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APRES NETFLIX Sensibilité des obligations de production de la télévision à la pénétration de la SVOD Résumé de l étude Arthur Kanengieser Sous la direction d Olivier Bomsel 1 er septembre 2014 Chaire ParisTech d Economie des Médias et des Marques Cerna, MINES ParisTech Tél. : 33 (1) 40 51 90 36

Problématique L industrie audiovisuelle française est fortement structurée par le cadre réglementaire issu de la libéralisation de la télévision d Etat. Cette libéralisation s est assise sur la concession de fréquences hertziennes en échange d obligations de production et de diffusion. Le dispositif a fait sens tant que la télévision était la seule source de diffusion audiovisuelle sur le territoire national. Il est désormais menacé par l irruption de nouveaux usages et de nouveaux offreurs mondialisés. Le système actuel de financement du cinéma et de la fiction télévisuelle en France repose sur des aides publiques, des obligations de production des diffuseurs TV et des ressources non réglementées. La pénétration de nouvelles offres adaptées à de nouveaux modes de consommation VOD par abonnement va induire un accroissement de la concurrence sur le marché de la télévision. Quel impact en attendre sur les investissements obligatoires des diffuseurs? Quelles conséquences pour le système de financement? Méthode Les obligations de production des diffuseurs sont assises sur le chiffre d affaires des chaînes de télévision. Ces recettes sont alimentées par trois ressources principales : le marché publicitaire, la redevance audiovisuelle (contribution de l Etat à l audiovisuel public), et les abonnements à la télévision payante. Ces trois ressources servent de paramètres à un modèle économique simulant le système des obligations de production des diffuseurs (modèle CMM, Chaire Médias et Marques). En faisant varier les paramètres de marché, on observe les conséquences sur les contributions réglementées des diffuseurs et le financement du cinéma et de la fiction télévisuelle française. Pour chaque paramètre, une hypothèse haute, une hypothèse médiane et une hypothèse basse seront fixées, suivant trois scénarios d évolution à court terme (2017) des ressources des chaînes de télévision et leur impact sur le financement des programmes. 1

Résultats Apport des diffuseurs - production ciné. 390,0 370,0 350,0 330,0 310,0 290,0 270,0 250,0 230,0 210,0 190,0 170,0 150,0 2008 2009 2010 2011 2012m 2013 2014 2015 2016 2017 Hypothèse 1 Hypothèse 2 Hypothèse 3 Apport des diffuseurs - production TV 550,0 530,0 510,0 490,0 470,0 450,0 430,0 410,0 390,0 370,0 350,0 2008 2009 2010 2011 2012m 2013 2014 2015 2016 2017 Hypothèse 1 Hypothèse 2 Hypothèse 3 Pour le cinéma, la baisse de l apport des diffuseurs entre 2011 et 2017 varierait entre 11% et 44% selon le scénario. Pour la fiction TV, elle varierait entre 8% et 27%. 2

Scénarios d'évolution du Kinancement de la production ciné. 2012-2017 1200,0 1000,0 800,0 600,0 400,0 Ressources non réglementées Apport des diffuseurs Aides publiques 200,0 0,0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Scénarios d'évolution du Kinancement de la Kiction TV 2012-2017 800,0 700,0 600,0 500,0 400,0 300,0 Ressources non réglementées Apport des diffuseurs Aides publiques 200,0 100,0 0,0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Rapporté au financement global du cinéma et de la fiction télévisuelle, le manque à financer total passerait de 8% à 22% entre 2011 et 2017 selon les hypothèses dans le cas du cinéma, et de 6% à 24% dans le cas de la fiction. 3

