RAPPORT DE MONSIEUR CLAUDE DILAIN SÉNATEUR DE LA SEINE SAINT DENIS REMIS À MADAME CECILE DUFLOT MINISTRE DE L ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET DU LOGEMENT



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Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 3

SOMMAIRE Introduction : la France des co-propriétaires Première partie : Mesures préventives Seconde partie : Cadre juridique de la «copropriété en danger» Conclusion Article 29-1-C Annexes Liste des Personnes auditionnées Lettre de mission Rapport d étape Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 4

INTRODUCTION : La France des co-propriétaires Le professeur Pierre Capoulade rappelait lors du congrès «Copropriété et liberté» organisé par la chambre nationale des experts en copropriétés 1 que «la copropriété se distingue de la société et de l association» et qu elle «représente un mode original de gestion partagée correspondant à une structure foncière déterminée». Si la gestion de la copropriété s avère être une forme intéressante de démocratie participative, elle devient difficilement gouvernable dès l apparition de certaines difficultés dans la vie des copropriétaires. La nature démocratique de l objet juridique qu est la copropriété n a pas empêché la survenue de difficultés de gestion et de fonctionnement pouvant même aller jusqu'à des catastrophes. Nombre de copropriétaires et nombre de lots en danger En France, en 2009, il y avait, selon les chiffres de l Agence Nationale de l Habitat (ANAH) 2, près de 670 000 copropriétés en France. Ces dernières comprenaient environ sept millions de logements, hors résidences secondaires. Aujourd hui, d après les chiffres Filocom 2011, 77% des habitants occupent un appartement à titre de résidence principale dans une copropriété, ce qui représente près de 7.162 905 logements. Près de 60% des résidences principales en copropriété sont situées dans des résidences de moins de cinquante lots. 1 Colloque des 25, 26 et 27 octobre 2012, présenté dans la revue Droit et Ville du 1 er décembre 2012. 2 Données Filicom 2009 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 5

L ANAH a mis en place un outil de détection des copropriétés fragiles 3. En 2012, l agence estime à un million le nombre de résidences principales en copropriétés fragiles. Elle avait estimé de 5 à 15% du parc le nombre de copropriétés fragiles qui seraient à la limite du basculement en sus des copropriétés recensées en difficulté 4, probablement près d un million de résidences principales. La copropriété commence à se trouver en difficulté dans les faits lorsque le syndicat des copropriétaires voit son équilibre financier gravement compromis en raison du montant des charges impayées, ou lorsque le même syndicat ne peut plus pourvoir à la conservation de l immeuble, car il n a pu faire procéder à certains travaux. Les origines des difficultés sont aussi diverses que le départ des propriétaires les plus solvables, ou des sinistres (comme des incendies), des problèmes de stabilité du bâti, l augmentation des charges (comme celle de l énergie), l installation d'une nuisance dans l environnement urbain ou enfin une mauvaise gestion financière, qui précédera de peu l arrivée de «marchands de sommeil». Ces facteurs de dégradation peuvent malheureusement se combiner les uns aux autres. Une copropriété en difficulté peut voir ses problèmes s aggraver assez rapidement : les appels de charges manquants provoquent la fin des prestations des intervenants extérieurs. Ceci a pour conséquence un moindre retour des charges appelées les copropriétaires solvables n acceptant plus de payer pour un habitat si détérioré. Le cercle vicieux qui en découle provoque une dégradation rapide du bâti et des parties communes. Selon la formule de l Association des Responsables de Copropriété (ARC) : «Plus on attend et plus les difficultés augmentent, plus les copropriétés s enlisent, plus l action est difficile, plus elle coûte cher, tout en restant en partie inefficace» 5. C est une spirale de dégradations qui va en augmentant. Comment prévenir cet effet «boule de neige» auquel sont confrontées les copropriétés? 3 L outil statistique d aide au repérage des copropriétés fragiles 4 Rapport «Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés, une priorité des politiques de l habitat» ANAH, Président Braye, 2012 5 ARC, «traiter les copropriétés fragiles ou en difficulté ; comment prévenir, agir, guérir», Vuibert, 2012 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 6

Malgré la mise en place d une procédure d alerte (article 29-1 A et B) depuis 2009 (loi n 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ou loi MLLE) le nombre de copropriétés en grandes difficultés n a pas décru. Il apparaît au contraire selon les chiffres de l ANAH que la fragilité des copropriétés se soit accrue les dernières années en raison notamment du parc des résidences françaises qui vieillissent. Ainsi, selon le fichier des logements par communes (FILICOM), l ANAH a classé les copropriétés en quatre groupes, de A à D, du plus faible au plus fort potentiel de fragilité. Cette catégorie D représente 15% des logements en copropriété au niveau national soit un million de logements, caractérisés par leur petite taille (42% sont situés dans des copropriétés de moins de 20 lots) et par leur ancienneté (52% ont été construites avant 1949). Aggravation de la situation Le nombre de copropriétés en grandes difficultés est sous-estimé. En effet, malgré les demandes réitérées, à l exception des retours de l ANAH, les chiffres sur les copropriétés sont difficilement accessibles. Les administrateurs judiciaires sont dans l incapacité de faire les recoupements et d obtenir des estimations sur le nombre de résidences sous administration judiciaire ou sous une procédure de sauvegarde. Les syndics évitent le sujet des copropriétés dans un tel état et n arrivent pas à indiquer le pourcentage du montant des charges impayées par les syndicats. Les associations de copropriétaires n ont pas les moyens de faire les recoupements nécessaires pour calculer le nombre de copropriétés en danger. M. Vorms dans son rapport pour l Agence Nationale pour l Information sur le Logement (ANIL) en 1998, intitulé «Difficultés des copropriétés et copropriétés en difficulté, un éclairage étranger» suggérait de ne point «traiter de façon Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 7

