REGION CENTRE CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL REGIONAL Séance plénière du 17 octobre 2003 PROJET DE CONTRAT DE SITE ROMORANTIN-LANTHENAY / SALBRIS Le Conseil économique et social régional, Vu le code général des collectivités territoriales et notamment ses articles L 4134-1 et suivants ; Vu le décret n 2001-731 du 31 juillet 2001, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la composition et au renouvellement des conseils économiques et sociaux régionaux ; Vu le rapport du Président du Conseil régional sur le «Projet de contrat de site Romorantin- Lanthenay/Salbris» ; Vu l avis de la Commission Permanente ; Monsieur René BEYRIE, rapporteur, entendu ; DELIBERE Le CESR a été saisi pour avis par le Président du Conseil régional sur le projet de contrat de site du bassin d emploi de Romorantin. Ce dispositif initié par l Etat et coordonné par le Préfet de Loir-et-Cher, dans une période où l on prône la décentralisation, a pour ambition d identifier et de mettre en œuvre des actions à court et moyen terme pour amplifier les processus de création d emplois et de reconstituer la dynamique économique d un territoire sinistré par la fermeture de l usine Matra de Romorantin. A partir du mandat donné au Préfet de Loir-et-Cher par le Comité Interministériel d Aménagement du Territoire (CIADT) du 26 mai 2003, ce projet a été débattu le 11 juillet dernier avec l ensemble des partenaires concernés et sera soumis à la signature des collectivités locales. Le Conseil Général de Loir-et-Cher a d ores et déjà décidé de ratifier le document. Le Président de l Exécutif régional se propose de le faire sous certaines réserves. 1
LE PERIMETRE CONCERNE Le périmètre du Contrat de Site est centré sur les cantons de Romorantin Nord et Sud, les plus fortement touchés par la crise et s étend au pays de la vallée du Cher et du Romorantinais et à celui de Grande Sologne. Il comprend enfin trois cantons du nord de l Indre (Saint Christophe en Bazelle, Valençay et Vatan). Si le périmètre retenu est présenté comme un espace cohérent en termes d aménagement du territoire et d identité tant économique que culturelle, il ne répond que d une manière partielle à l onde de choc provoquée par la fermeture de Matra Automobile, dont les effets en matière de sous-traitance continuent à se faire sentir bien au-delà des limites de ce territoire. Pour le CESR, cette situation, qui affecte la principale filière économique régionale en termes d emplois, devra être prise en compte dans le futur projet concernant la filière automobile en région Centre. Les difficultés actuelles que rencontre la sous-traitance automobile, mais aussi celles en devenir, compte tenu des profondes mutations économiques et technologiques rencontrées par ce secteur d activité, justifient la mise en place d un plan stratégique d adaptation comparable à l action ARES conduite pour la diversification des industries d armement. UN TERRITOIRE SINISTRE La fermeture de Matra Automobile, annoncée le 5 mars 2003, voit la disparition du premier employeur régional. Au plus fort de la production de l Espace, le constructeur automobile a employé jusqu à 3000 salariés. Début 2001, l usine employait encore 2670 personnes représentant environ un tiers de l emploi industriel de la zone d emploi de Romorantin. La baisse d activité puis la fermeture de Matra Automobile ont également eu des conséquences sur la sous-traitance. On estime à environ 500 le nombre d emplois perdus dans ce secteur dans la zone d emploi. L onde de choc est, par ailleurs, loin d être terminée. C est ainsi que le rachat par le groupe italien Ranger Plast de Matra Venture Composite à Theillay, filiale à 50% de Matra Automobile, va se traduire par une nouvelle suppression de 150 emplois. La fermeture de Matra Automobile intervient sur un territoire déjà fortement fragilisé par la disparition des activités de défense dans la région de Salbris, qui aura ainsi perdu 1600 emplois au cours des 15 dernières années, et par la perte, depuis 1995, de 700 emplois dans les secteurs de la confection et de l agro-alimentaire du nord de l Indre. Ce bassin d emploi se trouve donc confronté à un véritable sinistre. Le très faible taux actuel de reclassement