Sponsoring vs pseudo-parrainage : «qui influence qui?» : une première réponse par les théories de la publicité concurrentielle



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Sponsoring vs pseudo-parrainage : «qui influence qui?» : une première réponse par les théories de la publicité concurrentielle Stéphan Fuchs& UT de QuimperDépartement Techniques de Commercialisation 2 rue de l université 29000 Quimper stephan.fuchs@wanadoo.fr Sections de rattachement : 06 Secteur : Secondaire / Tertiaire RÉSUMÉ.à partir d une expérimentation menée auprès d une population d étudiants d une université française, cette recherche s est attachée à montrer que les théories de la publicité concurrentielle peuvent contribuer à la compréhension du fonctionnement du pseudo-parrainage et du sponsoring, lorsque les deux techniques sont utilisées ensemble, par des annonceurs rivaux, pour communiquer en prenant appui sur un même événement. Les résultats tendent à montrer que, dans le contexte de communication que provoque la rencontre des concurrents, chaque catégorie d annonceurs subit l influence de la présence de l autre, sans qu il puisse être désigné un vainqueur ou un perdant à cette confrontation, en termes de mémorisation explicite ou de notoriété. MOTS-CLÉS : publicité concurrentielle, sponsoring, pseudo-parrainage, mémorisation explicite, notoriété, expérimentation. 1. Introduction Le sponsoring peut être défini comme «une technique qui consiste, pour toute organisation, à créer ou à soutenir directement un événement socio-culturellement indépendant d elle-même et à s y associer médiatiquement, en vue d atteindre des objectifs de communication marketing» (Derbaix et Lardinoit, 1994). Particulièrement adapté aux contraintes de la communication contemporaine, le sponsoring exerce une action positive sur la notoriété de la marque, sur l attitude des parties prenantes à son égard et sur l image de marque (Tribou, 2007 ; Walliser, 2006). 1

Depuis quelques années, le pseudo-parrainage 1 concurrence le sponsoring, lorsque ce dernier devient inaccessible ou peut être facilement contourné. Le pseudo-parrainage peut être défini comme «une technique qui consiste (pour une organisation) à prendre appui sur un événement (ex : une manifestation sportive, un festival culturel, une foire, un salon, un forum, etc.) pour communiquer, sans pour autant être un annonceur accrédité par ses ayants droit» (Fuchs, 2003). En d autres termes, le pseudo-parrain vient disputer - à moindre frais et en toute légalité - l exclusivité acquise par le sponsor, sans acquitter de droits auprès des propriétaires de l événement. En agissant ainsi, le pseudo-parrainage met souvent en concurrence des marques appartenant à la même catégorie de produits (ex : Coca-Cola vs Pepsi-Cola, Nike vs Adidas). Cette situation provoque un effet de contexte. Or les situations de communication concurrentielles sont réputées pour diminuer l efficacité publicitaire. A ce jour, les conséquences qui résultent de la mise en œuvre du sponsoring et du pseudo-parrainage par des annonceurs rivaux à l occasion d un même événement sont mal connues ; les recherches ayant été consacrées au seul examen, de l une ou de l autre des techniques. Cette communication se propose donc de relater l examen de la rencontre sponsoring/pseudo-parrainage, pour des marques familières 2 appartenant à la même catégorie de produits. L analyse est effectuée via une expérimentation, sur un indicateur de l efficacité communicationnelle : la mémorisation explicite du nom de la marque. Les oscillations du niveau de la notoriété de chaque marque, selon le contexte de communication, sont aussi examinées. Les théories de la publicité concurrentielle («competitive advertising») sont mobilisées pour expliquer les résultats. 2. Revue de la littérature et propositions de recherche 2.1. Publicité concurrentielle, interférence concurrentielle et mémorisation explicite des annonces publicitaires Inscrite parmi les techniques de communication persuasive, la publicité concurrentielle examine les situations où il existe une concurrence entre des annonces - celle-ci pouvant concerner un ou plusieurs éléments (ex : le slogan, l exécution publicitaire, un ou plusieurs attribut(s) du produit) -, diffusées sur le même support (ex : un événement) ou à l occasion de la même séquence de communication (ex : un 1 Son équivalent anglo-saxon est «ambush marketing». 2 Dans les travaux effectués en publicité concurrentielle, une marque familière est définie comme une marque ayant une forte notoriété et qui figure régulièrement parmi celles qui sont les plus citées, quand l interrogation porte sur les membres de sa catégorie de produits. 2