indifférenciée difficulté.» 6 des difficultés de la copropriété et des copropriétés en Selon les statistiques du ministère de la justice, le contentieux de l impayé en matière de copropriété en 2010 réglé par les tribunaux de grande instance s élevait à 3 611 affaires. Par ailleurs, de nombreuses informations sont disponibles dans l annuaire statistique qui permettrait un recoupage avec les données des administrateurs judiciaires pour obtenir les chiffres précis des procédures et la réalité qu elles recouvrent. Ainsi : L évolution des nouvelles affaires en matière de copropriété dont ont été saisis les tribunaux en 2000 et 2010 7 démontre s il en était besoin de l importance de ce dossier : Nature de l affaire Cours d appel TGI TI Année 2000 2010 2000 2010 2000 2010 Copropriété : 1713 1696 3464 4 038 15 167 23 802 droits et obligations des copropriétaires Evolution en % + 16% + 57% Ces affaires recoupent les demandes de paiement des charges ou contributions, celles du syndicat tendant à la cessation ou à des sanctions et les demande d un copropriétaire tendant à la cessation ou sanction d une atteinte à la propriété et jouissance d un lot. On remarquera l évolution incontestable du nombre d affaires en dix ans dans les tribunaux d instance de près de 57% devant les tribunaux d instance. 6 Rapport Anil 1998, Bernard Vorms, http://www.anil.org/fileadmin/anil/etudes/2005/difficultes_copropriete_eclairage_etranger.pdf 7 Annuaires statistique de la justice, 1996-2001 et 2011-2012 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 8

Par ailleurs, le nombre de demandes formées devant les tribunaux de grande instance en 2011 sur les articles 29-1 et 20-1 A et B est confondant : Demande de désignation d un administrateur provisoire art. 29-1 et s. code de copropriété Demande de désignation d un mandataire ad hoc Procédure d alerte art. 29-1 A et B code copropriété Total Fond Référé Requête 748 5 33 710 7 0 2 5 En une seule année, plus de sept cent copropriétés ont donc été contraintes de saisir un juge en raison de graves difficultés. Cette aggravation s explique par la crise du logement conjuguée avec la crise économique qui pousse les ménages à revenus modestes à s aventurer dans des acquisitions uniquement financées par crédit, sans prise en compte du poids des charges de copropriété. L enquête internationale comparée de l ANIL 8 démontre que les copropriétés ne sont viables que si le revenu des copropriétaires est important. A ce sujet, il faut attirer l attention sur le danger que représente la vente du patrimoine social. Ces immeubles risquant de devenir les copropriétés en danger de demain. Être copropriétaire est bien distinct d être propriétaire. Le droit de propriété est le droit d'user (usus), de jouir (fructus) et de disposer (abusus) d'une chose, en être le maître absolu et exclusif dans les conditions fixées par la loi. Si le droit de propriété peut être démembré - droit réel de jouissance et droit de jouissance spécial - qu en est-il du droit de copropriété? 8 Voir plus haut rapport Vorms, ANIL Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 9

La propriété privée fait partie des droits inaliénables. Le conseil Constitutionnel a consacré à ce titre les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789 en 1982 9. Il a toutefois accepté certaines atteintes à ce droit, jusqu à lui en retirer certains attributs. Pour la cour de Cassation, la propriété n est pas une liberté individuelle. Elle est l exercice d un droit fondamental, et même «une condition de l indépendance et de la liberté de l homme». Mais n étant pas une liberté, elle ne bénéficie pas du même régime de protection. Elle ne s exerce que dans le cadre des limites posées par l intérêt général 10 voir même dans celui d un autre propriétaire. La Cour rappelle que ce droit de propriété est également contenu par le droit à un logement décent devenu objectif à valeur constitutionnel 11 et opposable 12, droit qui est posé dans la Déclaration Universelle des droits de l Homme et dans la Charte sociale européenne. C est dans ce cadre que la mission parlementaire du Sénateur Claude Dilain a été conduite. Le caractère fondamental de la propriété doit être adapté à la copropriété car la propriété du co-propriétaire est limitée par celle de ses voisins. Le règlement de copropriété ne supplée pas les fondamentaux constitutionnels. Sans toucher au droit de propriété dans ses fondements et ses démembrements, le «droit» de copropriété attaché à celui de propriété peut nuire au droit de jouissance du propriétaire. La «pratique» du droit de «copropriété» ne peut se superposer totalement à celle d un propriétaire individuel. Le droit de propriété privé ne peut être opposé à l intérêt général des copropriétaires, dont fait partie le propriétaire privé. De la même façon, le droit de propriété des uns ne peut altérer le droit de jouissance des autres. 9 Décision du 16 janvier 1982 n 81-132 DC 10 Voir rapport annuel cour de Cassation, 2008 11 DC n 94-359 du 19 janvier 1995, loi relative à la diversité de l habitat ; DC n 98-403 du 29 juillet 1995, loi d orientation relative à la lutte contre les exclusions 12 Loi du 5 mars 2007 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 10

