Le plan de gestion adapté au val de Loire : enjeux et méthode 1. Le plan de gestion, une obligation pour tout périmètre UNESCO L'attribution du label UNESCO ne confère aucun cadre juridique spécifique au territoire concerné La Convention du patrimoine mondial qui régit la philosophie du label précise (art 5) que "les États parties s'efforceront.. -d'intégrer la protection des sites du PM de leur territoire dans les programmes de planification générale -de prendre les mesures juridiques,,scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur... de ce patrimoine". Les Orientations devant guider la mise en œuvre de la convention du patrimoine mondial élaborées par l'unesco, sont quant à elles un peu plus explicites et posent le principe de la nécessité d'un plan de gestion adapté aux caractéristiques du site, tout en respectant certaines constantes. «Chaque bien proposé pour inscription devra avoir un plan de gestion adapté ou un autre système de gestion documenté qui devra spécifier la manière dont la VUE du bien devrait être préservée, de préférence par des moyens participatifs».(art 108). «Un système de gestion efficace doit être conçu selon le type, les caractéristiques et les besoins du bien et son contexte culturel et naturel. Les systèmes de gestion peuvent varier selon les différentes perspectives culturelles, les ressources disponibles et d'autres facteurs. Ils peuvent intégrer des pratiques traditionnelles, des instruments de planification urbaine ou régionale en vigueur et d'autres mécanismes de contrôle de planification formel et informel» (art 110). «Tout en reconnaissant la diversité évoquée ci dessus les éléments communs d'un système de gestion efficace peuvent inclure : a)une connaissance approfondie et partagée du bien par tous les acteurs concernés b) un cycle officiel et non officiel de planification, mise en œuvre, suivi, évaluation et réaction c)al participation des partenaires et acteurs concernés d) l'affectation des ressources nécessaires» (art 111). Le plan de gestion doit envisager l'évolution du bien tant à court qu'à long terme: «Le but d'un système de gestion est d'assurer la protection efficace du bien pour les générations actuelles et futures» (art109).«une gestion efficace doit comprendre un cycle planifié de mesures à long terme et quotidiennes pour protéger, conserver et mettre en valeur le bien». (art 112) Et s'il ne fait aucun doute que l'état partie est responsable devant l'unesco, la
gestion du bien et notamment le plan de gestion, doit se faire en collaboration avec les acteurs du territoire:«les États parties sont responsables de la mise en œuvre d'activités de gestion efficaces pour un bien du PM. Les États parties doivent le faire en étroite collaboration avec les gestionnaires du bien et les autres partenaires et acteurs concernés par la gestion du bien». (art 117) Donc, en résumé, l'état - partie est donc tenu à une obligation de moyens parmi lesquels figure explicitement le plan de gestion. 2. Un plan de gestion adapté aux caractéristiques du Val de Loire 2.1. Une candidature présentée sans le soutien actif d'une majorité des acteurs La candidature a été portée par une équipe de personnalités locales motivées et l'état. Pour des raisons qui s'expliquent, cette quête du label ne reposait pas sur un très large soutien dans la population locale, contrairement au principe des candidatures actuelles. De ce fait, lors de l'attribution du label, la population et les acteurs du territoire qui étaient étrangers à cette démarche ont perçu cette distinction comme la reconnaissance d'une excellence évidente à leurs yeux, la promesse d'un afflux touristique supplémentaire, mais n'ont pas imaginé l'engagement de protéger et valoriser la VUE, pris en contrepartie par l'état. Cette méconnaissance est un handicap et requiert maintenant un gros effort de sensibilisation et de mobilisation des acteurs et secondairement des habitants du périmètre. Par ailleurs, le Val de Loire a obtenu le label en 2000, alors que le plan de gestion ne faisait pas encore partie des pièces obligatoires pour la recevabilité du dossier d'inscription (art132). En conséquence, huit ans après l'attribution du label, le Val de Loire n'avait toujours pas de plan de gestion. La prise de conscience que de nombreux projets d'équipement étaient susceptibles de porter atteinte à la VUE, dont 14 projets de ponts sur la Loire, a alors déclenché l'élaboration du plan de gestion, début 2008. Il y a quelques jours, le plan de gestion a été présenté à la conférence territoriale qui réunit l'état, les régions et les plus grandes collectivités du périmètre, avant d'être soumis à la délibération de l'ensemble des collectivités du périmètre et que in fine, le préfet coordinateur l'approuve. Le plan de gestion comprend 4 parties: une description de la VUE, un bilan des menaces pesant sur la VUE, les mesures à prendre pour protéger la VUE, structurées en 9 orientations et enfin les actions que l'état va prendre