ASSURANCE «REVENUS GARANTIS» LE POINT SUR LA JURISPRUDENCE FISCALE. Christophe LENOIR. Avocat au barreau de Namur Chargé d enseignement aux FUCAM



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ASSURANCE «REVENUS GARANTIS» LE POINT SUR LA JURISPRUDENCE FISCALE Christophe LENOIR Avocat au barreau de Namur Chargé d enseignement aux FUCAM Rue Lelièvre, 9 5000 NAMUR Tel. : 081/22.21.81 Fax : 081/22.06.22 ch.lenoir@thales.be

INTRODUCTION La fiscalité des assurances est particulièrement ardue. L assurance «revenus garantis» ne déroge pas à ce constat. Une législation indigeste, incohérente, régulièrement modifiée, amène nos cours et tribunaux notamment la Cour constitutionnelle à prendre des décisions dont on a parfois du mal à suivre le fil conducteur. Dans les quelques pages qui suivent, nous relevons le défi : tenter de comprendre cette législation et de dresser un aperçu de la jurisprudence fiscale adoptée par nos Cours suprêmes, à savoir la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation. Nous nous attacherons plus particulièrement à vérifier s il existe un lien entre la déduction des primes d assurance et la taxation des capitaux/rentes versées par les compagnies. Voici la structure du présent texte. Après avoir brièvement exposé les règles civiles gouvernant l assurance «revenus garantis» (Partie I), nous passerons en revue les règles fiscales applicables aux primes versées et aux prestations payées par les compagnies (Partie II, chapitre 1). Nous examinerons enfin l évolution de la jurisprudence des Cours constitutionnelle et de cassation, notamment en ce qui concerne l existence d un lien entre la déduction des primes et la taxation des capitaux/rentes payées par les compagnies d assurance (Partie II, chapitre 2). 2

PARTIE I ASPECTS CIVILS 1 CHAPITRE 1 NOTION ET CARACTÉRISTIQUES SECTION 1 NOTION Les assurances de type «revenu garanti», «incapacité de travail» ou encore «rente d invalidité», font partie de la catégorie des assurances maladie et accident 2. A ce titre, elles sont régies par les dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre. Ces assurances sont généralement souscrites en complément de la couverture obligatoire de base financée par les cotisations sociales 3. Leur objectif est d offrir à l assuré une couverture suffisante pour faire face à une diminution ou la perte de ses revenus professionnels suite à une incapacité de travail provoquée par un accident ou une maladie. L assurance «revenu garanti» s adresse généralement à toute personne âgée de 18 à 50 ans 4, résidant habituellement en Belgique et jouissant d un revenu professionnel. Elle se révèle indispensable pour les indépendants et titulaires de profession libérale, dirigeants d entreprise ou non, eu égard aux faibles indemnités octroyées par la sécurité sociale. Elle est également intéressante pour les personnes salariées dont le revenu annuel brut est supérieur à 30.000 5. et qui souhaitent pouvoir assurer le même train de vie en cas d incapacité de travail. 1 Merci à ma collaboratrice, Me Alix DE COSTER, avocate au barreau de Namur, pour son aide dans la rédaction de ce chapitre. 2 L article 138bis - 1 1 er 2 et 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre englobe, dans la définition de l «assurance maladie», l assurance incapacité de travail accordant une indemnité totale ou partielle à l assuré qui subit une diminution ou une perte de ses revenus professionnels provoqués par une maladie et/ou un accident ; ainsi que l assurance invalidité garantissant une prestation en cas de maladie et/ou d accident. 3 J-M. BINON, Droit des assurances de personnes Aspects civils, techniques et sociaux, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 378. 4 L âge minimum et maximum pour souscrire une assurance «revenu garanti» peut varier d une assurance à l autre. 5 Le montant de l indemnité journalière versée au travailleur salarié durant la première année d incapacité de travail s élève à 60 % de la rémunération journalière brute, avec un plafond fixé à 72.95 par jour. A compter de la deuxième année d incapacité de travail période, le montant de l indemnité journalière s élève à 65 %, 55% ou 40% de la rémunération journalière brute selon que le travailleur a une famille à charge, qu il est isolé ou cohabitant. Ces indemnités sont également plafonnées et ne peuvent dépasser 79,03 pour le travailleur avec charge de famille, 66,87 pour l isolé et 48,63 pour le cohabitant. Prenons l exemple du travailleur salarié percevant une rémunération annuelle de 40.000, en travaillant 5 jours par semaine. En cas d incapacité de travail, celui-ci percevra une indemnité journalière correspondant à 60% de sa rémunération journalière brute, à savoir 106,83, à ramener toutefois au montant plafonné, soit 72,95 par jour. Afin de 3

