63((&+ 03KLOLSSH%XVTXLQ Membre de la Commission européenne en charge de la recherche /(XURSHODVDQWpHWODUHFKHUFKH Conférence "Santé pour tous dans le monde" 3DULVOHMXLQ
Mesdames, Messieurs, Le titre de cette première session le souligne de la façon la plus claire : la santé, aujourd'hui, est une question politique majeure au niveau mondial. Elle doit le devenir davantage encore, pour tous, dans l'avenir. En guise de contribution à la réflexion sur ce thème, je voudrais vous présenter quelques éléments de réponse à la question suivante : que l'europe peut-elle faire, doit-elle faire, fait-elle déjà effectivement pour la santé dans le monde? J'illustrerai mon propos par quelques exemples liés à la recherche. /DVDQWpXQHQMHXSROLWLTXH Pour quelles raisons la santé a-t-elle acquis le caractère d'une question politique? J'en vois trois, ou plutôt trois grandes catégories. La première est le poids croissant des questions de santé dans la société mondiale d'aujourd'hui. Après plus de cent ans de progrès continus et de découvertes scientifiques spectaculaires, la maladie n'est pas une réalité du passé. Vingt ans après l'éclatement de l'épidémie, le sida se répand à l'échelle mondiale, tout particulièrement dans les pays en développement. Et dans ces pays, les moins capables économiquement de lutter contre le fléau, de grandes endémies comme la malaria, la tuberculose ou la maladie du sommeil, continuent à tuer par millions. La persistance et le développement de tels problèmes de santé publique dans les régions les plus pauvres du monde, la forme extrême qu'ils y prennent du fait, notamment, de la malnutrition, sont inacceptables. Cette inégalité face à la maladie est une profonde injustice. Le malheur d'origine naturelle est choquant. Celui qui a racines dans les comportements humains l'est davantage, parce qu'il pourrait être évité. Il appelle à la fois les mesures permettant de briser le cercle vicieux du sousdéveloppement et des actions concrètes de solidarité. Par ailleurs, dans les pays développés, le cancer, de mieux en mieux maîtrisé, continue à faire des victimes. Et dans une population vieillissante, les maladies dégénératives pèsent de plus en plus lourd. Dans ce contexte, toutes les sociétés sont confrontées à l'augmentation continue des coûts de développement de nouveaux médicaments, au poids de plus en plus élevé des dépenses de santé sur les finances publiques, à la complexité de problèmes de santé publique liés à de nombreux facteurs interdépendants. Tel est en effet le deuxième aspect de la dimension politique des questions de santé : la santé, aujourd'hui, concerne des secteurs de plus en plus nombreux de l'action publique. L'éducation, bien sûr, mais aussi la réglementation de la publicité, par exemple du tabac, celle de l'utilisation de certaines substances ou de certaines pratiques, notamment en matière d'élevage et d'alimentation : songeons ici à la maladie de la "vache folle". 2
Mais sont aussi concernées les politiques du logement et en matière d'urbanisme, plus particulièrement dans les pays en développement, les politiques démographiques et relatives au déplacement des personnes et des populations, etc. Ceci sans parler des questions éthiques, classiques comme celles des conditions d'expérimentation médicale, ou nouvelles comme celles liées aux percées récentes de la génétique. La troisième raison est la suivante : les aspects individuels et privés de la santé d'un côté, publics et politiques de l'autre, ne sont plus aussi séparés qu'ils l'étaient par le passé. Les citoyens ne sont plus confinés au rôle de sujets passifs des politiques de santé. Ils prennent une part active dans celles-ci, par l'intermédiaire par exemple des associations de patients. Et la santé est devenue un thème de débat public, impliquant pleinement la société civile, comme le montre le rôle croissant des ONG. /HVDWRXWVGHO(XURSH J'en viens à présent plus directement à la contribution de l'europe à l'amélioration de la santé dans le monde. L'Europe entretient de longue date des relations soutenues avec les pays du Sud. Avec ceux-ci, elle a établi un tissu solide de