La transmission à titre onéreux d entreprises : Aspects de Droit Fiscal



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Transcription:

La transmission à titre onéreux d entreprises : Aspects de Droit Fiscal Xavier Rohmer, Avocat Associé, August & Debouzy 1) CGI, article 201,1. Lors de la clôture des Assises de l entrepreneuriat, le 29 avril 2013, le Président de la République François Hollande a annoncé une série de mesures en faveur des entreprises ayant deux objectifs : simplifier le régime d imposition des plus-values et favoriser la prise de risques et l investissement à long terme. Les dispositifs existants seraient remplacés par deux régimes de référence : un régime de droit commun et un régime «incitatif» qui se substitueraient aux dispositifs actuels. Ainsi, les plus-values seraient toujours soumises au barème progressif de l impôt sur le revenu («IR»), mais en appliquant soit un abattement, à partir de la deuxième année de détention, allant de 50 à 65 % pour le régime de droit commun soit un abattement, dès la première année de détention, allant de 50 à 85 % pour le régime incitatif. Le régime incitatif concernerait les plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans ainsi que les plus-values actuellement exonérées. Une incertitude demeure sur le fait de savoir si ces dispositions seront applicables en 2013. Dans ce contexte, les entrepreneurs doivent s interroger sur l opportunité de céder leur entreprise en 2013 au regard des dispositifs actuellement applicables. La transmission d entreprise est ainsi au cœur des sujets de la vie de l entreprise. Le coût fiscal de cette transmission en est un élément décisif. Pour ce faire nous aborderons les modalités de transmission d une entreprise individuelle (I) avant de nous intéresser à celles applicables aux titres d entreprise exploitées en société (II). I. Transmission à titre onéreux d une entreprise individuelle Il convient de distinguer selon que l exploitant souhaite céder son entreprise immédiatement (A) ou progressivement (B). A. Dans le cadre d un retrait immédiat de l exploitant Les conséquences sont différentes selon que l on se place du point de vue du cédant ou de l acquéreur. 1. Conséquences fiscales pour le cédant a) Le régime de droit commun Quelle que soit la qualité du cessionnaire (société, exploitant individuel), la cession totale ou partielle d un fonds de commerce exploité à titre individuel entraîne l imposition immédiate des bénéfices de l exercice en cours à la date de la cession mais également, s il y a lieu, des plus-values résultant de la cession des éléments de l actif immobilisé (locaux, clientèle, matériel, outillage) (1). Ainsi, les bénéfices en cours de l entreprise sont imposés au barème progressif de l IR (taux marginal de 45 %), et les cessions des éléments de l actif immobilisé figurant à son bilan sont imposables selon le régime des «plus-values professionnelles», soit une taxation au taux de 16 % pour les plus-values à long terme et au barème progressif de l IR pour les plus-values à court terme. Toutefois, la situation du cédant varie selon que la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des deux années civiles précédant l exercice de réalisation de la plus-value excède ou non la limite d exonération. Ainsi, une exonération, qui peut être totale ou partielle, est prévue pour les très petites entreprises («TPE») : Elle est totale lorsque les conditions suivantes sont remplies : La moyenne des recettes hors taxes, réalisées par le cédant au titre des exercices des deux années civiles précédentes, n a pas dépassé les limites de : - 250 000 pour les entreprises industrielles, commerciales (à l exception en principe des locations meublées) et agricoles ; - 90 000 pour les autres entreprises. L activité de cette entreprise a été exercée pendant au moins cinq ans. Elle est partielle lorsque les moyennes de ces recettes hors taxes ne dépassent pas respectivement 350 000 et 126 000. b) Autres cas d exonération D une part, les plus-values résultant de la cession de fonds de commerce dont la valeur n excède pas 500.000 sont exonérées d impôt (CGI : art. 238 quindecies) : JOURNAL DES SOCIÉTÉS 18 N 108 Mai 2013

