La transmission à titre gratuit d une entreprise ou d une société familiales

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Transcription:

La transmission à titre gratuit d une entreprise ou d une société familiales par Emmanuel de Wilde d Estmael Avocat au Barreau de Bruxelles Professeur à la P.B.A. (Private Bankers Academy) et Président du Jury Professeur à UCL Mons, Formation «Fiscalité des successions et donations» Professeur à ICHEC-ENTREPRISES, Formation «Gestion de patrimoine» Collaborateur scientifique au Centre de droit privé de l ULB. MàJ 11.07.2012

2 I. Généralités sur la transmission à titre gratuit d un patrimoine questions préalables à se poser avant de réaliser une programmation successorale... 6 A. La situation familiale... 6 B. La consistance des biens... 7 C. La localisation des biens et de la résidence du futur défunt (et le cas échéant, des bénéficiaires)... 8 D. A qui le futur défunt veut-il transférer ses biens?... 10 E. Le régime matrimonial des époux et le contrat de mariage... 10 F. Le futur défunt veut-il transférer ses biens de son vivant ou à son décès? 10 G. En cas de transfert de son vivant, le futur défunt veut-il conserver la mainmise sur la gestion des biens et/ou avoir les revenus des biens donnés?... 10 H. Le futur défunt souhaite-t-il une différence entre ses ayants droit?... 11 I. Le futur défunt souhaite-t-il transmettre des biens précis à l un ou l autre des gratifiés?... 11 J. Les aspects non successoraux... 12 K. Les droits de succession ou de donation... 12 Droits de donation... 12 Droits de succession... 13 II. Bien séparer la transmission à titre onéreux et la transmission à titre gratuit 14 III. Bien séparer l aspect fiscal et l aspect civil d une transmission... 14 IV. Si aucune disposition n est prise... 14 A. Transmission en cas de divorce du propriétaire de l entreprise ou des actions de la société... 14 B. Transmission en cas de décès du propriétaire de l entreprise ou des actions de la société... 14 Dévolution civile, testament, institution contractuelle, statuts des sociétés 14 Droits de succession lorsqu il y a décès du propriétaire de l entreprise ou des actions d une société... 14

3 a) En Région flamande... 15 b) En Région wallonne... 17 Mesures communes aux droits de donation et aux droits de succession 18 Dans quel cas s applique le taux de 0 % en droits de succession?... 18 Quelles sont les entreprises ou les sociétés qui peuvent faire obtenir le taux de 0 %?... 18 Qu entend-on par «titres» et «créances»?... 19 Faut-il que l entrepreneur ou la société ait du personnel salarié ou indépendant?... 19 Quelles sont les autres conditions que doit réunir la société au décès du de cujus?... 20 Comment applique-t-on ce taux réduit par rapport aux autres biens de la succession?... 20 Quelles sont les conditions à respecter après le décès?... 21 Est-il possible d obtenir l application de l article 60bis si les titres ont fait l objet d une donation non enregistrée?... 21 c) En Région de Bruxelles-Capitale... 22 Taux réduit en cas de transmission d entreprises familiales... 22 Conditions d octroi... 23 V. Titres au porteur?... 24 VI. Transmission de son entreprise ou des actions de sa société à un seul de ses héritiers sans léser les autres?... 24 A. Première hypothèse : la donation en pleine propriété rapportable en valeur 24 B. Deuxième hypothèse : la donation en pleine propriété non rapportable... 25 C. Troisième hypothèse : la donation avec réserve d'usufruit ou à charge d'une rente viagère ou à fonds perdu, sans le consentement des cohéritiers (C.civ., art. 918)... 25 Généralités... 25 Actes tombant dans le champ d'application de l'article 918... 27 Personnes visées par l article 918... 28 Présomptions de l article 918... 28 D. Quatrième hypothèse : la donation avec réserve d'usufruit ou à charge d'une rente viagère ou à fonds perdu, avec le consentement des cohéritiers (C.civ., art. 918) et charge éventuelle à leur profit... 28 E. Cinquième hypothèse : la vente pure et simple... 30 F. Sixième hypothèse : la vente avec réserve d'usufruit ou à charge de rente

