UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE RÉDUCTION DE LA DETTE QUI FAIT FI DES DIFFICULTÉS DES PROVINCES? Marcelin Joanis C est la prudence budgétaire plutôt que le remboursement de la dette qui constitue le principal mérite de l approche fédérale en matière budgétaire. À ce chapitre, le premier budget Goodale ne fait que reconduire une recette éprouvée et c est ce qui permet de croire réaliste l objectif de ramener le ratio dette-pib de 48 p. 100 à 25 p. 100 dans 10 ans. Toutefois, quoique positif, ce bilan fédéral ne représente qu une partie du problème de la dette publique au pays, et il serait prématuré de se réjouir, observe Marcelin Joanis, car la situation des provinces est préoccupante. Ce décalage illustre les limites d une politique budgétaire fédérale menée en vase clos et soulève des questions pressantes sur l état des institutions fédérales canadiennes. Faute d impliquer les provinces dans les grandes orientations de la fédération, le risque est grand de voir à nouveau les finances publiques déraper, dans les provinces cette fois-ci. En attendant la reprise des discussions, celles-ci devraient envisager avec beaucoup de circonspection la vente d actifs publics pour tenter de reprendre le contrôle de leurs finances car les revenus tirés des sociétés d État constituent une source de revenus cruciale pour elles. The great merit of the federal budgetary approach is its prudence, rather than its repayment of the debt. By this token, the first Goodale budget pursued a proven recipe, and that is what makes the objective of bringing the debt-gdp ratio down from 48 percent to 25 percent in 10 years seem a realistic one. Nevertheless, says Marcelin Joanis, this federal balance sheet represents only a part of the country s pubic debt problem. Though the federal performance should be applauded, it would be premature to celebrate because the situation in the provinces is worrying. This discrepancy illustrates the limits of a federal budgetary policy conducted in a vacuum, and raises pressing questions about the state of Canadian federal institutions. If we don t involve the provinces in the broader policy issues of the federation, there is a serious risk that we will see federal finances veer off track again, this time in the provinces. And while waiting for a new round of talks, the latter should think very carefully before selling off their public assets in an attempt to regain control of their finances. L approche retenue dans le premier budget Goodale n est pas sans rappeler celle des premiers budgets Martin : - priorité à la prudence budgétaire et peu d accent sur les relations financières fédérales-provinciales. À la première enseigne, deux mesures ont retenu l attention. D abord, l annonce d une cible d endettement à 25 p. 100 du PIB d ici 10 ans, et celle de la liquidation de la participation du gouvernement dans Pétro-Canada. Une telle vente d actifs dégage des sommes importantes aujourd hui, ce qui en fait un moyen privilégié pour maintenir le cap sur le remboursement de la dette. C est bien connu, la situation financière du Canada au début des années 1990 était bien peu enviable : déficits structurels, service de la dette ronflant, ratio dette/pib parmi les plus élevés de l OCDE. La dette fédérale représentait 68 p. 100 du PIB en 1995. Elle compte aujourd hui pour environ 42 p. 100 du PIB, une amélioration remarquable. Alors que les États-Unis et plusieurs pays européens enregistrent d important déficits annuels, la position du Canada se distingue nettement, ce qui est de bon augure pour notre avenir économique. 26
Toutefois, cette réduction de 26 points de pourcentage n a que peu à voir directement du moins avec les sommes que le gouvernement fédéral a affectées au remboursement de la dette au cours des dernières années, et beaucoup à voir avec la croissance économique sans précédent que le pays a connue à la fin des années 1990. Ce constat soulève la question suivante : faut-il littéralement rembourser la dette ou suffit-il de tabler sur la croissance économique pour que son poids relatif diminue? Alors que le gouvernement fédéral a adopté la première stratégie, le gouvernement du Québec dans le discours du moins a adopté la seconde, à l instar de la plupart des provinces. Le principal mérite de l approche du gouvernement fédéral ne tient pas tant aux remboursements que celui-ci accomplit année après année. Le succès de l approche fédérale tient à son accent sur la prudence budgétaire : éviter les dérapages. Les prévisions