Piloter la prévention des risques professionnels en EHPAD



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Introduction Pourquoi un guide sur la prévention des risques professionnels en EHPAD? Les conditions de travail en EHPAD sont marquées par une forte charge de travail, dont les causes multiples sont à éclairer dans chaque structure. Toutefois, le manque de temps face aux injonctions et à la demande sociale visant à favoriser l autonomie de la personne et à tenir compte de sa volonté, ou encore face aux contraintes liées aux démarches qualité ou à la traçabilité, constitue un facteur de risque important. Le travail en EHPAD est également caractérisé par une charge physique importante, des postures contraignantes, à risques. Les facteurs de risques sont nombreux : nature des tâches (toilettes), locaux et matériel mal adaptés, déplacements et piétinements, possibilités d entraide limitées entre collègues Dans ce contexte, CHORUM, la mutuelle de protection sociale complémentaire dédiée aux acteurs de l économie sociale et solidaire, et son centre de ressources et d action CIDES, l ARACT Nord/Pas-de-Calais, la FEHAP, Générations Mutualistes, l union réseau familles de la Mutualité française, OETH, accord de branche pour l obligation d emploi des travailleurs handicapés, et UNIFAF, l OPCA de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif, se sont alliés pour conduire le projet «Prévention des risques professionnels dans les EHPAD». 3 Le guide «Piloter la prévention des risques professionnels en EHPAD» est issu de ces travaux. Il a pu être réalisé grâce à l engagement de nombreux établissements dans une démarche active de prévention qui nous a permis de tester et de modéliser des façons de faire et des outils adaptés. Nous les en remercions ici. Rédaction Amandine Dubois, Conseiller Prévention, OETH Perrine Hanicotte, Chargée de mission, ARACT Nord/Pas-de-Calais Emmanuelle Paradis, Chef de projet «Prévention et santé au travail», CIDES Juin 2014

Sommaire Introduction Introduction p. 03 1 Piloter une démarche de prévention des risques professionnels Pourquoi? Comment? 4 Pourquoi? Les enjeux de la prévention des risques professionnels Comment? Quelques questions de méthode Comment? Les étapes du pilotage Etape 1 : Se mettre d accord pour engager la démarche Etape 2 : Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage Informer les salariés Etape 3 : Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels Etape 4 : Identifier les freins, leviers d action et enjeux Investiguer largement auprès des salariés Etape 5 : Se mettre d accord sur les principaux problèmes Analyser les situations de travail Etape 6 : Définir un plan d action Suivre les actions et leurs effets Etape 7 : Evaluer, suivre la démarche dans le temps p. 08 p. 10 p. 12 p. 14 p. 16 p. 23 p. 26 p. 32 p. 38 p. 43 2 Fiches pratiques Fiche #1 - Les risques professionnels en EHPAD Fiche #2 - Comprendre le travail et l exposition aux risques professionnels Fiche #3 - Les facteurs de risques psychosociaux Fiche #4 - Les facteurs de TMS p. 48 p. 50 p. 53 p. 56

Fiche #5 - Un outil d analyse de la démarche de prévention des risques professionnels Fiche #6 - Une grille de questionnement pour appuyer le pilotage de la démarche Fiche #7 - La conduite d un entretien Fiche #8 - Les questionnaires «ouverts» Fiche #9 - L analyse d un accident du travail Fiche #10 - Analyser les situations de travail : des conséquences aux causes Fiche #11 - L appui sur un formateur PRAP Fiche #12 - L animation d un groupe de travail sur une situation prioritaire Fiche #13 - La veille quantitative et qualitative Fiche #14 - Le document unique d évaluation des risques professionnels (DUERP) p. 58 p. 63 p. 65 p. 72 p. 74 p. 76 p. 78 p. 81 p. 84 p. 87 5 3 Piloter une démarche de prévention des risques professionnels Quelques questions transversales «Pertes» et «gains» de temps Un outil pour faciliter les transmissions Ressources externes Lexique des sigles utilisés Les partenaires du projet p. 92 p. 95 p. 98 p. 102 p. 103 [ Sommaire ]

Partie 2 : Y Y Les a-t-il salariés des l ESS indicateurs sont-ils satisfaits à repérer de leurs de conditions façon systématique, de travail? et et des formes d actions adaptées?? ÇA VOUS CONCERNE! Combien de dirigeants de l ESS estiment que leur travail empiète sur leur vie privée? Retrouvez l ensemble des résultats du Baromètre sur : www.chorum.fr [2. 1.] - Des pratiques différentes selon les structures p. 14 [2. 2.] - Un outil : RIFVEL p. 15 [2. 3.] - Les mécanismes de traitement des risques repérés p. 15 www.twitter.com/sarahchorum www.facebook.com/sarah.chorum

