Module Transversal 7. 25 février 2008 Méningites purulentes Prof. Jacques REYNES Maladies Infectieuses et Tropicales j-reynes@chu-montpellier.fr Méningites purulentes : généralités Définition : LCR trouble à la PL Urgence médicale (mortalité, séquelles si retard) Trois bactéries principalement responsables : Streptococcus pneumoniae (moitié des cas soit environ 700 cas/an en France, tous âges) Neisseria meningitidis (environ 600 cas /an en France; nourrissons-enfants,adolescents-jeunes adultes) Listeria monocytogenes (sujets âgés, grossesse, ID) Antibiothérapie adaptée à germe (orientation initiale sur examen direct) et sa sensibilité, posologie élevée Stratégies préventives (vaccins, antibioprophylaxie) Méningites purulentes : clinique Syndrome méningé fébrile, souvent brutal Céphalées violentes, photophobie Vomissements Fièvre élevée Raideur de nuque, s. de Kernig et de Brudzinski Autres signes Signes associés neurologiques (déficit, convulsions, s. pyramidaux) ou psychiques (agitation, coma) Purpura, troubles hémodynamiques Méningites purulentes : PL Ponction urgente +++ Scanner avant PL si coma ou signes focaux LCR hypertendu, trouble (eau de riz) ou franchement purulent Analyse LCR : Cytologie : hypercellularité franche (sauf au tout début), prédominance de polynucléaires neutrophiles +/- altérés Hyperprotéinorachie, hypoglycorachie Bactério : examen direct (Gram) (+ dans 40 à 80% des cas), culture + antibiogramme, +/- antigènes solubles, +/- PCR (méningo, listéria)
Éléments d orientation étiologique 1 - S. pneumoniae - alcoolisme - antécédents de traumatisme crânien, de chirurgie de la base du crâne - antécédents de méningite - rhinorrhée claire, chronique - altération des moyens de défense : asplénie infection à VIH myélome - début brutal - coma, convulsions, signes neurologiques focaux sus-tentoriels - infection récente ou en cours des voies aériennes : otite, sinusite, pneumopathie 2 - N. meningitidis -saison hivernale - notion d épidémie - début brutal - purpura, a fortiori si extensif - absence de signes neurologiques focaux - déficit en complément 3 - Listeria monocytogenes - âge supérieur à 50 ans - grossesse - immunodépression : corticothérapie, myélome - notion d épidémie - évolution progressive des manifestations cliniques - signes de rhombencéphalite - LCR : formule panachée 4 - Haemophilus influenzae - âge inférieur à 5 ans - association otite-conjonctivite - absence de vaccination Méningites purulentes : pneumocoque 1 ère cause de méningite purulente chez l adulte Porte d entrée ORL, pulmonaire, brèche dure-mérienne Tableau brutal, franc, formes comateuses fréquentes, mortalité élevée: 20 à 40 %, séquelles fréquentes Streptococcus pneumoniae Diplocoque gram-positif encapsulé Sensibilité à la pénicilline fréquemment diminuée Antibiothérapie C3G +/- Vancomycine, 10-14 jours Prévention: TT des infections ORL et brèche, vaccin heptavalent conjugué, pénicilline chez splénectomisé récent Méningites purulentes : méningocoque Tous âges (0-5 ans, 14-19 ans), hiver, parfois épidémique Transmission sécrétions / portage pharyngé: contact proche Tableau brutal, franc, forme purpurique (Purpura fulminans : septicémie foudroyante avec choc et CIVD), mortalité précoce (10-15 %), évolution le plus souvent favorable sous traitement Neisseria meningitidis Diplocoque gram-négatif, différents sérogroupes (B dominant 60%, C en hausse 30%, W135 5%, A, Y) Sensibilité à la pénicilline (mais évolution vers baisse S) Antibiothérapie C3G ou Amoxicilline (si sensible), 7 jours Antibioprophylaxie des sujets contacts et vaccination (sauf B) Déclaration obligatoire DDASS Méningites purulentes : méningocoque Chimioprophylaxie de la méningite à méningocoque (Circulaire DGS 23 