Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage?



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Transcription:

Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? Fabienne Cretin, Slimane Bouacha, Stéphane Dieudonné OCTOBRE 2010 Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 1

1. Préambule Le Risk Arbitrage est une stratégie qui consiste à capter la différence qui peut exister, après l annonce d une opération de fusion & acquisition, entre le prix coté de la cible et celui correspondant aux termes de l offre. Cette différence de prix, appelée décote ou spread 1, reflète le temps qui doit s écouler jusqu à la finalisation de l opération mais aussi, et surtout, le risque d échec de l opération qui se traduirait par la baisse du prix de la cible au niveau avant l annonce. Spread et probabilité d échec sont les deux paramètres clés de la gestion d un portefeuille de risk arbitrage. Concrètement, pour implémenter cette stratégie dans les portefeuilles, les gérants s appuient le plus souvent sur un processus d investissement qualitatif et fondamental qui vise à analyser les facteurs de risque propres à chaque opération. L opération est-elle conditionnée au financement? Quelles autorités de la concurrence doivent donner leurs accords et suivant quel calendrier? L acquéreur devra-t-il vendre certains actifs afin d obtenir ses accords? Les actionnaires de la cible et de l acquéreur doivent-ils approuver l opération? Telles sont les questions que nous nous posons quotidiennement quand nous analysons une nouvelle offre. Dans cette note, nous proposons une approche de la stratégie risk arbitrage plus quantitative que qualitative. Cette approche, qui se veut top-down, doit permettre de placer chaque opération dans le contexte général prévalant au moment de l annonce en se demandant s il n existe pas des facteurs exogènes (boursiers ou macro-économiques) qui pourraient influer sur la réussite de l opération et donc sur le rendement de la stratégie. Pour réaliser cette étude, nous avons étudié 1911 opérations de fusions & acquisitions annoncées entre janvier 1998 et septembre 2010 aux US et au Canada. L objectif de cette note n est pas de construire un processus d investissement de risk arbitrage fondé sur un modèle statistique qui viendrait se substituer à l approche fondamentale classique. L idée est plutôt d identifier les principales variables qui pourraient avoir une influence sur cette stratégie. Au final, ce document vise à fournir au gérant à la fois une grille de lecture du marché des fusions & acquisitions et un outil d aide à la décision. Ce travail d analyse vient matérialiser concrètement l expérience et le savoir-faire que notre équipe de gestion a accumulés depuis le lancement de son premier fonds OFI Risk Arbitrages en mars 2000 et puis de OFI Risk Arb Absolu en mars 2004. Cette approche top-down nous a également permis de renforcer notre analyse qualitative des risques qui est aujourd hui au cœur du processus d investissement de ces deux fonds. 2. Méthodologie Pour mettre en œuvre cette approche quantitative, nous avons d abord dû construire une base de données la plus complète possible d opérations de fusions & acquisitions. Nous nous sommes naturellement tournés vers le marché nord américain (US et Canada) qui bénéficie d un long historique et qui demeure, encore aujourd hui, le premier marché au monde pour ce type d opérations. Il existe sur Bloomberg une base de données répertoriant toutes les opérations de fusions & acquisitions ainsi que les principales informations afférentes (taille de l opération, prime payée par l acquéreur, termes de l offre, typologie de l offre, ). Mais pour notre analyse, il manque des informations concernant les deux paramètres clés que sont le rendement escompté et le taux d échec. 1 Le lecteur trouvera en annexe un lexique des principaux termes techniques Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 2