L assurance «revenu garanti» offre également une garantie contre le risque d insolvabilité dans le cadre d un prêt hypothécaire ou professionnel auprès des banques. L assurance «revenu garanti» ou «rente d invalidité» permet à l assuré de bénéficier d une rente, destinée à compenser la perte de revenus provoquée par l invalidité. Cette rente sera calculée au pro rata des revenus professionnels de l assuré et du degré d invalidité observé. SECTION 2 LES REVENUS PROFESSIONNELS DE L ASSURÉ La rente assurée sera bien entendu fonction des revenus professionnels du preneur, dès l instant où l assurance a pour but de compenser leur perte ou leur diminution. La souscription d une assurance «revenu garanti» sera donc conditionnée par l exercice effectif d une activité professionnelle et la perception de revenus dans le chef de l assuré. Le législateur insiste d ailleurs sur le lien entre l indemnité et les revenus de l assuré, puisqu il prévoit la possibilité d adapter le montant de la prime, la période de carence ainsi que les conditions de l assurance, en raison des modifications intervenues dans la profession et/ou dans les revenus de l assuré ou lorsque celui-ci change de statut dans le système de sécurité sociale, pour autant que ces modifications aient une influence significative sur le risque, le coût ou l étendue des prestations garanties 6. SECTION 3 L INVALIDITÉ DE L ASSURÉ Un certain degré d invalidité sera exigé pour donner droit à la perception de la rente en cas d incapacité de travail. L évaluation de l invalidité est fonction de deux critères: un critère physiologique et un critère économique 7. Le critère physiologique permet de mesurer le degré d invalidité eu égard à la diminution de l intégrité physique 8, indépendamment de la profession exercée par l assuré souffrant d une invalidité 9. Cette diminution peut être due à un accident ou à une maladie. La maladie est généralement définie dans les contrats d assurance comme étant «un élément pathologique ou une altération de la santé dont la cause est interne à l organisme ne pas avoir à trop souffrir de cette diminution de revenu conséquente, ce travailleur aura tout intérêt à souscrire à une assurance revenu garantis. 6 Article 138bis - 4, 4 de la loi du 25 juin 1992, modifiée par la loi du 20 juillet 2007, en ce qui concerne les contrats privés d assurance maladie. 7 C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.118. 8 Ce degré de diminution se mesure en référence au barème officiel belge des invalidités. 9 C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.118. 4

de la personne et qui se manifeste d une manière objective ou objectivement constatable, par des symptômes qui rendent le diagnostic indiscutable» 10. La couverture peut donc s étendre tant aux maladies mentales ou psychiques qu aux maladies physiques, sous réserve de leur caractère objectivement constatable. Le critère économique évalue quant à lui l invalidité de l assuré eu égard à sa capacité à poursuivre une activité lucrative compatible avec ses capacités professionnelles 11. L incapacité de travail sera déterminée intégralement au cours de la première année du contrat, en fonction de la profession effective de l assuré à ce moment. Notons qu une double distinction doit être faite entre l incapacité temporaire et permanente et l incapacité totale ou partielle. L incapacité de travail est dite temporaire lorsque la victime est empêchée de travailler pendant un certain temps. Elle est appelée à évoluer, soit vers la guérison de la victime et la récupération de sa capacité de travail, soit vers la consolidation de l invalidité, auquel cas l incapacité sera permanente. Lorsque l invalidité est consolidée, c est-à-dire lorsqu elle n est plus susceptible d évoluer ni d être modifiée par traitement thérapeutique selon l avis de l expert, on parlera d incapacité de travail permanente 12. L importance de l incapacité temporaire de travail s apprécie uniquement au regard de l activité exercée par la victime au moment de la survenance de la maladie ou de l accident entrainant l incapacité, alors que l incapacité permanente sera appréciée sur base de l impossibilité ou de la difficulté, pour la victime, de retrouver un emploi correspondant à ses connaissances et aptitudes professionnelles sur le marché du travail 13. L incapacité, qu elle soit temporaire ou permanente, peut également être totale ou partielle. L incapacité sera totale si la victime n est plus du tout apte à exercer son activité professionnelle (en cas d incapacité temporaire) ou une activité professionnelle correspondant à ses aptitudes ou connaissances (en cas d incapacité permanente). L incapacité partielle est celle qui réduit la capacité de travail et de gain de la victime soit temporairement, soit définitivement 14. L invalidité de l assuré donnera lieu à la prestation de l assurance pour autant qu il existe dans son chef une diminution ou une perte de sa capacité de travail (invalidité économique), trouvant sa cause dans une diminution de l intégrité physique de l assuré (invalidité physiologique) 15. 10 J-M. BINON, Droit des assurances de personnes Aspects civils, techniques et sociaux, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 424. 11 C. DEVOET, «Quelques réflexions sur l assurance revenu garanti», Forum de l assurance, n 82, mars 2008, p. 52. 12 P. FERON, Vade mecum de l évaluation médico-légale L invalidité, l incapacité, le handicap et le dommage corporel en droit belge, Bruxelles, De Boeck, 2000, p. 211. 13 D. MAYERUS, «En pratique : les principaux préjudices réparables en droit commun», article paru le 26 mai 2010 sur le Portail du droit belge, à consulter sur www.droitbelge.be. 14 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 8 e édition «Quadrige», 2007, pp. 475 476. 15 En ce sens: C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.119 et s. 5