oct 2006 relative à la prophylaxie des inf. invasives à méningocoque) Appliquée dans les plus brefs délais (n a plus d intérêt au-delà de 10 j après le dernier contact compte tenu du délai d incubation variant entre 2 et 10 jours) aux contacts étroits (< 1 mètre) : Milieu familial : personne vivant avec le malade Milieu extra-familial : amis intimes, vie en institution (même chambre, voisins de classe), voisins de transports, sports de combat et collectif (mêlées), soirée dansante serrée Milieu hospitalier : bouche à bouche, intubation sans masque Rifampicine pendant 2 jours (adulte: 600 mg x 2/j, enfant 1mois-15 ans:10 mg/kg x 2/j) Précautions si grossesse (prévention de tr de la coagulation par apport vitk1 à la mère et au NNé), si contraception orale (contaception mécanique pdt tt et 1semaine après) Si contre-indication ou résistance documentée (exceptionnelle) à la rifampicine: Ceftriaxone (adulte : 1 inj 250 mg, enfant-nourrisson: 1 inj de 250 mg) ou Ciprofloxacine (adulte 1 cp unique de 500mg)
Méningites purulentes : méningocoque Vaccination autour d un cas d infection invasive Si un vaccin existe pour le sérogroupe en cause (méningo A, C, W135 ou Y) on associe à la chimioprophylaxie la vaccination (dans un délai maximum de 10 jours après l hospitalisation du malade) pour les sujets contact de l entourage proche ou se retrouvant de façon régulière et répétée dans la collectivité du malade pendant les semaines qui suivent le dernier contact Vaccins anti-méningococciques: 1. Vaccin polysaccharidique A + C 2. Vaccin polysaccharidique tétravalent A + C + W135 + Y (ATU de cohorte Ménomune Mencevax, certificat de vaccination datant de + de 10 jours et moins de 3 ans pour pèlerin se rendant à La Mecque) 3. Vaccin méningococcique B :15 :P1.7, 16 (Menbvac développé par Norvège): vaccin «sur mesure» pour contrôler une situation hyper endémique (vaccination en Seine-Maritime des enfants et adolescents de 1 an à 19 ans) 4. Vaccin conjugué C (Meningitec, Meninvact, Menjugate, Neisvac ) (3 doses entre 2 et 12 mois, 1 dose audelà de 12 mois) Vaccins non remboursés par SS à titre individuel, pris en charge par l état en cas de situation épidémique Méningites à Listeria monocytogenes Cause de méningo-encéphalite chez sujets âgés Transmission aliments fortement contaminés Tableau clinico-biologique souvent trompeur : début rapidement progressif, signes de rhombencéphalite (nerfs crâniens), LCR trouble ou clair (formule +/- panachée) Listeria monocytogenes Petit bacille gram-positif Résistant à C3G Antibiothérapie Amoxi et/ou Cotrimoxazole, 3 semaines Méningites purulentes à germes rares Haemophilus influenzae : bacille gram-négatif (résistant dans plus de la moitié des cas à l Amoxicilline par production d une beta-lactamase, très forte régression depuis la vaccination) Autres germes (autres bacilles gram-négatifs, staphylocoques, anaérobies) Rarement cause de méningite purulente communautaire spontanée mais cause de méningite per-septicémie, post-traumatique ou iatrogénique (intervention neurochirurgicale) Cas particulier des méningites du nouveau-né: Liées à bactériémies, signes de souffrance néonatale Streptococcus agalactiae (groupe B), L. monocytogenes, Entérobactéries (E. coli) Méningites purulentes (> 5 ans) : antibiothérapie 1 ère intention, examen direct négatif C3G : céfotaxime 200-300 mg/kg/j ou ceftriaxone 70-100 mg/kg/j Amoxicilline 200 à 300 mg/kg/j Vancomycine 40 à 60 mg/kg/j Si orientation pneumocoque : C3G + Vanco Si orientation méningocoque : C3G Si orientation listeria : Amoxi +/- Cotrimo Si absence d orientation étiologique et absence de signes de gravité : C3G Si absence d orientation étiologique et présence de signes de gravité : C3G + Vanco + Amoxi
