Prise en charge des syndromes coronariens aigus



Documents pareils
S o m m a i r e 1. Sémiologie 2. Thérapeutique

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

Prise en charge de l embolie pulmonaire

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

Algorithme d utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

La prise en charge de l AVC ischémique à l urgence

UN PATIENT QUI REVIENT DE LOIN. Abdelmalek AZZOUZ GRCI 29/11/2012 Service de Cardiologie A2 CHU Mustapha. Alger Centre. Algérie

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

En considérant que l effet anticoagulant du dabigatran débute dans les 2 heures suivant la prise du médicament :

La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

XARELTO (RIVAROXABAN) 2,5 MG - 15 MG - 20 MG, COMPRIMÉS PELLICULÉS GUIDE DE PRESCRIPTION

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

Épreuve d effort électrocardiographique

E04a - Héparines de bas poids moléculaire

Marchés des groupes à affinités

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

ORDONNANCE COLLECTIVE

Qu est-ce que la fibrillation auriculaire? (FA)

Système cardiovasculaire - CV CV111 CV110. aliskirène Rasilez

Programme de prise en charge et de suivi en anticoagulothérapie

Farzin Beygui Institut de Cardiologie CHU Pitié-Salpêtrière Paris, France. Probability of cardiovascular events. Mortalité CV

2 La chaîne de survie canadienne : espoir des patients cardiaques

La fibrillation auriculaire : au cœur du problème

Déclaration médicale Prise d effet le 1 er octobre 2012

Point d information Avril Les nouveaux anticoagulants oraux (dabigatran et rivaroxaban) dans la fibrillation auriculaire : ce qu il faut savoir

SOMMAIRE RECOMMANDATIONS DE LA SFC I. ÉVALUATION DU RISQUE D ÉVÉNEMENTS APRÈS IDM 698 II. THÉRAPEUTIQUES MÉDICAMENTEUSES 705

Dr Pierre-François Lesault Hôpital Privé de l Estuaire Le Havre

Syndromes coronaires aigus

QUI PEUT CONTRACTER LA FA?

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque

CATALOGUE ÉLECTRONIQUE D INDICATEURS DE QUALITÉ DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE CARDIOLOGIE INDICATEURS DE QUALITÉ POUR L INSUFFISANCE CARDIAQUE

Signes avant-coureurs et mesures d urgence à prendre - pour la vie

Les triptans. quel casse-tête! Kim Messier et Michel Lapierre. Vous voulez prescrire des triptans? Lisez ce qui suit!

Informations sur le rivaroxaban (Xarelto md ) et l apixaban (Eliquis md )

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Le VIH et votre cœur

Les nouveaux anticoagulants oraux, FA et AVC. Docteur Thalie TRAISSAC Hôpital Saint André CAPCV 15 février 2014

MONITORING PÉRI-OPÉRATOIRE DE L'ISCHÉMIE CARDIAQUE. Dary Croft 9 mai 2013

LIRE UN E.C.G. Formation sur le langage et la lecture d un ECG destinée aux techniciens ambulanciers de la région Chaudière-Appalaches

Les définitions des saignements ACS/PCI

Observation. Merci à l équipe de pharmaciens FormUtip iatro pour ce cas

Livret d information destiné au patient MIEUX COMPRENDRE LA FIBRILLATION ATRIALE ET SON TRAITEMENT

Ville : Province : Code postal : Date de naissance : jour mois année Date de naissance : jour mois année

Faut-il encore modifier nos pratiques en 2013?

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Parcours du patient cardiaque

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 10 mars 2010

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

La prise en charge de votre artérite des membres inférieurs

sur la valve mitrale À propos de l insuffisance mitrale et du traitement par implantation de clip

Les nouveaux anticoagulants oraux (NAC)

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Point d Information. Le PRAC a recommandé que le RCP soit modifié afin d inclure les informations suivantes:

Pharmacologie des «nouveaux» anticoagulants oraux

23. Interprétation clinique des mesures de l effet traitement

Les personnes âgées et le système de santé : quelles sont les répercussions des multiples affections chroniques?

Syndrome coronarien aigu (1 re partie) L angine instable et les NSTEMI

INFORMATION À DESTINATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ LE DON DU VIVANT

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Marche à suivre pour importer votre base de données Guide santé CV MC ) (Réservé à l usage de Clinemetrica)

Le guide du bon usage des médicaments

E03 - Héparines non fractionnées (HNF)

Insuffisance cardiaque

1 - Que faut-il retenir sur les anticoagulants oraux?

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

LES NOUVEAUX ANTICOAGULANTS

Mieux informé sur la maladie de reflux

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Une forte dynamique des prescriptions de ces nouveaux anti-coagulants oraux

Nouveaux anticoagulants oraux : aspects pratiques

Item 175 : Prescription et surveillance des antithrombotiques

Au cours des deux dernières décennies, et

Nouveaux Anti-thrombotiques. Prof. Emmanuel OGER Pharmacovigilance Pharmaco-épidémiologie Faculté de Médecine Université de Rennes 1

Feuille d instructions destinée aux agents quant à la façon de remplir le questionnaire médical VacanSanté

Les différentes maladies du coeur

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

TITRE : «Information et consentement du patient en réadaptation cardiovasculaire»

Nouveau patient coronarien au cabinet comment lui faire avaler la «pilule»?

Primeurs en cardiologie I

Le chemin d un prompt rétablissement

La prise en charge de votre maladie, l accident vasculaire cérébral

Cardiopathies ischémiques

admission directe du patient en UNV ou en USINV

o Anxiété o Dépression o Trouble de stress post-traumatique (TSPT) o Autre

De meilleurs soins :

Le RIVAROXABAN (XARELTO ) dans l embolie pulmonaire

La prise en charge de votre cardiopathie valvulaire

Fiche Produit Profils Médicalisés PHMEV

1 La scintigraphie myocardique au Persantin ou Mibi Persantin

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 29 février 2012

SYNOPSIS INFORMATIONS GÉNÉRALES

Anémie et maladie rénale chronique. Phases 1-4

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

MONOGRAPHIE DE PRODUIT

MIEUX COMPRENDRE CE QU EST UN ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL AVC

Cas clinique n 1. Y-a-t-il plusieurs diagnostics possibles? Son HTA a t elle favorisé ce problème?