économiques retenues par Ottawa sont généralement conservatrices, c est connu. S ajoutent à cela la «réserve pour éventualités» et la «mesure de prudence économique». Au total, le gouvernement s assure chaque année contre les aléas de la conjoncture et, jusqu ici, le résultat est impressionnant : malgré un environnement économique particulièrement mouvementé depuis 2000, les réserves budgétaires ont absorbé les coups durs et le cap a été maintenu sur la réduction du fardeau de la dette. La logique est simple : lorsque les temps sont durs, viser le «déficit zéro» (et donc ne rien ajouter à la dette) ; lorsque le soleil Alors que le gouvernement fédéral s engage dans une lutte à finir avec sa part de la dette nationale, les provinces se spécialisent dans une navigation dans le brouillard qui laisse bien peu de place à la prudence budgétaire. S il persiste, ce décalage institutionnel laisse présager des conséquences fâcheuses pour l avenir. Parmi les risques de cette approche, notons l échec même de la politique de prudence budgétaire poursuivie par le gouvernement fédéral et une inadéquation croissante entre les priorités des Canadiens et les priorités de l ensemble de leurs gouvernements. revient, rembourser. Le gouvernement s assure ainsi de ne jamais prêter le flanc à un retour à une spirale déficitaire. Le gouvernement envisage maintenant de ramener le ratio dette/pib de 48 p. 100 à 25 p. 100 en 10 ans, soit une réduction additionnelle de 23 points de pourcentage. Il s agit d un objectif similaire à ce qui a été accompli au cours de la dernière décennie (une réduction de 26 points). La cible de 25 p. 100 fait par ailleurs l objet d un certain consensus parmi les spécialistes canadiens de la question. Ainsi, pour peu que la crois- Une véritable politique de réduction de la dette sance économique soit au rendez-vous, l objectif apparaît réaliste. Àpremière vue, on ne peut qu applaudir les succès fédéraux. Or, le Canada n est pas un pays tout à fait comme les autres. Sa structure fédérale caractérisée par des ordres de gouvernement «souverains» dans des champs de compétence souvent distincts fait en sorte qu on ne peut analyser les succès du gouvernement fédéral sans se préoccuper de ce qui se passe au sein des administrations provinciales et territoriales, À première vue, on ne peut qu applaudir les succès fédéraux. Or, le Canada n est pas un pays tout à fait comme les autres. Sa structure fédérale caractérisée par des ordres de gouvernement «souverains» dans des champs de compétence souvent distincts fait en sorte qu on ne peut analyser les succès du gouvernement fédéral sans se préoccuper de ce qui se passe au sein des administrations provinciales et territoriales, qui sont également responsables du palier suivant les gouvernements locaux. qui sont également responsables du palier suivant les gouvernements locaux. À l exception de l Alberta, qui bénéficie de la manne pétrolière, les provinces n ont pas jusqu à présent réussi à se doter d un système de prudence budgétaire semblable à celui du gouvernement fédéral. Bien que le ratio de la dette provinciale/territoriale au PIB ait légèrement diminué depuis 1995 et que la plupart des provinces aient réussi à dégager des surplus modestes au sommet du dernier cycle économique, leur situation est aujourd hui préoccupante. De l avis même du ministère fédéral des Finances, le déficit consolidé des provinces et territoires atteindra 5 milliards de dollars pour 2003-2004. Le contraste actuel entre les difficultés des provinces et les succès du gouvernement fédéral sur le plan des finances publiques illustre avec éloquence deux réalités : d une part, l insuffisance du «déficit zéro» comme politique de prudence budgétaire et, d autre part, les réalités différentes auxquelles font face les deux ordres de gouvernement. Tel que cela a été documenté par la Commission sur le déséquilibre fiscal du Québec et par de nombreux travaux de chercheurs canadiens, les POLICY OPTIONS APRIL 2004 27
