Item 288 Troubles des phanères : onyxis PATHOLOGIE UNGUÉALE DES DOIGTS Objectif pédagogique Recueillir les données sémiologiques d un onyxis et orienter le diagnostic étiologique. La pathologie unguéale est variée : pratiquement toutes les dermatoses et les tumeurs cutanées peuvent toucher l appareil unguéal. Néanmoins, il existe une pathologie propre à l appareil unguéal, lié à ses particularités anatomiques. Son expression clinique est assez restreinte et des onychopathies de causes très différentes peuvent avoir le même aspect clinique. L onyxis est un terme général concernant toute inflammation ou infection touchant directement la tablette unguéale (par anomalie de la matrice et/ou du lit de l ongle). Il s oppose au terme de «périonyxis» qui affecte les replis cutanés péri-unguéaux. Une atteinte d'un seul doigt traduit le plus souvent un phénomène local (trauma, infection ou tumeur), tandis qu une atteinte de plusieurs doigts fait suspecter une dermatose ou une affection générale. Quelques connaissances anatomiques et sémiologiques aident à interpréter les signes cliniques (tableau 36.I).
Tableau 36.I. Rappel anatomique La tablette unguéale d un doigt se renouvelle en 4 à 6 mois, celle d un orteil en 9 à 18 mois (vitesse de renouvellement plus rapide chez l enfant, plus lente chez le sujet âgé). La matrice unguéale, dont on aperçoit la région distale qui correspond à la lunule, fabrique la tablette unguéale qui s allonge sur le lit unguéal, structure rosée que l on aperçoit à travers la tablette. La tablette unguéale n est pas adhérente à l hyponychium, structure épidermique qui fait suite au lit de l ongle (la tablette apparaît alors blanche). Une atteinte matricielle a pour conséquence une dystrophie de la tablette ellemême, alors qu une atteinte du lit de l ongle a pour conséquence un décollement et/ou un épaississement des tissus sous unguéaux. PATHOLOGIE UNGUÉALE DES DOIGTS Atteintes matricielles avec modification de la tablette unguéale Hyperstriation longitudinale On distingue les sillons (dépressions) et les crêtes (relief). Les sillons et crêtes multiples sont fréquents (phénomène physiologique apparaissant au cours de la vie) et s'associent souvent à une fragilité unguéale distale ; il faut se contenter diminuer la fragilité en limitant les contacts prolongés avec l eau et par des conseils cosmétiques adaptés. Il existe toutefois des hyperstriations longitudinales pathologiques qui peuvent s intégrer dans le cadre d un psoriasis, d un lichen ou d une pelade. Une dépression longitudinale (gouttière) unique doit faire rechercher une tumeur du repli sus unguéal. Hyperstriation transversale Il s'agit de sillons ou lignes de Beau dont la forme reproduit celle de la lunule et traduisent un ralentissement ou un arrêt de croissance de l'ongle. L onychotillomanie (refoulement maniaque des cuticules des pouces à l aide de l index) peut aboutir à la déformation des tablettes unguéales et touche souvent les pouces où la lame unguéale est barrée de multiples stries transversales médianes; les cuticules sont absentes et il existe souvent un périonyxis excorié (fig. 36.1). 2
Dépressions ponctuées Il s agit de dépressions ponctiformes (aspect en dé à coudre), souvent en rapport avec un psoriasis. Dans les cas sévères la tablette est remplacée par une structure parakératosique, blanchâtre, friable. Atrophie des ongles Il s agit d une réduction de l épaisseur de la tablette unguéale qui peut s accompagner d une fragilité et d un aspect irrégulier de l ongle (trachyonychie). Elle est indolore et peut évoluer progressivement vers la disparition complète de l ongle, remplacé par un tissu cicatriciel. Les principales causes sont les traumatismes répétés (onychotillomanie) ou certaines dermatoses inflammatoires (lichen, maladie du greffon contre l hôte, dermatose bulleuse). Atteintes du lit de l ongle (onycholyse, hyperkératose sousunguéale) L onycholyse (décollement de la tablette) peut être de cause mécanique (aspect d'onycholyse blanchâtre), infectieuse (mycose) ou inflammatoire (psoriasis (fig. 36.2), eczéma, lichen, etc). L interrogatoire doit également rechercher une cause professionnelle (exposition à l humidité, manipulation de produits caustiques). Une onycholyse jaunâtre est le plus souvent d'origine mycosique ou psoriasique. L onycholyse psoriasique est distale, souvent cernée par un liseré érythémateux et associée à une hyperkératose sous-unguéale blanchâtre. Périonyxis L inflammation des replis péri-unguéaux doit faire évoquer un périonyxis microbien qui peut être aigu (staphylococcique) ou chronique (candidosique) et s'accompagner secondairement d'une onycholyse, ou un psoriasis (qui s'associe alors souvent des irrégularités de surface de la tablette unguéale). Atteinte d un seul doigt De principe, toute onychopathie d'un seul doigt, traînante et inexpliquée, avec déformation de la tablette unguéale doit faire suspecter une tumeur de l appareil unguéal. Certaines sont bénignes : tumeur glomique (douloureuse au moindre choc), exostose sousunguéale dont le diagnostic est porté par la radiographie. Mais il peut aussi s agir d'une tumeur maligne : maladie de Bowen (carcinome épidermoïde in situ), carcinome épidermoïde ou mélanome acral. Le patient doit être confié à un spécialiste pour réalisation d'une biopsie cutanée matricielle afin d'affirmer le diagnostic. 3
Mélanonychie longitudinale Chez les sujets à peau pigmentée, les mélanonychies sont fréquentes et physiologiques, généralement multiples et appaissent avant l'âge adulte. Ellles correspondent à un hyperfonctionnement mélanocytaire. Chez les sujets blancs, une mélanonychie longitudinale doit être analysée selon différents critères (phototype, âge du patient, largeur et intensité de la couleur de la bande, caractère net ou flou des bords, et surtout évolutivité). Elle relève soit d'une simple surveillance, soit d'une biopsie de la lésion pigmentée matricielle. Elle peut correspondre à un simple hyperfonctionnement mélanocytaire, un lentigo, un nævus ou un mélanome débutant (fig. 36.3 et 36.4). Toute bande d élargissement progressif chez l'adulte est suspecte d être un mélanome in situ. Pathologie unguéale particulière aux orteils Bien que 30 p. 100 des onychopathies des orteils soient d origine mycosique, les onychopathies mécaniques par microtraumatismes répétés sont plus fréquentes. Le diagnostic différentiel entre les deux affections n est pas toujours facile. Il nécessite d effectuer un prélèvement mycologique pour confirmer toute suspicion d onychomycose des orteils, souvent accompagnée d autres atteintes mycosiques du pied (intertrigo interorteil, dermatophytie plantaire). Toute onychopathie mécanique peut se compliquer d'une surinfection fungique. Le traitement de l infection fongique permet la disparition de la surinfection fongique mais n améliore pas la dystrophie unguéale mécanique. Il est donc important de ne pas poursuivre indéfiniment les traitements antimycosiques. L incarnation unguéale est fréquente chez l'enfant et l'adulte jeune. Elle est favorisée par une tablette unguéale un peu large et les parties molles périunguéales charnues. Son traitement est chirurgical. 4
Points clés _Une atteinte matricielle a pour conséquence une dystrophie de la tablette alors qu une atteinte du lit de l ongle a pour conséquence un décollement et/ou un épaississement de l'ongle. _De principe, toute onychopathie d'un seul ongle traînante et inexpliquée doit faire suspecter une tumeur de l appareil unguéal. _Les onychopathies mécaniques par microtraumatismes répétés sont fréquentes aux orteils, de diagnostic difficile avec les onychomycoses d où la nécessité fréquente d effectuer un prélèvement mycologique en cas de doute. 5