Il n est donc pas possible d arguer de la défense du droit de propriété lorsque le syndicat de la copropriété est en grand danger. La jurisprudence relève que certains désordres affectant des parties privatives des appartements individuels peuvent devenir des troubles de jouissance pour l ensemble des copropriétaires et donc être des troubles collectifs rendant le syndicat recevable à agir en justice pour leur réparation 13. Difficulté d intervention des pouvoirs publics La situation des copropriétés est préoccupante et s aggrave. Les pouvoirs publics se retrouvent de plus en plus souvent dans l obligation d intervenir, bien qu il s agisse d un secteur privé. Cette prescription se démontre facilement. Les copropriétés dégradées provoquent de graves difficultés sociales qui relèvent évidemment de l intervention des pouvoirs publics. Elles entraînent de sérieuses menaces pour la sureté des biens et des personnes ou constituent des troubles à la salubrité et à l ordre public (comme des accidents, des incendies voire des privations d énergie et de chauffage en plein hiver etc.). Pourtant, ces obligations d intervention nécessaires et difficiles qui pèsent sur les pouvoirs publics, se heurtent d abord, comme vu plus haut, au droit de la propriété privée. De plus, il est toujours difficile et juridiquement complexe pour les pouvoirs publics œuvrant dans des copropriétés privées d y investir des fonds publics en raison des règles juridiques de séparation et de comptabilité. La démarche de la Ministre du logement de transformer significativement le droit du logement dans son ensemble, que ce soit pour les copropriétés, l urbanisme et la loi Hoguet, a l assentiment des professionnels et particuliers 13 3ème Chambre civile 7 septembre 2011 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 11

qui attendent mieux qu une énième réforme qui ne résoudrait en rien les problèmes actuels et à venir. L objet de ce rapport est de se pencher sur la situation particulière des copropriétés gravement en danger, et de proposer de nouveaux outils législatifs réglementaires et budgétaires afin d intervenir dans ces copropriétés très dégradées. Il sera donc développé dans un premier temps la prévention souhaitée en complément de celle prévue par le projet de loi et qui s appuie sur les préalables posés par le rapport Braye 14, et dans un second temps le régime de la «pré-carence» s appliquant aux copropriétés en danger. 14 Voir note n 4. Rapport Anah 2012 Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 12

Chapitre I Mesures préventives complémentaires Bien que cette première partie de la loi ne soit pas explicitement dans le cadre de la mission confiée au Sénateur Dilain, il souhaite ici rappeler un certain nombre de mesures préventives faisant l objet d un large consensus parmi les professionnels auditionnés. I/ les administrateurs judiciaires Le Conseil National des Administrateurs Judiciaires et des Mandataires Judiciaires (CNAJMJ) en est lui-même désormais convaincu, il est nécessaire de réformer l organisation de la profession d administrateur judiciaire. Il est indispensable d en revenir à la spécialisation des administrateurs judiciaires, la spécificité des matières commerciale et civile étant bien distinctes et l expertise, notamment en matière de copropriétés très dégradées, sera essentielle. Cette distinction entre commercial et civil ne serait que le retour à la situation antérieure à 2008. Dans le même esprit, il est souhaitable d obtenir des listes d experts de ce sujet auprès des tribunaux. Il n est plus possible que le juge ne soit pas officiellement «éclairé» lors de la désignation d un mandataire ou d un administrateur judiciaire. II/ Les syndics : une meilleure éthique pour des rapports apaisés. Sans vouloir ni généraliser ni caricaturer les professionnels de l immobilier, il faut rappeler qu une déontologie de la profession des syndics est réclamée par tous et même par les organisations de syndic depuis des années.. Par ailleurs la mise en place d une spécialisation accrue pour les syndics qui Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 13

seront en charge pour les grosses copropriétés et les résidences en danger est souhaitable. La FNAIM propose une carte «S+».. Enfin, la place les syndics est forte dans les procédures des articles 29-1 et 29-1 A et B. Mais la dénonciation de sa propre turpitude est assez délicate. Ainsi l article 29-1 A précise : «Lorsqu'à la clôture des comptes les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles en vertu des articles 14-1 et 14-2, le syndic en informe le conseil syndical et saisit sur requête le président du tribunal de grande instance d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc». On ne peut en effet demander à celui qui a en charge la gestion du budget et de s en faire démunir sur sa demande. Il est donc indispensable de donner la possibilité au président du syndicat qui est le seul à avoir une légitimité représentative - de pouvoir saisir les tribunaux dans ces cas (voir développement en deuxième partie). III/ Les locataires En 2010, les locataires représentaient 39% des habitants - dont 22% dans le parc privé 15 - des habitants de copropriétés. Dans les copropriétés en difficultés, cette part des locataires est nettement plus élevée dépassant parfois la moitié des habitants de la résidence. A l instar de la situation espagnole, il est nécessaire que les locataires soient informés de l état de la copropriété dans laquelle ils résident et notamment des charges que reversent ou non leur bailleur. Il n est plus acceptable qu un locataire continue à payer ces charges, sans savoir si son propriétaire les reverse au syndic. En outre, certaines décisions du syndicat entraînent des atteintes, parfois 15 Statistiques INSEE, www.insee.fr, fiche propriétaire-locataire Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 14