Marcelin Joanis responsabilités des provinces et du gouvernement fédéral se distinguent par la nature des dépenses respectives qu elles engendrent. Alors que les provinces sont directement responsables de la gestion de grands réseaux de prestation de services à la population (santé, éducation, routes, etc.), l essentiel du budget fédéral est consacré à divers programmes de transferts. Notre propos n est pas ici de discuter de l importance relative des programmes gérés par un ordre de gouvernement ou l autre, ni de leur impact direct sur les individus. Cependant, l expérience des dernières années nous montre qu il est plus difficile des limiter la croissance des dépenses des grands réseaux comme celui de la santé (si une telle chose est souhaitable) que de limiter les paramètres des différents programmes de transferts aux individus, entreprises et autres paliers de gouvernement. Il en résulte des dynamiques de dépenses différentes. En conséquence, les projections de revenus et de dépenses des deux ordres de gouvernement (qu effectue notamment le Conference Board du Canada) montrent généralement des surplus croissants pour le gouvernement fédéral et des déficits croissants pour les provinces. Plus qu une illustration d une dynamique différente des revenus et des dépenses des deux ordres de gouvernement, ces évolutions diamétralement opposées illustrent les risques pour le gouvernement fédéral de mener une politique de prudence budgétaire en vase clos. Si les gains du gouvernement fédéral sont annulés par des déficits accumulés dans les provinces, bien peu de progrès auront été accomplis. Certes, le Parti libéral du Canada ne s est jamais caché de vouloir privilégier le gouvernement fédéral comme le premier gouvernement des Canadiens. Compatible avec cette vision de la fédération, l approche Martin-Goodale l est également avec le fait que le gouvernement fédéral est presque deux fois plus endetté que l ensemble des gouvernements provinciaux. Si un certain rééquilibrage peut se justifier dans cette perspective, l évolution actuelle de la situation des deux ordres de gouvernement est inquiétante et soulève des questions pressantes sur l état des institutions fédérales canadiennes. Alors que le gouvernement fédéral s engage dans une lutte à finir avec sa part de la dette nationale, les provinces se spécialisent dans une navigation dans le brouillard qui laisse bien peu de place à la prudence budgétaire. S il persiste, ce décalage institutionnel laisse présager De façon générale, la vente d actifs pour réduire la dette publique n est pas une solution aussi prometteuse qu il y paraît de prime abord. D abord, l évaluation de la santé financière d un gouvernement (par les agences de cotation, par exemple) prend en considération non seulement les passifs mais également les actifs. Si elle est correctement évaluée, la vente d un actif troque donc un actif non financier pour un actif financier. Le caractère approprié ou non d une telle opération dépend donc de façon cruciale de l utilisation faite des recettes supplémentaires ainsi dégagées. des conséquences fâcheuses pour l avenir. Parmi les risques de cette approche, notons l échec même de la politique de prudence budgétaire poursuivie par le gouvernement fédéral et une inadéquation croissante entre les priorités des Canadiens et les priorités de l ensemble de leurs gouvernements. Face au problème de la dette publique qui demeure entier pour la plupart des administrations provinciales au Canada quelle voie faut-il privilégier? Par la liquidation de ses dernières actions de l ex-société d État Pétro-Canada, le budget Goodale soulève la question : la vente d actifs publics au secteur privé constitue-t-elle une avenue prometteuse? D entrée de jeu, il faut reconnaître que, plus qu une décision purement financière, la liquidation de Pétro- Canada est une décision politique qui marque la fin d une politique énergétique controversée, principalement dans l Ouest du pays. Cependant, l aspect politique de la décision ne la discrédite pas nécessairement. De façon générale, la vente d actifs pour réduire la dette publique n est pas une solution aussi prometteuse qu il y paraît de prime abord. D abord, l évaluation de la santé financière d un gouvernement (par les agences de cotation, par exemple) prend en considération non seulement les passifs mais également les actifs. Si elle est correctement évaluée, la vente d un actif troque donc un actif non financier pour un actif financier. Le caractère approprié ou non d une telle opération dépend donc de façon cruciale de l utilisation faite des recettes supplémentaires ainsi dégagées. Schématiquement, on peut identifier cinq options qui s offrent à un gouvernement qui engrange d importants revenus supplémentaires de la vente d un actif : (1) une hausse de ses dépenses d opérations, (2) la réduction de ses autres sources de revenus, (3) le financement d investissements publics (dont les coûts sont concentrés dans le temps par définition), (4) la création de fonds spéciaux à fins déterminées, et (5) le remboursement de la dette portant intérêt. Hausser les dépenses courantes ou réduire les taxes et impôts grâce à des revenus (temporaires) provenant de la vente d actifs expose le gouvernement à une détérioration de son équilibre budgétaire à long terme. Ceci est d autant plus crucial lorsque les actifs vendus constituaient une source de revenus significative pour l État avant la vente ce qui n est pas le cas des actions de 28