En effet, Bloomberg ne garde pas l historique de la décote de risk arbitrage or le niveau de celle-ci sur les premiers jours suivant l annonce de l offre fournit des informations précieuses, comme nous le verrons par la suite. S agissant du taux d échec, la base de données Bloomberg manque de précision sur le statut de l opération, qui est soit complete lorsqu elle est finalisée soit terminated lorsqu elle est abandonnée. Or une opération peut être abandonnée quand elle a échoué suite, par exemple, à l opposition des autorités de la concurrence mais aussi quand la cible fait l objet d une contre-offre par une tierce partie. Dans le premier cas, l issue pour l arbitrageur est négative dans la mesure où le prix de la cible baisse de l équivalent de la prime d acquisition et, dans le second cas, l issue est positive car il monte vers les termes de la contre-offre. A partir de la base de données de Bloomberg, nous avons retenu les opérations de plus de 500M$ de valeur d entreprise pour des raisons de liquidité. Nous n avons également retenu que les opérations dont les termes permettent la mise en place d une stratégie d arbitrage. Nous avons exclu de notre périmètre d étude les spin-offs, les prises de participations minoritaires et les sorties de situation de faillite. Au final, nous avons analysé, dans le détail, 1911 opérations de fusions & acquisitions annoncées sur des sociétés cotées aux US et au Canada au cours de la période 1998-2010. Pour chaque opération, nous avons calculé le spread net 1 de la stratégie d arbitrage, c est-àdire le spread annualisé minoré par le taux gouvernemental US à 3 mois observé au moment de l annonce de l opération. Pour coller à la réalité, ce spread net a été déterminé sur la base de la moyenne des cours des 5 premiers jours suivant l annonce de l offre. Simple en théorie, ce calcul a toutefois nécessité d ajuster les chroniques de cours des cibles et des acquéreurs afin de prendre en compte les opérations sur titres comme les dividendes extraordinaires, les spin-offs ou les divisions de nominal. En éliminant ainsi la composante «temps qui passe jusqu à la finalisation de l opération», nous avons pu établir une série temporelle cohérente du spread net sur la période d observation. Pour chaque opération abandonnée, nous avons également : calculé le rendement 2 de la position correspondante afin de distinguer les issues favorables de celles défavorables ; déterminé les raisons de l abandon de l offre. Au total, nous avons pu calculer mensuellement le taux d échec des opérations de fusions & acquisitions sur la période considérée en divisant le nombre d opérations abandonnées avec un impact défavorable par le nombre total d opérations finalisées sur 12 mois glissants. 2009, année de bas de cycle pour l activité de fusions & acquisition, a été une année propice à la réalisation de ce grand chantier. Parallèlement à la gestion quotidienne de nos fonds, nous avons ainsi pu consacrer du temps et de l énergie à la constitution de cette base de données propriétaire. 3. Etude des facteurs macro pouvant avoir un impact sur la stratégie Risk Arbitrage Cette base de données nous permet aujourd hui d aborder la question qui nous préoccupe: existent-ils des facteurs exogènes qui influeraient sur le taux d échec et le niveau de spread net observé à un moment donné dans le marché? 1 Définition en annexe 2 Définition en annexe Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 3

3.1 Méthodologie de la régression linéaire multiple Le graphique 1 montre l évolution de ces deux paramètres calculés tous les mois sur la période considérée. La courbe orange représente le taux d échec mesuré sur 12 mois glissants. La courbe bleue représente la moyenne sur 6 mois glissants des spreads net de risk arbitrage pour toutes les opérations annoncées. Dans ce calcul, nous avons exclu les spreads négatifs, c est-à-dire lorsque le prix de la cible cote au dessus des termes de l offre. En effet, dans ce cas, le spread ne traduit plus véritablement le risque de l échec de l opération mais plutôt la potentialité d une amélioration des termes de l offre par l acquéreur ou par une tierce partie. 25% 20% Taux d'échec observé sur 12 mois glissants (échelle de gauche) Spread moyen observé sur 6 mois glissants (échelle de droite) 30% 25% 15% 20% 15% 10% 10% 5% 5% 0% 12/98 06/99 12/99 06/00 12/00 06/01 12/01 06/02 12/02 06/03 12/03 06/04 12/04 06/05 12/05 06/06 12/06 06/07 12/07 06/08 12/08 06/09 12/09 06/10 0% Graphique 1 : Evolution du taux d échec et du spread de risk arbitrage sur les opérations de fusions & acquisitions annoncées aux US et au Canada sur la période 1998-2010. Sources : Bloomberg et OFI AM Tout d abord, contrairement à ce que l on pourrait penser, la stratégie risk arbitrage n est pas un long fleuve tranquille! Le rendement annualisé au dessus de taux sans risque de la stratégie varie en moyenne entre 5 et 15%, avec un pic à plus de 25% fin 2008 suite à la faillite de Lehman. De la même manière, le taux d échec des opérations évolue historiquement entre 2% et 13% avec un plateau à plus de 20% pendant plusieurs mois fin 2008, ce qui signifie que près d une opération annoncée sur cinq se terminait de manière défavorable pour les arbitrageurs! Revenons sur notre approche top-down. L enjeu est de modéliser les variations de ces deux paramètres en utilisant des variables explicatives exogènes. Par exogènes, nous entendons indépendantes le plus possibles de l univers Risk Arbitrage. Nous avons ainsi testé les variables de marchés et macro-économiques consignées dans le tableau 1. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 4