graves, au droit de jouissance du locataire telles que celles sur le chauffage ou les ascenseurs. Il est souhaitable de généraliser les affichages des comptes-rendus d assemblées et de permettre aux locataires de payer leurs charges directement au syndic ou à l administrateur judiciaire en charge de la résidence. IV/ Lutter contre les copropriétaires indélicats ou «marchands de sommeil» La situation propriétaires-bailleurs indélicats est particulièrement complexe à démontrer et à démonter juridiquement. Ces bailleurs ne paient pas les charges de la copropriété. Ils sont établis pour la plupart à l étranger ce qui prévient toute poursuite. Par contre, ils rentabilisent leur investissement immobilier en louant l appartement fractionné à plusieurs foyers. Certains immeubles approchent un état de décrépitude en raison du rachat de nombreux lots par ces propriétaires qui abusent la copropriété. En Espagne, si la loi n a pas institué de sanction pour les propriétaires défaillants elle a autorisé les statuts de copropriétés à en avoir 16. De plus, la loi espagnole interdit aux copropriétaires qui ne sont pas à jour du paiement de leurs charges lors de l assemblée générale d user de leur droit de vote lors de cette assemblée. Enfin, leur nom peut être affiché dans l entrée de l immeuble. L auteur de ce rapport appelle de ses vœux une transcription dans la loi française une mesure interdisant le droit de vote dans les assemblées générales 16 Rapport Vorms, ADIL, 1998, (voir plus haut) Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 15

pour les copropriétaires débiteurs au-delà d un certain niveau. Il est encore moins acceptable qu un copropriétaire débiteur puisse continuer à acheter d autres lots dans la copropriété. Il est urgent d interdire ce type de pratiques. Une simple clause résolutoire pourrait prévenir la propagation de ce type d achat. En effet, cette clause indiquerait qu au moment du compromis de vente, l acquéreur est dans l obligation de faire une déclaration écrite d absence de dette dans ladite copropriété. Dès lors, le notaire sera dans l obligation d en vérifier la véracité auprès de la dite copropriété. En cas de fausse déclaration, la clause permet donc l annulation de la vente. Comme la déclaration sur l honneur demandée dans les dossiers des premiers PTZ afin d établir la véracité de la non-propriété des acheteurs, cette clause semble particulièrement aisée à mettre en place. Il faudra de plus insister afin que les copropriétaires ne puissent avoir en assemblée générale plus de trois pouvoirs. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 16

Chapitre 2 Le cadre juridique de la copropriété en danger La réalité du terrain démontre que l état catastrophique de certaines copropriétés impose la mise en place des mesures dérogatoires correspondantes à ces situations exceptionnellement graves. Il est évident que ces mesures d «exception» ne peuvent être utilisées que dans un cadre juridique préalablement prévu et uniquement dans celui-ci. En effet, quand l état des copropriétés est si dégradé qu elles en sont «en danger», le droit de propriété de chacun des copropriétaires est alors mis luimême en danger. La jouissance des parties communes n est absolument plus tangible et la valeur de chaque appartement est fortement dévaluée. I/ Définition La copropriété en danger - ou en situation de pré-carence - peut se définir comme la situation où l état du syndicat de la copropriété menace la propriété de chacun des copropriétaires que cela soit par l effondrement de la valeur de leur patrimoine- qu ils ne peuvent donc plus vendre-, ou de la baisse de leur droit de jouissance comme par exemple avec la mise à l arrêt des ascenseurs. Ce terme de pré-carence est approprié puisque la situation de ces copropriétés est si grave qu elle pourrait aboutir au déclenchement d une procédure de carence totale, ce qui signifierait la «mort» de la copropriété. Ce contexte doit permettre une modification de la procédure de saisine du magistrat compétent pour permettre une meilleure complémentarité entre les acteurs et éviter des catastrophes. Dans le cadre de la copropriété en danger il faut tout à la fois : - définir le cadre juridique de la pré-carence ou copropriété en danger Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 17

- réformer la saisine du juge - engager une procédure exceptionnellement lourde de redressement Rappelons brièvement la situation législative actuelle en cas de difficultés. Les articles 29-1 A et B ainsi que l article 29-1 de la loi de 1965 traitent de ces procédures spéciales. Une procédure d alerte permet la mise en place d une administration provisoire lorsqu à la clôture des comptes la copropriété a plus de 25 % d'impayés au titre des charges et des travaux. C est le syndic, qui se retrouve donc dans une position de juge et partie, qui doit alerter le Tribunal de Grande Instance dans ce cas dans le délai d un mois de la clôture des comptes. En l absence d une telle saisie, les copropriétaires (représentant au moins 15 % des voix), ou les créanciers ayant des factures d'eau, d'énergie ou de travaux non réglées peuvent saisir le juge, en informant le maire ou le préfet de leur démarche. Le mandataire ad hoc doit adresser sous trois mois un rapport qui est une sorte de bilan de l état de la copropriété : la situation financière, des recommandations pour revenir à l équilibre et une vérification de l'état de l'immeuble et de la sécurité des occupants. Par la suite, ce sera au syndic de mettre à l ordre du jour les actions à réaliser. Les instances de la copropriété gardent tous leurs pouvoirs. Le plan de sauvegarde de l article 29-1 est déclenché lorsque l équilibre financier est gravement compromis ou lorsque la conservation de l immeuble est menacée. Le Tribunal de Grande Instance est alors saisi par le syndic de copropriété après consultation du conseil syndical, des copropriétaires disposant de plus de 15 % des voix, ou le procureur de la République. L administrateur provisoire se voit confier tous les pouvoirs du syndic et une partie de l assemblée générale, puisque les alinéas a et b de l article 26 en sont exclus. Or, ces deux alinéas permettent d une part des actes d acquisition immobilière et d autre part la modification du règlement de copropriété. D autant plus qu avant de prendre toute décision relevant de la compétence de l assemblée, l administrateur doit recueillir l avis du conseil syndical et réunir Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 18