des salariés licenciés aura pour conséquence rapide d aggraver une tendance déjà lourde du chômage, avec pour corollaire l amplification de situations de précarité et d exclusion. De ce point de vue, le CESR regrette que le projet ne prenne pas suffisamment en compte cette dimension sociale. Il déplore, en particulier, l absence de politique forte en faveur des services publics afin d assurer la cohésion sociale de ce territoire. UNE ABSENCE D ANTICIPATION PREJUDICIABLE Les risques pesant sur Matra Automobile (mono-produit et mono-client) et l intention de Renault de mettre fin au contrat de l Espace étaient connus depuis plusieurs années. Le CESR, pour sa part, avait alerté publiquement les pouvoirs publics à l occasion de deux communications présentées les 2 juillet 2001 et 18 octobre 2002, dans lesquelles il déplorait, en particulier, l absence d anticipation et l incapacité des acteurs locaux à «créer une véritable synergie autour de ce dossier». Le projet de contrat de site intervient dans le cadre d une gestion de crise, qui aurait pu être devancée et atténuée par la mise en place d une stratégie de prévention. 2
LE FINANCEMENT Le plan de financement proposé mobilise sur 3 ans 42 millions d euros. Il fait intervenir aux côtés de l Etat qui a décidé de flécher 5,2 millions d euros provenant du Fonds national d aménagement et de développement du territoire (FNADT), les collectivités locales (Région et Département de Loir-et-Cher) à partir de leurs politiques territoriales et sectorielles à hauteur de 17 millions d euros et l entreprise Matra automobile à hauteur de 7 530 000 euros provenant de la convention signée avec l Etat au titre de l article 118 de la Loi de modernisation sociale. Le dispositif pointe la responsabilité de Matra mais désengage celle de Renault, la situant au simple échec commercial de l Avantime. La décision de Renault, dont l Etat est actionnaire, de fabriquer la quatrième génération de l espace dans l une de ses usines à Sandouville et son désengagement dans la commercialisation de l Avantime sont directement à l origine de la fermeture de Matra automobile. La reconnaissance de sa responsabilité aurait permis de dégager des moyens supplémentaires pour la restructuration du territoire. Le CESR a toujours estimé que les grands groupes ont des responsabilités à l égard des territoires qui les ont accueillis et ont contribué à leur prospérité. Il considère donc que les groupes Lagardère et Renault, au-delà du contrat de site de Romorantin, doivent s impliquer dans la restructuration de la filière automobile régionale qu ils ont contribué à fragiliser. Le CESR constate, par ailleurs, que les seuls financements nouveaux reposent sur l enveloppe additionnelle de 4 millions d euros dégagée par l Etat lors du CIADT du 26 mai 2003 et sur la contribution de Matra automobile au titre de ses obligations légales. Le reste du financement est constitué par redéploiement des lignes budgétaires du Contrat de plan Etat-Région et des fonds structurels européens ainsi que de certaines politiques territoriales. En particulier, il reprend des mesures déjà validées lors de précédentes étapes, telles, par exemple le CIADT de juillet 2001 en faveur de Salbris. Pour sa part, la Région envisage de rendre éligible la totalité du territoire de la commune de Romorantin à sa politique du Fonds Sud. Le CESR émet des doutes sur la capacité de ce plan financier à répondre à la forte problématique de ce territoire. Il souligne en particulier la modestie de la contribution de l Etat par rapport à l affichage fait par ce dernier en faveur de la restructuration des territoires en difficulté. Il craint, par ailleurs, que le croisement des financements, qui rend peu lisible le dispositif, nuise à la cohérence du projet. Il regrette, enfin, le manque d anticipation de la crise. La multiplicité des aides liées à l éligibilité du territoire à plusieurs zonages ou dispositifs d intervention permettaient, sans attendre le contrat de site, d engager la plupart des orientations stratégiques ; en effet, la plupart des actions répond à des procédures déjà existantes et finançables. LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES Le territoire retenu a donné lieu à un premier diagnostic, qui recense ses atouts et ses faiblesses, de manière à orienter en conséquence les actions stratégiques à conduire pour favoriser sa redynamisation. Le diagnostic ainsi réalisé a permis de dégager quatre grandes orientations stratégiques : 1/ DEVELOPPER LA FORMATION POUR L EMPLOI, avec la mise en place de deux actions prioritaires : la construction d un pacte territorial pour l emploi et la création à Romorantin d une plate-forme de coordination en ressources humaines. 3