tunnel publicitaire). La publicité concurrentielle étudie plus particulièrement les mécanismes et les effets que provoque cette concurrence au moment de l encodage, du traitement et de la récupération des items en mémoire. L impact de la publicité concurrentielle est principalement évalué en termes d attitude, de comportement et de mémorisation explicite. La majorité des recherches menées dans le domaine de la publicité concurrentielle a traité du cas de marques appartenant à la même catégorie de produits. Les résultats montrent de façon homogène la présence d un phénomène particulier qui réduit le niveau de rappel et de souvenir du nom de la marque, des attributs de la marque, du slogan de la marque, etc. Décrit comme une interférence, le phénomène peut rendre plus difficile, la récupération d une donnée précise disponible en mémoire. Parfois d ailleurs, la tentative échoue (McGeough, 1931 ; Melton et Irwin, 1940). L inaccessibilité n est pas imputable à l écoulement du temps depuis le dernier contact. Elle est du à la compétition entre nouvelles et anciennes données en mémoire, particulièrement lorsque celles-ci sont conceptuellement similaires (Bettman, 1979 ; Percy et Rossiter, 1980 ; Bagozzi et Silk, 1983) au niveau des attributs du produit (Keller, 1987 ; Burke et Srull, 1988) ou de l exécution publicitaire (Kumar, 2000). L interférence concurrentielle ne provoque pas forcément un résultat défavorable. Elle peut être bénéfique pour la mémorisation explicite d une nouvelle caractéristique introduite dans le panier d attributs du produit (Jewell et Unnava, 2003), ou l apprentissage du slogan de la marque (Dahlén et Rosengren, 2005). 2.2. Effet de l interférence concurrentielle sur la mémorisation explicite du nom des marques familières La familiarité avec une marque reflète un certain niveau d expérience directe et indirecte avec un produit. Les connaissances admises en publicité concurrentielle suggèrent que l intensité de l interférence varie selon le degré de familiarité envers la marque. Effectivement, il a été montré à plusieurs reprises que son impact est le plus fort pour les annonces de marques non familières (Keller, 1987, 1991 ; Burke et Srull 1988 ; Laroche et al. 2006). Par contre, les résultats ne sont pas homogènes pour les annonces de marques familières : parfois épargnées par le phénomène (Kent et Allen, 1994 ; Laroche et al. 2006), parfois touchées (Kumar et Krishnan 2004). La modération de l interférence concurrentielle imputée à la familiarité de la marque peut laisser penser que celle-ci va aussi réduire le phénomène pour ce qui concerne la récupération en mémoire du nom de la marque. Cependant, les consommateurs se trompent souvent au profit de la marque proéminente dans la catégorie de produits. L erreur d attribution serait imputable à la plus grande robustesse du lien entre l annonce publicitaire et la catégorie de produits, par rapport à celui entre la publicité et 3