l assemblée générale pour les appels de fonds. Il est nommé pour au moins douze mois et a pour tâche d établir un plan de sauvegarde de cinq ans. Force est de constater que si ces deux procédures donnent parfois de bons résultats, elles ne répondent pas aux nécessités des copropriétés en danger. Toutes les auditions l ont confirmé, y compris celles des administrateurs judiciaires. En effet, ces situations exceptionnelles exigent des moyens et des pouvoirs exceptionnels que ne possèdent ni le mandataire ad hoc ni l administrateur judiciaire. Ces procédures n impliquent pas les opérateurs sociaux, techniques et financiers qui vont nécessairement intervenir par le biais des pouvoirs publics en laissant l administrateur en tête à tête avec le magistrat. Dans des copropriétés en plan de sauvegarde et sous administration judiciaire, des décisions de la commission du plan de sauvegarde présidée par le préfet n ont pu être mises en œuvre car l administrateur s y opposait. II/ Les mesures A/ Saisine du juge Faciliter l accès au juge dans la cadre des copropriétés en danger est l un des principaux objectifs de ce rapport. En ouvrant cette saisine le plus tôt possible, l effet «boule de neige» dénoncé plus haut pourrait être évité. Le choix est toujours et fondamentalement laissé à l appréciation du juge, qui pourra décider de passer directement à la phase de pré-carence ou d user des procédures d alerte ou de sauvegarde des articles 29-1 et 29-1 A et B. Il pourrait être introduit dans le code de la copropriété un article 29-1-C comprenant plusieurs paragraphes, intitulé «les copropriétés en danger», Et rédigé comme suit : Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 19

Article 29-1-C du code de la copropriété «Les copropriétés en danger», 1. «Lorsque : 1 ) un appel de charges de copropriété par un syndic s'avère infructueux, après épuisement des voies de relance par le syndic, pour un montant supérieur à 40 % du total des sommes appelées, ou que 2 ) l'insuffisance de ressources constatées résultant du 1 ), au regard de l'état général de la copropriété, de sa situation financière, notamment en ce qui concerne les charges courantes et les travaux urgents nécessaires, présentent un risque élevé d'entraîner une dégradation majeure des conditions d'habitabilité, soit en privant les résidents des services fonctionnels collectifs élémentaires, soit en raison de l'état, notamment sanitaires, du bâti, Le syndic, le président du conseil syndical de la copropriété, les copropriétaires représentant 30% des tantièmes, le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, le président du conseil général, ou le préfet, peuvent mettre en demeure le syndic de saisir la juridiction compétente pour engager une procédure de pré-carence. 2. Pour leur permettre d'exercer cette faculté, ils reçoivent, à leur demande, pour toute copropriété dont ils estiment que la situation le justifie, de la part du syndic, les différents états comptables au fur et à mesure de leur élaboration, les rapports des organismes et services publics concernés, ainsi que copie des appels de charges et de leurs résultats et des diligences entreprises par le syndic en vue de leur recouvrement. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 20

Les informations nominatives qui leur sont communiquées à ce titre ne sont conservées qu'aussi longtemps qu'elles sont nécessaires à l'exercice de ce pouvoir, et à cette fin exclusive. 3. Dès réception de la lettre qui le saisit de la demande, le syndic en communique copie de chaque copropriétaire. A compter de la réception de la saisine opérée en application du premier alinéa du 2, le syndic dispose d'un délai de quinze jours pour répondre et lancer la procédure ou pour expliciter son impossibilité à agir. 4. A défaut de réponse du syndic, le président du conseil syndical de la copropriété, les copropriétaires représentant 30% des tantièmes, le maire, ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, le président du conseil général, ou le préfet, pourront directement saisir le juge d une telle demande.» B/ Philosophie du dispositif Si le juge prononce la pré-carence, il ouvre la possibilité de lancer une procédure qui permettra à la fois de faire un diagnostic approfondi des difficultés que traversent la copropriété, allant même jusqu à évaluer sa capacité à demeurer en copropriété privée totalement ou partiellement, et également de permettre à tous les acteurs du redressement de travailler de façon synergétique sous son autorité. C/ Dispositif Si le magistrat considère qu il est souhaitable de passer en phase de «précarence», il aura à sa disposition un mécanisme en deux temps. - Premier temps : Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 21

Le juge nommera un expert sur une liste agréée pour coordonner un audit technique (le bâti), financier (aspect comptable) et social (les relations avec les habitants) de cette copropriété en danger. Il devra également présenter un plan de continuation pour la copropriété qui décrira le plus précisément possible les mesures à mettre en œuvre, ainsi que les partenaires et financements envisagés. Il devra rendre ce rapport dans un délai maximum de douze mois à compter de l ordonnance judiciaire. Pour ce faire, il pourra s entourer de toutes les compétences techniques nécessaires et interroger l ensemble des pouvoirs publics - état et collectivités territoriales qui interviendront dans ce plan, ainsi que le syndicat. Il sera assisté d un Syndic «S+» ou de redressement lui aussi choisi sur une liste labellisée - qui aura pour mission la gestion des tâches courantes du syndicat. Pendant ce laps de temps, le magistrat suspend le rôle et les pouvoirs du syndicat et de l assemblée générale de la copropriété et instaure un moratoire de la dette. - Deuxième temps : Au vu de ce rapport, le juge peut soit : Infirmer l état de pré-carence. Il peut renvoyer la copropriété sur les procédures d alerte et de sauvegarde, ou au contraire, proposer la mise en œuvre d une carence totale. Ou confirmer l état de pré-carence : Il nomme alors un opérateur à qui il pourra accorder tous les pouvoirs nécessaires afin de mettre en œuvre le plan de redressement et de continuation avec le concours d un syndic de redressement. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 22