L indemnité accordée en cas d incapacité dépendra du pourcentage d invalidité déterminé par décision médicale, le plus souvent prise conjointement par le médecin de l assuré et celui de l assureur : - en dessous de 25 % d invalidité : aucune prestation n est versée ; - entre 25 % et 67 % d invalidité : la rente sera versée au pro rata du degré le plus élevé d invalidité ; - à partir de 67 % d invalidité : l indemnité sera considérée comme totale et donnera lieu au versement intégral de la rente assurée 16. 16 Ibid. 6

CHAPITRE 2 FORMES ET ÉTENDUE DE LA COUVERTURE SECTION 1 FORMES Les assurances «revenu garanti» ou «rente d invalidité» sont généralement assorties de diverses options permettant à l assuré de se constituer une couverture à la mesure de ses besoins et des risques encourus dans le cadre de sa profession ou de sa vie privée. Elles peuvent être souscrites de manière collective ou à titre individuel. Dans le premier cas, elles prendront la forme d une assurance groupe, généralement souscrite par l employeur au profit de ses employés. Cette assurance groupe peut elle-même être souscrite à titre principal ou en complément à une assurance-vie couvrant le risque de décès de l assuré 17. La rente allouée en cas d incapacité sera déterminée en tenant compte à la fois de la rémunération de l ensemble des assurés et du pourcentage de rémunération indemnisé par l assurance indemnité légale 18. Dans le second cas, l assurance sera souscrite directement par l assuré, soit à titre principal afin de compléter la couverture de base fournie par la sécurité sociale, soit en complément à une assurance groupe 19. Dans le cas des travailleurs indépendants ou titulaires de profession libérale, la rente d invalidité peut également être souscrite par le biais d une pension libre complémentaire. Certaines compagnies d assurances incluent d ailleurs la couverture «revenu garanti» dans leurs offres de Pension Libre complémentaire, sans qu il soit nécessaire de procéder à un examen médical et sans augmentation de prime. SECTION 2 ETENDUE Trois formules sont habituellement proposées à la personne, indépendante, employeur, dirigeant d entreprise ou salariée, souscrivant à une assurance «revenu garanti» ou «rente d invalidité» 20 : couverture de l invalidité due à la maladie ; couverture de l invalidé due à la maladie ou à un accident de la vie privé ; 17 J-M. BINON, Droit des assurances de personnes Aspects civils, techniques et sociaux, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 380. 18 Assurance indemnités A.M.I. 19 J-M. BINON, Droit des assurances de personnes Aspects civils, techniques et sociaux, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 380. 20 C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.120. 7

couverture de l invalidé due à la maladie ou un accident, qu il survienne dans le cadre de la vie privée ou sur le chemin du travail, ou bien des accidents dont sont victimes les travailleurs indépendants dans le cours ou par le fait de leur activité professionnelle. Il est également possible d étendre la couverture de l assurance «revenu garanti» ou «rente d invalidité» aux pertes financières encourues pendant la période de rétablissement suite à une pathologie grave. Certaines compagnies offrent aux dirigeants d entreprise la possibilité de percevoir des prestations afin d assurer la survie de l entreprise et de couvrir une grande partie des frais d exploitation fixes (excepté les frais du personnel) pendant l incapacité de travail du dirigeant, avec toutefois une limitation dans le temps. Lors de la survenance d une invalidité et pendant la durée prévue par le contrat, l assurance prévoit, outre le paiement de la rente d invalidité, le remboursement des primes ou l exonération du paiement de celles-ci, proportionnellement au degré d invalidité déterminé par un médecin expert 21. 21 Ibid. 8