collaborations en matière d'aide au développement et de recherche. De quels atouts dispose-t-elle dans le domaine qui nous occupe? J'en mentionnerai trois. Premièrement, un potentiel de recherche médicale de premier plan. L'Europe possède plusieurs des plus prestigieuses institutions de recherche dans le monde dans ce domaine, et ses chercheurs produisent près de 40 % de ce qui se publie sur ce thème. Dépenses publiques et privées confondues, elle consacre plus de 30 milliards d'euros par an à la recherche médicale. Deuxième atout, de puissantes capacités en matière pharmaceutiques. Des 10 groupes industriels qui consacrent le plus de moyens à la recherche dans le monde, 5 sont européens. Et même s'il n'est pas encore aussi important qu'on le souhaiterait, le nombre de petites sociétés "start-up" spécialisées, qui a fortement crû au cours des dernières années, ne cesse d'augmenter en Europe. Troisièmement, je soulignerai la solide tradition européenne en matière de politiques de santé et de protection sociale. Entre les systèmes en vigueur dans les différents pays européens, des différences s'observent indubitablement. Mais suffisamment de points communs existent. L'approche liée à cette tradition a fait les preuves de son efficacité, et de sa capacité à assurer un niveau élevé de santé publique dans le respect des individus et de leur dignité. Dans mon esprit, cette tradition est un élément du patrimoine mondial. Elle pourrait et devrait servir de source d'inspiration pour d'autres. 3
Une remarque pour conclure : j'ai jusqu'ici parlé de "l'europe". En employant ce mot, je pensais à l'europe en général, l'ensemble des pays européens. Pas nécessairement à l'union européenne. L'Europe n'est cependant jamais aussi forte et n'agit jamais de manière aussi efficace que lorsqu'elle opère de manière unie et cohérente. Ceci est notamment vrai dans son dialogue avec le reste du monde et sa contribution à la résolution des problèmes planétaires. Sur ce plan, l'union européenne, du fait de sa représentativité politique et des instruments dont elle dispose, peut jouer un rôle important. /DFWLRQGHO(XURSHWURLVH[HPSOHV Comme annoncé, j'évoquerai à présent la contribution concrète de l'europe à la santé dans le monde. Je le ferai à l'aide de trois exemples liés à la recherche. Le premier est celui de la recherche dans le domaine de la génomique. Le 15 février dernier, la première carte complète du génome humain était solennellement publiée. Elle est le produit de plusieurs années d'efforts au plan mondial, auxquels les Européens ont contribué pour à peu près un tiers du séquençage total. Le décryptage des trois milliards de paires de bases du génome de l'homme ne représente cependant qu'un premier pas sur le chemin de la mise au point de médicaments ou de vaccins. C'est tout l'enjeu de la recherche dite "post-génomique", qui recèle un potentiel considérable pour la lutte contre de nombreuses affections. Les Européens entendent contribuer à cette entreprise de manière plus marquée et plus cohérente qu'ils l'ont fait pour la première phase. Le prochain programme de recherche de l'union européenne prévoit une action substantielle dans ce domaine, qui devrait aider à coordonner l'ensemble des efforts menés sur ce thème dans les pays européens. Ces efforts, les Européens les mèneront dans le respect des valeurs auxquels ils sont attachés, et dans le souci qu'ils bénéficient à tous. Les inventions doivent être suffisamment protégées pour stimuler la mise en valeur des découvertes. Mais le principe de libre accès aux connaissances est un de ceux que l'europe doit défendre. Le même raisonnement s'applique en matière éthique, domaine où les développements de la génétique suscitent de nombreuses interrogations. Différant parfois dans l'appréciation de certains problèmes particuliers, les Européens partagent néanmoins un certain nombre de valeurs fondamentales, qu'ils s'efforcent de défendre et de promouvoir. Le deuxième exemple concerne un aspect clé de la recherche et des politiques de recherche : les chercheurs. Depuis toujours, l'europe accueille une grande quantité d'étudiants du reste du monde, plus particulièrement des pays du Sud. 4