Nom de la variable Commentaires VIX Indice de volatilité sur le S&P 500 Indice Bull/Bear Indice mesurant le pourcentage d investisseurs optimistes construit à partir des données AAII US Investor Sentiment S&P 500 Variables de marché Variation du S&P 500 sur 1, 3 et 6 mois Variation de l indice sur 1, 3 et 6 mois glissants PE Forward 1 an sur le S&P 500 Prime de risque du marché action Rendement action (inverse du PE) Taux 10 ans US. Proxy des actifs risqués. Variables macroéconomiques Spread de crédit Investment Grade Pente de taux Confiance des ménages Climat des affaires Indicateurs d activité Indicateur avancé de la croissance économique Accès au crédit Demande d emplois hebdomadaire aux US Markit CDX North America Investment Grade Index Différence entre le taux 10 ans et le taux 3 mois aux US. Proxy des anticipations de la croissance future. Conference Board Consumer Confidence University of Michigan Survey of Consumer Confidence Sentiment Philadelphia Fed Business Outlook Survey Indices ISM Taux de croissance hebdomadaire de l indice ECRI Indicateur mesurant les conditions d accès au crédit pour les entreprises et les particuliers construit à partir du Senior Loan Officer Opinion Survey. Négatif quand les conditions de prêts se resserrent (ex. : -40 après en septembre 2008) et positif quand elles se relâchent (ex. : +3 en 2005). US Initial Jobless Claims Tableau 1 : Liste des variables explicatives testées pour modéliser le taux d échec et le spread de risk arbitrage Source : OFI AM De manière assez classique, nous avons mis en œuvre une régression linéaire multiple suivant la formule : Où, Y = a 0 + a 1 X 1 + a 2 X 2 + + a n X n + ε Y est la variable à expliquer, le taux d échec puis le spread. X 1 à X n sont les variables explicatives boursières et macro-économiques figurant dans le tableau 1. a 0 à a n sont les paramètres du modèle que l on veut estimer à l aide des informations contenues dans notre base de données. ε quantifie les écarts entre les valeurs réellement observées et les valeurs prédites par le modèle. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 5