le nom de marque. L affirmation repose sur un constat simple : les consommateurs connaissent mieux les caractéristiques communes d une catégorie de produits, que les propriétés particulières de chacune des marques qui la composent. L erreur d attribution serait également due au degré de familiarité de la marque ; le lien entre la publicité et le nom de marque étant moins solide pour des marques moyennement familières et par conséquent, plus sensibles au phénomène d interférence concurrentielle (Kent et Kellaris, 2001). En disputant l exclusivité acquise par le sponsor, le pseudo-parrain provoque souvent une situation où deux marques ou plus, appartenant à la même catégorie de produits, se retrouvent à communiquer à propos d un même événement ou d un même élément en rapport. Souvent, il s agit de marques très connues du grand public, qui trouvent en l événement, un nouvel espace pour exprimer leur rivalité, dans un paysage de communication hautement concurrentiel. Selon les résultats trouvés en publicité concurrentielle, la familiarité de la marque devrait atténuer, sans pour autant rendre résistant à l interférence concurrentielle, lorsque qu une récupération du nom des marques est sollicitée dans un contexte de communication concurrentielle de type intra catégorie de produits. L hypothèse suivante est formulée : (H1) : un contexte de communication concurrentielle affecte le niveau de la mémorisation explicite du nom des marques familières appartenant à la même catégorie de produits. Trouver ou pas une différence significative en termes de mémorisation explicite ne renseigne pas sur la situation individuelle de chacune des marques (sic. sa notoriété). Il est soutenable de supputer que l agrégation de paires de marques (pour les besoins de l expérimentation) puisse atténuer l influence respective sur chacune d elles, voire même masquer des réactions individuelles très différentes. La littérature ne renseigne pas à ce propos car les tests ont souvent concernés une paire de marques. Ce qui précède amène donc à poser la question de recherche suivante (QR) : l effet de contexte affecte-t-il de la même manière (sens, intensité) la notoriété de chacune des marques familières? 3. Méthodologie Le contexte dans lequel apparaît la marque cible est manipulé. Celle-ci apparaît soit dans une situation de communication sans concurrence, en présence de trois autres marques appartenant à trois catégories de produits différentes, soit dans un environnement concurrentiel, en présence d une seconde marque de sa catégorie de produits et de deux autres marques de deux autres catégories de produits. Un diaporama Power Point consacré à la coupe du monde de rugby (IRB-France 2007) a servi de support. Le plan du site web officiel de la manifestation a été adapté aux besoins de l expérimentation. Le document comprenait vingt quatre diapositives. 4

Chaque diapositive comptait quatre marques 3 placées chacune dans un coin de l écran ; deux informations relatives à la manifestation et ses participants (textes et photos), placées au centre de l écran ; le logo de l événement (IRB France 2007), positionné entre deux marques et déplacé trois fois (toute les six diapositives) durant le diaporama, pour souligner pendant la même durée «l association» de chacune des marques avec l événement. Il n est fait mention nulle part et à aucun moment du statut de la marque à l égard de l événement (pseudo-parrain vs sponsor). Les marques et le logo de la manifestation étaient visibles pendant tout le diaporama. L information relative à l événement était modifiée en partie à chaque diapositive. Si bien que son contenu était renouvelé en totalité au bout de quatre. Chaque diapositive était exposée pendant dix secondes. L individu était invité à regarder chacune d elles en concentrant son attention sur les informations relatives à la manifestation. Dans ce contexte, les annonceurs ont probablement été traités comme des données secondaires, ce qui correspond certaines des situations rencontrées en sponsoring et en pseudo-parrainage (Fleck-Dousteyssier, 2006). Près de cent cinquante étudiants ont été mobilisés pour cette étude à l automne 2006. Chaque participant a visionné la maquette du site web de la coupe du Monde de rugby (IBR France 2007). Seul le rappel (variable dépendante) a été collecté. Pour cette tâche, les participants étaient priés d inscrire le nom des marques qu ils avaient vu dans le document présenté. Ensuite, ils répondaient à une série de questions servant d informations de contrôle. L étudiant avait cinq minutes après la diffusion du diaporama pour répondre aux questions. Pour tester les paires de marques, trois groupes d étudiants ont été formés. L affectation à un groupe a été effectuée au hasard. Chaque groupe était interrogé sur une combinaison différente 4. Chacune des trois situations de communication était composée de deux marques concurrentes (C) au niveau de la catégorie de produits et de deux marques (NC) appartenant à deux autres catégories de produits. Cinq catégories de variables ont été utilisées pour vérifier l homogénéité des trois groupes : les caractéristiques personnelles, la proximité relationnelle avec chacune des marques, la neutralité envers la marque, l implication durable pour le rugby, 3 Les marques ont été sélectionnées dans le cadre d une série de pré-tests visant notamment à tester leur familiarité auprès d un public composé d étudiants, ainsi que leur adéquation avec l événement. 4 Groupe A : SNCF (C), Air France (C), Mastercard (NC), VEDIORBIS (NC) ; groupe B : VISA (C), Mastercard (C), SNCF (NC), Manpower (NC) ; groupe C : VEDIORBIS (C), Manpower (C), VISA (NC), Air France (NC). 5

