1. L élevage basco-béarnais au défi des changements climatiques



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Transcription:

1. L élevage basco-béarnais au défi des changements climatiques La question des changements climatiques et de l engagement de tous pour réduire ces évolutions a été au cœur de l actualité en décembre avec la COP21 et la signature d un premier accord international. Le monde agricole et la chambre d agriculture n ont pas attendu 2015 pour se mettre en responsabilité face à ces interrogations, sur notre façon d agir dans notre territoire. Un premier forum avait été organisé à Ordiarp, en juillet 2007, lors Rallye de l herbe organisé par la fédération des CUMA. Au-delà du constat des évènements climatiques extrêmes que nous avons connus ces dernières années, nous voyons apparaître de nouvelles espèces de plantes. Face aux bouleversements annoncés, l élevage basco-béarnais, diversifié, adossé aux Pyrénées mais de toujours tourné vers le Sud, dispose de réelles capacité d adaptation. 1. Les Changements Nous sommes aujourd hui, de manière certaine, confrontés à des changements qui vont, progressivement devenir de plus en plus profonds et dont nous allons ressentir les effets de plus en plus fréquemment. Ces changements se mesurent à la fois par l évolution des températures, de la pluviométrie, de la régularité des pluies, de la fréquence des canicules. Mais ces évolutions sont aussi devenues prévisibles par l évaluation de l impact des activités de l homme, par la mesure des teneurs en gaz à effet de serre (GES), comme le CO2 (qaz carbonique) en particulier. Nous avons tous gardé en mémoire la canicule de 2003, ou les inondations de 20013 et 2014. Ces épisodes extrêmes relèvent avant tout d un «aléas». L augmentation de la fréquence de ces épisodes extrêmes, de leur ampleur constitue aussi un élément 2. Une situation climatique atypique Les Pyrénées Atlantiques bénéficient de conditions climatiques particulières, alliant l influence océanique, une grande douceur hivernale liée aux effets de foehn (vent du sud à l automne et en hiver), mais aussi en été, des épisodes orageux portés par des flux d air tropicaux humides. L irrégularité des orages, localisés sur des couloirs, n empêche pas l apparition de périodes de sécheresses plus ou moins longues, attendu des changements climatiques. Mais il ne faut pas oublier que de tels phénomènes ne sont pas nouveaux, qu ils se sont produits durant les siècles passés, que des périodes de sècheresse, au début du XXème siècle, en 1921, à la fin des années 40 ont aussi en leur temps marqué les esprits de nos grandsparents, que l on a toujours redouté les hivers «sans hiver» ou les orages destructeurs de récoltes. L adaptation au changement passe avant tout, pour les activités d élevage, par la capacité à répondre aux aléas climatiques, à composer avec des conditions météorologiques de plus en plus variables. L adaptation aux changements à moyens terme s appuiera sur d autres mécanismes, avec de nouvelles variétés (et races) et cultures, de nouveaux moyens de lutte. accentuées par les fortes températures. Des situations parfois très contrastées peuvent alors apparaitre à seulement quelques kilomètres d écart, en fonction du passage des orages. De fait, le piémont basco-béarnais bénéfice déjà de conditions qui préfigurent celle que l on pourrait retrouver plus au Nord de la France dans quelques années. 3. Ce que l on observe et les plantes invasives : Les agro-climatologues observent, de manière générale à l échelle de la France, des dates de démarrage de végétation des cultures plus précoces, ou des dates de récolte avancées (vendanges). Pour les éleveurs baso-béarnais, ce sont les changements dans les prairies qui sont les plus visibles, avec à la fois une tendance à la dégradation des prairies (combinant les à-coups climatiques et les effets des pratiques), une fréquence plus élevée d espèces annuelles (pâturins), le développement des graminées dites en «C4», annuelles (comme les sétaires) et vivaces. Le développement des annuelles est une caractéristique des zones méditerranéennes, c'est-à-