Il s agit d une exonération totale d IR et de prélèvements sociaux pour les fonds dont la valeur transmise n excède pas 300 000 ; Et d une exonération partielle pour les fonds dont la valeur transmise est comprise entre 300 000 et 500 000. Pour bénéficier de ce régime, la cession doit respecter les conditions suivantes : L activité de l entreprise doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans. o la personne à l origine de la cession doit être une entreprise individuelle commerciale, artisanale, libérale ou agricole relevant de l impôt sur le revenu. Par ailleurs, les plus-values réalisées lors de la cession d une entreprise individuelle relevant de l'ir, pour cause de départ à la retraite de l'exploitant peuvent, sur option, être exonérées d IR (article 151 septies B du CGI), mais pas de prélèvements sociaux. Ce régime s applique si plusieurs conditions sont respectées : L activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans ; La cession doit porter sur une entreprise individuelle ou sur une branche complète d activité : - exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; - qui emploie moins de 250 salariés et soit a réalisé un chiffre d affaires annuel inférieur à 50 millions d euros au cours de l exercice, soit un total de bilan inférieur à 43 millions d euros ; - dont le capital ou les droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises qui ne remplissent pas la condition précédente. Le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l entreprise cessionnaire ; Le cédant doit cesser toute fonction dans l entreprise cédée et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession (2). Sont en revanche exclues de ces mesures d exonération, les plus-values portant sur les biens immobiliers bâtis ou non bâtis ainsi que les plusvalues portant sur les droits ou parts de sociétés à prépondérance immobilière. Ces plus-values sont imposées individuellement après application d un abattement de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième, ce qui aboutit à leur exonération totale au bout de quinze ans. Il convient de souligner que le cumul de ces deux régimes d exonération peut permettre de réaliser une réelle économie d impôt (3). A titre d exemple, s agissant d un fonds de commerce d une valeur de 500 000 d un exploitant partant à la retraite, et dont la plus-value s élèverait également à 500 000, l exonération totale en vertu de l article 238 quindecies du CGI serait applicable sur la valeur de la plusvalue n excédant pas 300 000, et l exonération en cas de départ à la retraite susvisée serait également applicable sur les 200 000 restants. Il en résulterait que, grâce au cumul de ces deux exonérations, seuls les prélèvements sociaux au taux de 15,5 % sur les 200 000 restants seront imposés (soit une imposition de 31 000 pour une plus-value de 500 000 ). 2. Conséquences fiscales pour l acquéreur : les droits d enregistrement De son côté, l acquéreur d une entreprise individuelle ne supportera que le coût des droits d enregistrement. Sauf stipulations contractuelles contraires, les droits d enregistrement, calculés selon un barème progressif (4), sont en effet en principe à la charge de l acquéreur. Dans le cas de cession de fonds de commerce, ces droits représentent : 3 % de la fraction de la valeur comprise entre 23 000 et 200 000 ; et 5 % de la fraction excédant 200 000. Il convient de noter que la vente en pleine propriété de l entreprise individuelle peut bénéficier d un abattement de 300 000 (5) sur l assiette des droits de mutation si les conditions suivantes sont remplies : L entreprise doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (à l exception de la gestion de son propre patrimoine) ; Les acquéreurs doivent être soit des salariés (titulaires d un contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, depuis au moins deux ans) ou apprentis (titulaires d un contrat d apprentissage) de l entreprise, ou soit des proches du cédant (6) ; Les acquéreurs doivent poursuivre à titre professionnel unique et de manière effective et continue pendant les cinq années suivant la cession l exploitation du fonds cédé (7). Par ailleurs, l un d eux doit assurer, durant la même période, la direction effective de l entreprise ; Les biens sont détenus depuis plus de deux ans par le cédant si ce dernier les avait acquis à titre onéreux. Cet abattement s applique une seule fois entre un même cédant et un même acquéreur. 2) Le départ à la retraite et la cessation des fonctions peuvent intervenir l un avant la cession et l autre après (ou inversement) mais le délai entre le premier et le dernier de ces éléments ne doit pas excéder 24 mois. 3) BOI-BIC- PVMV-40-20-20-50. 4) CGI, 719. 5) CGI, 732 ter. 6) Il s agit du conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité défini à l article 515-1 du Code civil, de ses ascendants ou descendants en ligne directe ou de ses frères et sœurs. 7) L engagement est pris en principe dans l acte d acquisition, ou à défaut d acte, à l appui de la déclaration déposée auprès du service des impôts des entreprises compétent. N 108 Mai 2013 19 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

