RP2 / Lecture publique : empilement des compétences et des financements ou vraies complémentarités?



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RP2 / Lecture publique : empilement des compétences et des financements ou vraies complémentarités? Animateur : Vice-président de l Association des bibliothécaires de France Deux thèmes apparaissent prégnants dans la réforme territoriale : l empilement des compétences et les financements croisés. La lecture publique, qui est gérée par tous les niveaux de collectivités, est apparemment une bonne candidate à cette réforme. Le paysage actuel de la lecture publique Les communes gèrent les bibliothèques municipales, cette compétence étant facultative. Les bibliothèques intercommunales se développent de plus en plus par ailleurs 1. Depuis le 1 er janvier 1986, de sont les départements (sauf Paris et la Petite couronne) qui gèrent les bibliothèques départementales de prêt dans le cadre d une compétence obligatoire. Ces derniers peuvent apporter des subventions aux bibliothèques associatives, municipales ou intercommunales. Les Régions ne gèrent pas de bibliothèques mais peuvent les subventionner. Enfin, l État dispose de ses propres bibliothèques (universitaires, nationales de France, etc.) et peut subventionner les autres types de bibliothèques (financement des investissements). Finalement, presque tous les niveaux se subventionnent entre eux. Les compétences régionales en matière de lecture publique Patrick VOLPILHAC Président de la Fédération Interrégionale pour le Livre et la Lecture 2 (FILL) Contrairement au département, la région n a aucune compétence en matière de lecture publique. Il appartient aux élus de décider de la mise en place de politiques, en fonction des besoins de leur territoire. En outre, si effectivement plusieurs niveaux de collectivités interviennent dans le champ de la lecture publique, elles le font sur des projets différents. Seuls les communes, les départements et l État interviennent en tant que tel sur le fonctionnement propre des dispositifs de lecture publique. 1 Une bibliothèque est municipale ou intercommunale ; lorsque la compétence est transférée vers l intercommunalité, la commune n a plus le droit de gérer la bibliothèque 2 La FILL est le réseau des agences du livre en région (qui sont pour la plupart des outils associatifs ou établissements publics, financés en grande partie par les conseils régionaux et par l État) 1

Aujourd hui, la majorité des régions intervient sur le champ de la lecture publique, au titre de la compétence en matière d aménagement du territoire. C est dans ce cadre que les Régions participent aux investissements des bibliothèques. Par ailleurs, l on s aperçoit que des crédits peuvent être accordés par un conseil régional pour l équipement ou la construction d une bibliothèque, lorsque des aspects du projet croisent certaines de ses préoccupations : par exemple, un volet qui concerne les lycéens (compétence régionale), le développement de services relatifs à l emploi ou la construction d un auditorium dans une médiathèque (projet qui se rapporte à la compétence régionale de l accompagnement à la production cinématographique). Des compétences départementales complémentaires Présidente de l Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt (ADBDP) Effectivement, plus que de compétences empilées, il s agit de champs d intervention complémentaires. Dans ce contexte, l intervention départementale en matière de lecture publique se caractérise par sa proximité. La bibliothèque départementale, de par sa proximité peut accompagner les bibliothèques municipales (y compris les plus modestes) : il s agit d un accompagnement au plus près. Les bibliothèques départementales interviennent à trois niveaux. Elles sont tout d abord chargées de mettre à disposition des documents aux bibliothèques municipales et associations, afin de compléter leurs collections. Les bibliothèques départementales ont par ailleurs pour mission d accompagner les bibliothécaires (salariés ou bénévoles) par la formation. Enfin, et c est le champ d intervention le plus prégnant, elles accompagnent (techniquement et financièrement) les collectivités dans le portage de projets qui participent à l aménagement culturel des territoires. Une autre spécificité de l action départementale, qui augmente sa légitimité, est le fait que les Départements croisent leurs actions en matière de lecture publique avec les politiques sociales dont ils ont la charge. Enfin, les bibliothèques départementales jouent un rôle important dans la coordination de l ensemble des politiques de lecture publique et des acteurs (État, Région, Département, intercommunalités qui contribuent financièrement à la construction des bibliothèques). Elles participent en outre à l impulsion des politiques de lecture publique, par leur présence quotidienne sur le territoire. Patrick Volpilhac et Corinne Sonnier ont tous deux évoqué le croisement des politiques de lecture publique avec d autres politiques. Cet aspect pourrait servir d argument supplémentaire aux communes qui, de plus en plus, doivent justifier les investissements qu elles consacrent aux bibliothèques. 2

