Jacques Fortin Professeur titulaire de comptabilité HEC Montréal



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Jacques Fortin Professeur titulaire de comptabilité HEC Montréal Le 15 mars 2012 Redevances minières : réflexion sur un mécanisme de perception qui risque de nous faire rater la cible Depuis que le gouvernement du Québec a annoncé son plan Nord, les discussions vont bon train sur sa Propertinence pour les citoyens du Québec. En particulier, le volet minier de ce vaste chantier a fait couler beaucoup d encre. En conséquence, le gouvernement du Québec a récemment précisé et bonifié sa proposition sur plusieurs composantes du volet minier de son projet, notamment : sur le financement des infrastructures, la tarification de l électricité, la participation au capital des sociétés ainsi que sur la transformation des ressources prélevées. En revanche, il n a rien revu de son modèle de redevances basé sur le profit sectoriel, établi mine par mine, proposé au départ. Que l on soit pour ou contre le développement minier, que l on préfère plus ou moins de redevances minières, nous avons tous intérêt à ce que le calcul de ces redevances soit simple, transparent, objectif et vérifiable. Pourtant, en optant pour un calcul des redevances fondé sur un pourcentage du profit dit «minier» plutôt que sur la quantité de matière extraite, c est le contraire qui est à prévoir. La Loi sur l impôt minier de 2011, qui établit comment seront perçues les redevances minières, est d une rare complexité et elle vise à ne faire payer pour la matière extraite que dans la mesure où l exploitant aura lui-même démontré qu il en a tiré profit. Elle se fonde sur un profit défini sommairement et qui se distingue de celui qui est déjà reconnu tant par la Loi de l impôt sur le revenu que par la règlementation comptable. Elle applique un mécanisme de facturation qui n est pas fonction de la ressource prélevée et qui, pour cause d imprécision et de complexité, sera difficile à appliquer, ouvrira le flanc à l interprétation et rapportera bien moins que ce qui est attendu. La relation de l État avec les sociétés d exploitation minière se situe à 3 niveaux différents. 1) Le gouvernement du Québec agit d abord à l égard des sociétés minières comme pourvoyeur de services publics, tel qu il le fait à l égard de l ensemble de ses citoyens. Comme la plupart des services fournis aux citoyens sont offerts à tous et qu il serait difficile d établir une facturation à l usage, leur facturation est généralement fondée sur le revenu imposable. De plus, pour s assurer que tous comprennent le sens des mots revenu imposable, ce revenu est défini par une loi qui compte plusieurs centaines de pages. Lorsque le contribuable est une personne morale, cette loi relie, en bonne partie, sa définition de revenu imposable (comprendre profit imposable lorsqu il s agit d une entreprise) à la

définition de profit que produit l autorité canadienne de règlementation comptable. Elle aussi, pour limiter le plus possible d éventuelles manipulations, explicite son concept de profit dans un texte de plusieurs centaines de pages. Enfin, lorsqu il est facile d identifier spécifiquement le bénéficiaire d un service public, la tarification à l usage remplace souvent l impôt sur le revenu. 2) Le gouvernement agit aussi à l égard des sociétés minières comme fournisseur de matières premières. C est en leur accordant l accès à la ressource dont il est fiduciaire que l État joue son rôle de fournisseur. Dans ce rôle, celui-ci devrait se comporter comme tout autre fournisseur de matières premières en vendant son produit à son client à un prix fondé sur les justes valeurs marchandes. L État devrait toutefois s assurer, qu à ce prix, il récupère l ensemble de ses coûts, y compris ses coûts sociaux et environnementaux et qu il réalise un profit. C est ce que, dans le crédo du libéralisme économique, on appelle la vérité des prix et que l on considère comme la meilleure garantie d une allocation optimale des ressources. Cette approche est cohérente avec la nature de la relation d affaires en cause et elle l est avec le concept de l utilisateur payeur que l on applique à la tarification des services publics lorsque l utilisateur et le service rendu sont spécifiquement identifiables. Certes, il est possible que pareille approche rebute certains investisseurs. Dans ce cas, compte tenu de la rareté croissante de la ressource, la vérité des prix nous aurait permis de réaliser que le moment n était pas encore venu de l offrir au marché. Par ailleurs, rien n empêche l État fiduciaire, pour des raisons qui pourraient se comprendre, d accorder des escomptes sur les prix d origine. Toutefois, en procédant avec un prix fixé, dont on déduit un escompte, les citoyens du Québec, tous propriétaires de la ressource, pourraient plus facilement comparer le revenu auquel il renonce, en faveur d un promoteur minier, avec les bénéfices que ce dernier leur apportera en échange. 3) L État peut aussi agir comme partie prenante du risque d affaires de la société minière. Il le fera soit y en investissant directement, via l achat de capital action, soit en y investissant via la fourniture à rabais de biens ou des services publics. Dans cette éventualité, il obtiendrait compensation par l octroi, en valeur équivalente, de capital-actions de la société. Dans le cas présent, c est l État fournisseur qui nous intéresse. L État, qui devrait facturer la ressource minérale directement en fonction de la quantité produite mais qui, au Québec, a plutôt choisi de le faire avec un outil que l on nomme impôt minier, calculé à 16% du profit minier, et qui pourrait bien se révéler aussi peu approprié que difficile à utiliser. L outil paraît peu approprié parce qu il conduit à facturer la vente de la ressource sans égard à sa valeur marchande, parce que l État ne l appliquera que dans la mesure où son client minier en tirera des profits et qu il l appliquera au profit plutôt qu à la quantité vendue. Plus encore, on présente actuellement le 16% de bénéfice demandé, en considération de la ressource extraite, comme un ajout à l impôt sur le revenu. On donne ainsi l impression qu on «arrache» à la société minière une contribution fiscale (impôt sur le revenu 30% + impôt minier 16%) qui dépasse de loin la contribution fiscale demandée à toute autre entreprise assujettie à l impôt (30%). En ce faisant, on risque triplement d induire en erreur : 1) D une part le pourcentage de 16% s applique au profit minier (défini très sommairement dans la Loi sur l impôt minier). Ce profit minier ne se calcule pas de la même façon que le profit qui s établit avec la