CHAPITRE 3 LA DURÉE DU CONTRAT L âge final pour pouvoir bénéficier d un revenu de remplacement a été fixé à 65 ans 22 par le législateur, pour autant que cet âge soit l âge normal auquel l assuré met complètement et définitivement fin à son activité professionnelle 23. Le contrat prendra fin à cette date ou à une autre date fixée dans la police d assurance 24. Il faut se garder de confondre cette limite d âge avec celle fixée pour la souscription de l assurance (en général, 50 ans). L assurance «revenu garanti» peut également être conclue pour une durée limitée, à la demande expresse du preneur d assurance et uniquement s il y va de son intérêt 25. Parallèlement à l âge normal de cessation d activité, la plupart des contrats d assurances considèrent que la fin de l activité professionnelle met fin à l assurance si elle ne trouve pas sa cause dans une incapacité de travail 26. Cette pratique ne semble toutefois pas conforme au prescrit de la loi du 20 juillet 2007 selon lequel «les contrats d assurance maladie valent jusqu à 65 ans 27», ce qui laisse supposer que l abandon de l activité professionnelle entraine seulement la suspension des effets du contrat et ne met pas fin à celle-ci 28. Rappelons par ailleurs que l article 30, 1 er, al. 4 de la loi du 25 juin 1992 permet au preneur de l assurance de résilier celle-ci chaque année, à la date d anniversaire de la prise de cours de l assurance ou à la date de l échéance annuelle de la prime et quelle que soit la durée du contrat. L assurance revenu garanti étant un contrat à long terme, le paiement des primes présentera souvent un caractère facultatif. Ainsi, en cas de non-paiement, l assureur ne disposera dès lors d aucun droit de recours mais le contrat sera résilié au terme d un délai de 15 jours à compter de la suspension du paiement 29 30. Lorsque l assurance «revenu garanti» a été souscrite à titre accessoire d une autre assurance, sa durée sera égale à celle de l assurance principale. 22 Cette limite d âge ne concerne toutefois que les assurances incapacité de travail. L assurance invalidité ne connaît pas de limite d âge. 23 Article 138bis 3, 1 er de la loi du 25 juin 1992. 24 En ce sens : J-M. BINON, Droit des assurances de personnes Aspects civils, techniques et sociaux, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 380. 25 Article 138bis 3, 2 de la loi du 25 juin 1992. 26 A cet égard, il convient de rappeler que la faillite de l assuré ne met pas fin au contrat d assurance lorsqu il s agit d une assurance de personne (article 32, alinéa 3 de la loi du 25 juin 1992). 27 Article 138bis 3, 1 er de la loi du 25 juin 1992. 28 C. DEVOET, «Quelques réflexions sur l assurance revenu garanti», Forum de l assurance, n 82, mars 2008, p. 53. 29 Article 16, al. 4 de la loi du 25 juin 1992. 30 Le caractère facultatif du paiement des primes n étant toutefois pas imposé par le législateur comme c est le cas pour l assurance-vie, rien n empêche l assureur de prévoir le paiement obligatoire des primes dans le contrat d assurance. 9

CHAPITRE 4 CALCUL DE LA PRIME Les assurances «revenu garanti» sont généralement financées par le paiement d une prime mensuelle, semestrielle, trimestrielle ou annuelle. Le montant de la prime est fonction de différents critères, modulables selon les contrats : - l âge ; - le sexe ; - le montant de la rente assurée ; - l activité professionnelle ; - les options choisies si le contrat en propose ; - les activités sportives 31. Le montant de la prime de l assurance «revenu garanti» est en grande partie fonction de l âge de l assuré au moment de la souscription : plus celui-ci est jeune, moins la prime sera élevée. Celle-ci pourra cependant être augmentée, selon le système d allocation de la rente que l assuré aura choisi 32. Certaines compagnies d assurances offrent des réductions intéressantes aux jeunes indépendants âgés de moins de 35 ans, en leur accordant un pourcentage plus ou moins important sur les primes payées pendant les cinq premières années du contrat, selon l étendue de la couverture. L âge ne sera toutefois pas pris en compte si l assurance revenu garanti est contractée dans le cadre d une assurance collective 33. Il est également tenu compte de l activité professionnelle de l assuré, selon que celle-ci l expose à un risque accru de maladie ou d accident, ainsi que de son mode de vie. L assuré est ainsi tenu de fournir, au moment de la souscription, des informations relatives à ses activités et habitudes, notamment s il est fumeur et s il pratique un sport à risque. Enfin, la prime sera également fonction des revenus professionnels de l assuré 34. Ceci est logique dans la mesure où ils représentent l objet de la garantie. Rappelons que le paiement de la prime reste facultatif, sauf stipulation contraire dans la police d assurance, et que le non paiement de celle-ci s interprète comme la manifestation du droit de résiliation annuelle du preneur 35. 31 Certaines assurances tiennent compte uniquement de l âge et de la profession exercée. 32 Voir infra, chapitre 5. 33 C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.181. 34 Article 138bis 4, 4, al.1 de la loi du 25juin 1992. 35 C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.312. 10