Échanges avec la salle De la salle (Jacques DOFFENIES, Directeur général des services, Ville de Saint-Louis, La Réunion) À la Réunion, c est la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) qui a la charge de la lecture publique. La bibliothèque de Saint-Louis, construite il y a 25 ans, n est plus adaptée à l évolution démographique, alors qu elle est censée participer à la structuration de la ville. Par ailleurs, la constitution du premier fonds de lecture et son enrichissement ont toujours été considérés comme des charges d investissement (et non de fonctionnement). Il y a un avantage fiscal à considérer l enrichissement du fonds de lecture comme une charge d investissement. Mais cela pose un problème idéologique : cela signifie qu il faut sans cesse enrichir le fonds, alors qu il est davantage question de le renouveler. Votre intervention illustre le déficit lié à l absence d une bibliothèque départementale qui puisse notamment apporter des réponses juridiques aux professionnels de la lecture publique. De la salle (Conseil général de la Creuse) Aujourd hui, des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) prennent la compétence de la lecture publique. Les bibliothèques départementales jouent-elles un rôle dans la structuration de cette compétence au sein des EPCI? A leur création, les bibliothèques départementales sont longtemps intervenues quasiment en substitution des petites communes en matière de lecture publique. A présent, elles accompagnent les EPCI pour mutualiser ou fédérer ces équipements de proximité. Mais elles auront davantage un rôle de médiation et de soutien technique dans le portage de projet, que de soutien logistique. De la salle (Anne-Marie BOCK, Directrice de la bibliothèque départementale du Bas-Rhin) Les bibliothèques départementales interviennent à trois niveaux : l accompagnement d un projet communal (soutien technique et financier) ; l accompagnement à la structuration des réseaux (complémentarité entre les communes, le conseil général et la DRAC), comme les bibliothèques intercommunales ; et le co-financement. En 2009, le département du Bas-Rhin s est doté d un nouveau plan de développement de la lecture publique, dans lequel le département évolue vers un rôle d observatoire de la lecture et d animation de réseaux intercommunaux. La création d une médiathèque intercommunale ne fait pas toujours consensus mais, dans une étape intermédiaire, la bibliothèque départementale propose un accompagnement pour créer un réseau préalable à la construction d un équipement, l identification avec les élus des axes prioritaires, etc. Enfin, la bibliothèque départementale joue un rôle d impulsion pour la mutualisation de services. 3

Finalement, dans le Bas-Rhin, l empilement des compétences n est pas si compliqué au quotidien. Les financements croisés Vice-président d honneur de la Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture (FNCC) Comme le soulignait la «mission Belot» du Sénat, supprimer les possibilités de cofinancement risque de limiter le montant global consacré à un investissement et, par conséquent, le nombre et la qualité des investissements publics. Le maillage culturel français, qui participe au développement du territoire et de la cohésion sociale, n a été possible que grâce aux co-financements. En outre, dans un territoire, si la culture est importante, c est parce qu elle est une ambition partagée entre les différents niveaux de collectivités et l État. Enfin, la culture n est pas qu une simple compétence sectorielle. Elle est un élément du développement global d un territoire. La représentation schématique des financements croisés ne rend pas du tout compte des ambitions partagées par les différents niveaux de collectivités qui financent chacunes leur part. Patrick VOLPILHAC Le fait de devoir recourir à une multitude d acteurs pour financer une initiative peut légitimement ne pas satisfaire l opérateur culturel. La Direction du livre du ministère de la Culture a lancé, en 2008, une étude sur les financements publics attribués à l ensemble du secteur du livre. Trente ans après la décentralisation, l État n est pas en mesure d évaluer la part de pénétration des moyens publics dans la chaîne économique qui est celle du livre (modalités d attribution, moyens attribués). Le ministère de la Culture a chargé la FILL de mener une étude des financements existants. L agence de l Aquitaine lancera une étude à l échelle des 5 départements. Je me suis intéressé aux financements pour le département de la Gironde sur l exercice 2009 : finalement, si l on retire les financements croisés tout à fait légitimes sur des projets d infrastructure, il ne reste que 6,5 % de financements croisés entre la région Aquitaine et le département de la Gironde sur le même secteur. Je me suis également interrogé sur les champs d intervention en matière de lecture publique dans lesquels le conseil régional pouvait croiser l État ou les Départements. Dans la lecture publique, les financements croisés concernent la constitution des Fonds Régionaux d Acquisition des Bibliothèques (FRAB) dans les années 1980. Les FRAB se développent, d une part parce qu ils sont complémentaires du service de l inventaire (transféré aux services régionaux du patrimoine) et, d autre part, parce qu ils croisent les préoccupations de certaines regions qui ont decidé de plan de numérisation de fonds patrimoniaux. Les financements croisés ont également trait à l équipement de la lecture publique. 4