Loi de l impôt sur le revenu qui, elle, s applique à l ensemble des entreprises. Il est d ailleurs bien possible qu il lui soit inférieur. Nous avons donc là deux réalités qui ne peuvent s additionner. 2) D autre part, pour que la comparaison avec ce qu on demande aux autres contribuables corporatifs soit juste, il faudrait que l on compare le pourcentage du profit d une société minière, demandé par l État en compensation des services publics rendus (30%) et des matières premières vendues (16%), au pourcentage du profit de toute autre entreprise manufacturière que l on obtiendrait en additionnant son pourcentage d impôt sur le revenu (30%) avec le pourcentage du profit que représente son coût en matières premières. 3) Finalement, pour cause de déductions et de reports de toutes sortes, on doit savoir que le pourcentage réel d impôt payé sur ses profits par un contribuable corporatif est souvent inférieur au pourcentage théorique. L outil fondé sur le profit minier sera difficile à utiliser parce qu il est faible sur le plan comptable. Il est faible parce qu il s applique à un profit calculé suivant des règles imprécises et peu explicites et à une portion seulement (la mine) de l entité comptable Or, au Canada, il existe deux définitions généralement acceptées du profit auxquelles le gouvernement du Québec aurait pu se référer pour limiter le risque d arbitraire dans le calcul du profit assujetti aux redevances minières. L une nous est donnée par l Institut Canadien des Comptables agréés (ICCA) dans un imposant référentiel à caractère international. Dans ce référentiel, paragraphe par paragraphe, on tente de faire en sorte que l entité qui produit le renseignement le fasse en vue de présenter, le plus fidèlement possible, la valeur qu elle a créée. Si ce référentiel est si élaboré, c est que les imprécisions en cette matière pourraient permettre à un comptable «créatif» d ajuster le niveau de bénéfice au montant qui fait l affaire de son client. L autre définition, est celle que nous donne la non moins imposante loi de l impôt sur le revenu. Cette définition est, en bonne partie, rédigée en référence aux règles de l ICCA et elle est élaborée en vue d éliminer toute forme d abus d interprétation pour la mesure du profit imposable. Le modèle ICCA ainsi que le modèle fiscal de calcul du profit, ont été conçus pour s appliquer à une entité qui regroupe toutes les activités et entreprises commerciales contrôlées par un même groupe de personnes. De plus, lorsqu il s agit de sociétés ouvertes, il s appuie sur des états financiers qui ont fait l objet d une vérification par un professionnel indépendant. Ces états financiers ont été construits à partir de systèmes comptables qui ont été pensés pour établir un résultat d ensemble. En conséquence, ils éliminent les profits et pertes qui résultent, pour le groupe, des transactions effectuées entre les sociétés membres de ce groupe. La Loi sur l impôt minier du Québec demande que l on décompose, en activités (ex. une mine), les résultats d un groupe, souvent intégré à l échelle internationale (ex : exploration, exploitation, transformation), à partir d informations comptables conçues pour produire les résultats globaux de ce groupe. Cela nécessitera un travail important d analyse des opérations intergroupe qui engendrera beaucoup d arbitraire. Ce travail ne pourra se faire qu à partir de données non vérifiées et essentiellement produites pour fins de gestion interne de l entreprise plutôt que produites pour rendre compte aux parties prenantes, comme c est le cas pour les états financiers. Pour illustrer les difficultés comptables auxquelles seront confrontés nos percepteurs d impôts miniers lorsqu il s agira de vérifier ce profit minier, imaginons la vérification des revenus de vente tirés d une mine du Nord Québécois dont le minerai serait expédié, en vrac, sans transformation, et à faible prix, à une filiale étrangère qui en assumera elle-même la transformation. Il faudra vérifier les quantités expédiées. Il faudra se demander ensuite si elles doivent effectivement être considérées comme vendues.