4 viagère ou à fonds perdu... 31 G. Septième hypothèse : la vente à terme de décès ou à paiements échelonnés... 32 H. Huitième hypothèse : l'option d'achat à terme de décès... 33 Principes... 33 La fixation du prix... 34 I. Neuvième hypothèse : le procédé du double acte... 34 J. Dixième hypothèse : la disposition à cause de mort... 35 VII. Comment céder son entreprise en en conservant la gestion et/ou les revenus?... 36 A. L entreprise individuelle... 36 B. L entreprise sous une forme de société... 36 Conserver l usufruit des titres donnés... 36 Constituer une holding... 36 Constituer une administratiekantoor... 37 Prévoir une charge... 37 Scinder la société... 37 Prévoir un pacte familial... 38 VIII. Droits de donation réduits dans le cadre de la transmission d une entreprise ou des actions d une société familiale... 38 A. En Région de Bruxelles-Capitale... 38 Taux de 3 %... 39 Base imposable... 39 a) Conditions de fond au moment de la donation... 39 b) Entreprises sans personnalité juridique distincte... 39 - Donation en pleine propriété... 40 - Donation d une universalité de biens ou une branche d activité... 40 - Activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou une profession libérale, une charge ou un office... 41 - Donation par acte authentique... 41 - Immeuble affecté ou destiné totalement ou partiellement à l'hab.... 41 - Localisation de l entreprise ou de l activité... 42 c) Sociétés familiales... 42 - Don en pleine propriété... 42 - Siège de direction effective de la société sis dans l'eee... 42 - Activités de la société... 43 - Donation par acte authentique... 43 - Titres représentant 10% du droit de vote... 43 d) Donation entre personnes physiques... 43 Conditions de fond à respecter après la donation... 44

5 a) Entreprises familiales sans personnalité juridique distincte... 44 - Poursuite de l activité... 44 - Non-cession des biens... 45 - Non-affectation de l immeuble professionnel à de l habitation... 45 b) Sociétés familiales... 45 Pas de condition d emploi... 45 Conditions de forme... 45 a) Acte notarié... 45 b) Enonciations obligatoires... 45 c) Moment où les conditions de forme doivent être respectées... 46 Sanctions du non-respect des conditions... 46 a) Principe... 46 b) Exception... 47 c) Force majeure... 47 d) Transmission gratuite au donateur initial... 48 e) Renonciation spontanée au taux réduit... 48 f) Conséquence formelle de la perte du taux réduit... 48 g) Comment calculer les droits dus en cas de non-respect des conditions? 49 Dispositions civiles... 49 B. En Région flamande... 51 C. En Région wallonne... 53 Mesures communes aux droits de donation et aux droits de succession 54 Dans quel cas s applique la nouvelle législation?... 54 Quelles sont les entreprises ou les sociétés qui peuvent faire obtenir le taux de 0 %?... 54 Qu entend-on par «titres» et «créances»?... 55 Faut-il que l entrepreneur ou la société ait du personnel salarié ou indépendant?... 56 Quelles sont les autres conditions que doit réunir la société donnée ou léguée, au moment de la donation?... 56 Quelles sont les conditions à respecter après la donation?... 57 Est-il possible d obtenir l application de l article 60bis si les titres ont fait l objet d une donation non enregistrée?... 58 IX. Autres donations... 58