Méningites purulentes : ne pas oublier Urgence Si purpura à domicile inj. Ceftriaxone ou Amoxi PL et hémoculture Traitements associés Réanimation (notamment Purpura fulminans, coma, convulsions ) Corticothérapie précoce (notamment Pneumocoque) (Dexaméthasone 0,6 mg/kg/j pdt 2-4j) Réévaluation à 48 heures, 2 ème PL si évolution clinique non favorable Un grand nombre d agents infectieux, notamment viraux, sont susceptibles de déterminer : - Une méningite aiguë à liquide clair caractérisée par un syndrome méningé fébrile et un liquide céphalo-rachidien contenant 10 à 500 cellules/mm3 habituellement mononucléées - Une encéphalite aiguë primitive (agression microbienne directe à distinguer des encéphalites post-infectieuses observées après viroses éruptives (rougeole, rubéole, varicelle,vaccine),oreillons, grippe) caractérisée par un tableau neurologique fébrile comportant de façon variable des troubles de la vigilance, des signes d HTIC, des signes déficitaires focaux ou épileptiques avec une atteinte méningée habituelle (méningo-encéphalite) Le pronostic est dépendant de l agent infectieux et, dans certains cas, d un traitement adapté urgent. Exploration Imagerie (TDM et/ou IRM) Intérêt diagnostic différentiel (abcès, empyème sous-dural, thrombophlébite cérébrale, hémorragie méningée, AVC, métastase) Dans encéphalite virale post-infectieuse, intérêt de l IRM pour mise en évidence atteinte substance blanche Parfois normale au moins au début, peut révéler œdème cérébral, nécrose temporale ou frontale évocatrice d herpès (IRM plus précoce) Autorise réalisation PL LCR Élimine méningite purulente (attention si polynucléaires et/ou hypoglycorachie à méningite bactérienne débutante ou décapitée par antibiotique) et affirme méningoencéphalite (pléiocytose lymphocytaire) Recherche étiologique en particulier PCR (HSV, VZV, CMV, entérovirus, Listeria, Mycoplasma pneumoniae, BK), antigènes (cryptocoque), cultures (Listeria, BK), sérologies (WestNile, Lyme) Interferon augmenté dans encéphalites virales primitives EEG Peu spécifique en dehors de foyers temporaux d ondes lentes de survenue périodique (HSV) Virus Principaux germes Transmission inter-humaine Bactéries Herpesviridae agents des méningites purulentes Herpes simplex virus (HSV 1 et 2) Listeria monocytogenes VZV, CMV, EBV, HHV6 Mycobacterium tuberculosis Entérovirus Poliovirus Leptospire Echovirus, Coxsackies, Enterovirus Tréponème (syphilis) Virus ourlien Borrelia burgdorferi (Lyme) VIH Transmisssion par piqûre d arthropodes (Arbovirus) Moustiques(ex: West Nile virus, Japanese encephalitis virus) Tiques (ex: Tick-borne encephalitis virus) Phlébotomes (Toscana virus) Transmission par morsure animale Lassyvirus (rage) Mycoplasma pneumoniae Champignons Cryptocoque
Méningo-Encéphalite herpétique Sémiologie liée à localisation temporale (+/- frontale et pariétale adjacente) Fièvre quasi constante, raideur rachidienne inconstante, troubles psychiques (confusion, troubles de la mémoire, hallucinations), crises d épilepsie fréquentes, déficits focaux, et troubles de la conscience (pronostic) EEG orientant si foyers temporaux d ondes lentes de survenue périodique Imagerie : IRM + sensible et + précoce que TDM LCR : pleiocytose quasi constante, parfois hématies, intérêt majeur pour diagnostic par PCR HSV (sensibilité > 95% avec rares cas de négativité initiale, spécificité env. 90%) Traitement : aciclovir (Zovirax ), IV : 10-15 mg/kg/8h pdt 3 semaines Encéphalite herpétique Atteinte temporale - dans 90 % des cas (et frontale dans 35 %) - uni- ou bi- latérale CYCLE Virose WEST NILE Arbovirus, famille Flaviviridae Complexe des encéphalites virales (Enc. de Saint Louis, Enc. japonaise) Epidémiologie récente: -1999: Arrivée sur le