dire de régions ou les espèces herbacées vivaces ont de plus en plus de mal à survivre lorsque les conditions deviennent difficiles. La 2 ème conséquence est le développement d espèces «C4», c'est-à-dire de plantes subtropicales, supportant mieux les fortes chaleurs, voire un déficit d eau. Comme pour le maïs, ces plantes ne supportent pas le froid, elles démarrent plus tard, et font leur épis en fin d été ou automne. Elles sont d un intérêt fourrager moyen, voir médiocre comme pour le sporobole (ci-dessous) ou les sétaires. Le cas des ray grass sauvages est aussi une conséquence. Ce type sauvage est apparu depuis une 10aine d année dans tout le département, d Urrugne à Lescun. Il s agit, au vue des épis, plutôt d un type hybride, très tardif (épis dans les regains), peu feuillu (et d intérêt fourrager moyen), mais supportant très bien les chaleurs d été. L arrivée de nouveaux ravageurs des prairies et cultures n est pas à exclure, ni encore celle de nouvelles maladies ou parasitoses animales. 4. L agriculture est par nature adaptative Il y a plus de 10.000 ans, quelque part entre la Syrie et l Irak, l élevage et l agriculture sont apparus, pour devenir les piliers de notre alimentation. Cette activité s est ensuite développée, à travers tous les continents, en s adaptant à la diversité des climats, des contraintes de sol. L agriculture repose sur cette capacité à se diversifier et à s adapter, et à se développer même dans les milieux les plus hostiles. L agriculture contemporaine garde au fond d elle même cette capacité à s adapter, capacité accrue avec les connaissances techniques actuelles. La production de lait et de fromage de brebis s est développée au cours des millénaires sur tout le bassin méditerranéen, en particulier en Grèce, en Sardaigne et Italie, en Corse, en Espagne : cela veut dire qu un élevage viable peut trouver sa place dans des régions chaudes et sans pluie durant 5 mois. Il en est de même pour le fromage de vache des Baléares (Minorque), avec une production dominée par l élevage laitier, nourri à bas de fourrages hivernaux. Pour les brebis, les systèmes de production ont permis de sélectionner des types raciaux désaisonnés de manière à faire coïncider les périodes de plus gros besoins avec les périodes de production d herbe. Les cultures fourragères. Pâturer en hiver, le principal frein reste la portance La Blonde d Aquitaine possède elle aussi une grande aptitude à supporter les températures extrêmes et des stress hydriques. Depuis bientôt 50 ans, son élevage s est développé au Brésil et en Argentine, y compris dans les régions tropicales chaudes. Le dynamisme des associations d éleveurs de Blondes en Amérique latine démontre clairement les formidables capacités d adaptation de cette race à des climats bien plus chauds que ceux que l on connait au pied des Pyrénées. Les cultures fourragères méditerranéennes restent les RGI, les céréales à pâturer, des légumineuses comme le sulla ou la luzerne annuelle. Autant d espèces déjà cultivées sous nos latitudes, mais qui pourront dominer les systèmes de production de demain. 5. La diversité des milieux et des systèmes d élevage facteur d adaptation Outre la diversité des races animales domestiques, l élevage et l agropastoralisme reposent sur une diversité de ressources fourragères : des prairies temporaires, des prairies permanentes, des parcours ou estives, voire des fourrages annuels. Cette diversité permet de s adapter car toutes ces ressources ne

réagissent pas de la même façon au déficit ou à l excès d eau, et permettent de compenser les conséquences d une anomalie météorologique sur l une ou l autre des ressources. A cette diversité de milieu s ajoute la diversité des espèces, et au sein de chaque espèce, la diversité génétique des «populations», comme on a pu le mesurer sur les dactyles pyrénéens et les trèfles. Cette diversité génétique apporte une grande capacité de «résilience». La permanence de cette diversité découle des contraintes d altitude et de milieux liées à la présence du massif pyrénéen. De plus, le «château d eau» des Pyrénées est aussi une chance extraordinaire pour l élevage et l agriculture. La moitié Nord de l Espagne a su y puiser l essentiel de sa ressource en eau. Une autre question porte sur l acceptation collective ou pas des aléas et d une variabilité inter-annuelle de 6. Des effets paradoxaux voire positifs? Les effets des changements climatiques sont souvent jugés comme négatifs, avec des réductions de production. Ces menaces sont particulièrement réelles pour les régions chaudes déjà soumises à des stress climatiques majeurs (Afrique), pour les régions à risque de submersion, mais doit être relativisées pour nos zones tempérées. Le recours au pâturage hivernal et aux cultures d hiver tel que nous l observons en régions méditerranéennes sera amené à se développer plus au Nord ou l Ouest, de manière à compenser le déficit fourrager estival attendu. De