l implication situationnelle pour la coupe du monde de rugby IRB France 2007. Il n a pas été observé de différences significatives entre les trois groupes. 4. Résultats et discussion Le nombre de marques nommé spontanément est en moyenne de 3,05 (E. type : 1,01). Peu d erreurs de citations sont relevées. Le nombre de marques correctement identifié (MSC) est en moyenne de 2,97 (E. type : 1,02). Effet de l interférence concurrentielle sur la MSC du nom des marques familières : un niveau de rappel plus élevé est observé pour les marques familières exposées dans un contexte concurrentiel (MSC = 1,59 (E. Type = 0,71) vs MSC = 1,39 (E. Type = 0,65)). La différence n est cependant pas suffisante pour qu elle soit statistiquement significative (t = 1,734 ; ddl : 138 ; sig : 0,084). L hypothèse H1, selon laquelle un contexte de communication concurrentielle affecte le niveau de la mémorisation explicite du nom des marques familières appartenant à la même catégorie de produits est rejetée. Notoriété des marques familières et situation de communication : dans un environnement non concurrentiel, la notoriété des marques familières se situe entre 64 % et 87 %. Elle oscille entre 61 % et 86 % dans un environnement concurrentiel. Deux des trois paires ont le même niveau de notoriété dans le contexte non concurrentiel (catégorie cartes bancaires et catégorie transports collectifs). Cinq des six marques ont une notoriété comprise entre 63 et 73 % en situation non concurrentielle (sauf VEDIOBIS : 87 %). En examinant les scores obtenus par marque selon le contexte de communication, il est observé des évolutions significatives pour cinq des six marques familières. Mastercard et VEDIORBIS et ont un score plus élevé dans une situation non concurrentielle. A contrario, SNCF, VISA et Manpower ont un score plus élevé dans un contexte concurrentiel. Notoriété des marques familières selon le statut de l annonceur et le contexte concurrentiel : pour deux des trois sponsors testés, la notoriété est plus élevée dans un contexte concurrentiel (SNCF : 82 % contre 68 % ; VISA : 86 % contre 72 %). Le résultat opposé est observé pour le troisième sponsor (VEDIORBIS : 80 % contre 87 %). La variation de la notoriété des pseudo-parrains n est pas homogène, ni en sens, ni en intensité. Mastercard a un taux plus élevé en situation non concurrentielle (73 % contre 61 %). Manpower obtient le résultat inverse (64 % contre 86 %). Et aucun effet significatif n est observé pour Air France (68 %). L effet de contexte n affecte donc pas de la même manière (sens et intensité) la notoriété des marques (QR). L expérimentation ne tranche pas clairement concernant l impact réel de l interférence concurrentielle sur le rappel du nom des marques familières, même si sa présence ne peut être remise en question. Son effet est par ailleurs assez inattendu, car il améliore la notoriété en situation de concurrence pour la moitié des marques familières. 6