CHAPITRE 5 ALLOCATION DE LA RENTE La rente à laquelle l assurance «revenu garanti» donne droit ne sera allouée qu après l écoulement d une certaine période, appelée délai de carence, durant laquelle l assuré en état d incapacité de travail ne perçoit aucune indemnité 36. Le nombre de jours du délai de carence est fonction de la prime payée par l assuré : moins elle est élevée, plus le délai de carence sera important 37. La grande majorité des prestations liées à des assurances revenu garanti était de nature forfaitaire jusqu à l entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2007 modifiant, en ce qui concerne les assurances maladies, la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d assurance terrestre. Cette loi préconise une indemnité totale ou partielle de la diminution ou de la perte de revenus due à l incapacité de travail 38. Cette définition légale a eu pour effet d amener les assureurs à proposer des contrats de nature indemnitaire et à conditionner le paiement des indemnités à la preuve de perte effective de revenus dans le chef de l assuré 39. La rente est versée à l assuré aussi longtemps que dure l incapacité, qu elle soit temporaire ou permanente et au plus tard jusqu au jour de la retraite ou au jour où l assuré atteint l âge de 65 ans. Il existe différents systèmes d allocation de la rente lors de la période d incapacité de travail 40. 1. Avec le système de la rente constante, la rente perçue et la prime payée par l assuré restent constantes pendant toute la durée du contrat d assurance. 2. Selon le système de la rente croissante, après la première année d incapacité, la rente allouée augmente chaque année à raison d une quotité définie (2 ou 3 % par exemple). Cette augmentation annuelle est calculée sur base du montant atteint l année précédente. A la fin de la période d incapacité, le montant de la rente redevient le même qu initialement. Le montant de la prime reste constant. 3. Certains assureurs proposent également un système de rente croissante idéale, dans lequel la rente prévue, l indemnité en cas d incapacité de travail et la prime augmentent chaque année automatiquement de 2 ou 3 % par rapport au montant initial. 36 Certaines assurances offrent la possibilité aux travailleurs indépendants d annuler le délai de carence en cas d incapacité totale (à partir de 67 % d invalidité), moyennant le paiement d une surprime. 37 Le délai de carence peut varier entre 15 et 365 jours. Il sera le plus souvent de 30, 60 ou 90 jours, selon le choix de l assuré. 38 A cet effet, voir l article 138bis 1, 1 er, 2 de la loi du25 juin 1992. 39 C. DEVOET, «Quelques réflexions sur l assurance revenu garanti», Forum de l assurance, n 82, mars 2008, p. 53. 40 A ce sujet : C. DEVOET, Les assurances de personnes, Louvain-La-Neuve, Anthémis, 2006, p.120. 11

Contrairement au système de la rente croissante, dans lequel l augmentation ne s opère qu au moment de l incapacité de travail, les augmentations s opèrent dès la souscription de l assurance dans le cadre de ce système. L avantage de la rente croissante idéale est que le calcul de la prime s effectue sur base de l âge du souscripteur au moment de la prise d effet du contrat. 4. L assuré peut également prévoir dans son contrat une perception échelonnée de la rente d incapacité, avec une augmentation progressive à mesure du déroulement de la période d incapacité de travail. 5. D autres types d assurances permettent à l assuré de percevoir une indemnité journalière pendant un certain délai. Le montant de cette indemnité dépendra du degré d invalidité de l assuré. 6. Il est également possible, pour l assuré souffrant de certaines affections, de percevoir la rente sous forme d un capital unique. 12

PARTIE II ASPECTS FISCAUX 41 CHAPITRE 1 RÈGLES DE BASE SECTION 1 RÉGIME FISCAL DES PRIMES D ASSURANCE 1. Travailleur Primes payées par l employeur L employeur qui souscrit à une assurance revenu garanti au profit de ses travailleurs peut déduire les primes acquittées à titre de frais professionnels, à certaines conditions. L article 52, 3, b), 4 ème tiret du C.I.R./1992 précise que constituent des frais professionnels les «cotisations et primes patronales, versées en exécution d'un engagement collectif ou individuel qui doit être considéré comme un complément aux indemnités légales en cas de décès ou d'incapacité de travail par suite d'un accident du travail ou d'un accident ou bien d'une maladie professionnelle ou d'une maladie». L article 59 du même Code précise quant à lui les conditions et limites auxquelles est admise pareille déduction des primes, dont nous nous contenterons ici de relever les points principaux. Ainsi, les primes doivent être versées à titre définitif à une entreprise d'assurance, à une institution de prévoyance ou à une institution de retraite professionnelle établie dans un Etat membre de l'espace économique européen 42. Le «versement à titre définitif» signifie que «les allocations patronales doivent être versées à fonds perdus, en ce sens que le débiteur ne peut avoir la faculté de récupérer, sous quelque forme que ce soit, les sommes versées» 43. La loi du 27 décembre 2006 44 a mis fin à certaines discriminations, de sorte que l article 59, 1 er, 1 du C.I.R./1992 précise aujourd hui que 41 Merci à ma collaboratrice, Me Claire ROMMELAERE, avocate au barreau de Namur et assistante aux FUNDP à Namur, pour son aide dans la rédaction de ce chapitre. 42 Article 59, 1 er, 1 du C.I.R./1992. 43 Com.I.R/92, n 59/22. 44 Loi du 27 décembre 2006 portant dispositions diverses, article 348. 13

