RECOMMANDE Office fédéral des assurances sociales Domaine Assurance-invalidité Effingerstrasse 20 3003 Berne Berne, le 12 octobre 2010 Procédure de consultation concernant la 6ème révision de l assurance-invalidité / deuxième train de mesures Mesdames, Messieurs, Nous vous remercions d avoir invité CURAVIVA Suisse, association faîtière nationale des homes et institutions suisses, à participer à la procédure de consultation. En tant qu association représentant la branche et les institutions exprimant, sur le plan politique, la position des employeurs, CURAVIVA Suisse représente les intérêts des homes et institutions sociales des domaines adultes avec handicaps, personnes âgées et enfants et adolescents avec des besoins spécifiques. CURAVIVA Suisse représente en tout 2'300 institutions en Suisse, accueillant quelque 100'000 résidents et occupant 130'000 collaborateurs. Résumé CURAVIVA Suisse, et en particulier les membres de la Conférence spécialisée adultes avec handicaps (CSAH) de CURAVIVA Suisse, font part de leur préoccupation par rapport au second train de mesures de la 6ème révision de l AI. Ils le considèrent comme précipité, déséquilibré et indéfendable du point de vue socio-politique. Si ce projet devait malgré tout être approuvé par le Parlement sans corrections majeures, CURAVIVA Suisse pourrait lancer un référendum d entente avec des organisations partenaires et des parties concernées. Avant que la 5 ème révision de l AI, largement soutenue par CURAVIVA Suisse, ne soit entièrement mise en œuvre et avant qu elle ne déploie ses effets, le Conseil fédéral a décidé de s atteler à la prochaine réforme. L une des raisons de cette précipitation réside manifestement dans le fait qu il n a pas encore été possible de mieux impliquer les CURAVIVA Suisse 1
employeurs, ainsi que le prévoyaient la 4 ème et la 5 ème révision de l AI. Ce n est pas aux personnes concernées de porter le poids de ce manque d implication, car cela remettrait fondamentalement en question le principe d assurance et de solidarité sur lesquels se basent l AI ainsi que la Constitution fédérale. De plus, les mesures d économies drastiques et unilatérales projetées ne vont pas vraiment faire baisser les coûts, mais plutôt transférer les charges aux cantons et aux communes. Afin d éviter cela, les exigences suivantes doivent être posées : CURAVIVA Suisse refuse les réductions de rentes prévues, qui menacent le revenu minimum vital des bénéficiaires de l AI. La lutte contre les fraudes étant maintenant assurée, CURAVIVA Suisse fait remarquer que les mesures d économies occasionneront un déplacement des coûts vers l aide sociale, respectivement vers les communes et les cantons. CURAVIVA Suisse rappelle le droit fondamental de la «formation pour tous», ancré dans la Constitution fédérale. En référence à celui-ci, la suppression d offres de formation de l AI pour les personnes handicapées doit être rejetée, car il s agit souvent là des seules offres possibles et disponibles. CURAVIVA Suisse demande un traitement égal pour les personnes atteintes de handicaps physiques, mentaux et psychiques dans toutes les assurances sociales. CURAVIVA Suisse maintient sa position concernant des systèmes incitatifs pour les employeurs visant à engager davantage de personnes handicapées. CURAVIVA Suisse demande des solutions adaptées et coordonnées en matière d offres d emploi et de mesures de réinsertion pour l AI et l assurance-chômage : en effet, des recherches récentes montrent que, dans une large mesure, les mêmes groupes de population bénéficient des prestations de l AI et de l assurancechômage. Généralités 1. CURAVIVA Suisse estime que le montant de l assainissement prévu est trop élevé Selon CURAVIVA Suisse, l objectif financier de la 6ème révision de l AI doit être prioritairement de viser des comptes équilibrés au terme de la période de financement additionnel, limitée dans le temps (dès 2018). Le projet mis en consultation laisse cependant supposer que cet objectif pourrait quasiment être atteint grâce aux mesures du 1 er train de mesures de la 6 ème révision de l AI. L assainissement nécessaire pour retrouver des comptes équilibrés représente, selon les indications de l administration, au plus 300 à 400 mio. de francs. Par conséquent, il n est nullement nécessaire de réduire les dépenses à hauteur de 800 mio. de francs. Et ceci d autant moins que les résultats des dernières années ont régulièrement dépassé les prévisions de l administration. CURAVIVA Suisse 2