continent Nord-Américain - 2000: Réapparition du virus en Camargue Oiseaux Hôtes amplificateurs Moustiques ornithophiles Culex spp. Vecteur réservoir Homme et cheval Infections accidentelles Virose West Nile: Aspects cliniques Incubation courte : 2 à 14 jours Formes asymptomatiques: 80-90% Syndrome pseudo-grippal: 10-20% Formes neurologiques: < 1% Méningites lymphocytaires (hyperprotéinorachie variable, normoglycorachie, isolement viral/pcr/sérologie) Méningo-encéphalites (risque d encéphalite augmente avec âge,mortalité 5 à 30 % (âge), séquelles fréquentes) Paralysie flasque et indolore des membres inférieurs avec ou sans méningo-encéphalite associée: tableau pseudo-poliomyélitique Diagnostic recherche virus par PCR et culture dans sang et LCR recherche anticorps par sérologies dans sang et LCR
Neurolistériose Neurolistériose Fréquence plus élevée chez le sujet âgé, ID par lymphome, transplantation ou immunosuppresseur (mais la moitié hors de ces circonstances) Méningite (1/2) ou (méningo-)encéphalite (1/2) Méningite listérienne /autres méningites bactériennes: Début aigu moins fréquent, svt phase prodromique pseudogrippale Raideur de nuque parfois absente Fréquence plus élevée des mouvements anormaux (15-20%: myoclonies, ataxie), des crises épileptiques (25%), des fluctuations de vigilance LCR: prédominance de cellules mononuclées, examen direct svt négatif ( 50%), glycorachie svt Nle (50%). (Méningo-)Encéphalite Tropisme particulier pour le tronc cérébral (rhombencéphalite) Fréquence de l atteinte des nerfs crâniens (diplopie, paralysie faciale, dysphagie), ½: signes cérébelleux et pyramidaux - Intérêt de l IRM (TDM nl ou hypodensités): hypersignaux T2, microabcés ou abcés tronc, cervelet ou sous-corticaux) - LCR: svt paucicellulaire Diagnostic: Hémocultures (+ dans 50%), PCR dans LCR Sérologie tardive, peu sensible (50%), peu spécifique Traitement: Amoxilline et/ou Cotrimoxazole Durée: au moins 3 semaines Méningite tuberculeuse Localisation rare (2%) de la tuberculose, associée 1 fois sur 2 à atteinte pulmonaire Méningo-encéphalite à début progressif, associant de façon non constante : fièvre, céphalées, raideur méningée, troubles neuropsychiques et signes de localisation LCR : Hypercellularité à prédominance lymphocytaire, Hyperprotéinorachie (mauvais pronostic si > 2g/l) Hypoglycorachie +++ dans 90% des cas Examen direct: BAAR retrouvés que dans 20% des cas Culture + et PCR + que dans environ 60 % des cas chacune Imagerie : pour détection inconstante de tuberculomes associés et hydrocéphalie secondaire à l arachnoïdite par TDM et IRM (hypersignal de méningite) Traitement : antituberculeux pdt 12 mois, +/- corticothérapie (formes compliquées) Méningo-encéphalites à cryptocoque Méningo-encéphalite touchant en particulier l immunodéprimé (VIH+++) Début sub-aiguë, céphalée fébrile, raideur rachidienne absente ou modérée, risque encéphalitique et visuel (HTIC) Pleiocytose modérée Recherche Cryptococcus neoformans dans LCR (antigène+++, coloration encre de chine, culture) et sang (antigénémie) Traitement par Amphotericine B + Flucytosine puis Fluconazole
En pratique 3 causes à systématiquement évoquer car traitement urgent : HSV, Listeria et BK Analyser contexte clinique (antécédents d activité et de voyage) Problème particulier en cas d immunodépression (primo-infection VIH, encéphalite CMV, méningo-encéphalite cryptococcique ) Intérêt des PCR dans LCR mais un tiers à la moitié des cas restent sans diagnostic étiologique Discussion initiale d un traitement présomptif d attente: antiherpétique (aciclovir 30-45 mg/kg/j), antilistérien (amoxicilline ou cotrimoxazole), +/-antituberculeux Mesures symptomatiques éventuelles : ventilation, antioedémateux, anticonvulsivant