l entreprise d assurance doit être établie dans un Etat membre de l E.E.E et non plus seulement en Belgique. En outre, les prestations légales et complémentaires en cas d'incapacité de travail, exprimées en rentes annuelles, ne peuvent excéder la rémunération brute annuelle normale 45. Cette notion doit se comprendre comme «le montant global brut de toutes les sommes qui, avant déduction des retenues obligatoirement effectuées en exécution de la législation sociale ou d'un statut légal ou réglementaire y assimilé, sont attribuées ou payées au travailleur pendant une année déterminée, autrement qu'à titre exceptionnel ou occasionnel» 46. Il s agit donc des rémunérations mais également du pécule de vacances ou encore d une voiture de société, par exemple 47. Avantage perçu par le travailleur La prise en charge des primes d assurance par l employeur constitue pour le travailleur un avantage de toute nature, normalement imposable à titre de rémunération 48. L article 38, 1 er, alinéa 1 er, 18, prévoit cependant une exonération de cet avantage «à condition, lorsqu'il s'agit d'un engagement individuel, qu'il existe aussi auprès de l'employeur un engagement collectif accessible aux travailleurs ou à une catégorie spécifique de ceux-ci de manière identique et non discriminatoire». A défaut, l avantage sera imposé dans le chef du travailleur sur la base de sa valeur réelle. 2. Dirigeant d entreprise Primes payées par la société Selon l article 195 du C.I.R./1992, «les dirigeants d'entreprise sont assimilés à des travailleurs pour l'application des dispositions en matière de frais professionnels et leurs rémunérations ainsi que les charges sociales connexes à celles-ci sont considérées comme des frais professionnels». La société qui paye les primes d une assurance «revenu garanti» au bénéfice de son dirigeant peut donc les déduire à titre de frais professionnels, également en vertu de l article 52, 3, b), 4 ème tiret du C.I.R./1992. Les remarques concernant les conditions et limites de la déduction valent également pour le dirigeant d entreprise. Une précision supplémentaire s impose cependant. 45 Article 59 1 er, 3 du C.I.R./1992. 46 Article 34, 1 de l AR/C.I.R 92. 47 B. MARISCAL, L. NIESSEN, La fiscalité des pensions de retraite et de survie, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 117. 48 Article 31, alinéa 2, 2 du C.I.R./1992. 14

Avant sa modification par la loi du 27 décembre 2005 49, l article 195 du C.I.R./1992, 1 er, alinéa 2 prévoyait que «les versements d'assurance ou de prévoyance sociale ainsi que les cotisations d'assurance complémentaire visées à l'article 52, 3, b» n étaient déduits «que dans la mesure où ils se rapportent à des rémunérations qui sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois avant la fin de la période imposable au cours de laquelle l'activité rémunérée a été exercée et à condition que ces rémunérations soient imputées par la société sur les résultats de cette période». La loi précitée du 27 décembre 2005 a supprimé les termes «ainsi que les cotisations d'assurance complémentaire visées à l'article 52, 3, b», de sorte que l on pourrait penser que la déduction de ces cotisations n est aujourd hui plus subordonnée à la condition que les primes se rapportent à des rémunérations mensuelles 50. Nous n osons toutefois l affirmer avec certitude, dans la mesure où les termes «versements d assurance» sont suffisamment larges pour englober les primes d assurance «revenu garanti» 51. Le Commentaire administratif du C.I.R./1992 précise ce qu il suit : «Aux termes de l'art. 195, 1er, al. 2, CIR 92, les versements d'assurance ou de prévoyance sociale (voir mutatis mutandis 57/27, 2 à 4 ), et les cotisations d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré, visées à l'art. 52, 3, b, CIR 92, ne sont déductibles que dans la mesure où ils se rapportent à des rémunérations qui sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois ( )» 52. La condition de se rapporter à des rémunérations mensuelles ne s appliquerait plus désormais qu aux charges sociales résultant de la législation sur la sécurité sociale, de la réglementation sociale (exécution d accords paritaires ou d obligations contractuelles), de la législation du travail ainsi qu aux cotisations d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré (article 52, 3, b), 1 er tiret du C.I.R./1992). Or, les primes d une assurance «revenu garanti» sont visées par l article 52, 3, b), 4 ème tiret du C.I.R./1992. Nous pourrions dès lors en conclure que la déduction à titre de frais professionnels des primes versées par la société qui a souscrit à une assurance «revenu garanti» au profit de son dirigeant n est actuellement plus subordonnée à la condition d attribuer une rémunération mensuelle à ce dernier. Cette conclusion semble cohérente a priori, au regard de la modification législative de décembre 2005. L administration fiscale ne l entend cependant pas de cette oreille et coupe 49 Loi du 27 décembre 2005 portant dispositions diverses, article 177. 50 En ce sens : B. MARISCAL, L. NIESSEN, La fiscalité des pensions de retraite et de survie, Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 104 ; E. BOIGELOT, Fiscalité des cadres et dirigeants d entreprise, Bruxelles, Larcier, 2006, p. 326 ; P. VAN EESBEECK, L. VEREYCKEN, «Loi de réparation, le régime transitoire demeure un embrouillamini», Le Fiscologue, n 1008, 2006, p. 5. 51 En ce sens : T. LITANNIE, «Périodicité des revenus et déductibilité des primes d assurance groupe», Forum de l assurance, n 61, février 2006, p. 11. 52 Com.I.R/92, n 195/8. 15