Ce plan sera soumis au vote de l assemblée générale des copropriétaires. Ainsi il pourrait être introduit dans le code de la copropriété, à la suite de l article 29-1 C, les dispositions suivantes : «5. S'il estime la délibération de l assemblée générale des copropriétaires insuffisante ou si aucune délibération n'est adoptée dans le délai mentionné, le juge peut, sur le fondement de son ordonnance, et après avoir invité l'ensemble des parties à présenter des observations, Arrêter un plan de redressement et de continuation, dont il fixe la durée, qui peut notamment comporter la suspension provisoire de tout ou partie du règlement de copropriété, afin de permettre à la personne qu'il désigne pour son exécution de la mettre en œuvre dans les délais impartis» D/ Complément au plan Dans ces situations, la présence d un établissement foncier dédié au portage des copropriétaires est indispensable afin d éviter que des acquéreurs mal intentionnés n aggravent les difficultés. En contrepartie, les co-propriétaires ont un droit de délaissement et un droit de contestation a postériori et un droit d information renforcé. L opérateur présidera une commission du plan de redressement composée des représentants de tous les intervenants au plan de redressement-continuation ainsi que du président du conseil syndical et des membres élus du syndicat désignés par un vote de l assemblée générale des copropriétaires, au prorata du nombre des lots. Cette commission doit se réunir mensuellement et apporter toutes les informations sur l état de l avancée du plan. Il sera donc inscrit à la suite dans cet article 29-1-C : Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 23

6. L'ouverture d'un plan de redressement emporte - le droit pour l'opérateur de proposer à tous copropriétaires d'acquérir leur part ; - pendant la durée de l opération, la copropriété est soumise au droit de préemption renforcé (code de l urbanisme) 7. L'exécution du plan fait l'objet d'une information régulière, à tout le moins mensuelle, de la copropriété et de ses organes, ainsi que de l'ensemble des parties intéressées. À tout instant, la juridiction compétente peut y mettre fin ou le modifier. L'assemblée générale peut le saisir à cette fin, en faisant état le cas échéant des modalités qu'elle propose pour remédier à la situation. 8. Le mandat de mise en œuvre du plan est exécuté sous la responsabilité de celui qui en est chargé, au nom et pour le compte de la copropriété et à sa charge. Durant l'exécution du plan, tout co-propriétaire peut formuler des observations, consignées par celui chargé de l'exécution du plan dans un registre d'exécution joint au compte de son mandat. Le compte et le compte-rendu de l'exécution sont remis au juge à l'issu du mandat. Le juge statue sur les contestations et règle définitivement le compte.» Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 24

CONCLUSION Le bilan de cette mission montre que tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont eu concrètement à œuvrer dans des copropriétés en très grandes difficultés sont rapidement favorables à une réforme de la loi du 10 juillet 1965 pour y introduire des mesures exceptionnelles exorbitantes du droit commun. Même si elles peuvent paraître coercitives, elles constituent les seules possibilités de sauver des syndicats qui sont menacés d autodestruction. Ces mesures apparaissent également indispensables pour assurer au maximum la réussite et l efficacité des fonds publics investis dans ce secteur privé. Il serait en effet inconcevable que les pouvoirs publics engagent des fonds publics tout en laissant aux seuls acteurs privés une liberté d agir qui n a pas empêché les graves dysfonctionnements. L auteur de ce rapport peut comprendre que ceux qui connaissent mal la réalité de ces copropriétés sont réticents à ces propositions, en particulier dans le domaine juridique. C est la raison pour laquelle il a limité les mesures au cadre très précis de ces copropriétés en danger, désormais juridiquement définies. Il appartient donc au domaine politique d arbitrer pour se donner les vrais moyens de faire disparaître ces ilots de misère et d indignité. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 25

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SYNTHÈSE DES MODIFICATIONS LEGISLATIVES PROPOSÉES Article 29-1-C de la loi du 10 juillet 1965, code de la copropriété. «Les copropriétés en danger», 1. Lorsque : 1 ) un appel de charges de copropriété par un syndic s'avère infructueux, après épuisement des voies de relance par le syndic, pour un montant supérieur à 40 % du total des sommes appelées, ou que 2 ) l'insuffisance de ressources constatées résultant du 1 ), au regard de l'état général de la copropriété, de sa situation financière, notamment en ce qui concerne les charges courantes et les travaux urgents nécessaires, présentent un risque élevé d'entraîner une dégradation majeure des conditions d'habitabilité, soit en privant les résidents des services fonctionnels collectifs élémentaires, soit en raison de l'état, notamment sanitaires, du bâti, Le syndic, le président du conseil syndical de la copropriété, les copropriétaires représentant 30% des tantièmes, le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, le président du conseil général, ou le préfet, peuvent mettre en demeure le syndic de saisir la juridiction compétente pour engager une procédure de pré-carence. 2. Pour leur permettre d'exercer cette faculté, ils reçoivent, à leur demande, pour toute copropriété dont ils estiment que la situation le justifie, de la part du syndic, les différents états comptables au fur et à mesure de leur élaboration, les rapports des organismes et services publics concernés, ainsi que copie des appels de charges et de leurs résultats et des diligences entreprises par le syndic en vue de leur recouvrement. Les informations nominatives qui leur sont communiquées à ce titre ne sont conservées qu'aussi longtemps qu'elles sont nécessaires à l'exercice de ce pouvoir, et à cette fin exclusive. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 27