Que sont les. inhibiteurs?

Transcription:

GUIDE CLINIQUE 2 e édition Prise en charge des syndromes coronariens aigus guide destiné aux professionnels de la santé canadiens Par D r David Fitchett, FRCPC, FACC, FESC D r Pierre Théroux, FACC, FAHA Comité de révision D r James Brophy, Ph. D., FRCPC, FACC D r Jafna Cox, FRCPC, FACC D r Shaun Goodman, M. Sc., FRCPC, FACC, FESC D r Milan Gupta, FRCPC, FACC Patrick Robertson, B. Pharm., Ph. D. pharm. D r Robert Welsh, FRCPC, FACC, FAHA

Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens 2 e édition Directeur de la rédaction : Ian Corks Chef de projet, Rédaction : Zoë Aarden Rédactrice en chef : Patricia Holtz Rédactrice médicale : Carol Duthie Aide à la rédaction : Chris Noone Responsable de la mise en page : David McFee Directrice de compte : Kerry Donlevy Vice-président directeur, Elsevier Health Communications : Marc Thibodeau L information et les opinions présentées dans le présent livret reflètent les points de vue et l expérience des auteurs et du comité de révision et non ceux d AstraZeneca Canada Inc. ou de l éditeur. L utilisation et la posologie de tout produit dont il est question dans cette publication ne sont pas nécessairement celles approuvées par Santé Canada. Ces renseignements sont destinés à des fins éducatives uniquement et ne visent pas à recommander ni à préconiser l utilisation de tout produit mentionné au-delà de ce qui est indiqué dans les monographies de produit canadiennes. Les rédacteurs et l éditeur ont pris soin de s assurer que toute l information présentée était exacte et à jour au moment de la publication. Toutefois, les lecteurs sont encouragés à vérifier l exactitude de l information, en particulier celle sur l utilisation des médicaments, afin qu elle soit conforme à la réglementation et aux normes de pratique les plus récentes. I Tous droits réservés. La reproduction, en tout ou en partie, de ce document sans le consentement écrit de l éditeur est interdite. Elsevier Canada, 905 King Street West, 4 e étage Toronto (Ontario) M6K 3G9 www.elsevier.ca 2011 Elsevier Canada, une entreprise enregistrée de Reed Elsevier Canada ltée. Elsevier Guide clinique

Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens 2 e édition D r David Fitchett, FRCPC, FACC, FESC D r Pierre Théroux, C.M., FACC, FAHA, FESC Comité de révision D r James Brophy, Ph. D., FRCPC, FACC D r Jafna Cox, FRCPC, FACC D r Shaun Goodman, M. Sc., FRCPC, FACC, FESC D r Milan Gupta, FRCPC, FACC Patrick Robertson, B. pharm., Ph. D. pharm. D r Robert Welsh, FRCPC, FACC, FAHA II Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

SIGLES ET ACRONYMES UTILISÉS DANS CE LIVRET AAS ACC/AHA ADP AI AINS AIT AVC BBG BRA CK-MB C-LDL ClCr CV ECG EEM EMN FEVG f.p.j. GI GP HbA1c HBPM HNF HVG IC ICP IECA IM IPP i.v. NPT NSTEMI NTG PAC RR s.c. SCA NSTE SCA SCC SEC STEMI TA TCA TFGe TIH VG acide acétylsalicylique (aspirine) American College of Cardiology/American Heart Association adénosine diphosphate angine instable anti-inflammatoire non stéroïdien accident ischémique transitoire accident vasculaire cérébral bloc de branche gauche bloqueur des récepteurs de l angiotensine créatine kinase isoenzyme myocardique cholestérol des lipoprotéines de faible densité clairance de la créatinine cardiovasculaire électrocardiogramme ou électrocardiographie endoprothèse à élution médicamenteuse endoprothèse en métal nu fraction d éjection du ventricule gauche fois par jour gastro-intestinal glycoprotéine hémoglobine glyquée héparine de bas poids moléculaire héparine non fractionnée hypertrophie ventriculaire gauche intervalle de confiance intervention coronarienne percutanée inhibiteur de l enzyme de conversion de l angiotensine infarctus du myocarde inhibiteur de la pompe à protons intraveineux ou voie intraveineuse nombre de patients à traiter IM sans sus-décalage du segment ST nitroglycérine pontage aortocoronarien risque relatif sous-cutané ou voie sous-cutanée syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST syndrome coronarien aigu Société canadienne de cardiologie Société européenne de cardiologie IM avec sus-décalage du segment ST tension artérielle temps de céphaline activé taux de filtration glomérulaire estimé thrombocytopénie induite par l héparine ventricule gauche ou ventriculaire gauche III Elsevier Guide clinique