à sa charge. Ce plan de gestion concerne spécifiquement le périmètre labellisé. La zone tampon (art 104 des Orientations de mise en œuvre de la CPM) relève d'une logique d'abords et de covisibilité au sens de la protection des MH Ce plan de gestion a été élaboré par les services de l'état avec le concours de la Mission Val de Loire. Il a été concerté avec les collectivités locales et les associations (présentations dans chaque département sous l'égide des préfets mise à disposition pendant 2 mois- réactions - prise en compte des propositions) 2.2.Des enjeux inhérents aux paysages évolutifs vivants Ces paysages qui résultent par définition des interactions, toujours à l'œuvre, d'une société avec son territoire, sont soumis à une pression évolutive, laquelle doit
préserver et valoriser la VUE. Le Val de Loire en est un exemple aux caractéristiques exacerbées : très étendu (85 000ha et 220 000 de zone tampon), très peuplé (plus de 1 million d'habitants) et doté d'un tissu économique important et en fort développement. L'importance du nombre des acteurs multiplie d'autant la pression d'évolution du paysage et nécessite un effort considérable de sensibilisation et d'information des acteurs pour que ces évolutions nécessaires et légitimes se fassent en respectant la VUE. 2.3. La gouvernance, une responsabilité pour le moins partagée La particularité la plus notable est sans doute due à la décentralisation de notre pays qui a donné aux collectivités la responsabilité de la planification de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire. Les 165 communes, les communautés de communes, les 4 départements et les 2 régions ont chacun leurs responsabilités spécifiques et complémentaires et sont pleinement acteurs de l'évolution du territoire. L'État, garant de la préservation de la VUE devant l'unesco, n'a dans ce domaine que des prérogatives limitées : son rôle régalien en plus d'être gestionnaire du domaine public fluvial. Il était donc indispensable qu'une coordination entre tous les acteurs se mette en place pour garantir la préservation de la VUE. Le plan de gestion partagé, en pose les bases. 3.Un plan de gestion à l'aube de sa mise en œuvre 3.1. Le point de départ d'une mobilisation des acteurs et un guide Après avoir analysé la VUE et les menaces bien tangibles qui pèsent sur elle, le plan de gestion propose 6 orientations destinées à guider l'évolution du territoire et notamment de sa composante paysagère. Ces orientations présentent les objectifs poursuivis et les moyens pour les atteindre. Elles n'ont pas de caractère contraignant. Elles visent à mobiliser, pour la première fois, l'ensemble des acteurs et leur proposer un référentiel commun d'action, qui garantisse la préservation de la VUE du périmètre, ce patrimoine commun de l'humanité, également garant de la qualité du cadre de vie des habitants et de l'attractivité du territoire pour les entreprises et les touristes. Deux orientations très importantes sont consacrées à l'information et à la sensibilisation des acteurs du territoire (accompagnement) et des habitants (appropriation des valeurs du label). L'atteinte de ces deux objectifs est une condition sine qua non de la conservation du label dans le long terme. La Mise en œuvre du plan de gestion débutera dès son approbation par le préfet coordinateur (mars 2012). Les collectivités locales auront alors délibéré sur le plan de gestion. Elles connaitront donc les orientations qu'il promeut. Un accompagnement sera nécessaire dont la Mission Val de Loire sera l'acteur principal. Une action d'information et de sensibilisation sera également menée à l'intention des autres acteurs du territoire (chambres consulaires, entreprises et établissements publics, associations...). Cette mise en œuvre passera en outre par l'élaboration d'un pg d'actions prioritaires et la mise en place d'un suivi et d'une évaluation du plan. 3.2.Un plan non contraignant mais qui recense néanmoins certaines dispositions actives
Une fois le plan de gestion approuvé par le préfet coordinateur, l'état sera alors présent - sur le plan régalien :. Porter à connaissance pour les documents d'urbanisme sur la base d'une note d'enjeux VUE territorialisée - suivi procédure personnes publiques associées - passage des documents d'urbanisme arrêtés devant la CDNPS - avis sur plans arrêtés.. Porter à connaissance et avis sur les projets. Protection des 25 espaces les plus emblématiques de la région Centre (au moins pour leur partie la moins urbanisée) grâce à l'outil sites classés.meilleure prise en compte du paysage dans les politiques publiques.suivi et évaluation de la mise en œuvre du plan de gestion. Les États parties doivent inclure les indicateurs clés proposés pour mesurer et évaluer l'état de conservation du bien, les facteurs qui l'affectent, les mesures de conservation, la périodicité de leurs examens et l'identité des autorités responsables.