Le pacte territorial pour l emploi est un dispositif inscrit dans le DOCUP objectif 2 (mesure 12). Plusieurs territoires ont déposé des dossiers. Ici, également, on aurait pu gagner du temps en engageant plus tôt cette mesure. Pour le CESR, ces deux dispositifs, qui visent à la nécessaire recherche d adéquation emploi/formation ne produiront les effets escomptés qu autant qu ils s inscriront dans une stratégie claire et affichée en matière économique pour le territoire. Comment, en effet, adapter la formation en l absence de stratégie de développement? De ce point de vue, une volonté d anticipation est nécessaire, qui semble faire défaut dans le document. La stratégie doit, en particulier, prendre en compte la nécessité de maintenir un tissu industriel si l on veut pouvoir y adosser des activités de services. En première démarche, la plate-forme s oriente vers un traitement immédiat basé sur le tissu actuel du bassin. On ne peut qu être sceptique sur ses capacités actuelles à répondre à un tel afflux de salariés en recherche d emploi. Pour le CESR les mesures proposées seront longues à produire leurs effets et devront en conséquence être poursuivies au-delà du délai de trois ans. En outre, il est indispensable d'inscrire les actions dans un cadre dynamique et porteur d'espoir pour l'avenir pour éviter tout risque de désappétence scolaire, notamment dans la formation initiale. L offre de formation devra passer, en particulier, par les TIC. Le CESR estime donc que la plate-forme de coordination devra intégrer cette dimension et prévoir l accompagnement de formations à distance en fonction des besoins des bénéficiaires. Enfin, le diagnostic, au-delà de la situation préoccupante de l emploi, pointe la faiblesse du niveau général de formation et de qualification sur ce territoire. 2/ STIMULER L ECONOMIE : il s agit par une mise en réseau de mobiliser l ensemble des outils disponibles pour le soutien au développement des entreprises en s appuyant à la fois sur les entreprises existantes et sur la prospection. Ce volet évoque des axes d intervention et reprend un certain nombre de dispositifs existants. A défaut d une véritable stratégie de développement économique, le CESR craint, là encore, que l alignement des moyens recensés n aboutisse à des actions dispersées. Le réseau de développeurs est une logique de bon sens et d efficacité qui devrait s imposer partout. L appui aux entreprises n est rien de plus que la mobilisation des outils existants. Le CESR insiste pour que la dimension de l innovation, dont on sait qu elle est aujourd hui une des voies de la création d emplois et de richesses, soit davantage prise en compte. Un dispositif de type ARES en faveur des entreprises sous-traitantes de Matra automobile aurait ici toute sa place. La filière «aménagement de magasins» identifiée en tant que SPL à développer répond t-elle à une réelle opportunité de développement en termes de marché et à une volonté forte des acteurs locaux? Pour le CESR, il est important que l accompagnement des créateurs/repreneurs d entreprises s inscrive dans la durée et débouche sur de réelles perspectives d activité. Bien que ce point ait été soulevé lors de l'élaboration du contrat de site, le CESR regrette que le volet agricole n'ait pas été pris en compte dans les dispositions proposées. 4