Partie 1 : Piloter une démarche de prévention des risques professionnels Pourquoi? Comment? Pourquoi? Les enjeux de la prévention des risques professionnels p. 08 Comment? Quelques questions de méthode p. 10 Comment? Les étapes du pilotage p. 12 Etape 1 : Se mettre d accord pour engager la démarche p. 14 Etape 2 : Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage p. 16 Informer les salariés Etape 3 : Partager une définition du travail, de la santé, p. 23 des risques professionnels Etape 4 : Identifier les freins, leviers d action et enjeux p. 26 Investiguer largement auprès des salariés Etape 5 : Se mettre d accord sur les principaux problèmes p. 32 Analyser les situations de travail Etape 6 : Définir un plan d action. Suivre les actions et leurs effets p. 38 Etape 7 : Evaluer, suivre la démarche dans le temps p. 43

XXPourquoi? Les enjeux de la prévention des risques professionnels Les conditions de travail, en EHPAD, sont marquées par une forte charge de travail, liée aux modalités de financement des établissements, et renforcée par les caractéristiques de l activité : une forte demande des résidents et de leurs familles, des contraintes de rythme, des injonctions contradictoires, une implication physique et psychique dans le travail liée à la situation de dépendance des résidents L enquête Emploi menée par l Observatoire de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale 1 montre que, en 2012, les effectifs des maisons de retraite sont de 86 000 salariés au total. Dans ce contexte, les accidents de travail touchent davantage les salariés du secteur «personnes âgées» que le reste de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif : 11,4 pour 1 000 contre 7,8 en moyenne dans la branche, et 33 jours d absence par victime contre 25 en moyenne dans la branche. Le nombre d accidents est en hausse. De plus, en cinq ans, le taux de licenciements pour inaptitudes est passé de 4 à 6 pour 1 000 emplois en CDI dans la branche. Ce taux est presque deux fois supérieur dans le secteur des personnes âgées (11 pour 1 000), où il a augmenté de 60% en cinq ans. 8 Dans les EHPAD, l enjeu de la mise en œuvre de démarches de prévention des risques professionnels est majeur : il s agit d obtenir une réelle amélioration des conditions de travail, condition essentielle de la qualité de service aux résidents et à leurs familles. XXQuelles conditions sont nécessaires pour cela? ZZUne démarche globale Les facteurs qui déterminent les conditions de travail sont nombreux et complexes : l organisation (plannings qui permettent ou non des transmissions efficaces, rôles et moyens de l encadrement de proximité, par exemple), les ressources humaines (modalités d intégration des nouveaux salariés, clarté des critères d attribution de primes ), les possibilités d échanges sur le travail, qui facilitent les montées en compétences et constituent une ressource indispensable pour aider les salariés à réaliser leur travail dans de bonnes conditions, pour eux-mêmes et pour les résidents, etc. Une démarche de prévention des risques professionnels doit donc prendre en compte les différents facteurs de risques et déterminants des situations de travail, et ne pas se contenter d une approche technique visant à améliorer la sécurité au travail. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 1. www.unifaf.fr : «Enquête emploi 2012»

Au-delà, une démarche de prévention globale doit permettre la prise en compte de l ensemble des moyens d action disponibles à différents niveaux : uudirection de l établissement (négociations avec les financeurs, investissements, création de nouvelles unités, relations avec les familles et rôle du CVS ), uupolitique de ressources humaines (formation et développement des compétences, parcours professionnels, pools de remplaçants, diversification de l activité ), uuorganisation des équipes (organisation du travail, des plannings, des astreintes, binômes, transmissions, analyses de pratiques ), uurelations avec le médecin du travail (anticipation des inaptitudes ), uumise en place de partenariats extérieurs, uucohérence des différentes démarches et projets développés dans l établissement (prévention, qualité, évaluation, mais aussi projets de nouveaux services, etc.). ZZUne démarche partagée Pour connaître et prendre en compte les déterminants des situations de travail réelles dans lesquelles les salariés exercent leur activité, pour concevoir et mettre en œuvre des actions de prévention sur l ensemble de ces déterminants, une condition est essentielle : c est que la démarche s engage en accord entre toutes les parties prenantes : direction, encadrement, salariés et leurs représentants, service de santé au travail 9 C est la condition d un engagement de tous dans les actions mises en place, et donc de la possibilité de développer une démarche globale de prévention des risques professionnels. Cet engagement se construit tout au long de la démarche, à partir de la prise en compte des enjeux que les uns et les autres associent à la mise en place d une telle démarche. ZZUne démarche pérenne Les déterminants des situations de travail, tels que nous les avons identifiés, sont par nature évolutifs : les résidents vieillissent, leurs pathologies évoluent, du matériel neuf arrive, les relations avec les familles changent du fait de déménagements, les attentes de jeunes salariés se modifient lors de l arrivée des premiers enfants, les formations initiales et les conceptions de ce qui fait un «bon» professionnel évoluent, etc. Dans ce contexte, des solutions identifiées à un moment comme favorisant la qualité de vie au travail peuvent être remises en cause quelque temps plus tard. La pérennité de la démarche est donc tout d abord un enjeu d efficacité. Au-delà, son inscription dans le temps permet un suivi des actions, ce qui est également indispensable il s agit de comprendre dans quelle mesure les changements introduits améliorent les conditions de travail. [ Piloter une démarche ]