Les dettes de l AI vis-à-vis du fonds de l AVS doivent être remboursées dans un délai raisonnable. CURAVIVA Suisse est également d avis que le désendettement doit être réalisé sur une période limitée. Celui-ci ne doit toutefois pas être financé par des suppressions de prestations ayant des effets sur une durée indéterminée. Il n est en aucun cas justifié que les personnes handicapées soient pénalisées, en tant que futurs bénéficiaires de prestations, par le fait que le monde politique ait fait obstacle à des recettes supplémentaires pendant des années. 2. Selon CURAVIVA Suisse, le projet est déséquilibré Le Parlement a mandaté le Conseil fédéral de présenter d ici fin 2010 le message concernant une 6 ème révision de la loi sur l AI, en lui demandant «en particulier» de formuler des propositions sur la manière d assainir l AI en réduisant les dépenses. Ainsi que l ont montré les débats parlementaires, le souhait de réaliser cet assainissement, y compris le désendettement, uniquement en réduisant les dépenses, n a pas obtenu de majorité. Le premier train de mesures de la 6ème révision de l AI comportait un ensemble équilibré de revenus et de dépenses supplémentaires. Mais avec ce deuxième train de mesures, le Conseil fédéral propose maintenant des suppressions unilatérales et massives, que CURAVIVA rejette. 3. CURAVIVA Suisse est d avis que l administration enjolive la présentation des faits et émet des doutes Le projet soumis à consultation mentionne à plusieurs reprises que les résultats obtenus en matière de réduction du déficit de l AI sont dus au renforcement de la réadaptation et des investissements réalisés dans ce domaine. Bien que les centres de formation professionnelle aient également contribué à la réadaptation, c est un fait que les dépenses de l AI pour les mesures de réadaptation ont augmenté dans une mesure moindre que ce qui était prévu. Du reste, les résultats de ces mesures sur la réadaptation effective des personnes assurées sur le marché du travail n ont jamais été évaluées. Il est vrai que le nombre de rentes a fortement diminué. Cette diminution est cependant due à une évaluation médicale plus sévère par les organes de l AI. Mais les personnes concernées sont aujourd hui tout sauf réinsérées. Les institutions accueillant des personnes psychiquement atteintes, en particulier, ressentent fortement cette évolution. 4. Transfert des coûts de l AI sur la Confédération, les cantons et les communes Les réductions massives des rentes AI d un montant total de CHF 600 mio. (CHF 400 mio. par an pour les rentes invalidité, CHF 200 mio. pour les rentes avec enfants) conduiront immanquablement à une charge supplémentaire importante au niveau des prestations complémentaires pour la Confédération et les cantons. La baisse massive des rentes obligera à l avenir 50 pourcents des bénéficiaires contre 37 pourcents aujourd hui à CURAVIVA Suisse 3
recourir aux prestations complémentaires. C est surtout le nombre de bénéficiaires de rentes avec enfants qui va augmenter sérieusement. Le fait que près de la moitié des bénéficiaires de l AI aient besoin de prestations complémentaires montre clairement que l AI est de moins en moins en mesure d assumer son mandat, qui est d assurer l existence des personnes handicapées. 5. CURAVIVA Suisse soutient le renforcement de la réadaptation professionnelle De nombreux homes et institutions sont spécialisés dans l intégration professionnelle et soutiennent à tout point de vue un renforcement des mesures de réinsertion ainsi que la en place d incitations en faveur de personnes qui méritent réellement qu on leur donne une chance de réinsertion sur le marché du travail primaire. Toutefois, nous sommes sceptiques quant aux chances de succès du renforcement de l intégration sur le marché du travail (telle que présentée dans le projet) aussi longtemps que l on ne parviendra pas à motiver (ou à obliger) les employeurs à engager davantage de personnes handicapées. CURAVIVA Suisse constate que les efforts fournis jusqu ici (4ème et 5ème révision de l AI) n ont contribué que dans une faible mesure à augmenter la part de personnes handicapées en emploi. La tendance va plutôt dans le sens inverse. Il s agit maintenant d examiner d autres incitations possibles pour les employeurs. Celles-ci ne devraient pas être directement ancrées dans la loi sur l AI, mais pourraient par exemple être prises en compte lors de l attribution de mandats ou en cas de renforcement de l obligation pour les employeurs publics d engager des personnes handicapées. CURAVIVA Suisse demande que l on renonce à des ordres de grandeur (irréalistes)! Cela pourrait pousser les offices-ai à fournir un travail inapproprié. 6. CURAVIVA Suisse considère que des revenus supplémentaires sont nécessaires CURAVIVA Suisse est d avis que l assainissement de l AI ne doit pas passer uniquement par une réduction des dépenses, mais également par des revenus supplémentaires. Ceci concerne spécialement les besoins financiers extraordinaires résultant du fait que les dettes considérables accumulées pendant plus de 20 ans doivent maintenant être remboursées. Cette tâche ne doit pas être mise à la charge des personnes assurées par une réduction des prestations. CURAVIVA Suisse demande au Conseil fédéral d examiner des modèles pour des revenus supplémentaires modestes et limités dans le temps. Mesures possibles: Reprise des intérêts de la dette auprès du fonds AVS par la caisse de la Confédération Augmentation modeste des cotisations de 0.1 pourcent (limitée dans le temps) Remboursement des dettes auprès du fonds AVS par la Confédération CURAVIVA Suisse 4
