Lettre Droit public des affaires Janvier 2014 - n 3 SOMMAIRE I. Veille législative et réglementaire Seuils applicables aux contrats de la commande publique Réforme ferroviaire Projets de directives II. Jurisprudence Contrats de la commande publique Autres contrats publics Contentieux des contrats publics III.Doctrine Retenue de garantie d un marché public Futures directives européennes marchés publics Guide du recensement économique de l achat public Etude des professeurs Llorens et Soler- Couteaux, janvier 2014 I. Veille législative et réglementaire Décret n 2013-1259 du 27 décembre 2013 modifiant les seuils applicables aux marchés publics et autres contrats de la commande publique Le décret met en oeuvre le règlement adopté par la Commission européenne le 13 décembre 2008, en rehaussant, au 1 er janvier 2014, les seuils européens à partir desquels une procédure et une publicité spécifique s imposent dans la commande publique. Le décret du 27 décembre 2013 modifie l ensemble des textes applicables aux contrats de la commande publique. Ces seuils, en vigueur jusqu au 31 décembre 2015, sont les suivants : 5 186 000 euros HT pour les marchés de travaux ; 134 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services de l Etat ; 207 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales ; 414 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services des opérateurs de réseaux. Projet de loi portant réforme ferroviaire Adopté par le Conseil des ministres le 16 octobre 2013, pour une entrée en vigueur envisagé au 1 er janvier 2015, ce projet de loi vise à moderniser l organisation du système ferroviaire, en mettant fin à la séparation actuelle entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF. Cette réforme doit notamment se traduire par la création d un groupe public ferroviaire constitué d un établissement public «mère» (la future SNCF) et de deux établissements publics «filles» : le gestionnaire d infrastructure (SNCF Réseau) et l exploitant ferroviaire (SNCF Mobilités). Propositions de directives sur les marchés publics et les contrats de concession Le Parlement européen vient d arrêter sa position en première lecture sur les propositions de directives relatives aux marchés publics et aux contrats de concession. Outre la consécration du critère de l «offre économiquement la plus avantageuse» et du principe de l allotissement, ou encore l introduction de mesures visant à faciliter l accès des PME aux marchés, les directives introduisent des règles visant à reconnaître une certaine liberté pour les pouvoirs publics d organiser leurs propres services, qui s inspirent de la jurisprudence rendue par la CJUE en matière de coopération public/ public et de «in house». Ainsi, par exemple, un marché public pourra être directement attribué à une personne morale si le pouvoir adjudicateur exerce sur celle-ci un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services, si plus de 80% des activités de la personne morale contrôlée sont exercées dans le cadre de l'exécution des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d'autres personnes morales qu'il contrôle et si la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l'exception des formes de participation requises par les dispositions nationales qui ne confèrent pas de capacité de contrôle ou de blocage et qui ne permettent pas d'exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.
2 II. Jurisprudence Contrats de la commande publique (marché public, délégation de service public, contrat de partenariat, montage contractuel complexe) Egalité de traitement des candidats et demande d informations complémentaires CJUE, 10 octobre 2013, aff. C-336/12, Manova A/S Dans le cadre d une procédure de passation d un marché public de services non prioritaire, la CJUE considère que le principe d égalité de traitement ne s oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur réclame à un ou plusieurs candidats de compléter leur dossier de candidature après l expiration du délai de remise des candidatures. Méthode de notation du critère prix CE, 29 octobre 2013, Office public d habitat Val d Oise Habitat, n 370789 La méthode de notation du critère prix doit permettre d attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas. Une méthode de notation consistant à attribuer la note la plus faible au candidat ayant présenté le prix le plus éloigné de l'estimation du coût de la prestation opérée par le maître d oeuvre que ce prix soit inférieur ou supérieur à l'estimation est susceptible de modifier l'ensemble du classement des offres. notification au titulaire du marché. Cette règle ne trouve exception qu en cas de contestation, par le titulaire du marché, d une partie des sommes inscrites au décompte général, et s il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d ouvrage et celles sur lesquelles le titulaire a émis des réserves. SPLA et «in house» CE, 6 novembre 2013, Commune de Marsannay-la-Côte, n 365079 Une commune membre d une société publique locale d aménagement (SPLA) ne peut être regardée comme exerçant sur celle-ci un contrôle analogue à celui qu elle exerce sur ses propres services justifiant le recours à l exception in house, lorsqu elle ne participe que très minoritairement au capital et aux organes de direction de cette société. Contrats de partenariat et complexité du projet CAA Lyon, 2 janvier 2013, Ordre régional des architectes d Auvergne, n 12LY02827 La taille modeste de la collectivité publique, et partant l absence ou la faible disponibilité de ses compétences en interne, n ont pas d incidence sur l éligibilité du projet de cette collectivité au contrat de partenariat. La