ce point de vue, les petits ruminants présentent une meilleure aptitude à la sortie hivernale en limitant les problèmes de portance. L introduction de nouvelles espèces fourragères la production agricole. Nous essayons de contrôler et de réguler les productions agricoles, alors que la variabilité est inhérente aux variations météorologiques, et que les agriculteurs ont toujours composé avec les effets années et su mettre en œuvre des formes de régulation. Notre société s impose des règles (conditionnalité, cahiers des charges), qui peuvent limiter cette capacité de réaction. Alors qu il faudrait réduire les cheptels en périodes de «vaches maigres», les règlementations imposent de garder des animaux. Il en est de même pur les jachères, qui ne sont pas toujours mobilisables au moment ou elles seraient utiles et pour ceux qui en auraient le besoin. Les politiques publiques devront être à même de conforter (et non pas corseter) les capacités d adaptation de l agriculture et de l élevage. estivale (moha, sorgho) plus adaptées aux fortes chaleurs peut compenser la perte de productivité des espèces aujourd hui cultivées. Si nous repensons à l hiver 1989-1990, c est à dire un hiver «sans hiver», la pousse continue durant cette saison là s était traduit par un accroissement de la production de lait de près de 20%. Donc des hivers plus doux pourront entraîner des surplus de production et de moindres coûts de production. La conséquence secondaire a été malheureusement un engorgement des outils de production et de mise en marché du fromage (avec une baisse du prix du lait). Donc le réchauffement du climat aura des effets positifs que nous aurons à exploiter. En résumé Sans nier l ampleur des changements attendus et des défis à relever, l élevage basco-béarnais, de part la diversité des systèmes de production, des espèces animales, des milieux qu il exploite dispose de réelles capacités d adaptation aux changements climatiques. Mais il est aussi de notre responsabilité de contribuer à la limitation de ces changements, c'est-à-dire de participer à la réduction de l émission des gaz à effet e serre, et au stockage du carbone. Ces objectifs seront abordés dans la suite de cet articles, à paraître la semaine prochaine. Jean-Marc ARRANZ, janvier 2016

2. L élevage basco-béarnais acteur pour le climat L agriculture et l élevage sont régulièrement montrés du doigt pour leur impact sur les changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre : méthane, gaz carbonique, protoxyde d azote. Ce constat est une réalité, mais ces impacts varie en fonction des pratiques, et surtout l agriculture peut compenser et à la capacité à «stocker» du carbone et de la matière organique. Quelles sont les principaux postes d émission et les marges de manœuvre pour les élevages basco-béarnais? Au delà des constats bruts, comment agir en tenant compte de la viabilité des exploitations et des autres services rendus par les exploitations agropastorales? Le ministère de l agriculture a lancé cet automne l initiative «4 pour 1000», avec l ambition de stocker, annuellement, 4/1000 de carbone dans le sol. L élevage basco-béarnais, riches de ses prairies et infrastructures agroécologiques (haies, bosquets) est à même de répondre à ces objectifs. 1. La rumination et le méthane «entérique» : Le premier poste d émission de GES dans les élevages français (près de 50% de l empreinte carbone) est la production de méthane entérique (CH4) : c est un gaz qui est produit au cours de la dégradation des fourrages dans le rumen des herbivores, par les microorganismes de ce rumen (bactéries, protozoaires). Il est inhérent au processus de la digestion chez l ensemble des ruminants. Les possibilités de réduction sont limitées, sauf à infléchir la rumination, en utilisant des aliments moins fibreux (plus digestes), ou en rendant les protéines moins dégradables dans le rumen (mais absorbables dans l intestin), voire avec des plantes à tanins (sainfoin, lotier). Les aliments riches en matières grasses (lin, tournesol, colza) aussi ont des effets «réducteurs» d émission de méthane prouvés : leur intérêt peut être couplé avec la recherche d une amélioration du taux butyreux du lait. Pour les pays d Europe occidentale, la principale marge de manœuvre pour réduire l émission de CH4 reste la productivité animale, et donc la diminution des animaux improductifs, une mise à la reproduction précoce, si on raisonne à volume de production constant. L animal improductif continue d émettre beaucoup de méthane. Age au premier vélage ou au premier agnelage, intervalle vélage-vélage sont des indicateurs pertinents d estimation de la production de méthane. Le calcul d émission de méthane est basé sur la quantité de matière sèche ingérée et la digestibilité du fourrage : pour une même espèce animale, cette émission va s accroître pour des animaux de grands format (par exemple la Lacaune vs une manech), et lorsque le niveau de production s accroît : mais ces augmentations «pèsent» moins que l improductivité. 