3. Dès réception de la lettre qui le saisit de la demande, le syndic en communique copie de chaque copropriétaire. A compter de la réception de la saisine opérée en application du premier alinéa du 2, le syndic dispose d'un délai de quinze jours pour répondre et lancer la procédure ou pour expliciter son impossibilité à agir. 4. A défaut de réponse du syndic, le président du conseil syndical de la copropriété, les copropriétaires représentant 30% des tantièmes, le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, le président du conseil général, ou le préfet, pourront directement saisir le juge d une telle demande.» 5. S'il estime la délibération de l assemblée générale des copropriétaires insuffisante ou si aucune délibération n'est adoptée dans le délai mentionné, le juge peut, sur le fondement de son ordonnance, et après avoir invité l'ensemble des parties à présenter des observations, Arrêter un plan de redressement et de continuation, dont il fixe la durée, qui peut notamment comporter la suspension provisoire de tout ou partie du règlement de copropriété, à fin de permettre à la personne qu'il désigne pour son exécution de la mettre en œuvre dans les délais impartis» «6. L'ouverture d'un plan de redressement emporte - le droit pour l'opérateur de proposer à tous copropriétaires d'acquérir leur part ; - pendant la durée de l opération, la copropriété est soumise au droit de préemption renforcé (code de l urbanisme) 7. L'exécution du plan fait l'objet d'une information régulière, à tout le moins mensuelle, de la copropriété et de ses organes, ainsi que de l'ensemble des parties intéressées. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 28

À tout instant, la juridiction compétente peut y mettre fin ou le modifier. L'assemblée générale peut le saisir à cette fin, en faisant état le cas échéant des modalités qu'elle propose pour remédier à la situation. 8. Le mandat de mise en œuvre du plan est exécuté sous la responsabilité de celui qui en est chargé, au nom et pour le compte de la copropriété et à sa charge. Durant l'exécution du plan, tout co-propriétaire peut formuler des observations, consignées par celui chargé de l'exécution du plan dans un registre d'exécution joint au compte de son mandat. Le compte et le compte-rendu de l'exécution sont remis au juge à l'issu du mandat. Le juge statue sur les contestations et règle définitivement le compte.» Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 29

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Annexes LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES - M. Dominique Braye, Président de l ANAH ; - M. Yves Rouquet, Rédacteur en chef du pôle immobilier aux éditions Dalloz ; - Mme Soraya Daou, responsable du service des études, de la prospective et de l'évaluation au sein de l'anah ; - M. Laurent Girometti, anciennement directeur technique et juridique à l'anah -actuellement sous-directeur du logement et de son financement à la Mairie de Paris ; - Mme Dunogué-Gaffier, Administrateur judiciaire ; - M. Xavier Huertas, Vice-Président du Conseil des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires ; - M. Cyril Sabatier, Avocat spécialisé en droit immobilier ; - M. Henri Deligné, délégué général - Plurience ; - M. Maurice Feferman, juriste - Foncia ; - M. Géraud Devolve, délégué général - UNIS ; - Mme Maïté Bériot, juriste - Fédération Nationale du Crédit Agricole ; - M. Fernand Champavier, Président l ARC ; - Mmes Estelle Baron et Sylvaine LE Garrec, juristes - l ARC ; - Mme Danielle Dubrac, Sabimmo, Gérante de syndic en Seine Saint Denis ; Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 31

- M. Etienne Ginot, Président - l UNIS (Union des syndicats de l immobilier). - M. Philippe RIO, Maire de Grigny - Mme Isabelle Grenouillat, Ex-Présidente du Conseil Syndical Principal de la résidence Grigny II - M. Gérard Segura, Maire d Aulnay sous-bois - Mme Latourte, collaboratrice cabinet du maire, mairie d Aulnay sousbois - Mme Annie Guillemot, Maire de Bron - M. Olivier Klein, Maire de Clichy-sous-Bois - M. Marc Ratsimba, Directeur général adjoint du Département du développement social de Clichy-sous-Bois - M. Michel Langlois, Président ADIL 93 - Mme Séverine MARSALEIX-REGNIER, Directrice de l ADIL 93 - M. Etienne Crepon, Directeur de la direction habitat, urbanisme et des paysages (DHUP) - Mme Helène Dadou, sous-directrice des politiques de l Habitat, DHUP - M. Pierre Caulet, adjoint au chef de Bureau, DHUP - M. Jean-Alain Steinfeld, Directeur Général d OSICA, entreprise Sociale pour l Habitat, - M. Pierre Sallenave Directeur général de l ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) - M. Franck Caro, Directeur - ANRU - M. Jean-François Buet, Président - FNAIM Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 32

- Mme Isabelle Goanvic, Conseillère technique civil - cabinet de Madame la Ministre de la Justice - M. Hugues Périnet-Marquet, Professeur de droit privé, Université Panthéon-Assas - Mme Catherine Masson-Daum, Conseiller à la cour de Cassation - MM. Xavier Benoist, Directeur adjoint, et Alain Mellet, chargé de mission fédération des Pact - Mme Lucy Clech, juriste et M. Denis Aucouturier, Directeur, société Citémétrie - MM. René Bresson, Expert et Nicolas Crozet, Directeur général - société Urbanis Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 33