Une véritable politique de réduction de la dette Le gouvernement fédéral estime que la liquidation de sa partipation dans Petro-Canada devrait lui rapporter 2 milliards $, dont un milliard sera investi dans de nouvelles technologies environnementales. Dans cette foulée, le budget de la fondation Technologies du développement durable Canada passera à 550 millions $ en 2004, une hausse de 200 millions $. CP Photo Pétro-Canada mais qui s applique d emblée à certaines sociétés d État provinciales à vocation commerciale. Quant au financement d investissements publics, il n entraîne pas en théorie de détérioration de l équilibre budgétaire à long terme, surtout s il permet d éviter le recours à l endettement pour financer les investissements en question. Par contre, cette option doit être considérée avec prudence en pratique puisque la notion même d investissement public est difficile à définir. Du point de vue des finances publiques, la vente d actifs se justifie donc seulement si elle permet d améliorer la position financière du gouvernement. En ce sens, au titre de la dette nette, la création de «fondations» ou de «caisses» à fins déterminées (à l intérieur du périmètre comptable du gouvernement) et le remboursement de passifs sont essentiellement équivalents. Leurs conséquences sur la marge de manœuvre du gouvernement diffèrent toutefois selon l écart de taux d intérêt entre les placements et les passifs du gouvernement et selon le traitement des intérêts des fonds spéciaux. Alors que la réduction de la dette réduit les paiements d intérêts annuels, l impact sur la marge de manœuvre du gouvernement des fonds spéciaux dépend des règles spécifiques régissant les décaissements. Par exemple, la mise sur pied d une «caisse santé» capitalisée en vue de dépenses liées au vieillissement de la population à effectuer dans 10 ou 20 ans n a pas d effet direct sur la marge de manœuvre du gouvernement aujourd hui (puisque les intérêts seraient réinvestis dans le fonds) tandis que le remboursement de la dette l accroît dès aujourd hui. Bien qu il soit toujours difficile de lier directement une source de revenus à son utilisation par l État, l approche privilégiée par le ministre Goodale dans le cas de Pétro-Canada peut être vue comme un hybride entre les deux dernières utilisations susmentionnées. Si une partie des profits de la vente est affectée à une fondation à vocation environnementale, les produits de la vente viennent essentiellement renflouer les réserves de prudence budgétaire. L opération est donc tout à fait compatible avec la stratégie globale du gouvernement en matière de prudence budgétaire et de remboursement de la dette, et elle ne met pas en péril l équilibre des finances publiques fédérales (d autant plus que Pétro-Canada n avait plus d impact significatif sur les revenus annuels du gouvernement). Le cas de Pétro-Canada se distingue enfin par le peu d impact économique et social de la mesure. En effet, peu de gens s opposeront aujourd hui à ce que le gouvernement fédéral cherche à se départir de ses intérêts dans la production et la distribution d essence, une mission qui POLICY OPTIONS APRIL 2004 29
Marcelin Joanis apparaît aujourd hui incompatible avec les politiques environnementales du gouvernement et les impératifs de l accord de Kyoto. C est probablement à cet égard que la vente des actions de Pétro-Canada se distingue le plus des privatisations éventuelles des grandes sociétés d État provinciales, qui œuvrent dans des marchés où le retrait de l État semble aujourd hui plus controversé : jeux et loteries, alcool, électricité, etc. Qu en est-il donc de la vente (totale ou partielle) de sociétés d État provinciales (ou d autres actifs publics) dans le cadre d une politique de remboursement de la dette? Tout dépend de la capacité du remboursement de la dette, effectué grâce aux produits de la vente, à compenser les dividendes présents et futurs des sociétés d État, sacrifiés dans l opération. En effet, contrairement à ce qui est le cas pour le gouvernement fédéral, les revenus des sociétés d État commerciales constituent un facteur crucial d équilibre