8) CGI, 200 A, 2 bis. 9) Conditions relatives aux titres cédés : les titres doivent être détenus de manière continue depuis au moins huit ans dans des sociétés soumises à l impôt sur les sociétés et ayant leur siège social dans un Etat de l Espace économique européen ; la société doit en outre avoir exercé, de manière continue au cours des huit années précédant la cession, une activité économique commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole, ou financière, ou avoir eu pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant l une de ces activités ; le cédant doit avoir détenu de manière continue, pendant les huit années, au moins 10 % des droits de vote ou des droits de la société (soit directement, soit par personne interposée, soit par l intermédiaire de son groupe familial). Conditions relatives au réinvestissement : Le produit de la cession doit alors être investi, dans un délai de 24 mois et à hauteur de 50 % du montant de la plus-value net de prélèvements sociaux ; La société bénéficiaire de l apport doit exercer une activité opérationnelle ou de Société Bénéficiaire et ne doit pas avoir procédé à un remboursement d apport au profit du cédant (ou de son cercle familial) au cours des 12 mois précédant le remploi. Enfin, les titres reçus en contrepartie de l apport doivent être entièrement libérés au moment de la souscription (ou au plus tard dans les 24 mois suivant la cession), représenter au moins 5 % des droits de vote et financiers de la société et être détenus directement et en pleine propriété par le contribuable durant au moins 5 ans. 10) CGI, 150-0 D bis. 11) CGI, 726. B. Dans le cadre d un retrait progressif de l exploitant Dans l hypothèse où le cédant dispose de plusieurs années pour préparer la transmission de son entreprise, il pourrait envisager plusieurs options préparatoires à la transmission de son entreprise. 1. Cession des titres postérieure à l apport de son entreprise individuelle à une société. L apport de son entreprise individuelle à une société constitue pour un entrepreneur individuel un moyen de recherche de nouveaux capitaux (ou d associer une partie de l équipe dirigeante à l entreprise) en ouvrant le capital social à de nouveaux investisseurs mais aussi une étape préparatoire à la cession d une entreprise. a) Conséquences au niveau de l IR Il convient de rappeler, qu au moment d un tel apport, le régime optionnel de l article 151 octies du CGI permet : D éviter l imposition immédiate des plus-values dégagées sur les éléments amortissables lesquelles sont réintégrées, sur une période maximale en principe fixée à cinq ans (quinze ans pour les immeubles), à moins que l apporteur n opte pour l imposition immédiate des plus-values à long terme au taux réduit de 16 % ; de différer l imposition des plus-values afférentes aux éléments non amortissables jusqu à la cession, le rachat, l annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l apport ou lors de la cession, par la société, des biens apportés. La principale conséquence immédiate est, en définitive, l imposition des résultats du dernier exercice de l entreprise apporté. Lors de la cession ultérieure des droits sociaux reçus en rémunération de l apport de l entreprise individuelle : la plus-value en report afférente aux éléments apportés non amortissables deviendra exigible. Ce régime constitue, un report d imposition et non un report de paiement. Il en résulte que l assiette de l impôt est déterminée selon les règles applicables au titre de l année de réalisation de l apport mais le taux d imposition est, en revanche, celui en vigueur au titre de l année au cours de laquelle le report d imposition cesse. En outre, dans la mesure où la cession ultérieure de la société est consentie pour un prix supérieur à la valeur de ses titres au moment de sa création, la plus-value serait normalement imposable au taux de 16 % (société relevant de l impôt sur le revenu) ou de 19 % pour une société passible de l impôt sur les sociétés (8)(taux applicable, sur option, du dirigeant qui, entre autres conditions, détient ses titres depuis au moins cinq ans) auquel il faudra ajouter les prélèvements sociaux. Toutefois, selon les cas, le cédant pourra bénéficier des cas d exonérations susvisés. En outre, cette plus-value pourra, sous certaines conditions (9), bénéficier d un report d imposition lorsque la plus-value est réinvestie dans le capital de sociétés passibles de l impôt sur les sociétés. Ce report se transforme alors en exonération définitive si les titres souscrits en remploi sont conservés durant plus de cinq ans (10).En revanche, les prélèvements sociaux restent dus dans les conditions habituelles. b) Conséquences au niveau des droits d enregistrement En ce qui concerne l apport préalable de l entreprise individuelle, aucun droit d enregistrement n est dû, dès lors que l apport est réalisé à la constitution de la société et que l apporteur s engage à conserver les titres de la société durant trois ans. Lors de la cession ultérieure des droits sociaux de la société, l acquéreur devra s acquitter des droits d enregistrement au taux de : 0,1 % s il s agit d actions ; et de 3 % s il s agit de parts sociales (11) (après application de l abattement de 23 000 ). 