La volonté se manifeste aujourd'hui d'accroître la quantité de chercheurs de ces pays séjournant en Europe, plus particulièrement dans le cadre des actions de l'union européenne et à l'aide de celles-ci. Depuis dix-huit mois, l'europe est engagée dans un projet ambitieux : la réalisation d'un véritable Espace européen de la recherche, né d'une meilleure coordination des activités et des politiques de recherche nationales, entre elles et avec celles de l'union européenne. Cet Espace est conçu, non comme un territoire fermé, mais comme ouvert sur le reste du monde. Dans cet esprit, la plus grande partie des futurs programmes de recherche de l'union européenne seront accessibles à la participation de chercheurs et d'organisations de tous les pays du reste du monde. Il est aussi prévu de mettre en place un système de bourses pour chercheurs de pays tiers désireux de venir mener des recherches en Europe, ou d'y compléter leur formation. Dans le cas de chercheurs des pays en développement, ces bourses pourront être assorties de mesures d'assistance au retour au pays. Contribuant à l'effort de recherche européen en mettant leur talent à son service, ces chercheurs pourront donc ainsi faire bénéficier leur pays d'origine des connaissances et des compétences acquises dans les laboratoires européens, une fois de retour chez eux. Le troisième exemple est particulièrement représentatif du type de contribution que l'europe peut apporter à la santé dans le monde, en une manifestation concrète de solidarité. Il concerne en effet la lutte contre les maladies infectieuses liées à la pauvreté. Comme vous le savez, trois de ces maladies, la tuberculose, le sida et la malaria, font l'objet d'un effort particulier au plan mondial. L'Europe, par l'intermédiaire de l'union européenne, contribue à cet effort de manière substantielle. Au mois de février dernier, la Commission européenne, soutenue par les Etats Membres de l Union, a présenté un Plan d'action qui comprend des initiatives dans les domaines de la coopération au développement, du commerce et de la recherche. Au niveau de la recherche, nous mettons en place une "plate-forme" d'essais cliniques, pour le développement de médicaments et de vaccins adaptés aux besoins des pays du Sud. Conçue de manière à fédérer les efforts menés dans le cadre de programmes nationaux et de programmes industriels, cette plate-forme sera exploitée en liaison étroite avec les pays du Sud. Mais le plan prévoit aussi des incitants financiers à la recherche dans le secteur privé et un effort spécial dans le cadre de la politique d'aide au développement pour financer des essais cliniques dans les pays en voie de développement, entraînant des renforcements d infrastructures et de capacités de recherche sur le terrain. 5
En liaison étroite avec les autorités européennes, plusieurs grands industriels européens de la pharmacie se sont par ailleurs engagés à vendre aux pays en développement des médicaments au prix coûtant ou à des prix fortement réduits. Et la Commission s'emploie à promouvoir, au sein de l'omc, une interprétation des accords en matière de propriété intellectuelle, dits accords "Trips", favorable aux pays frappés par ces maladies. &RQFOXVLRQ Cette dernière remarque me ramène à mes réflexions initiales. Dans un contexte de relations internationales de plus en plus serrées, enchevêtrées et complexes, tout effort pour améliorer la santé dans le monde implique des initiatives sur plusieurs plans. Sur la scène internationale, l'europe joue un rôle significatif dans de nombreux domaines. Dans celui de la recherche, elle s'efforce de se présenter de manière plus unie, pour agir avec plus d'efficacité. Ainsi que je l'ai montré, elle a pris récemment plusieurs initiatives qui devraient lui permettre d'aider à résoudre des problèmes qui appellent la collaboration et une solidarité mondiale. Dans l'esprit des quelques exemples que j'ai donnés, bien d'autres actions concrètes devraient être engagées. Mon vœu est qu'elles le soient très rapidement, et je m'emploierai en ce sens. 6