6 I. Généralités sur la transmission à titre gratuit d un patrimoine questions préalables à se poser avant de réaliser une programmation successorale La situation d une personne n est pas identique à celle de son voisin. Il est donc impossible de réaliser une planification successorale stéréotypée. Dans chaque situation, il importe d avoir réfléchi en profondeur à la situation du futur défunt, à ses propres aspirations, aux priorités souhaitées, Pour préparer une succession, il convient de s être posé les bonnes questions et de n avoir rien laissé au hasard. Nous proposons ci-dessous une énumération de questions qui devraient au minimum être passées en revue avant de «s attaquer» à une programmation successorale qui se réalisera peut-être par des donations, un testament, une vente, la constitution d une société ou d un mécanisme étranger, la modification du contrat de mariage,... Les questions reprises ci-dessous ne sont certainement pas limitatives mais sont un point de départ nécessaire. Dès lors, cet aperçu ne donne pas de solutions concrètes de programmation successorale mais est un préalable indispensable pour aboutir à une programmation «sur mesure» proche de la volonté du futur défunt. A. La situation familiale Avant toute chose, il importe de bien connaître la situation familiale du futur défunt et ses futurs héritiers. Il convient ainsi que le futur défunt ait conscience de la manière dont sa succession sera légalement dévolue à son décès. En effet, de plus en plus, la famille «sociale» diffère de la famille «juridique», ce qui crée une confusion chez certains. Pour le commun des mortels, le mari d une tante est un «oncle», alors que juridiquement, il n est que le mari de la tante. De même, un fils adoptif simple de son propre fils est considéré socialement comme un petit-fils, alors qu il n y a aucun lien de parenté entre le père du père adoptif et l enfant adoptif simple. De même, le fils adoptif simple d une sœur n est pas un neveu et plus étrange encore, un enfant adoptif simple n est pas le frère d un enfant de sang de son père adoptif. Les questions à se poser, parmi d autres, sont : - Le futur défunt a-t-il des enfants? Sont-ils reconnus? Sont-ils d une ou de plusieurs unions? N a-t-il pas un ou plusieurs enfants non reconnus qui pourraient «revenir à la surface»?

7 - A-t-il des petits-enfants? Sont-ils légalement ses petits-enfants et non des beaux-petits-enfants (petits-enfants de son conjoint)? Sont-ils des enfants adoptés simples d un de ses enfants (auquel cas ils ne sont pas des petitsenfants et ne peuvent hériter) ou des enfants adoptés plénièrement (auquel cas ils peuvent hériter des parents de leur adoptant)? - A-t-il des héritiers plus éloignés (frère ou sœur, neveu ou nièce, cousin,...)? Sont-ils bien des membres de sa famille et non de celle de son conjoint? - A-t-il un conjoint? Est-il séparé ou en instance de divorce? Est-il divorcé? - A-t-il un compagnon ou une compagne à protéger? Est-il sous un régime de cohabitation légale? Vit-il avec d autres personnes qu il entend gratifier? - A-t-il des héritiers mineurs, des héritiers plus défavorisés, le cas échéant à protéger différemment (personne handicapée,...),? Ces questions permettront entre autres : - de cerner les héritiers du futur défunt et de connaître leurs droits dans la succession ; - de voir s ils ont droit à une réserve successorale et de quantifier cette dernière ; - de vérifier leur capacité ou leur aptitude à recevoir un don ou un legs ou de réaliser une autre opération ; - de vérifier si ceux qui seront gratifiés devront rapporter ou non les éventuelles donations reçues au décès du donateur ; - de calculer les droits de succession qui seront dus ; - de supprimer le cas échéant les différences opérées par la loi mais non souhaitées par le futur défunt (par exemple, ce dernier voudrait gratifier de la même façon les deux enfants de son fils unique prédécédé, mais un de ces enfants a été adopté plénièrement - et est donc héritier réservataire de son grand-parent avec des droits de succession peu élevés - et l autre est un enfant adopté simple - et n est donc pas héritier du père de l adoptant et serait taxé en droits de succession, s il était gratifié par testament, aux taux les plus élevés) ; - de prévoir un partage plus adéquat en cas d héritiers mineurs ou handicapés, etc. B. La consistance des biens Quels biens le futur défunt va-t-il transmettre? Des immeubles? Du mobilier? Des titres? On prépare autrement une succession dans laquelle il y a un château de famille ou