2. Mise en location-gérance La location-gérance est une modalité d exploitation intéressante et préparatoire sans qu il soit nécessaire de procéder à une acquisition du fonds de commerce. Le locataire gérant peut ainsi tester la viabilité du fonds de commerce et décider ou non finalement de procéder à son acquisition ou de mettre fin à la location-gérance. Pendant cette période le propriétaire du fonds de commerce reçoit une redevance et a en quelque sorte transmis la gérance du fonds. Aucune imposition n est due au moment de la mise en location-gérance. Lors de la cession du fonds de commerce, les plus-values réalisées lors de la cession du fonds de commerce seront taxées selon les règles énoncées ci-dessus (voir I.A). II. Transmission à titre onéreux d une entreprise exploitée via une société La transmission d une société présente les caractéristiques suivantes : A. Plus-values de cession de valeurs mobilières JOURNAL DES SOCIÉTÉS 20 N 108 Mai 2013

1. Régime normal La loi de finances pour 2013 (12) a alourdi l imposition des plus-values mobilières en prévoyant une imposition rétroactive à 24 % en 2012 au lieu de 19 %. En additionnant les prélèvements sociaux, l imposition globale est alors portée à 39,5 % (prélèvement sociaux à hauteur de 15,5 %). Pour les cessions de titres réalisées à compter du 1 er janvier 2013, les plus-values sont désormais, sauf exceptions, imposées au barème progressif de l IR (13) (au taux de 45 % pour la tranche supérieure à 150 000 ). Afin d atténuer le durcissement des mesures récentes tout en incitant les épargnants à conserver leurs titres sur le long terme, la loi de finances pour 2013 a créé un dispositif général d abattement pour durée de détention (14) et une taxation au taux forfaitaire de 19 % en faveur des fondateurs. Cet abattement s applique aux gains nets des cessions de titres de sociétés mais également aux compléments de prix perçus par le cédant en application d une clause dite d «earn out». Toutefois, il n est pas tenu compte de ce nouvel abattement pour la détermination de l assiette des prélèvements sociaux applicables sur le montant des plus-values brutes avant application de l abattement. De plus, le bénéfice de cet abattement est réservé aux contribuables qui n ont pas opté pour l imposition au taux forfaitaire de 19 % en faveur des créateurs d entreprise. Ainsi, la plus-value est réduite d un abattement égal à : 20 % de son montant pour une détention comprise entre deux et moins de quatre ans ; 30 % de son montant pour une détention comprise entre quatre et moins de six ans ; 40 % de son montant après six ans de détention. La durée de détention est en principe décomptée à partir de la date de souscription ou d acquisition des actions, parts, droits ou titres. Ces dispositions s appliquent aux gains nets et profits réalisés à compter du 1 er janvier 2013. L abattement sera toutefois calculé en partant de la date d acquisition même antérieure au 1 er janvier 2013. Cela étant, afin de ne pas pénaliser certains contribuables, divers dispositifs permettent aux contribuables de lisser le taux d imposition des plus-values. 2. Régime des plus-values des fondateurs créé suite à la «fronde des Pigeons» En effet, les fondateurs peuvent, sur option, continuer à bénéficier du taux forfaitaire de 19 % (soit une imposition globale à 34,5 % avec les prélèvements sociaux) ; mais cette option est subordonnée au respect de conditions très contraignantes (article 200 A du CGI) : la société dont les titres ou droits sont cédés doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Cette condition s apprécie de manière continue pendant les dix années précédant la cession ou, si la société est créée depuis moins de dix ans, depuis sa création ; les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée ou par l intermédiaire du groupe familial doivent : avoir été détenus de manière continue au cours des cinq années précédant la cession ; avoir représenté, de manière continue pendant au moins deux ans au cours des dix années précédant la cession des titres ou droits, au moins 10 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société ; représenter au moins 2 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société à la date de la cession ; le cédant doit avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés l une des fonctions de direction énumérées à l article 885 O bis, 1 du CGI (c est-à-dire gérant d une SARL, d une SCA, associé en nom d une société de personnes, président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d une société par actions) de manière continue au cours des cinq années précédant la cession. Cette fonction doit avoir été effectivement exercée, avoir donné lieu à une rémunération normale et la rémunération doit avoir représenté plus de la moitié des revenus professionnels dudit cédant. 