Si tel est le cas, il faudra identifier le moment de la vente et choisir parmi tous les prix de marché observés au cours d une année, les prix qui devraient s appliquer aux expéditions vendues. Tout ceci se fera sur la base de l information obtenue à la suite d échanges et de discussions avec un contribuable minier qui a tout intérêt à minimiser son profit. En revanche, avec l approche de type «fournisseur», on pourrait réduire ces difficultés en choisissant d appliquer la redevance à la matière extraite plutôt qu à la matière vendue par la mine. Cela éviterait de se demander s il y a eu vente ou non. On pourrait aussi choisir de fixer à l avance le prix qui s applique à la matière extraite pour une période donnée. Cela éviterait les difficultés reliées à l absence d un prix de marché ou encore à avoir à choisir, parmi tous les prix de marché de l année, celui qui s applique à la réalité observée. Mieux encore, avec l approche «fournisseurs», parce que celle-ci ne prend pas en compte les charges de l exploitant dans le calcul de la redevance, là s arrêteront les difficultés. Avec l approche «impôt minier», les difficultés reprendront avec le calcul des charges à déduire des revenus miniers pour le calcul du profit minier. La Loi sur l impôt minier fournit bien quelques indications sur les charges à déduire. Elle en identifie quelques unes mais, ceci, sans aucune forme d exhaustivité. Certaines de ces charges, selon la loi, pourraient d ailleurs être déductibles pour un montant plus élevé que le montant réellement décaissé par la société minière. Cette Loi sur l impôt minier est cependant plutôt silencieuse lorsqu arrive le moment de traiter du partage, entre les différentes mines, des charges qui sont communes à l ensemble des mines et des autres activités (ex. exploration, transformation) d une même société minière. Elle est également silencieuse sur le partage des charges communes à l ensemble des sociétés minières, propriétaires de ces mines, qui seraient filiales d un grand groupe étranger intégré qui a tout intérêt à ce que les profits de ses composantes soient imposés dans les juridictions fiscales les plus complaisantes. Telles seront, par exemple : les charges reliées aux équipements de transport utilisés par plusieurs entités du groupe pour expédier la matière extraite, les charges de gestion, lorsque l administration de la mine se fait au siège social du groupe, les charges des systèmes informatiques centralisés, les frais de recherche et développement ou encore les coûts de ventes, lorsque ces ventes sont le fait d équipes appartenant au siège social. Enfin, il faut savoir que les renseignements dont nous aurons besoin pour établir l impôt minier sont, à moins que la loi n en décide autrement, du domaine privé pour la société exploitante. Celle-ci n a donc aucune obligation de les divulguer publiquement non plus que de les faire vérifier par une partie indépendante. En conséquence, le citoyen fournisseur devra accepter que son revenu de redevance se calcule à partir de données fragiles et, vraisemblablement, d ignorer combien une mine donnée aura payé en retour de la matière extraite. Sur le plan comptable, comme sur le plan fiscal, il existe un mécanisme simple, efficace, transparent et vérifiable pour établir le montant de redevances à prélever et c est celui de la redevance à l extraction. À l opposé, en calculant les redevances à partir de l actuel complexe impôt minier, on risque fort de priver le citoyen fournisseur d une partie de la valeur de la matière cédée. Ceci, tant que la mine ne produira pas un profit substantiel pour ses actionnaires et sans que ce dernier ne puisse comprendre réellement ce qui se passe. La différence entre la valeur réelle de la matière cédée et la valeur obtenue par l État équivaut, en quelque

sorte, à une subvention indirecte que l on accorde à une société minière pour lui faciliter l atteinte des objectifs de rendement de ses actionnaires. Si, collectivement, nous sommes d accord avec pareille subvention, alors il serait préférable que l on obtienne notre dû en redevances en la calculant sur l extraction. Ensuite, nous accepterons que l État accorde, sans détour, une subvention à la société minière qui sera calculée et divulguée comme telle. À défaut, dans toute cette affaire de redevances, il risque d y avoir bien plus à gagner pour les comptables, les avocats et les fiscalistes que pour les citoyens fournisseurs. Jacques Fortin Professeur titulaire de comptabilité HEC Montréal