(art 132-6) - en tant que gestionnaire du DPF, notamment en matière de gestion de la foret alluviale et de protection /restauration du patrimoine fluvial 3.3. Rendre la protection du Val de Loire UNESCO opposable? L' urgence d'une inflexion de l'évolution paysagère L'État garant de la préservation d'un périmètre UNESCO est astreint à une obligation de moyens, mais surtout à une obligation de résultat, lequel est évalué périodiquement (tous les 6 ans en moyenne). Le prochain rapport périodique sur l'état de conservation de la VUE sera d'ailleurs établi en 2013. Par ailleurs, le Comité du PM a établi un processus de suivi réactif (art 113) pour les cas de menace imminentes sur la conservation de la VUE. Dans les cas les plus extrêmes, après inscription du bien sur la liste du PM en péril, quand aucune solution ne peut être trouvée pour préserver la VUE, l'issue ultime peut être le retrait du label (ex de Dresde). Dans un site aussi grand et développé que le Val de Loire, la perpétuation de la pression actuelle d'évolution paysagère, au regard du niveau de menaces qu'elle entraine pour la VUE, conduira à terme à une crise avec l'unesco et un retrait vraisemblable du label. Seule une inflexion vertueuse du volet qualitatif de cette évolution permettra de se prémunir des effets nocifs des projets fortement impactants et plus encore d'une dégradation généralisée de la VUE sur l'ensemble du périmètre. Dans le contexte actuel, cette inflexion ne peut résulter que d'une prise de conscience des acteurs, suivie d'actions appropriées, renforcées par les quelques dispositions réglementaires vues plus haut. Le plan de gestion a vocation a en être le catalyseur Le paysage, une valeur secondaire La protection d'une VUE est un acte de protection et de gestion paysagère, or le paysage est un objet dont les composantes et la fonction sont assez mal appréhendées par les acteurs d'un territoire. La préservation du paysage est rarement la priorité des aménageurs, y compris lorsqu'il est le fait générateur majeur de l'attractivité touristique. L'état de conservation du paysage est alors souvent considéré comme fait acquis et seules les modalités de
mobilisation et d'accueil des touristes sont visées. Le bénéfice apporté par le paysage en matière de qualité de la vie, de cadre de travail et de potentiel touristique est largement sous évalué, économiquement parlant. Cet état de fait est à la fois engendré et reflété par une protection réglementaire spécifique des paysages, peu efficiente, à l'exception des paysages exceptionnels que sont les sites classés. Le paysage souffre de la dimension subjective qu'on lui attribue et qui contribue à le dévaluer. Le parallèle avec la biodiversité est assez saisissant. Deux concepts assez élitistes qui s'interpénètrent (réserves artistiques puis biologiques de la forêt de Fontainebleau) sans s'imposer jusqu'à la loi de protection de la nature de 1976 mais surtout des directives européennes Oiseaux (1979) et Habitats (1992) qui assoient juridiquement la protection de la biodiversité. Il est à ce titre très regrettable que la remarquable Convention européenne du paysage, élaborée par le Conseil de l'europe n'ait pas encore été adoptée comme directive ou support de directive par l 'Union Européenne. Le cadre règlementaire pourrait il s'étoffer? En 2008 la question du choix des outils réglementaires permettant de couvrir le périmètre UNESCO a été posée. La question d'un grand site inscrit a été discutée puis écartée, ce statut lourd à mettre en place n'apportant qu'un contrôle des permis de démolir. De même la Directive territoriale d'aménagement dont les mises en œuvre passées n'ont pas prouvé leur efficacité à protéger les paysages. Il a donc été décidé de s'appuyer dans un premier temps sur un plan de gestion (obligatoire) guidant les acteurs, couplé à une campagne d'accompagnement de ces derniers, complété d'une action forte de l'état en matière de porter à connaissance pour les documents d'urbanisme et in fine la mise en place de protections règlementaires pour les espaces les plus emblématiques (couple AVAP pour les parties urbanisées et sites classés pour les parties plus rurales). Il ne semble pas exister d'outil susceptible de donner un caractère contraignant au plan de gestion. Toutefois, un projet de loi relatif au patrimoine monumental de l'état, en cours d'examen, devrait s'il voté, assoir juridiquement la prise en compte de l'impératif de protection de la VUE des sites UNESCO et de leur plan de gestion dans les documents d'urbanisme. Enfin les "Études d'impact patrimoniales" destinées à mesurer l'impact des projets significatifs sur la VUE, demandées par l'unesco, devraient rapidement, par leur multiplication, le contact direct avec l'instance internationale et l'enjeu encouru, contribuer à ce que les maitres d'ouvrages situent beaucoup plus précisément le niveau d'attente en matière de protection de la VUE. Thierry MOIGNEU DREAL Centre 7décembre 2011 Colloque "Val de Loire Patrimoine mondial 2000-2010 : identité, protection, valorisation"