8 une entreprise individuelle que celle dans laquelle il y a majoritairement des titres de sociétés. Il convient également de bien cerner le propriétaire réel des biens : le futur défunt n a-t-il pas mis des immeubles en société (auquel cas, la succession serait mobilière puisque ce sont les actions de la société qui seraient en possession du défunt)? Le futur défunt possède-t-il les biens en pleine propriété ou a-t-il un droit démembré (usufruit, nue-propriété)? Est-il en indivision avec d autres? Il est essentiel de faire une liste exacte des biens que le futur défunt possède, en y précisant leur origine et leur caractère mobilier ou immobilier, tout en faisant une évaluation assez proche de la réalité. Il importe enfin de faire une analyse des revenus perçus ou à percevoir, car cet aspect des choses entrera en considération lorsqu il s agira de trouver des solutions respectueuses du train de vie de celui qui transmettra ses biens. C. La localisation des biens et de la résidence du futur défunt (et le cas échéant, des bénéficiaires) Il y a dix ans, la localisation des biens se résumait à vérifier si la résidence et les biens du futur défunt étaient soit en Belgique, soit à l étranger. Depuis le 1 er janvier 1997 (date à laquelle la Région flamande a commencé à modifier les taux des droits de succession, suivie par la Région wallonne le 1 er janvier 1998 et la Région de Bruxelles-Capitale le 1 er janvier 1999), la question de la localisation joue aussi au sein de la Belgique-même : le futur défunt est-il résident fiscalement en Région flamande, en Région wallonne ou en Région de Bruxelles- Capitale? En fonction de sa résidence fiscale, il faudra appliquer la législation flamande, wallonne ou bruxelloise. Depuis le 1 er janvier 2002, cette question se pose aussi pour les droits d enregistrement. La localisation de la résidence du défunt (ou le cas échéant des bénéficiaires) et des biens a également une importance primordiale sur l application des lois civiles et fiscales belges, entre autres : - si le défunt, quelle que soit sa nationalité, a sa résidence fiscale en Belgique, la taxation en droits de succession se fera en Belgique sur la totalité de ses biens, peu importe leur localisation ; il y aura peut-être aussi des droits de succession dans l Etat de localisation des biens ou de la résidence des bénéficiaires. - si le défunt a sa résidence à l étranger, c est la loi fiscale étrangère qui s appliquera à sa succession, la loi fiscale belge (en fait, régionale) ne taxant que les immeubles sis sur son territoire (et ce, peu importe la nationalité du défunt) ; il s agit dans ce dernier cas d une taxation en «droits de mutation par décès» ; - de même, c est la loi de la résidence qui déterminera toutes les règles civiles applicables à la succession mobilière (selon le droit international belge, la

9 succession d un immeuble est régie en principe par la lex sitae, c est-à-dire la loi du lieu de situation de l immeuble). Ainsi, un Belge domicilié en France verra la loi française s appliquer à sa succession mobilière mondiale et immobilière en France. Mais s il a un immeuble en Belgique, ce sera la loi belge qui s appliquera à la dévolution de cet immeuble. Si cette personne était résidente en Belgique et avait un immeuble en France, ce serait la loi française qui s appliquerait à la dévolution de cet immeuble. On notera que la loi étrangère peut très bien renvoyer à une autre loi, telle la loi de la résidence. Il pourrait donc y avoir renvoi à la loi belge, si le défunt est résident en Belgique (depuis l entrée en vigueur du nouveau Code belge du droit international privé le 1 er octobre 2004, tous les autres cas de renvoi d une loi étrangère seront inopérants en Belgique, tel le renvoi à la nationalité si ce renvoi n a pas pour effet de renvoyer à la loi du pays où le défunt avait sa résidence). Exemple : une Belge et un Espagnol sont domiciliés en Belgique et y ont un compte en banque. Ils possèdent ensemble un immeuble en Suisse et un autre en France. Ils possèdent en outre un portefeuille-titres de 5 millions (étant les titres de la société patrimoniale qu ils ont constituée en Belgique) dans une banque belge. Ils décèdent ensemble dans un accident. Fiscalement, leurs successions respectives seront taxées en Belgique, les immeubles étant taxés (également) en Suisse pour l un et en France pour l autre (avec un crédit d impôt, pour éviter la double imposition). Civilement, la dévolution de l immeuble en Suisse se fera selon le droit suisse, celle de l immeuble en France selon la loi française (pour les deux) et la succession mobilière sera dévolue selon la loi belge. Et l harmonisation européenne n est pas pour demain Il importe donc de bien connaître toute implication internationale du patrimoine du défunt. On notera que chaque législation connaît un droit différent autant du point de vue civil que fiscal. Ainsi, en France, le conjoint survivant de secondes noces n a droit en principe, en présence de descendants du défunt, qu à un quart en pleine propriété (alors qu en Belgique, il a droit à la totalité en usufruit) (Attention : la loi française sur le conjoint survivant a été modifiée depuis le 1 er juillet 2002 et remodifiée en 2004 concernant les donations qui deviennent irrévocables entre époux). Dans les pays anglo-saxons, le principe de la réserve comme telle est inconnu. Du point de vue fiscal, si entre la France et la Belgique, il y a une convention évitant la double imposition en droits de succession (mais pas en droits de donation), il n y en a pas avec les Pays-Bas, l Allemagne, le Royaume-Uni, Même en Belgique, il convient de bien connaître les taux applicables dans chaque Région. En effet, résider dans l une ou l autre Région peut modifier de manière importante la façon de préparer une succession (ainsi, léguer à 10 neveux plutôt qu à un seul peut être fiscalement intéressant en Wallonie mais inutile en Flandre, compte tenu de la taxation globale en cette Région pour les neveux ; il en est de même à Bruxelles depuis le 1 er janvier 2003). Une difficulté pourra résider dans le fait que le futur défunt peut très bien changer de