ACRONYMES DES ESSAIS CLINIQUES ET DES REGISTRES MENTIONNÉS DANS LE TEXTE IV ABOARD ACTIVE-A ACUITY CRUSADE CURE EARLY ACS FRISC GRACE HORIZONS-AMI OASIS-5 PLATO PRINCIPLE RITA RIVAL SWEDEHEART SYNERGY TACTICS TIMACS TIMI TRITON Angioplasty to Blunt the Rise of Troponin in Acute Coronary Syndromes Randomized for an Immediate or Delayed Intervention (Recours à l angioplastie pour atténuer l élévation de troponine chez les patients atteints d un syndrome coronarien aigu répartis aléatoirement pour subir une intervention immédiate ou différée) Atrial Fibrillation Clopidogrel Trial with Irbesartan for Prevention of Vascular Events A (Étude sur la fibrillation auriculaire avec le clopidogrel et l irbésartan dans la prévention des événements vasculaires A) Acute Catheterization and Urgent Intervention Triage Strategy (Stratégie de triage pour un cathétérisme aigu et une intervention d urgence) Can Rapid Risk Stratification of Unstable Angina Patients Suppress Adverse Outcomes with Early Implementation (Une stratification rapide du risque des patients atteints d angine instable peut-elle éliminer les résultats indésirables dans le cas d une mise en œuvre précoce) Clopidogrel in Unstable Angina to Prevent Recurrent Events (Le clopidogrel utilisé pour prévenir les événements récurrents liés à une angine instable) Early Glycoprotein IIb/IIIa Inhibition in Patients With Non-ST-Segment Elevation Acute Coronary Syndrome (Inhibition précoce de la glycoprotéine IIb/IIIa chez les patients atteints d un syndrome coronarien aigu sans sus-décalage du segment ST) Fragmin and Fast Revascularization During Instability in Coronary Artery Disease (Fragmin et revascularisation rapide en période d instabilité en cas de coronaropathie) Global Registry of Acute Coronary Events (Registre mondial des événements coronariens aigus) Harmonizing Outcomes with Revascularization and Stents in Acute Myocardial Infarction (Harmoniser les résultats avec la revascularisation et la pose d une endoprothèse dans le traitement de l infarctus aigu du myocarde) Organization to Assess Strategies in Ischemic Syndromes (Fifth) (Organisation visant à évaluer les stratégies de prise en charge des syndromes ischémiques [cinquième]) Platelet Inhibition and Patient Outcomes (Inhibition plaquettaire et résultats observés chez les patients) Prasugrel in Comparison to Clopidogrel for Inhibition of Platelet Activation and Aggregation (Comparaison du prasugrel au clopidogrel quant à l inhibition de l activation et de l agrégation plaquettaires) Randomized Intervention Trial of Unstable Angina (Étude d intervention à répartition aléatoire sur l angine instable) Radial vs. Femoral Access for Coronary Intervention (Accès radial et fémoral lors d une intervention coronarienne) The Swedish Web-system for Enhancement and Development of Evidence-based care in Heart disease Evaluated According to Recommended Therapies (Programme en ligne suédois pour l amélioration et le développement des soins de la coronaropathie selon les données probantes, évalués à partir des traitements recommandés) Superior Yield of the New Strategy of Enoxaparin, Revascularization and GIycoprotein IIb/IIIa Inhibitors (Rendement supérieur de la nouvelle stratégie : énoxaparine, revascularisation et inhibiteurs de la GP IIb/IIIa) Treat Angina with Aggrastat and Determine Cost of Therapy with an Invasive or Conservative Strategy (Traiter l angine avec Aggrastat et déterminer le coût du traitement au moyen d une stratégie effractive ou prudente) Timing of Intervention in Patients with Acute Coronary Syndromes (Moment propice de l intervention chez les patients atteints d un syndrome coronarien aigu) Thrombolysis in Myocardial Infarction (Thrombolyse dans le traitement de l infarctus du myocarde) Trial to Assess Improvement in Therapeutic Outcomes by Optimizing Platelet Inhibition with Prasugrel (Essai visant à évaluer l amélioration de l issue thérapeutique par l optimisation de l inhibition plaquettaire avec le prasugrel) Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

TABLE DES MATIÈRES 1 Introduction 5 Soins préhospitaliers 7 Évaluation et diagnostic initiaux 11 Stratification précoce du risque 19 Choix d une démarche thérapeutique 27 Traitements anticoagulants V 33 Traitements antiplaquettaires 39 Prise en charge et prévention des hémorragies 43 Traitement durant l hospitalisation et à la sortie de l hôpital 47 Indicateurs de rendement et de qualité 51 Références 56 Annexe Elsevier Guide clinique

Section Introduction heading Les patients atteints d un SCA, qu il soit soupçonné ou confirmé, représentent une charge de travail importante lors de l admission au service des urgences et lors de l hospitalisation. Chaque année au Canada, environ 200 000 hospitalisations sont motivées par une cardiopathie ischémique, principalement en raison d un SCA 1. Le STEMI, résultant d une obstruction thrombotique soudaine et complète du flux sanguin, représente environ un tiers des SCA et est associé au taux le plus élevé de mortalité précoce ajusté selon l âge. L angine instable et le NSTEMI sont plus souvent associés à des occlusions partielles et à une coronaropathie plus étendue; ils se manifestent la plupart du temps chez une population de sujets âgés et chez les patients présentant des facteurs de risque classiques. Ces événements accusent des taux de mortalité à l hôpital au moins 50 % inférieurs à ceux du STEMI, mais affichent un pronostic à long terme semblable. En effet, les taux de mortalité après 1 an sont pratiquement égaux, voire parfois plus élevés dans les cas de NSTEMI. En raison des différences sur le plan de la physiopathologie et du pronostic à court terme, les objectifs thérapeutiques précoces pour le SCA NSTE diffèrent de ceux du STEMI. Le but du traitement du STEMI consiste à dégager rapidement l artère oblitérée de façon à limiter l étendue de la lésion irréversible du VG. Dans les cas d un SCA NSTE, l objectif est de prévenir la croissance du thrombus menant à une occlusion totale ou au morcellement à distance du thrombus et des éléments de la plaque, car ces effets contribuent aux événements ischémiques récurrents, puis à la morbidité et à la mortalité. Les patients exposés au risque le plus élevé d événements récurrents doivent être rapidement repérés afin que leur soit administré un traitement intensif. La meilleure façon d atteindre ces objectifs thérapeutiques sera par l amélioration des moyens de reconnaître le SCA avant l hospitalisation et par des réactions rapides de la part des patients, des techniciens ambulanciers, des infirmiers, infirmières et médecins au service des urgences et des autres professionnels de la santé participant aux soins des patients. 1 Les étapes appropriées du diagnostic, de l évaluation et de la prise en charge du SCA se sont raffinées au cours des dernières décennies, grâce entre autres à la multitude de données fournies par des essais cliniques, à des registres importants de données, à l expertise clinique et aux avancées importantes en matière de pharmacothérapies et de technologies effractives. Plusieurs organisations ont établi des lignes directrices factuelles pour l évaluation, le traitement et la prévention secondaire chez les patients atteints d un STEMI ou d un SCA NSTE. Les deux lignes directrices ayant le plus d influence sont celles de l ACC/AHA et celles de la SEC 2,3. Au Canada, les lignes directrices de l ACC/AHA sont habituellement utilisées; la SCC publie habituellement des mises à jour ciblées et adaptées aux pratiques de soins de santé canadiennes. La définition de l IM a évolué au cours des dernières décennies avec l avènement de marqueurs sériques sensibles de nécrose (les troponines) et d autres tests diagnostiques. Récemment, une nouvelle définition «universelle» de l IM, applicable à diverses spécialités médicales, a été présentée par un groupe de travail international 4. Les lignes directrices factuelles (tout comme ce livret) traitent principalement de l IM de type 1 (tableau 1). La figure 1 présente un algorithme pratique pour aider à poser rapidement un diagnostic et à établir une stratification précoce Elsevier Guide clinique