3. Prorogation de l abattement spécifique aux dirigeants de PME Selon le dispositif d abattement pour durée de détention spécifique aux dirigeants partant à la retraite, la plus-value résultant de la cession de titres et droits démembrés (usufruit et nuepropriété) peut être réduite d un abattement d un tiers par année de détention des titres au-delà de la cinquième année et donc totalement exonérée lorsque les titres sont détenus depuis plus de 8 ans (15). Ce dispositif d abattement pour durée de détention applicable seulement pour la détermination de l impôt sur le revenu sur la plus-value a été prorogé aux plus-values réalisées jusqu au 31 décembre 2017 (16). Les prélèvements sociaux au taux de 15,5 % resteront donc dus sur le montant de la 12) Loi de finances 2012-13) Loi de finances n 2012-14) Article 150-0 D du Code général des impôts. 15) Article 150-O D ter du CGI. 16) Loi de finances 2012- N 108 Mai 2013 21 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

17) Au 31 décembre de l année précédant la cession ou à défaut au 31 décembre de la deuxième ou de la troisième année précédant celle de la cession. 18) Au cours du dernier exercice clos à la date de la cession. 19) A la clôture du dernier exercice précédant celui au cours duquel intervient la cession. 20) BOI-RPPM- PVBMI-20-20-20-40-20120912 du 12 septembre 2012. 21) Par tolérance administrative, il est admis que le départ à la retraite et la cessation des fonctions interviennent indifféremment l un avant la cession et l autre après la cession, «sous réserve toutefois qu il ne s écoule pas un délai supérieur à vingt-quatre mois (apprécié de date à date) entre les deux évènements (cessation des fonctions et départ à la retraite, ou inversement» (BOI-RPPM- PVBMI-20-20-20-40-20120912 du 12 septembre 2012). 22) Article 74-O P du CGI. 23) La «cession peut être partielle lorsqu elle porte sur un nombre de titres ou de droits démembrés conférant au cédant plus de 50 % des droits de vote de la société dont les titres ou droits sont cédés ou, en cas de la seule détention de l usufruit, sur un nombre de droits démembrés conférant plus de 50 % des droits dans les bénéfices sociaux de la société concernée» (BOI-RPPM- PVBMI-20-20-20-30-20120912 du 12 septembre 2012). 24) Soumis à l impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l article 62 du CGI. 25) Loi de finances 2012-26) BOI-RPPM- PVBMI-20-10-10-20. 27) BOI-RPPM- PVBMI-20-10-10-20. 28) BOI-RPPM- PVBMI-20-20-10, n 150. 29) BOI-RPPM- PVBMI-20-10-10-20, n 110. 30) BOI-RPPM- PVBMI-20-10-10-20, n 240. plus-value brute (avant l application de tout abattement). Ce dispositif de faveur est applicable si les conditions suivantes sont remplies : la société dont les titres ou droits sont cédés doit : être passible de l impôt sur les sociétés (ii) avoir son siège dans un Etat membre de l Union européenne ou de l EEE (iii) avoir exercé de manière continue une activité opérationnelle ou de Société Bénéficiaire animatrice au cours des cinq années précédant la cession ; répondre (i) à la qualification de «PME», i.e. employer moins de 250 salariés (17), réaliser un chiffre d affaires annuel inférieur à 50 millions d euros (18) ou un total de bilan inférieur à 43 millions d euros (19) et (ii) avoir été détenu à hauteur de 75 % au moins, de manière continue au cours du dernier exercice clos par des personnes physiques ou d autres sociétés répondant à la qualification de «PME». le cédant ne doit pas détenir une participation dans la société cessionnaire à la date de la cession et pendant les trois années suivant la cession (délai apprécié de date à date). Une tolérance administrative admet toutefois un pourcentage de détention (directe ou indirecte) maximum de 1 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société cessionnaire (20)). Le cédant doit cesser toute fonction dans la société dont les titres sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années (appréciées de date à date) suivant ou précédant la cession (21) : la cessation de fonction s entend de toute fonction de direction ou salariée ; et le départ à la retraite s entend de la date à laquelle le dirigeant cédant «entre en jouissance des droits qu il a acquis dans le régime obligatoire de base d assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, s il n a été affilié auprès d aucun régime obligatoire de base pour cette activité, dans le régime obligatoire de base d assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité» (22). Il n est