2. L azote et les effluents d élevage Le 2 ème poste d émission est lié au cycle de l azote organique et minéral. On peut dissocier l azote minéral (engrais minéraux) et l azote organique (effluents, restitutions au pâturage). Dans les élevages, les consommations d azote minéral ont été fortement réduites ces dernières années, la plupart des exploitations peuvent se passer d azote minéral : les effluents et les légumineuses étant à même de satisfaire les besoins. L azote minéral est encore parfois utilisé sur fortes pentes impossible à mécaniser (en alternative à l utilisation des canons à lisier). L azote organique est directement lié à l azote ingéré : seul 10 à 20% de l azote ingéré est valorisé en production de viande ou de lait, ce qui veut dire que 85% de l azote est rejeté, accumulé (litière, lisier) ou directement dans les prairies. Cet azote sera plus ou moins réutilisable et donc piégé selon les modalités de gestion des litières, des fumières, des lisiers. Les pertes par lessivage des tas de fumiers au champ, le compostage peuvent être des sources de non valorisation et de perte importantes, donc de retour dans l atmosphère sous la forme de protoxyde d azote (N20).

Toutes les mesures qui permettent de réduire les pertes (couverture des tas) doivent être favorisées. Comme pour le méthane, la production d azote est aussi liée au nombre d animaux, et la réduction de l improductivité est source de réduction globale d émission d azote. Les animaux laitiers retiennent globalement plus d azote, et le valorisent mieux. Le rationnement doit être ajusté au mieux pour réduire la perte d azote. Le taux d urée dans le lait est un bon indicateur de l excédent d azote. Dans les systèmes de production avec des cultures, de céréales et prairies temporaires, il faut bien sûr s appuyer au maximum sur les légumineuses qui ont la capacité de fixer l azote atmosphérique : recours aux trèfles et à la luzerne pour els prairies temporaires, trèfle incarnat (ou autres trèfles) pour les dérobées, vesces/gesses dans les méteils. Les crucifères pièges à nitrate participent aussi à une meilleure utilisation de l azote, et donc à réduire les fuites. 3. Le gaz carbonique et les achats d aliments Le gaz carbonique (CO2) constitue un 3 ème poste majeur d émission de GES. On considère à la fois les émissions directes, liées aux consommations d énergie (équipements agricoles : tracteurs, bloc traite et transformation) et à la gestion des effluents, mais aussi les émissions indirectes liées à la fabrication des intrants, aux transports, aux aliments achetés (production+transport). La réduction des consommations d énergie, en particulier fossiles comme le gazole, peuvent se raisonner à travers le choix des équipements, moins gourmant en énergie, de diminution du temps de fonctionnement des tracteurs. Les marges de manœuvre restent limitées, d autant que la dispersion des parcelles explique une bonne part des écarts entre exploitations. Pour les élevages ovins lait, le principal poste d émission est lié aux achats d aliments, concentrés et fourrages. Les fourrages types luzerne, les déshydratés présentent, de part le transport et les procédés de production/séchage, un haut niveau d émission. Les achats de paille, souvent d origine espagnole, constituent aussi un poste d émission de carbone non négligeable (50 à 100 kg par brebis et par an). La vraie piste d amélioration porte donc sur la réduction des achats, et une meilleure autonomie alimentaire des troupeaux 4. Le stockage du carbone par les prairies Les exploitations ont aussi la possibilité de compenser les émissions de CO2 en stockant du carbone dans le sol. Les prairies permanentes permettent de stocker du carbone avec une grande efficacité, surtout si elles sont exploitées principalement par le pâturage. La capacité de stockage des prairies temporaires est moindre, mais supérieure aux parcelles en culture. Les exploitations des vallées pyrénéennes et celles du piémont constituent un «puits de carbone» majeur à l échelle du territoire.