En résumé Les aides publiques, au mieux, se maintiennent, au regard du blocage fiscal actuel. L apport réglementé des diffuseurs, est voué à diminuer (plus ou moins vite) alors même que les coûts de grille des chaînes suivent une tendance inverse. Le maintien du financement de la production cinématographique et de la fiction TV passe nécessairement par la croissance des apports non réglementés. Implications Le financement s oriente davantage vers le marché Le déploiement de la consommation à la demande accroît la concurrence dans secteur de la télévision. D un côté, le consommateur y trouve avantage car émergent de nouvelles offres, de l autre, l outil réglementaire du financement de la production française assis sur des marchés audiovisuels protégés entre en crise. Pour l ensemble des diffuseurs : Les recettes s orientent durablement à la baisse Leur maintien est toujours plus dépendant des studios américains, avec incidence sur le coût de grille, L EBITDA, malgré de possibles variations conjoncturelles, diminue, impactant le cours de bourse Les financements réglementés diminuent en perdent en cohérence Pour compenser la baisse des financements réglementés, la production s oriente davantage vers l export. La tendance s observe «naturellement» dans le cinéma où la prévente des mandats d exploitation à l étranger a augmenté de 360% entre 2009 et 2013. A l opposé, la télévision régresse: les exports de fiction française diminuent depuis 15 ans (29,7 M de ventes en 2000, 22,8 M en 2012). Malgré l annonce d investissements de Netflix en production, la fiction télévisuelle, format en forte croissance, est plus menacée par la SVOD que le cinéma. Crise du système réglementaire Le régime des obligations de production, historiquement issu de la concession de marchés croissants et protégés, perd en pertinence et en légitimité. Face à la nouvelle donne concurrentielle (apparition de la TNT, émergence de nouveaux services, internationalisation de la distribution audiovisuelle), le marché de la télévision cesse d être protégé. La légitimation des obligations se réduit à la capture d un public âgé, le moins à même d explorer les nouvelles offres. Pis, les entreprises du secteur dont l actif est centré sur la concession n ont pas de relais de croissance car les apports réglementés ne donnant pas accès à la propriété des œuvres (hors diffusion sur les antennes de l acheteur), ils concourent à concentrer l activité des chaînes sur la maximisation de leur audience nationale. Laquelle entre en récession durable. 4

Le paradoxe du système actuel est qu en raison la désintégration verticale (décrets Tasca), le financement réglementé n incite pas à valoriser les droits d exploitation hors des antennes françaises. Et donc, oriente la fiction audiovisuelle vers des produits peu exportables alors même que les chaînes accroissent leur dépendance vis- à- vis des imports. Vers plus d intégration verticale Le financement de la production devient plus sensible au marché, et fatalement, plus risqué. Le maintien des investissements passe par une croissance des apports commerciaux, lesquels ne peuvent s engager sans une meilleure valorisation des droits d exploitation, notamment sur les marchés étrangers. Et sans une mutualisation des risques au sein de larges catalogues, comme c est la règle dans toutes les industries de médias. Pour mieux valoriser les droits (y compris via Netflix), la télévision doit devenir davantage propriétaire des programmes qu elle finance : elle pourra alors investir dans l efficacité de l export : réorientation éditoriale des produits, intégration de la distribution internationale, meilleure efficacité de l exploitation des mandats, etc. et mutualiser les risques par la concentration et l exploitation de catalogues En d autres termes, il faut réorienter les actifs des entreprises du secteur de la concession vers des catalogues, ou si l on préfère, passer d une industrie de gestionnaires de fréquences à une logique intégrée de studios. Une réorientation des investissements du service des obligations vers la valorisation des droits peut se faire de manière progressive en définissant un point d arrivée et un calendrier. Une telle logique serait plus claire et plus productive que celle d un replâtrage répété des obligations. Elle permettrait de rétablir un jeu à somme positive entre tous les acteurs de la filière désintégrée. Elle aurait des effets vertueux (comme la concentration des catalogues), entraînant «naturellement» la rationalisation du marché français, comme par exemple une réforme de la chronologie des médias, dont l assouplissement sera, dans cette configuration, dans l intérêt des ayants- droit. 5