pas exigé que la retraite soit liquidée au taux plein. la cession doit porter sur l intégralité (100 %) des titres ou droits détenus par le cédant et intervenir dans le délai de deux ans suivant ou précédant la cessation de fonction ou le départ à la retraite (23). Le cédant doit avoir détenu directement ou par l intermédiaire du groupe familial une participation substantielle et exercer une fonction de dirigeant : concernant la participation substantielle : les titres ou droits doivent avoir été détenus de manière continue au cours des cinq années précédant la cession, à hauteur d au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux. Cette détention est soit directe ou par l intermédiaire du groupe familial (conjoint, descendants). concernant la fonction de dirigeant : l exercice de manière continue au cours des 5 années précédant le transfert, d une fonction de direction au sein de la société dont les titres sont cédés dans les conditions de l article 885 O bis du CGI, i.e. (i) une fonction effectivement exercée (ii) donnant lieu à une rémunération normale et (iii) représentant plus de la moitié des revenus professionnels (24) du cédant. La durée de détention est décomptée, en principe, à partir du 1 er janvier de l année au cours de laquelle les titres ont été acquis ou souscrits, et elle prend fin à la date du transfert de propriété des titres. La date limite d acquisition des titres avant le 1 er janvier 2006 étant supprimée depuis le 1 er janvier 2013, l abattement s applique désormais quelle que soit la date d acquisition des titres à condition de remplir les critères énoncés ci-dessus (25). 4. La clause d «earn out» a) Modalités d imposition Si l ancien dirigeant continue à animer son entreprise postérieurement à la cession de ses titres, il pourra avoir avantage à négocier une clause complément de prix dans le contrat de cession selon laquelle l acquéreur s engage à verser au cédant un «complément de prix» si la société atteint, à une date déterminée, des objectifs en termes d activité (chiffre d affaires, bénéfices, excédent brut d exploitation, etc.). L Administration fiscale précise qu «en tout état de cause, le complément de prix, qui le cas échéant, peut être plafonné, doit présenter un caractère aléatoire à la date de la réalisation de la cession de sorte qu il n est prévisible de manière certaine ni pour le cédant ni pour le cessionnaire (26)». Le complément de prix reçu par le cédant en exécution d une telle clause est imposable au titre de l année au cours duquel il est reçu quelle que soit la durée écoulée entre la date de la cession et celle du versement du complément de prix (27). Il convient de préciser que l abattement pour durée de détention s applique aux compléments de prix reçus par le cédant en exécution d une clause d indexation. Enfin, l abattement pour durée de détention applicable aux dirigeants de PME décidant de faire valoir ses droits à la retraite est également applicable aux compléments de prix (28). JOURNAL DES SOCIÉTÉS 22 N 108 Mai 2013

b) Possibilité de céder ou d apporter la créance complément de prix Les gains de cessions ou apports de la créance réalisés à compter du 1 er janvier 2007 sont imposés dans les mêmes conditions que le complément de prix lui-même. De manière similaire au complément de prix même, l imposition a lieu l année de la cession ou de l apport (29). Par ailleurs, dans le cadre de l harmonisation du régime fiscal de la créance «earn out», il est possible d obtenir un report d imposition en cas d apport de la créance. L application du report d imposition au gain retiré de la créance représentative d un complément de prix à recevoir en exécution d une clause «earn out» est subordonnée au respect des conditions suivantes (30) : l apporteur de la créance doit avoir exercé une fonction de direction au sein de la société dont l activité est le support de la clause complément de prix, de manière continue pendant les 5 ans qui précèdent la cession des titres ; le montant de la soulte éventuelle ne doit pas dépasser 10 % de la valeur nominale des titres reçus ; le contribuable doit demander expressément à bénéficier de la mesure par l exercice d une option. L imposition de gain reporté intervient au moment où s opère la transmission, le rachat, le remboursement ou l annulation des titres en contrepartie de l apport (31). B. Droits d enregistrement Les cessions de parts sociales sont soumises au droit proportionnel d enregistrement de 3 % (ou 5 % pour les sociétés à prépondérance immobilière) (32). Un abattement (uniquement pour les sociétés qui ne sont pas à prépondérance immobilière), est applicable et est égal au rapport entre la somme de 23 000 et le nombre total de parts sociales de la société. Les cessions d actions et titres assimilés sont