court à toute discussion sur ce point dans la circulaire du 20 mai 2010 : il y est limpide que la règle prévue à l article 195 du C.I.R./1992 s applique également, selon l administration, aux cotisations visées par l article 52, 3, b), 4 ème tiret du C.I.R./1992 53. Avantage perçu par le dirigeant La prise en charge des primes d assurance par la société constitue pour son dirigeant un avantage de toute nature, normalement imposable à titre de rémunération 54. L article 38, 1 er, alinéa 1, 19 du C.I.R./1992 prévoit cependant une exonération de cet avantage, à condition que les primes «se rapportent à des rémunérations qui sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois avant la fin de la période imposable au cours de laquelle l'activité rémunérée y donnant droit a été exercée et à condition que ces rémunérations soient imputées sur les résultats de cette période». A défaut, l avantage sera imposé dans le chef du dirigeant sur la base de sa valeur réelle. Notons qu avant la loi du 27 décembre 2005 citée ci-dessus, cette condition entraînait lorsqu elle n était pas rencontrée une double imposition : en effet, si le dirigeant ne se voyait pas attribuer une rémunération mensuelle, non seulement il était imposé sur l avantage perçu mais en outre la société ne pouvait déduire les primes versées à titre de frais professionnels. Cette double imposition aurait incité le législateur à modifier l article 195 du C.I.R./1992 par la loi du 27 décembre 2005. Pourtant, compte tenu du Commentaire administratif du C.I.R./1992, l article 195 viserait encore au moins à l article article 52, 3, b) les cotisations d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré. Pourquoi serait-il davantage justifié de soumettre ces primes à une double imposition? Cela n a pas de sens. 3. Indépendant non dirigeant d entreprise L indépendant qui souscrit à une assurance de type revenu garanti en paye lui-même les primes et peut les déduire à titre de frais professionnels, en vertu de l article 52, 10 du C.I.R./1992, qui précise que «constituent notamment des frais professionnels ( ) les cotisations en vue de bénéficier d'une indemnité en cas d'incapacité de travail pour cause de maladie et d'invalidité». Cette déduction est «illimitée», au sens où elle ne connaît pas les restrictions applicables à la déduction des primes prises en charge par une société au profit de ses travailleurs ou dirigeants. 53 Circulaire n Ci.RH.332/583.327 (AFER n 42/2010) du 20 mai 2010, 34. 54 Article 32, alinéa 2, 2 du C.I.R./1992. 16

SECTION 2 RÉGIME FISCAL DES PRESTATIONS D ASSURANCE 1. Travailleur Incapacité permanente L indemnité d incapacité permanente est en principe taxable, sur la base de l article 34, 1 er, 2, b) du C.I.R./1992 : «les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu'en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi ( ), les pensions constituées au moyen de cotisations et primes visées à l'article 38, 1 er, alinéa 1 er, 18 et 19». Or, l article 38, 1 er, alinéa 1 er, 18 du C.I.R./1992 exonère à certaines conditions l avantage de toute nature que constitue la prise en charge par l employeur des primes versées en exécution d un contrat d assurance conclu au profit du travailleur. Incapacité temporaire L indemnité d incapacité temporaire est également taxable, en principe, sur la base de l article 31, alinéa 2, 4 du C.I.R./1992, qui précise que les «rémunérations des travailleurs comprennent notamment ( ) les indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de rémunérations, en ce compris les indemnités constituées au moyen des cotisations et primes visées à l'article 52, 3, b, 4e tiret». L article 52, 3, b), 4 ème tiret du C.I.R./1992 vise effectivement les primes versées par l employeur en exécution d un contrat d assurance conclu au profit du travailleur, afin de lui permettre de recevoir un complément aux indemnités légales en cas de décès ou d'incapacité de travail, résultant d un accident ou d une maladie. 2. Dirigeant d entreprise Incapacité permanente Comme pour les travailleurs, l indemnité d incapacité permanente est en principe taxable, sur la base de l article 34, 1 er, 2, b) du C.I.R./1992. Les explications données ci-dessus pour les travailleurs valent également pour les dirigeants d entreprise, dès lors que l article 38, 1 er, alinéa 1 er, 19 du C.I.R./1992 exonère à certaines conditions l avantage de toute nature que constitue la prise en charge par la société des primes versées en exécution d un contrat d assurance conclu au profit de son dirigeant. 17