Enfin, concernant le développement exogène, le CESR regrette une nouvelle fois qu il ait fallu attendre un contexte de crise pour que soit coordonnée l action de l ADELEC et de ROMA autour de moyens existants (l AFII via CENTRECO). Il estime, en outre, qu un tel axe ne saurait produire d effet sans une véritable volonté politique de promotion du territoire. Aussi, souhaite t-il que le projet intègre une stratégie forte de communication visant à valoriser l image de ce territoire affectée par les conséquences de la crise. 3/ RENFORCER L ATTRACTIVITE DU TERRITOIRE Pour le CESR, l effort important consacré à l offre d immobilier d entreprises ne doit pas se traduire par des phénomènes de concurrence sur le territoire. Une véritable stratégie d accueil doit, en outre, être élaborée pour éviter de succomber au mythe des zones d activités facteurs à elles seules d attractivité. La poursuite du désenclavement routier et ferroviaire est déterminant pour le redéploiement de ce territoire et nécessite l engagement, en particulier par l Etat, des opérations structurantes prévues au contrat de plan. Il en va de même pour le volet TIC. Le CESR entend insister sur l urgence de doter le territoire en haut, très haut et moyen débits afin d en renforcer l attractivité dans des délais très brefs. La reprise par le Département de Loir-et-Cher de l option régionale de capillarité permettrait de gagner un temps précieux, sans pour autant remettre en cause la décision de ce dernier de rechercher des voies complémentaires pour faciliter l accès des entreprises au haut et très haut débits. 4/ CONFORTER L ECONOMIE TOURISTIQUE Ce volet présente un dispositif qui apparaît cohérent avec une ambition affichée de valoriser l offre touristique, de mettre en réseau les acteurs et de professionnaliser les opérateurs. Il se heurte toutefois dans sa mise en œuvre à la faiblesse de l enveloppe financière allouée par le CIADT (500 000 euros) pour le développement de l offre d hébergement touristique. De même, le projet de Parc Naturel Régional de Sologne semble pâtir, sur le terrain, d un manque de synergie préjudiciable au développement d une véritable économie du tourisme sur le territoire. Le CESR appelle au réalisme sur les retombées du développement touristique dans la mesure où la région Centre, malgré ses atouts patrimoniaux, reste à une place relativement modeste. Le CESR ne peut que se féliciter que le bassin de Romorantin, compte tenu de sa situation, ait été rendu éligible au dispositif de contrat de site. Il émet, toutefois, des réserves sur la capacité du plan d action proposé à répondre à l intensité de la crise, que ce soit en termes de moyens financiers ou d approche stratégique. Il met en garde, en particulier, contre un risque de dispersion des crédits et insiste pour que ceux-ci soient affectés exclusivement à des actions structurantes en faveur de la formation et du développement économique. Eu égard à la proximité du département du Cher, et plus particulièrement du bassin de Vierzon, Il insiste également pour que les acteurs s'attachent à travailler en cohérence avec le contrat de site de Bourges. 5
L absence d anticipation relevée dans l avis place le bassin d emploi dans une impasse dont il mettra longtemps à sortir. Il s agit maintenant, au travers des perspectives affichées, de redonner rapidement espoir à un territoire en plaçant l homme au cœur des décisions. Une telle situation ne doit plus se reproduire et a déjà conduit le CESR à préconiser l élaboration d une véritable stratégie régionale de veille et d anticipation économiques, notamment par la mise en place d un observatoire régional des risques et des opportunités économiques. Le contrat de site doit également être un préalable à une réflexion stratégique globale en faveur des territoires du sud de la région, trop souvent confrontés à des opérations de redynamisation dispersées et qui posent le problème de la capacité de la région à s adapter aux évolutions. Un des éléments forts de ce dispositif réside, selon le CESR, dans la volonté affichée de mobiliser et de coordonner l action des acteurs du territoire. De ce point de vue, le rôle du chef de projet sera déterminant dans la mise en œuvre et la réussite des projets. Une telle démarche implique une réelle concertation avec l ensemble des acteurs concernés et une réactivité du dispositif à partir d une évaluation continue, tant quantitative que qualitative, des actions conduites. Le CESR réitère donc son souhait d être associé au pilotage de ce contrat de site, contrairement à ce qui a eu lieu pour son élaboration. Xavier BEULIN 6