soumises au droit proportionnel d enregistrement de 0,1 % prévu à l article 726, I-1 du CGI, remplaçant l ancien barème dégressif (par tranches de 0,25 %, 0,5 % et 3 %) pour les cessions réalisées à compter du 1 er août 2012. C. Apport-cession et donation-cession 1. Le mécanisme de «l apport-cession» L apport-cession de titres consiste pour un contribuable à apporter à une société soumise à l IS des titres dont la plus-value d échange bénéficie d un sursis d imposition en application de l article 150-0 B du CGI. Après cet apport, les titres apportés sont cédés par la société à un tiers, généralement pour leur valeur d apport. Ce schéma permet ainsi au contribuable contrôlant la société bénéficiaire de l apport de disposer des liquidités obtenues lors de la cession sans être imposé sur la plus-value d échange. L imposition n a lieu que lors de la cession ultérieure des titres reçus lors de l échange, le gain net étant calculé à partir du prix ou de la valeur d acquisition des titres remis à l échange. Suite à l adoption de la loi n 2012-1510 de finances rectificatives pour 2012 du 29 décembre 2012, les plus-values d apport de titres à des sociétés contrôlées par l apporteur sont désormais exclues du sursis d imposition. Désormais, ces plus-values peuvent relever d un report d imposition régi par le nouvel article 150-0 B ter du CGI en cas de contrôle de la société bénéficiaire de l apport (ci-après «Société Bénéficiaire») (33) par le contribuable. Le report d imposition automatique (34) requiert que la Société Bénéficiaire remplisse les conditions suivantes : être soumise à l IS ou à un impôt équivalent ; et localisée en France ou dans un Etat membre de l Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l évasion fiscales. Par ailleurs, le montant de la plus-value d échange devrait être mentionné sur la déclaration d IR. Le report d imposition de la plus-value d échange prend fin notamment dans les cas suivants : lors de la cession à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l annulation des titres reçus en échange, i.e. les titres émis par la Société Bénéficiaire. Dans l hypothèse d une cession par la Société Bénéficiaire des titres apportés dans un délai de trois ans à compter de l apport, le report d imposition de la plus-value d échange prend fin. Toutefois, le report d imposition de la plus-value d échange est maintenu si la Société Bénéficiaire réinvestit dans un délai de deux ans à compter de la cession au moins 50 % du produit de la cession des titres dans une activité économique (35). A noter que la cession des titres par la Société Bénéficiaire plus de trois ans après l apport ne met pas fin au report d imposition et ne contraint pas la celle-ci à réinvestir le produit de la cession. le transfert de résidence fiscale réalisée postérieurement à l apport des titres. 31) CGI, Art. 150-0 B bis ; BOI- RPPM-PVBMI-20-10-10-20, n 320. 32) CGI, Art. 726, I-1 bis. 33) «Cette condition est appréciée à la date de l apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l issue de celui-ci. Pour l application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société : a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ; b) Lorsqu il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d un accord conclu avec d autres associés ou actionnaires ; c) Ou lorsqu il y exerce en fait le pouvoir de décision. Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu il dispose, directement ou indirectement, d une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.» 34) Article 150-OB ter du CGI. 35) La nature du réinvestissement économique s entend du «financement d une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l exception de la gestion du patrimoine mobilier ou immobilier, dans l acquisition d une fraction du capital d une société exerçant une telle activité, sous la même exception, et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle au sens du 2 du III du présent article, ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l augmentation de capital d une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au b du 3 du II de l article 150-O D bis» (article 150-O B ter du CGI). N 108 Mai 2013 23 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