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RAPPORT D ETAPE : du 29 janvier 2013 PREMIERES CONCLUSIONS 1. Cadre juridique Il m apparaît à la lumière de ces auditions qu il devient urgent de proposer un cadre juridique exorbitant du droit commun pour les copropriétés en danger. Tous les acteurs concernés sont sensibles à cette intention. En effet, l état de détérioration de la gestion de ces immeubles est tel qu il met sérieusement en danger la propriété privée de chacun des copropriétaires. Afin de respecter cette propriété privée, il sera donc utile de circonscrire cet état de danger pour autoriser, sous contrôle judiciaire, un certain nombre d actes. Ceci dans une définition très stricte et pour une durée évidemment limitée. Cette possibilité, qui ira bien au-delà des moyens d alerte existants (article 29-1 A et B de la loi du 10 juillet 1965) donnera tout pouvoir au gestionnaire en place pour assurer la survie de la copropriété. Plus encore dans ce cadre, les règles de majorité aux assemblées générales de copropriété doivent évoluer. En effet, je ne doute pas que vous allez proposer les modifications qui s imposent afin que les règles des articles 24 et suivants de la loi du 10 juillet 1965 ne bloquent plus des décisions de l assemblée des copropriétaires en empêchant des rénovations vitales. Dans les circonstances de danger circonscrites comme prévues ci-dessus, l expert en charge doit pouvoir écarter les obstacles Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 36

et freins venant de cette assemblée, qui a eu pour résultat la mise en danger de la copropriété. Il faut créer enfin, un cadre pour les très petites copropriétés qui ne rencontrent pas les mêmes problématiques en termes d infrastructures et de coût, mais occasionnent des difficultés particulières avec les syndics notamment. Je tiens à ajouter qu en dehors de ce cadre bien défini, un grand nombre de règles préventives doivent être mises rapidement en place. Ces techniques, qui ne relèvent pas forcément du domaine législatif, sont simples à mettre en place. Elles sont une réelle protection pour les copropriétaires. Si l examen attentif du rapport de l ANAH apporte de nombreuses solutions, je souligne plusieurs points : o des fiches signalétiques doivent être mises en place sur la copropriété en son ensemble, sur le lot du copropriétaire, au moment de l achat et lors des assemblées générales o L accessibilité aux documents comptables de la copropriété est donc fondamentale pour que le futur copropriétaire puisse se faire une idée exacte des charges qui pèseront sur lui et les inclus dans son plan de financement. o Il en va de même pour les différents diagnostiques, qui devront donc être dématérialisés permettant une meilleure circulation de l information. o Dans le même esprit d information et de simplicité : il ne doit plus être possible de dispenser les copropriétés de compte séparé. o Ceci poussera les copropriétés à accepter les fonds de roulement pour les travaux à venir. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 37

2. Saisine du juge Afin d inciter les intéressés à dénoncer les situations d urgence, le magistrat devra être saisi comme dans l esprit de la loi sur les entreprises en difficultés non seulement par le syndic, qui évidemment n est pas le mieux placé pour décider de sa turpitude, mais également par les créanciers, pouvoirs publics et les copropriétaires plus facilement que ne le prévoit la loi actuelle. Ceci permettrait d intervenir avant que la situation de la copropriété ne soit catastrophique. Bien entendu, le juge conserve la possibilité comme le prévoit l article 29-1 A et s. de désigner un mandataire ou un administrateur judiciaire avant de décider de l état de copropriété en danger. 3. Réforme de la profession d administrateur judiciaire Il s agit en l espèce de revenir à une distinction à l intérieur de la profession. En effet, la spécialisation civile ou commerciale a une particulière importance dans le cadre de la gestion des copropriétés en danger. L aspect social de la profession ne peut être écarté, et l expérience acquise en matière commerciale ne peut suffire pour gérer les situations extrêmement délicates que génèrent ces copropriétés en danger. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 38

Par ailleurs, et dans cet esprit, il est donc indispensable de constituer une liste d experts, établie par une autorité pluridisciplinaire, sur laquelle le magistrat aura la possibilité de choisir la personne la plus appropriée pour conduire la copropriété en danger dans son «redressement». L état exorbitant du droit commun impose un respect des règles ainsi qu une connaissance de la matière hors du commun. Cet expert ne serait pas obligatoirement un administrateur judiciaire. Il serait même souhaitable qu il soit issu de l établissement opérateur désigné dans le cadre d un plan de redressement. (Il serait légitime de revoir la procédure de «sauvegarde» au bénéfice d un plan de redressement.) En effet, il est nécessaire d établir des relations nouvelles entre l administrateur et les interlocuteurs de la copropriété. Lorsque de l argent public entre dans la copropriété, ce qui est toujours le cas avec ces copropriétés en danger, les relais préfectoraux et communaux doivent avoir facilement accès au dossier, pas seulement après de longues négociations avec l administrateur et le magistrat 4. Portage La création d un outil spécifique de portage pour le cas de ces copropriétés en danger me paraît bienvenue. Il est pressant d aller plus loin que l existant. Il serait illusoire d espérer redresser une copropriété en danger en vendant aux enchères au tribunal les lots expropriés car Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 39

l arrivée des marchands de sommeil et des marchands de biens indélicats aggrave l état de la copropriété. A ce sujet, nous proposons que, dans ce cadre de copropriété en danger un propriétaire débiteur ne puisse pas acheter un nouveau lot dans cette copropriété, soit directement soit dans le cadre d une SCI. Mission parlementaire Claude Dilain copropriétés en danger Page 40