Concernant les différentes mesures CURAVIVA Suisse prend position ci-après sur quelques propositions concrètes: 1. Système de rentes linéaire de l AI 1.1. CURAVIVA Suisse rejette le modèle linéaire en tant que mesure d économies La proposition la plus importante du Conseil fédéral concerne un nouveau système de rentes linéaire sans échelonnement. Celui-ci devrait permettre de réduire la facture de l AI de CHF 400 mio. par an en moyenne entre 2018 et 2029. Certains assurés verront leur rente réduite jusqu à 37,5 pourcents. L argument permettant de justifier ces réductions massives est que l absence d échelonnement est nécessaire pour créer des incitations à la réinsertion. Le Conseil fédéral propose de réduire considérablement les rentes allouées pour un taux d invalidité situé entre 50 et 99 pourcents. Le taux d invalidité et la quotité de la rente n évoluent pas de la même manière. Pour un taux d invalidité de 80 pourcents notamment, une rente de 75 pourcents seulement serait allouée (au lieu de la rente entière, comme actuellement). Ainsi une personne qui touchait jusqu ici une rente mensuelle entière de CHF 1'800.- ne toucherait plus dorénavant que CHF 1'125.- Ceci pourrait concerner de nombreuses personnes lourdement handicapées qui font usage de leur capacité de gain résiduelle dans des ateliers et mettre en danger leur revenu minimum vital. CURAVIVA Suisse rejette clairement le modèle linéaire proposé et les réductions de rentes massives qu il implique, ce modèle ne permettant pas de réaliser des économies mais provoquant un transfert des coûts. CURAVIVA Suisse demande des procédures simples et flexibles pour l adaptation de la rente en cas de changement au niveau de l activité lucrative. 1.2 Réglementation spéciale pour un degré d invalidité de 80 à 99 pourcents Le Conseil fédéral propose que, pour alléger rigueurs à prévoir pour un degré d invalidité de 80 pourcents et plus, un revenu d invalide ne soit pris en compte que s il est effectivement touché. CURAVIVA Suisse considère cette relativisation du nouveau modèle proposé comme absolument indispensable. Car même avec un degré d invalidité de 70 à 79 pourcents, seule une petite part des personnes concernées est en mesure de faire valoir sur le marché du travail primaire sa capacité de gain résiduelle. Le Conseil fédéral écrit qu «à l avenir on part du principe que les personnes avec un degré d invalidité de 70 à 79 pourcents peuvent encore faire usage de leur capacité de gain résiduelle». Cette attitude confiante loin de toute réalité est sans fondement. L expérience a montré que les CURAVIVA Suisse 5
personnes présentant un degré d invalidité élevé ne sont que rarement en mesure d accéder à un revenu susceptible d influencer la rente. Le rapport accompagnant le projet mentionne à plusieurs reprises que les salaires versés sur un lieu de travail protégé sont des salaires sociaux et de ce fait n influencent pas le droit à une rente entière. CURAVIVA Suisse refuse cette imputation en bloc, qui est de plus l expression d un mépris à l égard du travail fourni par les personnes handicapées. CURAVIVA Suisse demande que des rentes entières continuent d être allouées à partir d un degré d invalidité de 70 pourcents indépendamment du fait que les bénéficiaires de ces rentes soient encore capables de faire usage de leur capacité de gain résiduelle. 1.3 Nouvelles réglementations pour l évaluation de l invalidité pour les personnes handicapées dès la naissance Le Conseil fédéral propose qu on lui confère la compétence de fixer lui-même dans l ordonnance les revenus déterminants pour l évaluation de l invalidité de même que les déductions et suppléments possibles. Il entend faire usage de cette compétence afin de fixer de nouvelles règles pour l évaluation du taux d invalidité, ce qui conduirait à un durcissement des pratiques d évaluation de l invalidité chez les personnes handicapées de naissance ou victimes d un handicap précoce. Si le revenu des personnes victimes d un handicap précoce, incapables de suivre une formation professionnelle en raison de leur handicap, est fixé selon «les pourcentages échelonnés par tranche d âge moyennes annualisés selon les relevés salariaux», il s agit là d une règlementation correcte dans les faits. Que cette valeur médiane puisse, dans certains cas, être supérieure au revenu après une formation (p.ex. dans une profession peu rémunérée) est juste. A l inverse, elle est aussi souvent inférieure au revenu d une personne valide au terme d une formation dans une profession offrant de bonnes perspectives salariales. CURAVIVA Suisse rejette une modification de l évaluation de l invalidité chez les personnes handicapées de naissance ou victimes d un handicap précoce. 