence d un actif suffisant susceptible de couvrir ses dettes - la liquidation de l entreprise par la voie judiciaire ou en vertu d une décision administrative avec constat des difficultés de cession de son patrimoine de nature à retarder le règlement des indemnités et des droits dus aux travailleurs». Les cas mentionnés sont déterminés d une manière limitative, ce qui semble exclure l intervention de la CNSS dans d autres cas dans lesquels les salariés peuvent être licenciés pour des raisons économiques, tels que les cas de rupture du contrat de travail en 44 45 entreprises publiques. (Art.2 nouveau du décret n 97-1926 du 29 septembre 1997). Art.2 (nouveau) de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996. Selon l article 18 al.2 (nouveau) de la loi n 95-34 du 17 avril 1995 relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, telle que modifiée par la loi n 2003-79 du 29 décembre 2003 : «est considérée en état de cessation de paiement ( ) notamment toute entreprise qui se trouve dans l impossibilité de faire face à son passif exigible avec ses liquidités et actifs réalisables à court terme».

période d observation ou lors de l élaboration d un plan de redressement. Du reste, le montant de la créance salariale, légalement dû et impayé, ne sera pris en charge par la caisse qu à la condition de «faire l objet d un jugement ayant acquis la force de la chose jugée régulièrement notifiée» 46. Cette condition a été ajoutée par le décret n 2002-887 du 27 avril 2002 ayant modifié le décret n 97-1926 du 29 septembre 1997. Dans sa version initiale, l article5 de ce décret prévoyait une solution plus souple selon laquelle la créance salariale est prise en charge par la CNSS du moment où elle a fait «l objet d une décision définitive de justice régulièrement notifiée ou d un procès verbal de l accord établi par l inspection du travail ou d un procès verbal de la réunion de la commission de contrôle du licenciement formellement reconnu et accepté». La modification apportée à l article5 du décret du 29 septembre 1997 confirme le caractère exceptionnel de l intervention de la CNSS dans ce domaine. Mais la solution consacrée par cet article depuis sa modification en 2002 n encourage pas les parties à mettre fin à leur conflit par un accord à l amiable devant l inspection du travail ou la commission de contrôle du licenciement, ce qui risque de prolonger la procédure et alourdir le fardeau des tribunaux. Or, le caractère alimentaire des créances salariales exige normalement de simplifier au maximum la procédure de leur prise en charge par la CNSS. Si les conditions requises sont remplies, la CNSS est tenue de prendre en charge le paiement des créances salariales. Mais ce paiement ne doit pas dispenser l employeur d être toujours débiteur des montants pris en charge par la caisse. C est la raison pour laquelle, celle-ci «est subrogée aux travailleurs dans leurs droits vis-à-vis de l entreprise débitrice» 47. Cette subrogation entraîne un effet translatif : dès le paiement, la créance due au salarié est transmise avec ses garanties et ses accessoires à la CNSS 48. La fonction de garantie des créances salariales attribuée à la CNSS semble se justifier surtout par la finalité sociale de cette 46 47 48 Art.5 (nouveau) du décret n 97-1926 du 29 septembre 1997. Art.3 de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996. L art.4 de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996 précise que les créances de la CNSS en la matière bénéficient du privilège accordé aux salariés en vertu de la législation en vigueur.

institution et par les prérogatives exceptionnelles dont elle dispose pour le recouvrement de ses créances par le moyen des états de liquidation 49. Mais la diversification des fonctions de la sécurité sociale face aux problèmes d insécurité de l emploi ne se limite pas à ce rôle en tant qu organe d assurance chargé de garantir le paiement des créances salariales des personnes victimes de licenciement économique. Elle se traduit aussi par l intervention de la sécurité sociale pour garantir une couverture sociale minimale en faveur de ces personnes se trouvant en chômage indépendamment de leur volonté. B- L institution d une couverture sociale minimale en faveur des personnes privées d emploi Le droit de la sécurité sociale s est préoccupé depuis longtemps des conséquences fâcheuses aux quelles sont exposés les salariés en cas de perte d emploi. Ainsi, il a institué, en 1982, un système de retraite anticipée en faveur des personnes victimes de licenciement pour cause économique 50. Mais, contrairement à d autres pays où le chômage est considéré comme un risque couvert par la sécurité sociale, le droit tunisien n a pas prévu en faveur de ces personnes un système d assurance-chômage. Cependant, la défaillance d un tel système est aujourd hui atténuée à travers des mécanismes d assistance spécifiques aux salariés victimes de licenciement économique, sous forme de maintien des prestations familiales et du droit aux soins, d une part, et éventuellement l octroi d aides sociales, d autre part. 49 50 Dès versement des sommes dues aux salariés, la CNSS procède à l émission d une mise en demeure à l encontre de l entreprise débitrice à l effet de régulariser sa situation dans un délai de 15 jours. A défaut de paiement des sommes dues, la caisse émet à l encontre de cette entreprise des états de liquidation rendus exécutoires par le ministre des affaires sociales. Ces états de liquidation sont exécutoires nonobstant opposition. (Art.4 de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996 et art.8 du décret n 97-1926 du 29 septembre 1997). Voir les dispositions de l article 15 bis du décret n 74-499 du 27 avril 1974 relatif au régime des pensions de vieillesse, d invalidité et de survivants dans le secteur non agricole. Cet article a été ajouté par le décret n 82-1030 du 15 juillet 1982. Voir aussi les dispositions de l article 21-9 du Code du travail prévoyant la possibilité de départ à la retraite anticipée comme solution alternative au licenciement économique.