10 domicile après la mise en œuvre de sa programmation successorale, ce qui modifiera les règles successorales le concernant autant du point de vue civil que fiscal. En outre, le taux des droits de succession (ou la taxation du capital) est essentiellement lié à une politique gouvernementale et des changements peuvent se réaliser à tout moment. Il faut donc bien être conscient de la relativité de ce qui sera réalisé et s entourer de conseillers dans les pays concernés. D. A qui le futur défunt veut-il transférer ses biens? Il importe de bien connaître les personnes à qui le futur défunt souhaite transférer ses biens ou celles qu il ne veut absolument pas gratifier. Il est bon aussi de savoir pourquoi le futur défunt choisit telle personne (ainsi, choisit-il telle personne parce qu elle gère bien l entreprise que le futur défunt possède ou parce qu il souhaite qu elle puisse avoir telle partie du capital de la société?). E. Le régime matrimonial des époux et le contrat de mariage Si celui qui veut préparer sa succession est marié, il doit se préoccuper de son régime matrimonial. Même lorsque le mariage prend fin par le décès, la connaissance du régime matrimonial est importante. Analyser le contrat de mariage est dès lors une démarche préalable à toute programmation successorale, car souvent des clauses y indiquées peuvent influencer cette dernière. S il n y a pas de contrat de mariage, il faudra bien analyser le régime légal applicable aux époux. A titre de corollaire, on précisera qu il faudra de plus en plus souvent se préoccuper des contrats qui auraient été conclus dans le cadre de la cohabitation légale. F. Le futur défunt veut-il transférer ses biens de son vivant ou à son décès? C est une question essentielle : le futur défunt accepte-t-il de transférer ses biens de son vivant ou souhaite-t-il attendre son décès ou même «panacher» en fonction de ses biens, de ses héritiers, ou de toute autre considération civile ou fiscale? Cette question conditionnera évidemment toute la programmation elle-même : entre autres, leur sera-t-il conseillé de réaliser une donation et/ou un testament ; sera-t-il créé une société dont les actions resteront aux mains du fondateur ou données à ses futurs ayants droit? G. En cas de transfert de son vivant, le futur défunt veut-il conserver la

11 mainmise sur la gestion des biens et/ou avoir les revenus des biens donnés? Deux questions sont habituelles dans les programmations successorales en cas de donation : - le donateur souhaite-t-il conserver les revenus (ou même les plus-values) de ce qu il a donné ou veut-il une rente de remplacement pour lui-même et/ou pour un tiers? - le donateur souhaite-t-il conserver le pouvoir de gestion ou de disposition sur les biens qu il veut donner? Si oui, jusqu à quel âge ou quel événement? Comme corollaire, se poseront alors toutes les questions de garantie de la rente et du pouvoir de gestion (clause de blocage,...) et la clause de retour conventionnel gratuit dans la donation. H. Le futur défunt souhaite-t-il une différence entre ses ayants droit? Il est nécessaire de bien vérifier si le futur défunt veut avantager un ayant droit par rapport à un autre ou s il veut une égalité proportionnelle ou non entre tous. En outre, il convient de bien circonscrire ce que le futur défunt entend par «égalité», afin d éviter toute difficulté ultérieure. Par exemple : Pour un futur défunt, donner 120.000 en numéraires à son second enfant en 2011 pourrait être pour lui un souci de respecter une égalité économique avec un don de 100.000 en numéraires réalisé en 2005 à son premier enfant. De même, donner 100.000 en numéraires à un enfant le même jour qu un don d immeuble de 100.000 à l autre enfant est pour le commun des mortels réaliser une égalité parfaite, même si au moment du décès l immeuble donné vaut 150.000. Or pour le Code civil, dans ces deux exemples précités, il y a inégalité qui peut provoquer au décès du donateur des calculs non voulus par lui et surtout contraires à toute la philosophie qu il avait établie dans sa programmation successorale. I. Le futur défunt souhaite-t-il transmettre des biens précis à l un ou l autre des gratifiés? Le futur défunt souhaite-t-il que ses ayants droit reçoivent chacun exactement la même chose, quitte à ce qu ils soient en indivision sur chaque bien ou souhaite-t-il déjà prévoir par donation ou testament une répartition des biens en fonction de ses ayants droit? Cela peut concerner du mobilier, des immeubles, des titres, une entreprise individuelle,... Si des biens précis sont attribués à l un ou l autre des ayants droit, pourraient se poser les questions de l égalité ou de l inégalité voulue par le futur défunt (voir cidessus) et éventuellement du rapport ou de la réduction des donations ou legs.