L enjeu de la régression réside dans : la sélection des variables X les plus pertinentes. Pour être fiable et expliquer simplement la réalité, le modèle doit limiter le nombre de ces variables ; l estimation et surtout l analyse des paramètres a correspondant aux variables X retenues ; la mesure du pouvoir explicatif du modèle. Un des indicateurs de qualité du modèle est la coefficient R 2 qui exprime la proportion de variabilité de Y traduite par le modèle. Plus cet indicateur est proche de 1, meilleur est le modèle. 3.2 Analyse du taux d échec Nous avons fait tourner une première régression linéaire en utilisant toutes les variables explicatives. A première vue, les résultats sont intéressants puisque le R 2 ressort à 0.86. Mais en y regardant de plus près, nous nous rendons compte que certains paramètres a estimés ne semblent pas conformes avec notre connaissance du sujet. Par exemple, une hausse de la volatilité entraînerait une baisse du taux d échec. Ceux qui ont connu la période post-lehman peuvent attester qu il y a là une certaine incohérence! En fait, parmi toutes les variables du tableau 1, un certain nombre sont corrélées entre elles. Par exemple : le VIX et le spread de crédit Investment Grade, les indices ISM et celui du Philadelphia Fed Business Outlook Survey ou encore la variation du S&P 500 sur 6 mois glissants et la croissance de l ECRI. De plus, certaines variables apparaissent d emblée non pertinentes comme la variation du S&P 500 sur 1 mois glissant. Même si elles semblent améliorer le R 2, les variables corrélées et celles non pertinentes polluent le calcul de régression et aboutissent à des résultats incohérents. Nous avons donc lancé une seconde régression en éliminant toutes ces variables «inutiles». Avec un R 2 de 0.79, la qualité de cette régression semble légèrement moins bonne que la première. Toutefois, la régression a retenu un nombre limité de variables : les demandes d emplois aux US, l indice Bull/Bear, l accès au crédit, le niveau du S&P 500 et la pente de taux. Les paramètres a estimés confèrent aussi au modèle la capacité d expliquer simplement et de manière robuste la réalité comme le résume le tableau 2. Une variation de la variable de entraîne une variation du taux d échec de Demandes d emplois hebdomadaires aux US + 50k + 103 bp Indice Bull/Bear + 500 bp - 76 bp Accès au crédit + 5 points -75 bp S&P 500 + 50 points - 41 bp Pente de taux + 50 bp - 32 bp Tableau 2 : Analyse des variables retenues et des estimateurs du modèle de régression appliqué au taux d échec Source : OFI AM Le tableau 2 se lit de la manière suivante : si les investisseurs deviennent plus optimistes, l indice Bull/Bear passant de 50% à 55%, ceteris paribus le taux d échec diminue, par exemple, de 6.0% à 5.3%. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 6

Le graphique 2 montre la contribution de chacune des 4 variables aux variations du taux d échec estimé par le modèle. 115 110 105 Taux d'échec estimé Demandes d'emplois US Accès au crédit Indice Bull/Bear S&P 500 Pente de taux 100 95 90 12/98 06/99 12/99 06/00 12/00 06/01 12/01 06/02 12/02 06/03 12/03 06/04 12/04 06/05 12/05 06/06 12/06 06/07 12/07 06/08 12/08 06/09 12/09 06/10 Graphique 2 : Contribution des 4 variables exogènes aux variations du taux d échec estimé par le modèle (chaque variable a été normalisée à 100 en début de période). Sources : OFI AM et Bloomberg De manière logique, lorsque les variables évoluent positivement (augmentation du nombre d investisseurs optimistes, amélioration des conditions d accès au crédit, hausse des marchés action et pentification de la courbe), le taux d échec diminue. Inversement, une hausse du chômage se traduit par une augmentation du taux d échec. Certains pourraient s étonner que le VIX ne figure pas parmi les variables pertinentes, la volatilité des marchés étant souvent perçue comme l ennemie des fusions & acquisitions. En fait, comme cette variable présente une colinéarité significative avec le spread de crédit Investment Grade, nous avons retenu cette dernière qui contribue davantage à la qualité générale de la régression que le VIX Un graphique étant souvent plus explicite qu un tableau de chiffres, le graphique 3 présente l évolution comparée du taux d échec et de son estimation par le modèle de régression. Hormis depuis mars 2010, le modèle colle plutôt bien à la réalité. 25% Taux d'échec observé sur 12 mois glissants Taux d'échec estimé par régression linéaire 20% 15% 10% 5% 0% 12/98 06/99 12/99 06/00 12/00 06/01 12/01 06/02 12/02 06/03 12/03 06/04 12/04 06/05 12/05 06/06 12/06 06/07 12/07 06/08 12/08 06/09 12/09 06/10 Graphique 3 : Evolution comparée du taux d échec et de son estimation par notre modèle de régression linéaire multiple. Sources : OFI AM et Bloomberg Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 7