Introduction du risque. On conseille au lecteur d étudier et de comprendre l algorithme, qui commence par un diagnostic provisoire et évolue au fil des tests d investigation jusqu au diagnostic final. Un ECG à 12 dérivations doit être réalisé et interprété aussi rapidement que possible. En effet, les résultats de l ECG permettront d orienter le patient vers une revascularisation urgente si on observe un sus-décalage du segment ST ou l apparition d un BBG. En l absence d un tel résultat, un diagnostic provisoire de SCA NSTE sera posé à la suite de l évaluation appropriée des antécédents et de l examen physique. La présence d un sous-décalage du segment ST ou d une inversion marquée de l onde T appuie le diagnostic de NSTEMI qui est confirmé par un taux élevé de troponine cardiaque; autrement, le diagnostic est l AI. Il peut falloir du temps pour établir le diagnostic final. Notons que la stratification du risque est implicite à toutes les étapes afin de déceler les caractéristiques qui dictent une intervention rapide ou urgente, telle que l angiographie ou une intervention coronarienne. 2 Le respect des stratégies de prise en charge d un SCA recommandées dans les lignes directrices est associé à une amélioration des issues cliniques, y compris un taux plus faible de mortalité 5. L expérience et les données d observation laissent cependant supposer que ces stratégies factuelles peuvent être sous-utilisées ou surutilisées, ce qui amène à priver des personnes à risque élevé d un traitement recommandé ou à traiter de façon excessive les personnes présentant un risque plus faible. Une récente analyse des données du registre canadien a révélé que les deux tiers des patients atteints d un SCA et présentant un risque élevé ne subissaient pas de cathétérisme cardiaque parce que leurs médecins estimaient qu ils n étaient pas exposés à un risque suffisamment élevé 6. D autres patients ne sont pas bien dirigés parce qu on estime qu ils présentent un risque beaucoup trop élevé pour pouvoir subir une intervention effractive. D autre part, deux tiers des patients dont le risque d événements ischémiques récurrents était jugé faible et chez lesquels les bienfaits cliniques potentiels de l intervention étaient limités ont subi un cathétérisme cardiaque. Cette utilisation paradoxale des interventions cardiaques effractives a également été observée aux États-Unis 7. Plusieurs raisons possibles et souvent interreliées expliquent ces écarts entre les recommandations et la pratique. Les symptômes et les pronostics d un SCA sont hétérogènes. Il existe quelques zones grises en ce qui a trait à l acceptation, à l observance et à l applicabilité des lignes directrices en contexte canadien. Le grand nombre et la complexité des lignes directrices actuelles peuvent aussi constituer un obstacle à leur mise en pratique. Ce guide a été élaboré dans le but de favoriser la dissémination des connaissances actuelles sur les meilleures pratiques de prise en charge du SCA en présentant un résumé des points clés des nouvelles lignes directrices de l ACC/AHA et de la SEC ainsi que des renseignements complémentaires issus des lignes directrices canadiennes sur le traitement antiplaquettaire après un SCA 8. Dans ce guide, on insiste sur l étape essentielle et souvent négligée de la stratification complète du risque et on explique la façon dont le choix du traitement optimal doit se fonder sur les résultats de cette évaluation. On traite également de certaines questions non résolues et on examine les problèmes actuels liés à la prise en charge du SCA, tels que les hémorragies associées au traitement, la nécessité d un suivi à plus long terme rigoureux et l évaluation des modèles de pratique et des résultats qui s ensuivent. Ce livret permet une consultation rapide grâce à des textes et tableaux faciles à lire ainsi qu à des onglets indiquant les étapes pertinentes de la prise en charge du SCA. Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