12 J. Les aspects non successoraux Il convient de ne pas oublier les autres aspects qui peuvent s éloigner des aspects patrimoniaux mais qui, dans certains cas, sont importants pour éviter tout conflit ultérieur : la préparation des funérailles, le choix d un tuteur pour des enfants mineurs en cas de décès des deux parents, le sort d un enfant handicapé, la division du pouvoir dans l entreprise, la tâche de chacun dans cette dernière, les pactes familiaux, K. Les droits de succession ou de donation Outre tous les aspects fiscaux indirects dans la programmation successorale (impôts des sociétés, impôts sur les revenus, impôts sur la fortune dans certains pays), il importe de se poser diverses questions lorsqu il s agit des droits de succession et des droits de donation. Rappelons que toutes ces questions devront être analysées de manière dynamique et non statique. Ceci veut donc dire qu il faut non seulement se poser la question des droits de succession si la personne en question décède immédiatement, mais également si elle devait décéder dans les années qui viennent, le cas échéant, après avoir changé de région, de pays, de biens ou que les héritiers aient également changé de lieu de résidence. Il faut également tenir compte que certains droits de succession changent en fonction de l âge des personnes, tels que les droits de succession du conjoint survivant, lorsqu il hérite de l usufruit ou les droits de donation en France, en fonction de l âge du donateur. Toutes les questions ci-après devront donc être revues à chaque fois en fonction de nouvelles circonstances et, le cas échéant, déjà être analysées, si l on connaît la situation future (départ d une Région vers une autre, etc.). Droits de donation S il s agit de calculer les droits de donation, les questions suivantes se doivent d être posées : 1. Le bien à donner est-il un meuble ou un immeuble? Cette question doit non seulement être posée selon le droit belge, mais s il s agit d un bien à l étranger, il faudra également tenir compte du droit étranger. 2. Quelle est la résidence fiscale du donateur et s il est résident fiscal belge, quels ont été ses résidences fiscales dans les cinq ans qui précèdent la donation? S il s agit d un don d un immeuble belge, y a-t-il eu d autres donations immobilières effectuées par le même donateur ou même donataire dans les trois ans qui précèdent?

13 Y a-t-il une possibilité de réduction des droits? 3. S il s agit de biens immeubles à l étranger, quelles sont les possibilités de donner des immeubles dans le pays concerné? Quels sont les droits de donation? 4. Y a-t-il un donataire à l étranger? En effet, certaines législations taxent les donations réalisées à l étranger au profit d un donataire résident de leur pays (tel que la France). 5. S il s agit de biens mobiliers en Belgique ou à l étranger, quel est le droit applicable? Y a-t-il possibilité d avoir un taux réduit? Y a-t-il un souhait d enregistrer la donation ou bien les parties souhaitent-elles prendre le risque du délai de trois ans? Si les droits de donation sont payés, qui va les payer (le donateur ou le donataire?)? Si des droits sont dus à l étranger, n est-il pas possible de déduire à l étranger les droits payés en Belgique? Si les biens sont à l étranger, faut-il obligatoirement payer les droits de donation à l étranger (c est par exemple le cas pour les actions d une SCI française)? 6. Est-on dans les conditions pour obtenir le taux de 0 % ou 3 % pour les entreprises et les sociétés familiales (particulièrement pour les terres agricoles ou autres biens immobiliers liés à une activité professionnelle)? Droits de succession En ce qui concerne les droits de succession, les questions qui doivent être posées ci-avant peuvent être également posées mutatis mutandis. * * * Ce n est qu après avoir eu à l esprit toutes ces questions et y avoir répondu que l on peut entamer le travail de recherche des solutions adéquates à chaque cas particulier.