Enfin, les oscillations de sens contraire qui affectent la notoriété des marques, selon le contexte concurrentiel, donne une première explication plausible au dessein de H1. 5. Implications, limites et conclusion Sur le plan conceptuel et théorique, le recours à la publicité concurrentielle s est révélé une démarche pertinente pour enrichir les connaissances concernant le fonctionnement du sponsoring et du pseudo-parrainage, lorsque ces deux techniques sont utilisées ensemble par des annonceurs rivaux, pour communiquer en prenant appui sur un même événement. Par ailleurs, il semble que les mécanismes qui interagissent sur le sponsoring et le pseudo-parrainage dans un contexte de communication concurrentielle fonctionnent de la même manière (pour la mémorisation explicite des marques familières). Ce constat justifie a posteriori l utilisation de la publicité concurrentielle pour étudier la mise en œuvre conjointe des deux techniques. Sur le plan managérial, deux marques familières, appartenant à la même catégorie de produits et qui communiquent sur le même événement, subissent toutes les deux l influence de la présence de l autre. Et contrairement à une idée répandue, le pseudoparrainage ne nuit pas forcément au sponsoring. Egalement, le sponsoring ne sort pas toujours vainqueur de la confrontation, au motif qu il peut revendiquer explicitement son association avec l événement. La démarche rapportée comporte plusieurs faiblesses. D abord, l expérimentation a souvent un caractère assez artificiel, et le fait d interroger uniquement une population d étudiants accentue encore cette caractéristique. Ensuite, la méthodologie adoptée reflète l expression de choix qui conditionnent en partie le résultat obtenu. Le fonctionnement mis en évidence et les effets relevés ne valent donc que pour des marques familières et des annonces prenant la forme d une information quasi implicite. Enfin, l événement dont il est question ici ne sert que de filigrane, alors qu en réalité, ce facteur peut modifier l état émotionnel du répondant lors de l encodage ; une caractéristique qui peut avoir des conséquences lors d une sollicitation mémorielle ultérieure. Dans cette recherche, l effort a porté sur la compréhension du fonctionnement du pseudo-parrainage et du sponsoring, en ayant recours aux théories développées en publicité concurrentielle. Le résultat de l expérimentation tend à montrer que dans le contexte de communication concurrentielle, chaque catégorie d annonceurs subit l influence de la présence de l autre, sans qu il puisse être désigné un vainqueur ou un perdant à cette confrontation. A partir de ces premières conclusions, l effort de recherche doit être intensifié, afin de mieux cerner les véritables enjeux de la mise en œuvre simultanée des deux techniques de communication, à l occasion d un même événement. D autres formes de rencontres doivent donc être étudiées à l aide des travaux menés en publicité 7

concurrentielle. D autres champs de recherches doivent aussi être mobilisés pour analyser les mécanismes qui conduisent à la persuasion. Enfin, des mesures doivent être réalisées sur d autres indicateurs d efficacité que la mémorisation explicite, afin de plus complètement appréhender les effets que génère le contexte de communication concurrentielle. Beaucoup d opportunités s offrent donc aux chercheurs en marketing intéressés par le sujet. Bibliographie Bagozzi R. et Silk A. (1983), Recall, recognition et the mesasurement of memory fort print advertisements, Marketing Science, 2 (Spring), 95-134. Bettman J. (1979), Memory factors in consumer chois, Journal of Marketing, 43, 37-53. Burke R. et Srull T. (1988), Competitive Interference and Consumer Memory for Advertising, Journal of Consumer Research, 15, Juin, 55-68. Cornwell B., Humphreys M., Maguire A., Weeks C. et Tellegen C. (2006), Sponsorship-Linked Marketing: The Role of the Articulation Memory, Journal of Consumer Research, décembre. Dahlén M. et Rosengren S. (2005), Brand affect slogans affect brands? Competitive interference, band equity and the brand-slogan link, Brand Management, 12, 3, 151-164. Derbaix C., Gérard P. et Lardinoit T. (1994), Essai de conceptualisation d une activité éminemment pratique : le parrainage, Recherche et Applications en Marketing, 9, 2, p. 43-67. Fleck-Dousteyssier N. (2006), Effet du parrainage sur les réponses cognitives et affectives du consommateur envers la marque : le rôle de la congruence, thèse en sciences de gestion, ESSEC. Fuchs S. (2003), Le pseudo-parrainage, une autre façon de faire du parrainage?, Décision Marketing, 32, 31-40. Fuchs S. (2006), Efficacité du parrainage : déterminants de la mémorisation des parrains pour l audience directe d un événement, Actes de l Association Française du Marketing, Nantes, 21. Hoek J. (2005), Ambush Marketing: Research and Management Implications, in Global Sport Sponsorship, Johan Amis and Bettina Cornwell, eds, Oxford: Berg. Jewell R. et Rao Unnava (2003), When Competitive Interference Can Be Benefical, Journal of Consumer Research, 30, 283-291. Keller K. (1987), Memory factors in advertising: The effect of advertising retrieval cues on brand evaluations, Journal of Consumer Research, 14, 316-333. Kent R. et Allen C. (1994), Competitive Interference Effects in Consumer Memory for Advertising: The Role of Brand Familiarity, Journal of Marketing, 58, juillet, 97-105. Kent R. et Kellaris J. (2001), Competitive interference effects in memory for advertising: are familiar brands exempt?, Journal of Marketing Communications, 7, 159-169. 8

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