Introduction Les auteurs de ce livret ont tenté de suivre les principes de la médecine factuelle (notamment l intégration des meilleures preuves disponibles à un jugement clinique avisé) 9 tout en accordant une attention aux besoins, aux valeurs et même aux préférences thérapeutiques du patient. Tout au long de ce guide, les auteurs sont restés conscients de la nécessité d une perspective canadienne de la prise en charge du SCA, laquelle diffère parfois de celle que préconisent les lignes directrices internationales, et abordent donc certaines considérations pratiques propres au système de soins de santé canadien. Nous espérons que ce guide vous aidera à prodiguer à vos patients les meilleurs soins possibles pour l obtention de résultats optimaux. Tableau 1. Critères diagnostiques universels de l IM de type 1 La nécrose myocardique correspond à l ischémie myocardique, selon les critères suivants : Élévation ou baisse des taux de troponine avec au moins une valeur au-dessus du 99 e percentile de la limite supérieure de référence*, et au moins un des points suivants : symptômes d ischémie, modifications de l ECG indiquant une nouvelle ischémie (nouvelles modifications du segment ST et de l onde T ou apparition d un BBG), ondes Q pathologiques, preuve à l imagerie d une nouvelle réduction de la portion viable du myocarde ou d une anomalie de la contractilité régionale de la paroi myocardique; Mort cardiaque subite imprévue comprenant l arrêt cardiaque avec ou sans symptômes d ischémie, accompagnée d un sus-décalage du segment ST probablement nouveau, d un nouveau BBG ou d une preuve de la formation récente d un thrombus; Résultats pathologiques indiquant un IM aigu. 3 * Les valeurs doivent être fournies par un laboratoire local BBG = bloc de branche gauche; ECG = électrocardiogramme; IM = infarctus du myocarde Thygesen et al. 4 Elsevier Guide clinique

Introduction Figure 1. algorithme du diagnostic, de l évaluation précoce du risque et de la prise en charge Admission Diagnostic provisoire ECG Douleur thoracique Syndrome coronarien aigu soupçonné Sus-décalage du segment ST persistant Anomalies du segment ST et de l onde T ECG normal ou indéterminé Biomarqueurs Stratification du risque Troponine (résultat positif) Risque élevé Troponine (2 résultats négatifs) Risque plus faible 4 Diagnostic STEMI NSTEMI Angine instable Traitement Reperfusion Effractif Non effractif ECG = électrocardiogramme; NSTEMI = infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST; STEMI = infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST Adaptation de Bassand et al. 3 Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

Section SOINS PRÉHOSPITALIERS heading POINTS CLÉS Une intervention rapide améliore la prise en charge de tous les patients chez lesquels on soupçonne un SCA. Il faut informer tous les patients que s ils présentent un inconfort ou des douleurs thoraciques récurrentes ou persistantes (d une durée supérieure à 5-10 minutes), voire un nouvel épisode de dyspnée, ils doivent composer le 911 ou être amenés à l hôpital par un ami ou un parent au lieu de chercher à avoir une consultation téléphonique. Le personnel médical d urgence peut instaurer le traitement médical (AAS, NTG), et si possible, il doit réaliser un ECG à 12 dérivations et en interpréter le tracé. Il faut mettre en place des protocoles pour s assurer que le patient est transporté dans un hôpital doté d installations adaptées à ses besoins, notamment une surveillance des soins coronariens pour tous les patients chez lesquels on soupçonne un SCA. Dans le cas d un patient dont les signes de STEMI sont reconnus (lorsque possible et s il y a des protocoles préparés à l avance), on doit s assurer qu il est transporté directement vers un hôpital doté des installations permettant de réaliser une ICP. 5 Le personnel des services médicaux d urgence représente le premier contact médical dans la moitié des cas de SCA seulement. De nombreux patients présentant des symptômes suspects appelleront leur médecin pour avoir des conseils et être rassurés. On doit informer ces patients qu un examen physique et des analyses sont nécessaires pour poser un diagnostic. Les professionnels de la santé doivent faire preuve de prudence lorsqu ils rassurent leurs patients, surtout lorsqu un patient semble moins enclin à consulter sur place. Lors des consultations avec les patients, il est important de tenir compte de leurs symptômes à la lumière des caractéristiques démographiques et de se rappeler que les sous-groupes tels que les personnes âgées et les diabétiques peuvent présenter des symptômes atypiques. Il faut conseiller aux patients manifestant des symptômes continus comme des douleurs ou de la dyspnée d appeler le 911. On recommande l administration d AAS (160-325 mg, en comprimés à mâcher) et une bouffée de NTG (si possible). Si les symptômes diminuent avec la NTG, le patient doit en prendre une nouvelle dose toutes les 5 minutes. Par ailleurs, ces traitements peuvent être administrés lors du premier contact médical lorsqu un ECG à 12 dérivations est effectué. Il est judicieux d obtenir des dérivations précordiales et dorsales droites si les symptômes persistent malgré l absence de modifications claires du segment ST et de l onde T sur le tracé d ECG. Elsevier Guide clinique

SOINS PRÉHOSPITALIERS D importants progrès ont été réalisés dans la prise en charge du SCA grâce aux percées en matière de reperfusion, notamment l établissement d un diagnostic et l administration de soins avant l arrivée des patients à l hôpital, ainsi que l orientation sélective des patients vers des hôpitaux dotés de salles de cathétérisme cardiaque. 6 Dans le cas d un STEMI, chaque minute compte : plus on effectue la reperfusion rapidement, plus l infarctus sera petit et meilleures seront la préservation de la fonction du VG et la survie du patient. Le fait de reconnaître un STEMI au premier contact médical permet de poser un diagnostic plus vite et d amorcer la reperfusion. L ECG doit être évalué par le personnel ambulancier et validé par des algorithmes d interprétation informatisés ou par les urgentologues. Si l ECG montre des signes probants d une lésion importante ou d une ischémie aiguë, ces renseignements doivent être transmis à un centre médical prédéterminé ou à l hôpital qui accueillera le patient. Grâce à une détection précoce, on peut instaurer la fibrinolyse avant l arrivée du patient à l hôpital, dans la mesure où le traitement est indiqué et accessible. Il est également possible que le patient évite le triage au service des urgences ou qu il soit transféré vers un autre hôpital et admis directement dans une salle de cathétérisme cardiaque afin de subir une ICP. Dans les régions du Canada où il n y a pas d hôpital à moins d une heure, un traitement fibrinolytique doit être instauré sans tarder. Les patients qui ne montrent aucun signe clinique de reperfusion après une fibrinolyse doivent être transférés vers un centre spécialisé en ICP où on peut envisager la réalisation immédiate d une angioplastie d urgence. Lorsque les installations sont accessibles, il est conseillé de transférer à court terme (en moins de 6 à 12 heures) les patients à risque élevé ayant reçu une fibrinolyse dans le but de mettre en œuvre une stratégie effractive et pharmaceutique comprenant un cathétérisme cardiaque et une ICP précoces. Dans les cas d un NSTEMI, un transfert accéléré est moins souvent nécessaire, à moins que le patient ne souffre de douleurs persistantes ou que son état soit instable sur le plan hémodynamique ou électrique. D une façon ou d une autre, une intervention rapide améliorera la prise en charge de tous les patients chez lesquels on soupçonne un SCA. Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