14 II. Bien séparer la transmission à titre onéreux et la transmission à titre gratuit Nous limiterons notre propos ci-après à la transmission intrafamiliale. III. Bien séparer l aspect fiscal et l aspect civil d une transmission Pour l aspect fiscal, nous nous limiterons aux droits de succession et aux droits de donation. Pour l aspect civil, il s agira de bien répondre aux questions vues ci-avant. IV. Si aucune disposition n est prise A. Transmission en cas de divorce du propriétaire de l entreprise ou des actions de la société Utilité de bien vérifier les clauses du contrat de mariage et de vérifier la propriété des actions. Bien vérifier qui a le pouvoir dans la société. B. Transmission en cas de décès du propriétaire de l entreprise ou des actions de la société Dévolution civile, testament, institution contractuelle, statuts des sociétés Quid de l usufruit du conjoint survivant? Quid du cohabitant légal? Quid du pouvoir Droits de succession lorsqu il y a décès du propriétaire de l entreprise ou des actions d une société Il y a des droits de succession qui seront dus lors du décès de l entrepreneur sur les biens de son entreprise ou sur les actions de sa société. La question est alors de voir si l une des Régions compétente ne permet pas d obtenir un taux réduit pour la transmission à cause de mort de l entreprise ou des actions de la société.

15 Les trois Régions ont en effet pris des mesures pour réduire les droits de succession en cas de transmission d une entreprise familiale. Le but est principalement de tenter de sauvegarder l emploi après le décès d un dirigeant d une telle entreprise. Chaque Région a choisi une réglementation différente et l a déjà modifiée à plusieurs reprises. a) En Région flamande C est par un décret du 20 décembre 1996 que la Région flamande a créé un article 60bis dans le Code des droits de succession aux fins de réduire les droits lors de la transmission d une entreprise familiale. Ce décret est rentré en application le 1 er janvier 1997. Cet article 60bis contenait des conditions à ce point strictes qu elles étaient difficilement applicables. Le Gouvernement flamand s en est rendu compte, puisqu il a allégé certaines conditions par décret du 19 décembre 1998. En outre, le taux de 3 % a été réduit en 1999 à 0 %. D autres conditions ont été modifiées par décrets ultérieurs. Une toute dernière réforme modifie totalement la législation à partir du 1 er janvier 2012. Cette nouvelle législation n a pas encore fait l objet d une circulaire administrative, ce qui veut dire que certains points sont encore imprécis. Il ne sera donc fait part ci-après que du texte de la loi et pas encore de commentaires détaillés. - Contrairement à la législation précédente, qui donnait une exemption totale à la transmission par succession de l entreprise familiale ou de la société familiale, il y a maintenant un taux réduit à 3 % pour une transmission en ligne directe, entre conjoints et entre cohabitants (légaux ou de fait depuis trois ans avec le défunt) et à 7 % pour toutes les autres personnes, peu importe le lien de parenté. - Il doit s agir de la transmission de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l usufruit des actifs investis par le défunt (avec le cas échéant son conjoint ou son cohabitant) dans une entreprise familiale, sauf pour la partie qui concerne un bien immeuble affecté ou destiné principalement à l habitation. Il peut également s agir de la transmission de la pleine propriété, de la nue-propriété ou de l usufruit des actions d une société familiale dont le siège de direction effective est situé dans l un des Etats Membres de l Espace Economique Européen, à condition que ces actions, au moment de la transmission, appartiennent pour au moins 50 % en pleine propriété au défunt et/ou à sa famille. Par «famille», on entend le conjoint, le cohabitant, les descendants ou ascendants (et leur conjoint ou cohabitant), les frères et sœurs (et leur conjoint ou cohabitant) et les enfants des frères et sœurs si ces derniers sont décédés antérieurement.