Le bénéfice des prestations familiales et des prestations de soins est normalement conditionné par le paiement des cotisations sociales. Or, étant privé de son emploi et de son revenu professionnel, le salarié licencié ne cotise plus à la sécurité sociale et risque alors d être privé des prestations accordées par celle-ci. Mais, le système moderne de sécurité sociale ne repose plus seulement sur la notion d assurance qui établit un lien d équivalence entre les cotisations payées et les prestations escomptées. Il est aussi animé part un esprit de solidarité en faveur des personnes appartenant à des catégories sociales vulnérables, comme c est le cas des salariés victimes de licenciement pour cause économique. Ainsi, aux termes de l article7 de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996, «nonobstant les dispositions de la loi n 60-30 du 14 décembre 1960, relative à l organisation des régimes de sécurité sociales, le bénéfice des prestations de soins, des allocations familiales et de la majoration pour salaire unique est maintenu au profit des travailleurs régis par la loi susvisée et licenciés pour des raisons citées à l article 2 de la présente loi, au titre des quatre trimestres suivant celui au cours duquel ils ont cessé leur activité». L octroi de ces prestations est subordonné à la double condition que le licenciement soit constaté par l inspection du travail et que le travailleur concerné n ait pas exercé au cours de l année suivant son licenciement une activité assujettie à un régime de sécurité sociale ouvrant droit aux mêmes prestations 51. Quoi que précaire, le maintien de ces prestations de façon exceptionnelle et non contributive atteste à l évidence la volonté du législateur d assurer un minimum de sécurité et d assistance sociale en faveur des travailleurs involontairement privés de leur emploi, en attendant leur réembauchage. La fonction d assistance sociale exercée par la CNSS en faveur des travailleurs licenciés pour cause économique se traduit aussi par l institution d une aide sociale qui peut être accordée à ces travailleurs 52. 51 52 Art.7 (nouveau) de la loi n 96-101 du 18 novembre 1996. Cette aide sociale a été instituée pour la première fois par le décret n 82-1029 du 15 juillet 1982 (tel que complété par le décret n 93-593 du 6 mars 1993). Mais ce décret a été abrogé et remplacé par les dispositions de la loi du 18 novembre 1996 et son décret d application n 97-1925 du 29 septembre 1997 (modifié et complété par le décret n 2002-886 du 22 avril 2002).

Le montant de cette aide, qui était fixé initialement à trois mensualités de salaire, est actuellement plafonné à douze mensualités du salaire d activité perçu 53. Mais le salaire n est pris en compte que dans la limite du salaire interprofessionnel garanti 54. Du reste, l octroi de cette aide est subordonnée à la réunion d un ensemble de conditions assez rigoureuses fixées par l article 3 (nouveau) du décret n 97-1925 du 29 septembre 1997. En effet, le bénéficiaire de l aide doit avoir perdu son emploi pour motif économique ou fermeture définitive et inopinée de l entreprise, sans bénéficier d une réparation. Il doit avoir aussi une ancienneté dans son dernier emploi d au moins trois années successives, et doit être inscrit au bureau de l emploi durant un mois, au moins, sans qu un d emploi ne lui ait été offert. De même, il ne doit pas être titulaire d une pension de retraite ou d invalidité. Ainsi, le législateur a voulu donner à l octroi de l aide mentionnée un caractère exceptionnel, ce qui s explique surtout par son souci de préserver l équilibre financier de la caisse de sécurité sociale. Ce choix s explique aussi par la nature de l aide dont l octroi n est pas systématique, et qui ne constitue pas une allocation de chômage, mais une forme de soutien destiné à garantir d urgence un revenu minimum à titre provisoire reposant sur la notion de besoin et non celle de risque à assurer. 53 54 Décret no 2006-1025 du 13 avril 2006, modifiant le décret n 97-1925 du 29 septembre 1997. Art.3 (nouveau) du décret n 97-1925 du 29 septembre 1997.