Section ÉVALUATION heading ET DIAGNOSTIC INITIAUX POINTS CLÉS Les patients qui ressentent un inconfort thoracique ou présentent des symptômes évocateurs d un SCA doivent se voir attribuer un niveau de priorité élevé lors du triage au service des urgences. Le diagnostic et la prise en charge subséquente des patients sont basés sur les symptômes, les signes physiques, les antécédents médicaux, les caractéristiques démographiques, l ECG et les biomarqueurs. Les biomarqueurs cardiaques, en particulier la troponine, doivent être mesurés chez tous les patients qui ressentent un inconfort thoracique ou présentent des symptômes évocateurs d un SCA. Le taux de troponine doit être interprété en tenant compte du contexte clinique. Un taux de troponine élevé indique une lésion myocardique, mais n est pas spécifique d un SCA. Une modification du taux de troponine peut se révéler utile pour poser un diagnostic. Le diagnostic d un SCA est parfois évident et doit simplement être confirmé durant l instauration du traitement. Toutefois, il s agit plus souvent d un diagnostic provisoire basé sur des observations cliniques et, à ce moment-là, les troubles non cardiaques doivent également être envisagés lors du diagnostic différentiel (tableau 2). 7 La première question à élucider consiste à savoir si la présence d une coronaropathie est probable et la seconde, si les symptômes du patient sont liés à un SCA (tableau 3). Les antécédents médicaux et les symptômes fournissent d importants indices. Bien qu il soit important d évaluer les facteurs de risque, ceux-ci ne constituent pas des indicateurs fiables d un SCA. Il en va de même pour le score calcique obtenu à la suite d une tomodensitométrie, qui peut donner des résultats trompeurs étant donné que les plaques inflammatoires instables sont souvent non calcifiées. Les fournisseurs de soins de santé qui reçoivent un patient présentant des symptômes évocateurs doivent se montrer très vigilants. Il est crucial de se rappeler que de nombreux patients atteints d un SCA (en particulier les personnes âgées, les femmes et les diabétiques) présentent des «équivalents angineux» ou des symptômes qui ne sont pas typiques d une ischémie myocardique. La dyspnée, les nausées, la diaphorèse, l asthénie et les étourdissements en sont des exemples. Toutefois, lorsqu on interroge directement le patient, ce dernier déclarera souvent qu il ressent aussi un malaise à la poitrine (pas toujours central), au dos, au bras ou à la mâchoire. Elsevier Guide clinique

ÉVALUATION ET DIAGNOSTIC INITIAUX Principes directeurs Les patients qui souffrent d inconfort thoracique ou d autres symptômes évocateurs d un SCA doivent se voir attribuer un niveau de priorité élevé au triage tandis que les mesures appropriées sont prises pour confirmer le diagnostic. Les patients qui éprouvent des symptômes continus doivent être évalués et soumis à un ECG à 12 dérivations, lequel doit être réalisé et interprété au cours des 10 minutes suivant leur arrivée au service des urgences (l ECG doit être répété si les douleurs thoraciques réapparaissent). Le traitement des symptômes continus de SCA doit inclure : L AAS (s il n a pas déjà été administré, en comprimés à mâcher de 160 à 325 mg); L oxygénothérapie chez les patients qui présentent des symptômes d hypoxémie; La NTG (par voie sublinguale, pour soulager les douleurs thoraciques initiales; par bolus ou perfusion i.v., pour soulager les douleurs thoraciques récurrentes); La morphine par voie i.v. (si les douleurs ne sont pas soulagées par la NTG). 8 Tableau 2. Autres affections à envisager lors du diagnostic différentiel Cardiaques Péricardite Myocardite Maladie vasospastique (angor de Prinzmetal ou angor de repos) Syndrome de ballonnisation apicale (syndrome de tako-tsubo) Vasculaires Anévrisme disséquant de l aorte Anévrisme de l aorte Musculosquelettiques Lésion cervicale Atteinte de l articulation chondrocostale, fracture costale, syndrome de Tietze Fibromyalgie Pulmonaires Embolie Pneumothorax Pneumonie Pleurésie Gastro-intestinales Rupture œsophagienne Spasme œsophagien Reflux gastro-œsophagien Cholécystite Pancréatite Ulcère gastroduodénal Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