Ainsi, vu la faible proportion de financements croisés, je ne sais pas si le débat qui les entoure est vraiment justifié. Finalement, la réforme territoriale aboutit essentiellement à entériner des situations de concertation qui existaient déjà en matière d accompagnement des projets. La réforme ne remet pas en cause les financements croisés État-collectivités mais éventuellement les financements croisés Région-Département. Ces financements Région-Département pourront toutefois se prolonger, dans la mesure où les deux acteurs construisent ensemble un schéma de concertation et de mutualisation des services. Depuis la décentralisation, les DRAC ont encouragé les Départements à élaborer un schéma départemental de développement de la lecture publique, schéma qui définit également les types d établissement sur lesquels l État, la Région et les Départements peuvent intervenir. Ce schéma, appelé par la réforme, fait déjà partie du quotidien de la lecture publique. D un point de vue communal, les financements croisés permettent de développer des équipements qui autrement n auraient jamais existé. Selon la réforme territoriale, une bibliothèque communale ou intercommunale doit être financée au moins à hauteur de 20 % par l opérateur initial (soit jusqu à 80 % de financements croisés possibles). La réforme apporte finalement peu de changements en matière de financement. Échanges avec la salle De la salle Je partage l analyse de Monsieur Dumélie sur la légitimité des financements croisés dans le cadre d un projet. En revanche, cela commence à poser problème à l échelle d une collectivité lorsque les projets se multiplient. Par exemple, dans le cadre d un contrat de territoire, l État, la Région et le Département soutiennent plusieurs opérations qu ils financent en partie. Cette multiplication des financements (pour partie des projets) devient absurde, d autant que chaque financement nécessite une procédure lourde. La question est de savoir si tel ou tel niveau de collectivité a un rôle à jouer dans le projet. Si une collectivité a une responsabilité publique spécifique à assumer, elle doit le faire y compris financièrement. De la salle (Communauté d agglomération d Annecy) Les projets culturels gagnent à avoir un regard supplémentaire, croisé, d un autre échelon administratif. Pour les porteurs de projet, les financements croisés sont bien souvent un avantage même si les procédures peuvent prendre du temps. 5

Le financement est comme un bonbon enrobé de sucre, le sucre étant l accompagnement et le conseil qu apporte le financeur. Certains bénéficiaires sont demandeurs de cet accompagnement. Il existe toutefois des recommandations, des critères d éligibilité aux subventions qui permettent aux financeurs d influer sur la qualité des bibliothèques. Le financement croisé peut en cela contribuer à valoriser des projets. Dessiner l avenir de la lecture publique La réforme territoriale invite à construire une structure entre département et région, à renforcer l intercommunalité, à créer des métropoles Dans ce contexte, comment voyez-vous l avenir de la lecture publique? Il faudrait retenir l idée selon laquelle les départements interviennent sur un champ en matière de lecture publique, les régions sur un autre, les communes sur un autre, etc. Cette complémentarité des interventions des collectivités et de l État se retrouve dans l enseignement artistique spécialisé : la loi d août 2004 demande aux départements de réaliser un schéma départemental de développement de l enseignement artistique et la Région se voit confier l organisation d un cycle d enseignement préprofessionnel. Cette articulation a eu l avantage d inviter les collectivités à travailler en réseau. De plus, le fait que chaque niveau de collectivité ait des responsabilités propres les incite à développer la coopération et la mutualisation, ce qui favorise les économies d échelle. La complémentarité des différents niveaux de collectivité et de l État permet en outre de mieux prendre en compte les attentes de la population en matière d arts et de culture (éducation artistique, formation, accompagnement des pratiques en amateurs, etc.). Enfin, un lieu d échange entre l État et les collectivités fonctionne à nouveau : le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Il s agit bien de s assurer que chacun assume une part de la responsabilité de la politique culturelle. Alors que leurs moyens se raréfient, ce qu on peut retenir de la réforme territoriale, quel que soit de destin des dispositions qui ont été adoptées par le législateur, c est la mutualisation. Les différents niveaux de collectivités, les collectivités de même niveau, ne peuvent continuer à développer des politiques et des projets de façon isolée. La coordination et la mutualisation sont peut-être aujourd hui les conditions du développement de la lecture publique. Il est appréciable que le dernier mot prononcé dans cet atelier soit «développement». 6

Sigles ADBDP : Association des Directeurs de Bibliothèques Départementales de Prêt DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale FILL : Fédération Interrégionale pour le Livre et la Lecture FNCC : Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour le Culture FRAB : Fonds Régional d Acquisition des Bibliothèques Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg 1 er et 2 décembre 2010 CNFPT INET 2010 Réalisation : 7