La «contre-performance» sur la période récente peut s expliquer par des facteurs liés au modèle et par d autres liés à la spécificité de la reprise du marché des fusions & acquisitions. D une part, le taux de chômage continue de croître et la courbe des taux s est nettement aplatie cet été avec la baisse des taux longs. L évolution de ces deux paramètres a naturellement fait monter le taux d échec prévu par notre modèle. D autre part, il semble que, dans un contexte macro-économique encore incertain à moyen terme, les équipes dirigeantes préfèrent se lancer dans une opération d acquisition uniquement après avoir bien valider avec leurs conseils d administration tous les aspects financiers, industriels et juridiques du projet. Ainsi, les offres amicales réussissent dans la plupart des cas et les offres hostiles remportent l adhésion des société cibles grâce au niveau élevé des primes d acquisition actuellement proposées. Au final, le taux d échec est aujourd hui sur des niveaux historiquement bas, que la régression n arrive pas à modéliser correctement. 3.3 Analyse du spread net Nous avons procédé de la même manière que pour le taux d échec : une première régression «pour voir» suivie par une deuxième de laquelle ont été éliminées les variables corrélées et non pertinentes. Le modèle obtenu est particulièrement simple puisqu il se résume à deux variables explicatives : le PE de marché et le spread de crédit Investment Grade. Concrètement (cf tableau 3), si le PE de marché augmente de 10x à 15x, le spread passe, par exemple, de 4.0% à 6.7%. Le pouvoir prédictif du modèle est également intéressant puisqu il peut expliquer plus de 70% des variations du spread. Une variation de la variable de entraîne une variation du spread de PE + 5 points + 270 bp Spread de crédit Investment Grade + 10 bp + 100 bp Tableau 3 : Analyse des variables retenues et des estimateurs du modèle de régression appliqué au taux d échec Source : OFI AM Le lien entre le spread de risk arbitrage et le spread de crédit est finalement assez naturel dans la mesure où ces paramètres sont tous deux constitutifs du rendement d actifs risqués relativement corrélés entre eux. En revanche, la relation entre le PE de marché et le spread moyen de risk arbitrage mérite une analyse approfondie. Le graphique 4 montre en effet que la corrélation est significative sur la période 1998-2007 mais est perturbée sur la période 2008-2009. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 8

30% Compression du PE et resserrement du spread de risk arb Relation inversée entre le PE et le spread de risk arb 30 25% 25 20% 20 15% 15 10% 10 5% 5 0% 06/98 06/99 06/00 06/01 06/02 06/03 06/04 06/05 06/06 06/07 06/08 06/09 06/10 0 Spread de risk arbitrage (échelle de gauche) PE du S&P500 (échelle de droite) Graphique 4 : Evolution comparée du spread de Risk Arbitrage moyen et du PE de marché sur la période 1998-2010 Sources : OFI AM et Bloomberg Aux PE élevés de la bulle internet de 1998 à 2000 correspondent des rendements de risk arbitrage très attrayants. En effet, pendant cette phase «d exubérance irrationnelle», les sociétés étaient prêtes à racheter n importe quel actif en payant des primes d acquisition très élevées de l ordre de 40% vs 30% en moyenne. Or, pour l arbitrageur, la prime d acquisition représente le potentiel de perte en cas d échec de l opération. Il est donc enclin à demander une rémunération plus élevée pour le risque pris. L éclatement de cette bulle a entraîné la compression des PE et le resserrement des spreads de Risk Arbitrage de 2000 à 2007. Cette relation s est inversée avec la crise des subprimes qui a d abord entraîné un fort écartement des spreads alors que le mouvement de baisse des PE entamé 10 ans plutôt s est poursuivi. Ensuite, le rally de mars 2009 a conduit à une normalisation des spreads de Risk Arbitrage en même temps qu une expansion des PE pendant une période de 9 mois. Enfin, la corrélation entre les deux paramètres est redevenue positive depuis le début d année 2010 avec une compression des PE concomitante à un resserrement des spreads de risk arbitrage. 3.4 Amélioration du modèle L analyse de la variable explicative PE met en lumière un point important : la formation des bulles spéculatives et leurs éclatements sont un facteur significatif dans l explication des variations des spreads de Risk Arbitrage. Or, aucune des variables explicatives testées, sauf peut-être celles reflétant le sentiment de marché, ne prend réellement en compte ce phénomène. Nous avons donc introduit une nouvelle variable explicative, qui n est certes plus complètement exogène à l univers du risk arbitrage, mais qui traduit bien l euphorie ou le désespoir qui peut régner sur les marchés par moment : le pourcentage de surenchères potentielles, mesuré par le pourcentage d opérations cotant au dessus des termes de l offre sur les 5 jours suivant l annonce. A noter qu il s agit d une estimation du nombre de surenchères potentielles, pas du nombre de surenchères qui ont effectivement eu lieu. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 9