capacité réelle de la personne publique ne rentre ainsi pas en ligne de compte pour apprécier la complexité autorisant le recours à ce type de contrat. Offre anormalement basse et demande de précisions CE, 29 octobre 2013, Département du Gard, n 371233 L article 55 du CMP, qui autorise le pouvoir adjudicateur à écarter une offre anormalement basse, ne saurait pour autant l obliger à poser des questions spécifiques au candidat dont il juge l offre anormalement basse. En outre, le juge administratif précise que la motivation de la décision de rejet d une telle offre peut intervenir en cours d instance. Marché public de travaux et caractère définitif du décompte général CE, 6 novembre 2013, Région Auvergne, n 361837 Autres contrats publics (propriété des personnes publiques, subventions, ) Taxe foncière et biens de retour - CE, 21 octobre 2013, Ministre du budget c/ SEMIDEP, n 358873 La circonstance qu un contrat de concession prévoie le versement au concessionnaire, à l expiration de la concession, d une indemnité destinée à compenser la valeur non amortie des biens nécessaires au fonctionnement du service public, ne fait pas obstacle à ce que ces biens appartiennent, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique et, partant, que celle-ci soit redevable de la taxe foncière. Le caractère définitif du décompte général a pour effet d'interdire au maître d ouvrage toute réclamation de sommes dont il n'aurait pas fait état, dans ce décompte, avant sa
3 Précisions sur la conclusion des baux emphytéotiques administratifs CE, 19 novembre 2013, Société nationale immobilière, n 352488 Avant 2011 et la modification de l article L. 1311-2 du CGCT par la loi LOPPSI II, les collectivités territoriales ne pouvaient conclure un bail emphytéotique administratif pour assurer la maintenance d un bien immobilier. Le bail emphytéotique ne pouvait, en effet, être utilisé que pour la réalisation de travaux de construction. Convention comportant occupation du domaine public par un concessionnaire et compétence juridictionnelle TC, 9 décembre 2013, EURL Aquagol c/ Association Réunionnaise de Développement de l Aquaculture, n C3925 Un litige concernant une convention comportant occupation du domaine public conclue par un concessionnaire relève de la compétence du juge administratif. En confiant à une association la gestion du centre d'application aquacole qu'elle avait créé, une région lui a délégué la gestion d un service public. Cette association doit alors être regardée comme son concessionnaire au sens et pour l application du CG3P. Contentieux des contrats publics Annulation d un marché de conception-réalisation et allocation obligatoire de primes aux soumissionnaires CE, 23 octobre 2013, SARL Bernard Leclercq Architecture, n 362437 L annulation de la procédure de passation d un marché de conception-réalisation ne permet pas au pouvoir adjudicateur de se soustraire au versement de l indemnisation prévue par le règlement de consultation. Saisi par un candidat d une demande de versement de la prime, le juge est tenu, afin de déterminer si le contrat doit ou non être écarté pour la résolution du litige, de prendre en compte la gravité de l illégalité ayant mené à l annulation de la consultation. Jurisprudence «Béziers II» et marchés à bons de commande CE, 25 octobre 2013, Région Languedoc- Roussillon, n 369806 Une telle interruption ne constitue pas une résiliation mais une simple mesure d exécution du contrat. Le Conseil d Etat confirme que la jurisprudence «Béziers II» ne vaut que pour la décision de résiliation. Référé contractuel et délégation de service public CE, 25 octobre 2013, Commune de La Seyne-sur-Mer, n 370393 L annulation par le juge du référé contractuel d un contrat de délégation de service public ne peut résulter que du constat des manquements mentionnés au premier alinéa de l article L. 551-18 du Code de justice administrative, à savoir l absence de toutes les mesures de publicité prescrites pour sa passation ou d une publication au JOUE dans le cas où une telle publication est requise. Le Conseil d Etat transpose aux délégations de service public la solution adoptée par la jurisprudence «Grand port maritime du Havre» pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée. Règles spéciales de contentieux indemnitaire en matière de travaux publics CE, Sect., 6 décembre 2013, Commune d Etampes, n 344062 Dans le cadre d un litige en matière de travaux publics, le requérant est recevable à contester la décision lui opposant la prescription quadriennale, et ce alors même qu il en avait reçu notification plus de deux mois avant l introduction de ce recours. En effet, le délai de deux mois prévu à l article R. 421-1 du CJA ne s applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même lorsqu elles sont dirigées contre une décision administrative notifiée au demandeur. Confirmation de l absence de délai de «stand still» en matière de MAPA - CE, 11 décembre 2013, Société antillaise de sécurité, n 372214 Suite aux divergences de position exprimées par différentes juridictions d appel (v. notamment CAA Nancy, 18 novembre 2013, Communauté de communes de Vesle Montagne de Reims, n 12NC01181), le Conseil d Etat réaffirme le principe posé dans l arrêt «Grand Port maritime du Havre» : dans les MAPA, les acheteurs publics ne sont pas soumis au respect d un quelconque délai raisonnable entre la notification d attribution du marché et la signature de celui-ci. Le titulaire à un marché à bons de commande ne peut demander au juge l annulation ou la suspension d une décision du pouvoir adjudicateur visant à interrompre l exécution d une prestation prévue par un bon de commande.