36) CE, 27 juillet 2012, n 327295. 37) Conseil d Etat, 27 juillet 2012 n 327295, 10 e et 9 e s.-s. 38) Conseil d Etat, 30 décembre 2011 n 330940, 8 e et 3 e s.-s. Tribunal administratif de Nice, 26 novembre 2002 n 98-4015, 99-4771 et 99-4772, 6 e ch., «Chabert». 39) BOI-RPPM- PVBMI-20-10-20-60-20120912 du 12 septembre 2012. 40) Conseil constitutionnel, décision n 2012-661 DC du 29 décembre 2012 et décision n 2012-661 DC du 29 décembre 2012. 41) Conseil constitutionnel, décision n 2012-661 DC du 29 décembre 2012. La fin du report d imposition entraînera l imposition de la plus-value d échange au barème progressif de l IR au taux marginal de 45 % (seuil de 150 000 ) et aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit un taux global de 60,5 %. Par ailleurs, des intérêts de retard au taux annuel de 4.8 % par an seront applicables. Par exception et sur option, les plus-values peuvent être soumises au taux d IR de 19 % et aux prélèvements sociaux de 15,5 % (soit un taux global de 34,5 %) à condition de remplir les conditions mentionnées ci-dessus pour le régime des entrepreneurs. Si l une des conditions relatives à l article 150-0 B ter du CGI n est pas remplie notamment lorsque l apporteur ne contrôle pas la structure bénéficiant de l apport, le dispositif du sursis d imposition (CGI : art. 150-0B) continue de s appliquer dans les limites des décisions en matière d abus de droit énoncées par la jurisprudence (36). 2. Le mécanisme de la «donation-cession» La donation permet à un dirigeant d amorcer la transmission de son patrimoine en profitant d une fiscalité attractive et de réduire la plus-value imposable si les titres sont cédés ultérieurement par le donataire. Selon la jurisprudence «Berjot» en date du 27 juillet 2012 (37), l administration fiscale pourrait remettre en cause cette donation et imposer la plus-value totalement plus une pénalité potentielle de 80 % pour abus de droit si elle s apercevait que les donateurs n avaient pas d intention libérale vis-à-vis des donataires mais seulement une intention de contrôle des sommes en cause post-cession. Cela étant, la jurisprudence «Motte-Sauvaige» (38) en date du 30 décembre 2011 considère que la seule chronologie des opérations, i.e. la donation suivie de la cession immédiate des titres n est pas suffisante pour constituer un abus de droit et cela même si la cession a porté sur des titres dont la plus-value a été placée en report d imposition. Une donation avant cession présente en effet l intérêt de figer la valeur des titres et donc de «purger» la plus-value. La donation-cession confrontée à de nouvelles difficultés? (i) L alourdissement de la fiscalité des donations Le taux d imposition des donations a été en effet alourdi : l abattement est désormais de 100 000 euros au lieu de 159 325 euros. Par ailleurs, le délai de rappel des donations antérieures est de 15 ans au lieu de 10 ans ; les donations en ligne directe sont désormais soumises au barème progressif au taux marginal de 45 % au-dessus de 1 807 677 ; la réduction des droits de 50 % continue de s appliquer mais dans des cas limités à des donations d entreprise portant sur des titres en pleine propriété et lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-dix ans. (ii) Les récentes difficultés soulevées lors d une donation-cession L administration fiscale a durci sa position sur ce sujet. La doctrine administrative prévoit désormais que «la plus-value constatée sur un droit démembré ne peut être fiscalement «purgée» que si lors de la transmission de ce droit, elle a été retenue, soit dans l assiette des gains de cession à titre onéreux, soit dans l assiette des droits de mutation à titre gratuit» (39). Cette position restrictive de l administration fiscale s inscrit dans le contexte d un projet de loi de finances rectificative pour 2012, lequel prévoyait dans le cadre d une donation avant cession d imposer le donataire sur le montant de la plus-value «purgée» sauf dans le cas où la donation des titres a été placée sous le régime du «pacte Dutreil». Néanmoins, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de ce projet de loi dans une décision n 2012-661 DC du 29 décembre 2012 au regard du principe d égalité devant les charges publiques. Dans ce contexte, il ne peut être exclu que le législateur adopte à la fin de l année 2013 une mesure selon laquelle le donateur serait rendu redevable de l impôt sur la plus-value calculé avant la donation. La question reste de même ouverte sur le fait de savoir si les éventuelles dispositions d une loi de finances mise en place en fin d année 2013 pourraient s appliquer rétroactivement aux donations réalisées au cours de l année 2013. Selon la théorie de la «petite rétroactivité fiscale», les nouvelles dispositions fiscales issues d une loi de finances peuvent s appliquer rétroactivement aux plus-values réalisées au cours d une année dès lors que la loi entre en vigueur au 31 décembre, date du fait générateur de l impôt sur le revenu (40). Toutefois, le législateur ne peut pas porter atteinte aux «situations légalement acquises», notamment en matière de transmission d entreprise par donation sauf si cela est justifié par l annonce d «un motif d intérêt général suffisant» lors du dépôt du projet de loi sur le bureau de l Assemblée nationale (41). JOURNAL DES SOCIÉTÉS 24 N 108 Mai 2013