ÉVALUATION ET DIAGNOSTIC INITIAUX Tableau 3. Signes et symptômes du syndrome coronarien aigu Symptômes, signes physiques, antécédents médicaux, caractéristiques démographiques Douleur ou inconfort thoracique présentant les caractéristiques typiques de l ischémie myocardique ou de l infarctus du myocarde Douleur centrale ou sous-sternale, douleur abdominale haute ou douleur épigastrique Douleur irradiante au cou, à la mâchoire, aux épaules, au dos ou à un bras ou aux deux Sensation de pression, d écrasement, de serrement, de lourdeur, de crampe, de brûlure, d endolorissement Sensation et douleurs accompagnées d indigestion, de nausées, de vomissements et d éructations Instabilité hémodynamique ou électrique Autres symptômes qui peuvent être associés ou prédominants* Essoufflements Faiblesse Diaphorèse Sensation de tête légère Nausées Symptômes d instabilité Angine évolutive (c.-à-d. nouvelle crise d angine avec symptômes évolutifs ou exacerbation d une angine préexistante s accompagnant de douleurs plus fréquentes, graves ou prolongées survenant à un seuil d effort plus faible ou au repos) Douleurs thoraciques prolongées (durée 20 min), souvent associées à une nécrose myocardique 9 * En particulier, chez les personnes âgées, les femmes et les diabétiques Le médecin traitant doit poser un diagnostic provisoire rapide fondé sur les données initiales disponibles : symptômes, signes physiques, antécédents médicaux, caractéristiques démographiques, ECG et biomarqueurs. Si la probabilité d un SCA est faible, le médecin doit envisager les autres diagnostics possibles. Si l ECG initial ne permet pas de poser un diagnostic, mais que le patient continue de manifester des symptômes et qu un doute sérieux de SCA persiste, on doit effectuer un ECG en continu ou en série (initialement, à des intervalles de 15 à 30 minutes) afin de déceler l apparition d un sus-décalage ou d un sous-décalage du segment ST. Il peut aussi être judicieux d obtenir des dérivations postérieures additionnelles (V7-V9) pour écarter la possibilité d une oblitération de la branche circonflexe de l artère coronaire gauche. On devrait déterminer les taux de troponine chez tous les patients. Avec l avènement de la nouvelle génération de dosages, un taux élevé de troponine peut être décelé de 2 à 4 heures Elsevier Guide clinique

ÉVALUATION ET DIAGNOSTIC INITIAUX seulement après l apparition des symptômes. Encore aujourd hui, bon nombre d élévations des taux ne sont observées que de 6 à 8 heures après l apparition des symptômes. Grâce à un dosage fiable de la troponine (< 10 % de variabilité au 99 e percentile de la valeur de référence supérieure observée dans une population normale), une seule détermination du taux peut se révéler suffisante pour poser un diagnostic de nécrose myocardique, ce qui permet d éviter de recourir à d autres tests moins spécifiques tels que celui de la myoglobine 10. Le dosage de la CK-MB est indiqué seulement pour diagnostiquer un IM récurrent ou lié à une intervention. Si la première mesure de la troponine est négative ou très peu élevée, le dosage doit être répété au moins 6 heures plus tard. Si le résultat du dosage initial est positif, il est utile de répéter la mesure 2 ou 3 fois pour confirmer que la cinétique plasmatique est conforme au diagnostic d IM et pour fournir des renseignements sur l étendue de l infarctus 2. Une élévation ou une baisse du taux de troponine est associée à un risque accru d événements ischémiques récurrents et d événements mortels et constitue un outil important pour la stratification du risque chez les patients atteints d un SCA NSTE. 10 Les dosages de troponine ultrasensibles améliorent la détection de la troponine et des IM, mais augmentent également la possibilité de déceler des causes de nécrose des cellules myocardiques non liées à un SCA (c.-à-d. un dosage ayant une sensibilité élevée, mais une spécificité plus faible). Des taux élevés de troponine peuvent être présents dans de nombreuses affections cardiaques et non cardiaques, notamment dans les cas d embolie pulmonaire, d insuffisance cardiaque ou rénale, de péricardite, d hémorragie sous-arachnoïdienne ou de choc septique; de même, on peut noter une élévation de la troponine à la suite de certaines interventions telles que l angioplastie, la chirurgie ou la chimiothérapie. Le diagnostic d un IM (de type 1) doit être posé en tenant compte des critères diagnostiques universels présentés au tableau 1. Ces critères comprennent les observations cliniques et les résultats d ECG et d imagerie. Étant donné qu on peut déceler des taux très faibles de troponine après un épisode d ischémie myocardique induite par l effort, on ignore à quel moment l élévation du taux de troponine déterminée par un dosage ultrasensible indique un IM ou dicte une stratégie de prise en charge plus énergique. Dans tous les cas, quelle que soit la cause sous-jacente, les patients présentant une élévation de troponine sont exposés à un risque accru d événements ischémiques récurrents 10. Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

Section STRATIFICATION heading PRÉCOCE DU RISQUE POINTS CLÉS La stratification précoce du risque vise à déterminer chez un patient le risque d événements ischémiques coronariens récurrents et le risque d hémorragie consécutive à un traitement antithrombotique ou à des interventions. La détermination du risque est particulièrement importante chez les patients atteints d un SCA NSTE étant donné qu une stratégie effractive précoce et certains médicaments se sont révélés utiles uniquement chez les patients à risque plus élevé et que les hémorragies peuvent entraîner des complications ischémiques graves, voire la mort. Pour les patients chez lesquels le risque d ischémie ou de saignements est incertain lors de l évaluation clinique ou des épreuves de laboratoire initiales, il est possible de préciser davantage le risque par la détermination des scores de risque et d autres méthodes d investigation. Les facteurs de risque hémorragiques et ischémiques se chevauchent considérablement. L évaluation du risque basée sur l évaluation clinique et les résultats des investigations est un processus continu au cours de la période d hospitalisation. 11 Une stratification précoce du risque s impose chez les patients qui éprouvent un inconfort thoracique ou d autres symptômes suggérant une ischémie coronarienne, et ce, afin de déterminer leur risque de subir d autres événements CV et leur risque de saignements résultant du traitement proposé. Cette étape est essentielle à la sélection d une stratégie de traitement optimale en vue de maximiser les bienfaits et de minimiser les risques. Cette étape est particulièrement importante pour le SCA NSTE parce qu il existe plusieurs options thérapeutiques et que les stratégies individuelles ne sont pas aussi bien définies que pour le STEMI. Certains traitements se sont révélés plus utiles chez les patients à risque plus élevé. Par conséquent, selon le risque établi, les médecins doivent choisir entre une stratégie de prise en charge prudente ou plus énergique, de même qu entre les divers agents antithrombotiques et antiplaquettaires maintenant offerts. L évaluation initiale du risque sert habituellement à déterminer quels patients bénéficieront d un cathétérisme cardiaque précoce et d un traitement antithrombotique intensif. Les patients présentant une élévation des taux de troponine ou des modifications du segment ST ou de l onde T ne tireront pas tous des bienfaits d une approche effractive précoce. Dans un même ordre d idées, les patients n ayant aucune de ces caractéristiques ne seront pas nécessairement à faible risque. Plusieurs outils aident à préciser le risque, notamment les scores de risque, des biomarqueurs autres que la troponine et les technologies d imagerie permettant d évaluer la fonction du VG ainsi que la présence et la gravité de l ischémie. Elsevier Guide clinique