Cette variable offre un double avantage : elle mesure bien l optimisme (ou le pessimisme) à la fois chez les investisseurs prêts à acheter la cible au dessus du prix fixé par l acquéreur et chez les entreprises prêtes à se lancer dans d onéreuses batailles boursières ; elle ne présente aucune colinéarité significative avec les autres variables explicatives de notre modèle. De plus, elle est un bon indicateur de market timing! Comme le montre le graphique 5, les moments de désespoir ou d euphorie dans le monde du risk arbitrage coïncident à quelques mois près à des points hauts ou des points bas sur le S&P 500. 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 03/98 03/99 03/00 03/01 03/02 03/03 03/04 03/05 03/06 03/07 03/08 03/09 03/10 % de surenchères potentielles (échelle de gauche) S&P 500 (échelle de droite) 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 Graphique 5 : Evolution comparée du S&P 500 et du pourcentage d opérations annoncées cotant au dessus des termes de l offre. Sources : OFI AM et Bloomberg En introduisant cette nouvelle variable, le modèle perd un peu en simplicité avec 5 variables (le spread de crédit Investment Grade, le PE, le pourcentage d opérations traitant au dessus de l offre, le taux 3 mois et l University of Michigan Survey) au lieu de 2 précédemment. En revanche, son pouvoir explicatif s améliore avec un R 2 de 0.77. Le graphique 6 montre que le deuxième modèle améliore effectivement le premier dans les phases d élargissement ou de resserrement prononcé comme en 2001, 2009 et surtout début 2010. Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 10

30% 25% Spread de risk arbitrage observé Estimation avec la variable % de surenchères potentielles Estimation sans la variable % de surenchères potentielles 20% 15% 10% 5% 0% 06/98 12/98 06/99 12/99 06/00 12/00 06/01 12/01 06/02 12/02 06/03 12/03 06/04 12/04 06/05 12/05 06/06 12/06 06/07 12/07 06/08 12/08 06/09 12/09 06/10 Graphique 6 : Comparaison entre l évolution du spread de risk arbitrage observé et les deux estimations calculées par notre modèle de régression linéaire multiple. Source : OFI AM 4. Conclusion et prochaines étapes A la question «existent-ils des facteurs exogènes pouvant expliquer les niveaux du taux d échec et du spread de risk arbitrage?», la réponse est oui. Des modèles relativement simples à 5 variables macro-économiques sont en effet capables d expliquer près de 80% des variations de ces deux paramètres. Parmi ces facteurs explicatifs, on notera l influence combinée du marché du crédit (spread Investment Grade et taux 3 mois) et du marché action (niveau du S&P 500 et PE). Pour les adeptes de l approche fondamentale classique, il faut reconnaître que cette conclusion est assez troublante. En effet, chaque opération de fusion & acquisition est une histoire spécifique et particulière avec, à chaque fois, des acteurs, des logiques industrielles et financières et des situations concurrentielles différents. Pourtant, une fois agrégées, ces histoires peuvent se «résumer» de manière assez simple par quelques facteurs exogènes au monde du risk arbitrage! Ces modèles n ont pas vocation à prévoir l évolution future des spreads et des taux d échec. Leur intérêt est simplement de permettre au gérant de prendre en compte l environnement boursier et macro-économique dans son analyse du couple risque / rendement des opérations qu il a en portefeuille et de mieux piloter son allocation globale de risque. Dans notre prochaine étude, nous poursuivrons cette approche quantitative du risk arbitrage en analysant, sous un angle probabiliste, les principaux facteurs de risque spécifiques à chaque opération de fusion & acquisition. Autre piste de réflexion pour une prochaine étude : si le marché des fusions & acquisitions est porté par des moteurs d ordre macro-économiques qui impactent le volume d opérations 1, le taux d échec et le spread, comment la stratégie de risk arbitrage peut-elle se présenter comme décorrélée des principales classes d actifs? Nous verrons comment la mesure du risque permet au gérant de transformer cette «matière première» cyclique en «produit fini» le moins volatile possible, c est-à-dire un fonds à faible β capable de dégager une performance absolue. 1 Marina Martynova and Luc Renneboog, 2005, A Century of Corporate Takeovers: What Have We Learned and Where Do We Stand?, SSRN Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 11