Incapacité temporaire L article 32, alinéa 2, 2 du C.I.R./1992 définissant les rémunérations des dirigeants d entreprise renvoie notamment à l article 31, alinéa 2, 4 du même Code, de sorte qu il convient ici aussi de se référer au régime applicable aux travailleurs, expliqué ci-dessus. 3. Indépendant non dirigeant d entreprise Incapacité permanente Les indemnités d incapacité permanente d un indépendant sont imposables en vertu de l article 34, 1 er, 1 et 1 bis du C.I.R./1992 : «1er. Les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu'en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi : 1 les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectement à une activité professionnelle; 1 bis les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui constituent la réparation totale ou partielle d'une perte permanente de bénéfices, de rémunérations ou de profits». Il y a cependant lieu de se demander si les indemnités d incapacité permanente, expressément visées au 1 bis, sont encore concernées par le 1 55. Incapacité temporaire L article 27, alinéa 2, 4 du C.I.R./1992 précise que les profits 56 comprennent «les indemnités de toute nature obtenues au cours de l'exercice de l'activité professionnelle [ou] en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de profits». 55 C. DEVOET, «La Cour de cassation et la fiscalité de l assurance «revenu garanti»: une jurisprudence qui pose question», R.G.F., n 7, septembre 2010, p. 25 ; cf. infra. 56 Revenus d une profession libérale, d une charge ou d un office ou, plus généralement, tous revenus non considérés comme bénéfices ou rémunérations. 18

4. Remarques complémentaires relatives à l article 34, 1er, 1 et 1 bis du C.I.R./1992 En cas d incapacité permanente, il y a lieu de se demander si l article 34, 1 er, 1 bis du C.I.R./1992 ne constitue pas également la base imposable de l indemnité perçue par un travailleur ou dirigeant d entreprise : «Cette disposition ne comporte en effet aucune distinction selon que les indemnités d incapacité permanente proviennent ou non d un contrat d assurance à cotisations patronales ou de l entreprise. Ces indemnités ne sont donc pas exclues de l application de cette disposition» 57. La circulaire administrative du 20 mai 2010 confirme cette interprétation, en précisant que cette disposition peut fonder l imposition de l indemnité perçue par le dirigeant d entreprise 58. Il en va de même, selon nous, pour l article l article 34, 1 er, 1. Signalons, enfin, que l article 39 du C.I.R./1992 prévoit un mécanisme d exonération des indemnités d incapacité permanente présentant un lien direct ou indirect avec l activité professionnelle et perçues en application de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles. L article 39, 1 er précise ainsi que «les pensions, les rentes viagères ou temporaires et les allocations en tenant lieu visées à l'article 34, 1er, 1, qui sont attribuées en cas d'incapacité permanente en application de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles, sont exonérées dans la mesure où elles ne constituent pas la réparation d'une perte permanente de bénéfices, de rémunérations ou de profits». En ses paragraphes 2 et 3, la même disposition instaure un mécanisme de présomptions concernant la réparation d une perte de revenus. 57 J. BAETEN, C. DEVOET, La nouvelle loi sur les pensions complémentaires, Bruxelles, Larcier, 2003, p.177. Cf. infra. 58 Circulaire n Ci.RH.332/583.327 (AFER n 42/2010) du 20 mai 2010, 36. Cf. infra, point II, A, 4). 19

CHAPITRE 2 EXAMEN DU LIEN ENTRE LA DÉDUCTION DE LA PRIME ET LA TAXATION DES PRESTATIONS SECTION 1 RÉCAPITULATIF DE L ÉVOLUTION JURISPRUDENTIELLE ET LÉGISLATIVE 1. Arrêt n 132/98 de la Cour constitutionnelle du 9 décembre 1998 Disposition légale en cause Article 32bis du C.I.R./1964, correspondant à l article 34, 1 er, 1 du C.I.R./1992 tel qu applicable avant l exercice d imposition 1999 : «1er. Les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu'en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi : 1 les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectement à une activité professionnelle ou qui constituent la réparation totale ou partielle d'une perte permanente de bénéfices, de rémunérations ou de profits». Faits et antécédents de procédure Un travailleur est victime d un accident de la circulation en se rendant au travail. Il en résulte une diminution partielle permanente de sa capacité de travail, ce qui lui donne le droit de percevoir une indemnité, en application de la législation sur les accidents du travail. Il ne subit cependant aucune perte de revenus professionnels. L administration fiscale estime pouvoir imposer l indemnité perçue en vertu de l article 34, 1 er, 1 du C.I.R./1992, car une indemnité perçue en application de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se rattache «directement ou indirectement à une activité professionnelle». Pour cette raison, la Cour de cassation avait effectivement posé le principe selon lequel de telles indemnités étaient toujours taxables, nonobstant l absence de perte de revenus, tandis que l imposition des indemnités de droit commun était subordonnée à une perte effective de revenus 59. 59 Cass., 22 octobre 1992, Pas., 1992, I, p. 686. Notons que la Cour de cassation avait également eu l occasion de se prononcer, en 1993, sur l imposabilité d une indemnité perçue en exécution d un contrat d assurance «revenu garanti» et 20