STRATIFICATION PRÉCOCE DU RISQUE Principes directeurs L évaluation initiale du risque doit prendre en compte les antécédents du patient, son évaluation clinique (tableau 4), le résultat de son ECG, la manifestation d une ischémie récurrente (douleurs thoraciques avec modifications de l ECG ou ischémie silencieuse) et la présence de taux élevés de troponine. Les caractéristiques du SCA décelées lors de l examen initial, ou encore celles qui apparaissent tôt, indiquent un risque plus élevé de mortalité précoce ou d événements ischémiques récurrents, y compris un nouvel infarctus. Les caractéristiques de base telles qu un âge avancé, la présence de diabète ou de néphropathie chronique (mesurée par la ClCr ou le TFGe), une coronaropathie ou un dysfonctionnement VG connu augmenteront également le risque d événements ischémiques futurs. Néanmoins, la présence d une seule caractéristique confirmant un SCA (sous-décalage du segment ST ou hausse du taux de troponine) ne confère pas nécessairement un statut de risque élevé au patient. Toutefois, les essais cliniques comparant une stratégie effractive précoce à une stratégie sélectivement effractive ont démontré un effet bénéfique lié à une stratégie effractive précoce chez les patients présentant de telles caractéristiques. 12 Une approche globale de stratification du risque peut être employée chez les patients jugés à risque intermédiaire ou chez lesquels la stratification initiale n est pas satisfaisante. La détermination des scores de risque est très utile. L évaluation de la fonction du VG, principalement par la mesure de la fraction d éjection et une épreuve d effort, est recommandée chez les patients destinés à une stratégie de prise en charge sélectivement effractive (voir la section suivante). En outre, le rôle des examens d imagerie évolue et de nouvelles méthodes permettent une évaluation à la fois anatomique et fonctionnelle. Tableau 4. Caractéristiques de risque élevé de SCA Profil et antécédents Âge avancé IM antérieur Plusieurs épisodes de douleurs thoraciques ou de symptômes ischémiques équivalents Insuffisance cardiaque, hypotension et tachycardie associées Ischémie réfractaire avec modifications de l ECG malgré le traitement Comorbidités (néphropathie chronique, diabète) ECG Sous-décalage du segment ST > 0,5 mm (en l absence d autres causes telles que l HVG ou le BBG) Résultat dépendant de l ampleur du sous-décalage du segment ST Inversion de l onde T > 2 mm pour plusieurs dérivations précordiales BBG d apparition récente Tachycardie ventriculaire soutenue Suite à la page 13 Prise en charge des syndromes coronariens aigus : guide destiné aux professionnels de la santé canadiens

STRATIFICATION PRÉCOCE DU RISQUE... suite Biomarqueur Troponine > 99 e percentile de la valeur de référence Mortalité associée à des taux plus élevés Ischémie récurrente ou IM récurrent plus probable avec des taux faibles plutôt qu élevés BBG = bloc de branche gauche; ECG = électrocardiographie; HVG = hypertrophie ventriculaire gauche; IM = infarctus du myocarde; SCA = syndrome coronarien aigu Scores de risque : pour qui, pourquoi, quand et comment La détermination des scores de risque ne vise pas à aider à poser le diagnostic de SCA chez des patients présentant des douleurs thoraciques ou d autres symptômes. Les scores de risque déterminés dans de vastes populations ayant reçu un diagnostic de SCA servent à repérer les sujets exposés à un risque élevé d issue défavorable ou d événement ischémique. Divers systèmes d évaluation (tableau 5) peuvent être utilisés. Plusieurs de ces systèmes existent sous forme d applications commodes pour les téléphones intelligents ou autres appareils portatifs. Les scores de risque TIMI 11 ou GRACE 12,13 sont ceux le plus souvent utilisés. Le score TIMI est dérivé des données de patients sélectionnés participant à des essais cliniques tandis que le score GRACE a été déterminé à partir d un vaste registre international. Ce dernier est donc davantage représentatif de la population générale de patients atteints d un SCA. Une récente étude menée chez des patients ayant un faible score de risque TIMI et ne présentant ni d anomalies à l ECG ni de taux élevés de troponine a laissé entendre que, pour cette population, une autre approche de détermination du score de risque pouvait être plus informative. On a observé que lorsqu on allouait 1 point aux patients pour chaque caractéristique de risque présente (âge 67 ans, douleur thoracique ischémique typique, douleur à plus de 2 occasions au cours des 24 dernières heures et ICP antérieure) et 2 points pour la présence de diabète, les sujets obtenant un score total supérieur à 3 points présentaient un taux de décès ou d IM après 1 an supérieur à 18 % 14. 13 Tableau 5. Scores de risque Score de risque Critère Site Internet ou référence TIMI (AI/NSTEMI) Décès de toutes causes, IM nouveau ou récurrent ou ischémie récurrente grave nécessitant une revascularisation urgente www.mdcalc.com/timi-risk-scorefor-uanstemi TIMI (STEMI) Mortalité après 30 jours www.mdcalc.com/timi-risk-scorefor-stemi GRACE (tous les SCA) Décès de toutes causes ou nouvel IM www.outcomes-umassmed.org/ grace/acs_risk/acs_risk_content. html Suite à la page 14 Elsevier Guide clinique