Lexique Pour illustrer les principaux termes techniques, nous avons pris l exemple de l acquisition de McAfee par Intel annoncée le 19 août 2010. L offre se fera en numéraire au prix de 48$ par action. Avant l offre, McAfee cotait 29.93$. Sur les 5 jours suivants l annonce, le titre cotait en moyenne à 47.05$. La fin de l opération est attendue au 31 décembre 2010, soit dans 134 jours. 53 Cours de McAfee Prix de l'offre 48 Spread de risk arb 43 US$ Prime d'acquisition 38 Jour de l'annonce 33 28 07/04/2010 07/05/2010 07/06/2010 07/07/2010 07/08/2010 07/09/2010 Graphique 7 : Évolution du cours de McAfee avant et après l offre d Intel. Sources : OFI AM et Bloomberg Prime d acquisition Différence entre le prix de l offre et le prix avant l annonce de l opération, soit : 60.4% = (48 $ - 29.93 $) / 29.93 $ Dans notre base de données, nous avons calculé la prime d acquisition par rapport à la moyenne des 20 jours précédents l annonce de l opération afin d éviter les effets spéculatifs que l on peut observer parfois quelques jours avant le jours de l annonce. Spread ou décote de risk arbitrage Différence entre le prix moyen sur les 5 jours après l annonce et le prix de l offre, soit : 2.0% = (48 $ - 47.05 $) / 47.05 $ Spread de risk arbitrage net Spread de risk arbitrage annualisé minoré par le taux US à 3 mois au moment de l annonce, soit : 5.4% = 2.0% * 365 jours / 134 jours 0.13% Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 12

Rendement de la position de risk arbitrage Nous faisons l hypothèse que l arbitrageur initie sa position sur les 5 premiers jours suivant l annonce. Si l opération est finalisée selon les attentes, le rendement de la position sera égal au spread calculé ci-dessus, soit 2% brut ou 5.4% annualisé au dessus du taux sans risque. Si l opération échoue, il est possible que le prix de l action McAfee retombe sur les niveaux d avant l offre. Le rendement de la stratégie sera alors de : -36.4% = (29.93 $ - 47.05 $) / 47.05 $ Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 13

Bibliographie Keith C. Brown and Michael V. Raymond, Risk Arbitrage and the Prediction of Successful Corporate Takeovers, Financial Management, 1986 Marina Martynova and Luc Renneboog, A Century of Corporate Takeovers: What Have We Learned and Where Do We Stand?, Journal of Banking & Finance, 2008 Mark Mitchell and Todd Pulvino, Characteristics of Risk and Return in Risk Arbitrage, Journal of Finance, 2000 G. Andrew Karolyi and John Shannon, Where s the Risk in Risk Arbitrage?, Canadian Investment Review, 1999 Quels sont les moteurs macro-économiques de la stratégie de risk arbitrage? OFI ASSET MANAGEMENT 14