5. Le stockage par les haies et les bosquets En plus de prairies, les haies, les bosquets, les arbres isolés constituent un 2 ème puits de carbone majeur. Aussi appelées infrastructures agro-écologiques, ces surfaces sont aujourd hui prises en compte dans les dossiers PAC, pour leurs rôles relatifs à l entretien de la biodiversité, pour la filtration et la rétention des eaux, et donc pour la fixation du carbone. Les zones de coteaux et de montagne sont aujourd hui dominées par du bocage et des mosaïques de milieux diversifiés mixant bosquets, prairies et cultures. Elles sont à même de remplir pleinement ces fonctions de stockage. Les politiques publiques devront lever toute ambiguité quand à leur volonté à reconnaître et accroître ce type de surface. 6. Pour une approche globale intégrant dimension technico-économique et enjeux environnementaux. Chaque éleveur est amené à prendre des décisions qui intègrent à la fois la dimension économique (valorisation des produits, orientation des primes), des choix techniques, mais aussi de plus en plus des services environnementaux. Il est illusoire de penser qu il existe une recette pour améliorer tous les postes de service à la fois. Nous faisons des compromis, de manière consciente ou pas, selon que l on privilégie les résultats techniques, tel ou tel service environnemental. Par exemple, l achat de paille pour développer l accumulation sur litière aura un impact positif sur la qualité des eaux mais probablement négatif en termes de flux de carbone. La réduction des surfaces en prairies temporaires aura un effet négatif sur l autonomie fourragère (et donc sur la marge économique) mais positif sur le stockage par les prairies permanentes. Pour les troupeaux de vaches laitières, de nombreuses études ou suivis ont été réalisés ces dernières années par l INRA et l institut de l élevage. Ces travaux démontrent que l empreinte carbone (le bilan net) est sensiblement équivalent pour les systèmes herbagers et pour les systèmes qui ont recours à l ensilage de maïs, mais qu il existe de forts écarts entre exploitation au sein des systèmes fourragers. Autrement dit, les marges de manœuvre sont à rechercher intra-système. Les compromis entre services, entre économie et environnement ne sont pas faciles à faire. Il existe des outils d appui technique à portée nationale (tel Cap 2ER proposé par l institut de l élevage) qui permettent d approcher ces compromis, de faire des choix éclairés. Dans les Pyrénées, nous avons développé depuis 2 ans «Geroko», un outil adaptés aux élevages agro-pastoraux mixtes ovins lait-bovins, pour simuler les changements et évolutions des conduites et pratiques, en intégrant les dimensions de biodiversité et d impact sur le climat, sans oublier la dimension économique. En résumé La COP21 qui s est tenue en décembre à mis en lumière les enjeux autour du réchauffement de la planète. Il est important que nous prenions conscience de notre rôle, et de réfléchir à la façon de nous engager, à la fois en réduisant l empreinte climatique brute, et en stockant plus de carbone. Les activités d élevage du territoire rendent d ores et déjà de réels services environnementaux, et disposent de marges de progrès sans compromettre leur compétitivité économique. Jean-Marc ARRANZ/ Janvier 2016/ Chambre Départementale d Agriculture/ 07 77 34 38 69