budgétaire pour les provinces. Les revenus tirés de ces sociétés sont importants et, dans plusieurs cas, croissants. En contrepartie, la capacité du remboursement de la dette à générer une marge de manœuvre annuelle supplémentaire qui puisse contrebalancer les dividendes perdus est relativement incertaine (difficulté de prévoir l évolution des taux d intérêt, etc.). Le risque de détérioration de la position financière des gouvernements à long terme est donc présent ; d autant plus si les produits de la vente servent en partie à financer de nouvelles dépenses ou des réductions d impôts. La tendance du gouvernement fédéral à établir ses politiques budgétaires en vase clos expose la fédération canadienne au risque de voir à nouveau les finances publiques déraper, dans les provinces cette fois-ci. Il s agit d un exemple patent des limites des institutions de la fédération canadienne et des risques économiques et budgétaires qui sont associés à la tentation de remettre aux calendes grecques toute réouverture du «dossier» constitutionnel. En ce sens, la création récente du Conseil de la fédération permet d envisager une reprise prochaine des discussions. En ce sens, la récente décision du gouvernement du Québec de vendre certains actifs pour boucler son budget apparaît incompatible avec un objectif d amélioration de sa situation budgétaire, même à court terme. Dans la perspective d une politique de réduction de la dette, il s agit également d une occasion ratée d utiliser ces actifs pour réduire la dette portant intérêt. Par ailleurs, l impact sur le caractère soutenable des finances publiques de la vente d une société d État à vocation commerciale est étroitement lié à la capacité d en obtenir un juste prix, reflétant adéquatement les flux de revenus futurs de l entreprise. Dans le cas de plusieurs sociétés d État, d autres facteurs économiques et sociaux entrent également en ligne de compte dans le processus d évaluation du «juste prix» de l actif. L exemple d Hydro-Québec est particulièrement éloquent à cet égard. Le caractère stratégique d une entreprise détenant un tel potentiel de production, de transport et de distribution d énergie propre est évident. Comment s assurer d en tirer un juste prix? Quelle est la valeur de l indépendance en matière énergétique? Comment établir la valeur d un tel monopole réglementé? Quels sont les impacts potentiels d une privatisation sur l environnement réglementaire et concurrentiel de l entreprise une fois privatisée? Toutes ces questions débordent évidemment le cadre du présent texte. Leur exposition a toutefois le mérite de baliser les attentes que l on peut nourrir à l égard de la vente d actifs publics, notamment des sociétés d État provinciales, comme moyen de rembourser la dette publique. La réduction du contrôle public d une société d État a des impacts économiques et sociaux uniques d un cas à l autre et l évaluation de ces impacts est tout aussi sinon plus importante que l évaluation réaliste et rigoureuse de l impact de l opération sur les finances publiques. Il va également de soi que, dans une opération d une telle envergure, les bénéfices réels du remboursement de la dette doivent aussi être évalués avec parcimonie. La politique de prudence budgétaire et de réduction du fardeau de la dette articulée dans le dernier budget fédéral constitue incontestablement un pas dans la bonne direction. Cependant, la tendance du gouvernement fédéral à établir ses politiques budgétaires en vase clos expose la fédération canadienne au risque sérieux s il faut en croire les projections du Conference Board de voir à nouveau les finances publiques déraper, dans les provinces cette fois-ci. Il s agit d un exemple patent des limites des institutions de la fédération canadienne et des risques économiques et budgétaires qui sont associés à la tentation de remettre aux calendes grecques toute réouverture du «dossier» constitutionnel. En ce sens, la création récente du Conseil de la fédération permet d envisager une reprise prochaine des discussions, qui devront tôt ou tard mener à une plus grande implication des gouvernements provinciaux dans les grandes orientations de la fédération, à commencer par celle qui les concerne le plus directement : les arrangements financiers intergouvernementaux. Marcelin Joanis est directeur de projet au CIRANO, en congé pour poursuivre des études doctorales à l University of Toronto. Il est coauteur avec Claude Montmarquette d une étude à paraître sur la problématique de la dette publique au Québec. 30