2. CURAVIVA Suisse salue les instruments de réadaptation complémentaires Sous le titre renforcement de la réadaptation et maintien sur le marché du travail, le Conseil fédéral propose toute une série de modifications légales destinées à promouvoir davantage la réinsertion des personnes atteintes dans leur santé et à éviter la demande de rente. Un examen détaillé montre que ces mesures sont en partie judicieuses et en partie problématiques. D une manière générale, on retiendra que le développement du système de réadaptation ne débouchera guère sur les économies escomptées si la disposition des employeurs à CURAVIVA Suisse 6
coopérer activement à la réinsertion demeure aussi faible qu elle l a été au cours des dernières années. Les dispositions légales concernant la réadaptation sont devenues plutôt opaques dans le cadre de la 5 ème révision de la loi sur l AI. Ce n est pas la quantité de mesures supplémentaires qui permettra l optimisation des procédures de réadaptation, nécessaire depuis longtemps, mais une implémentation systématique et adaptée à chaque individu de l offre existante, déjà conséquente. C est à ce niveau que se situent les problèmes, raison pour laquelle les efforts de réadaptation doivent commencer dans la pratique et non au niveau de la l élaboration des lois. Le Conseil fédéral propose tout d abord que la durée des mesures de réadaptation ne soit plus limitée à un an. CURAVIVA Suisse l a également demandé à plusieurs reprises lors de la 5 ème révision de la loi sur l AI. Nous saluons bien entendu la suppression de la limite temporelle. Le Conseil fédéral propose en outre que les employeurs ne soient pas soutenus financièrement par l AI uniquement lorsqu ils maintiennent l engagement d un employé dans le cadre des mesures de réadaptation, mais également lorsqu ils engagent un nouvel employé. De l avis de CURAVIVA Suisse, ce complément est également judicieux. Toutefois, cette contribution doit être liée à des prestations tout à fait concrètes de l employeur. 3. CURAVIVA Suisse rejette la limitation du droit à une formation professionnelle élémentaire L assurance-invalidité finance aujourd hui des formations élémentaires AI dans des centres de formation pour personnes handicapées qui, d une part, ne sont pas en mesure de suivre une formation sur le marché libre et dont on attend, d autre part, qu elles soient en mesure d exercer une activité lucrative (même avec un revenu modeste) grâce à cette formation. Le Conseil fédéral propose maintenant de durcir les conditions pour le financement de ces formations élémentaires par le biais de l ordonnance. Ceci permettrait à l assurance de baisser les coûts de ces formations élémentaires de CHF 100 mio. à CHF 50 mio. par an. CURAVIVA Suisse rejette l introduction de seuils plus élevés pour l accès aux formations élémentaires AI. Il n est pas acceptable qu une formation professionnelle de deux ans soit refusée à une personne uniquement parce qu en raison de son handicap elle ne sera vraisemblablement pas en mesure d accéder à un revenu mensuel de CHF 1'710.- Beaucoup de personnes effectuent aujourd hui une activité satisfaisante grâce à leur formation, dans un cadre protégé également (p.ex. travail domestique, jardinage, mécanique etc.), même si elles ne travaillent que lentement en raison de leur handicap et ne bénéficient donc que d un revenu modeste. Les «seuils d admission» prévus empêcheraient ces personnes de faire usage de leur droit à la formation et les priveraient d une activité professionnelle qualifiée. CURAVIVA Suisse 7
CURAVIVA Suisse demande que chacun, y compris les personnes lourdement handicapées, aient accès à une formation professionnelle. Pour conclure, nous attirons l attention sur le fait que, dans le cadre de cette procédure de consultation, CURAVIVA Suisse et ses membres sont solidaires avec l association partenaire INSOS ainsi qu avec les organisations privées professionnelles et d entraide des personnes handicapées. Nous vous remercions d examiner avec attention et de tenir compte de nos préoccupations et sommes à votre disposition pour d éventuels entretiens ou un soutien lors de l élaboration du message adressé au Parlement. Avec nos cordiales salutations, Dr. Otto Piller Président CURAVIVA Suisse Dr. Hansueli Mösle Directeur CURAVIVA Suisse Christina Affentranger Weber Présidente de la conférence spécialisée Adultes avec handicaps CURAVIVA Suisse Stefan Sutter Responsable du domaine spécialisé Adultes avec handicaps CURAVIVA Suisse --------------------------------- En cas de questions concernant la procédure de consultation veuillez vous adresser à: Dominik Lehmann, responsable communication CURAVIVA Suisse d.lehmann@curaviva.ch / Tel: 031 385 33 32 CURAVIVA Suisse 8