4 Informations relatives aux offres non retenues - Cass. Com., 10 décembre, SEMAG, n 13-10441 Le juge ne peut obliger le pouvoir adjudicateur à communiquer au candidat évincé la totalité des informations relatives aux autres offres non retenues. Si le juge saisi d un recours applicable aux contrats de la commande publique décide de prononcer l annulation totale de la procédure, il ne peut concomitamment ordonner la communication d éléments relatifs à la procédure annulée. Obligation pour le pouvoir adjudicateur de communiquer aux candidats la masse salariale des personnels dont la reprise est imposée Cass. Com., 10 décembre 2013, Association des paralysés de France, n 12-25808 La masse salariale des personnels dont la reprise est imposée par une convention collective ou un accord collectif étendu est susceptible de relever des informations essentielles dont la connaissance permet aux candidats d'apprécier les charges du cocontractant et, partant, d'élaborer utilement une offre. III. Doctrine Retenue de garantie d un marché public Réponse ministérielle du 10 octobre 2013, QE n 06587 et n 07776 A l instar de toute autre entreprise, une entreprise placée en liquidation judiciaire doit attendre, pour obtenir le remboursement de la retenue en garantie, l expiration du délai d un an après réception de l ouvrage. Nulle disposition du Code de commerce ou du Code des marchés publics ne prévoit, en effet, un remboursement anticipé de la garantie dans ce cas de figure. Le ministère de l Economie et des Finances rappelle, par ailleurs, que la retenue de garantie d un marché public doit, en principe, être remboursée dans les 30 jours après l expiration du délai de garantie d un an si aucune réserve n a été formulée lors de la réception de l ouvrage (CMP, article 103) ou «si aucune malfaçon [n est apparue] dans ce délai». Conséquences des futures directives européennes marchés publics sur les procédures d appels d offres Réponse ministérielle du 22 octobre 2013, QE n 34616 Bercy apporte des précisions sur les modifications que vont engendrer, en droit interne, les nouvelles règles européennes sur les marchés publics (champ d application, critères d attribution sociaux ou environnementaux, choix du dispositif d allotissement, nouvelle procédure de «partenariat d innovation», dispositions au bénéfice des PME, encadrement des possibilités de modification d un marché en cours d exécution ). Guide du recensement économique de l achat public Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers La Direction a mis en ligne la version actualisée au 1 er janvier 2014 du guide du recensement économique de l achat public. Afin de permettre aux acheteurs publics de remplir plus facilement la fiche de recensement celle-ci étant la seule à utiliser pour les contrats, marchés, accords-cadres, avenants ou actes spéciaux de sous-traitance à recenser, le présent guide indique les délais à respecter ainsi que l ensemble des renseignements devant y être portés (numéro SIRET de l acheteur public, mode d exécution du contrat, nature de l acte juridique, procédure de passation, forme des prix, etc.). «La société d économie mixte à opération unique ou l avènement du partenariat public-privé institutionnalisé à la française» Etude des Professeurs F. Llorens et P. Soler-Coûteaux, Revue Contrats et Marchés publics n 1, Janvier 2014, repère 1 Dans cet article, les Professeurs Llorens et Soler-Coûteaux reviennent, à la faveur des récentes propositions de lois (Propositions de loi - Assemblée nationale, n 1487, 23 octobre 2013, et n 1521, 6 novembre 2013 ; Propositions de loi - Sénat n 78, 80 et 81, 16 octobre 2013) et de l adoption du texte en première lecture par le Sénat le 11 décembre dernier (Proposition de loi Sénat n 47, 11 décembre 2013), sur la notion de PPPI. Après avoir rappelé que cet instrument était déjà consacré à l échelle européenne (Comm. UE, communication C(2007)6661, 5 févr. 2008. - CJCE, 15 oct. 2009, Acoset SPA, aff. C-196/08), les deux auteurs s interrogent sur l intérêt de ce nouvel instrument juridique.
5 Ils relèvent notamment que l avantage qu offre la SEM à opération unique, en permettant à la personne publique actionnaire de bénéficier de la compétence de l opérateur privé, se retrouve dans l ensemble des procédés impliquant le recours à un opérateur privé Les deux auteurs soulignent néanmoins l «atout maître» de la SEM à opération unique en tant qu elle offre «la possibilité de concilier la compétence de l actionnaire privé avec la meilleure maîtrise de l opération par la personne publique». Votre interlocuteur : Lionel Levain, Associé T: 01 53 53 45 94 - F: 01 53 96 04 20 E: levain@rmt.fr