ZZUne démarche cohérente Une démarche de prévention des risques professionnels efficace doit se fixer pour objectif de définir un plan d action en lien avec la réalité des conditions de travail, du vécu du travail des salariés. Ce plan d action doit être réalisable à tous les niveaux (budgétaire, humain, matériel, relationnel ) et doit permettre d avoir des effets réels sur les conditions de travail. Cette cohérence est une condition de son efficacité. ZZUne démarche efficace Globalité, partage, pérennité et cohérence sont donc les conditions de l efficacité de la démarche de prévention des risques professionnels, débouchant sur un plan d action qui permette d avoir des effets réels sur les conditions de travail. 10 Pour cela, nous verrons également dans ce guide comment agir en priorité au niveau de la prévention primaire (visant à éliminer les facteurs de risque), mais également, en complément, au niveau de la prévention secondaire (visant à réduire les conséquences des risques) et tertiaire (visant à agir sur les dommages, notamment en termes de maintien dans l emploi). XXComment? Quelques questions de méthode L objectif de ce guide méthodologique est de fournir aux EHPAD des éléments de méthode permettant la mise en œuvre d une démarche de prévention des risques professionnels globale, partagée, pérenne, cohérente et efficace. Pour aller loin Rappel des principaux documents et actions prévus par la loi en matière de prévention des risques professionnels u Le document unique d évaluation des risques professionnels Fiche # 14 u La fiche de prévention des expositions (articles L.4121-3- 1 et D.4121-6 du Code du travail). u Le compte personnel en matière de prévention de la pénibilité (applicable à compter du 1er janvier 2015 : articles L.4162 à L.4162-22 du Code du travail). u L accord ou le plan de prévention de la pénibilité (articles L.138-29 à L.138-31 du Code de la sécurité sociale). u La formation à la sécurité (article L.4141-2 du Code du travail).

N y figurent pas les obligations légales prévues notamment par le Code du Travail en matière de prévention des risques professionnels. Vous n y trouverez pas non plus d éléments précis vous permettant une entrée par risques (risques liés à l hygiène, accidents exposant au sang, risques biomécaniques liés à des postures, etc.). Pour compléter cette démarche par une approche par risques, une documentation importante est proposée par l INRS 2, n hésitez pas à vous y référer. Ce guide se fixe donc pour objectifs de vous accompagner dans la mise en place du pilotage de la démarche, et de vous donner des éléments de méthode pour identifier les situations de travail qui posent problème et les analyser de façon à construire un plan d action de prévention cohérent. Cette démarche doit donc se baser sur une proximité avec les situations de travail telles qu elles sont vécues par les salariés : le bon niveau est donc celui de l établissement. Il s agit tout d abord d une démarche paritaire, basée sur un dialogue constructif entre la direction de l établissement et les représentants des salariés, membres du CHSCT ou délégués du personnel si l établissement ne dispose pas de CHSCT du fait de sa taille. Un tel dialogue doit pouvoir permettre à des points de vue différents, voire parfois contradictoires, de s exprimer. Cependant, il doit déboucher sur un accord partagé aux différentes étapes de la démarche. Cette démarche n est donc pas possible à mettre en œuvre si les conditions de ce dialogue ne sont pas réunies, et en particulier si des conflits importants divisent la direction et les représentants des salariés. Dans ce cas, nous vous invitons à faire appel à un intervenant extérieur. 11 Il s agit ensuite d une démarche associant les salariés, condition nécessaire pour accéder aux situations de travail telles qu ils les vivent. Cela implique une certaine disponibilité, qui n est pas possible dans des situations de crainte pour l emploi liée à une fusion, une reprise de l établissement, des injonctions institutionnelles, etc. Dans ce cas, nous vous invitons à mener une réflexion sur le calendrier de la démarche. Il s agit enfin d une démarche nécessitant une implication forte des acteurs en présence (direction, représentants des salariés, salariés), notamment en termes de temps. Il est difficile de conduire une telle démarche en même temps que d autres chantiers majeurs (mise en œuvre d une démarche qualité, évaluation interne, externe ), même si cette démarche ne peut être reportée sine die du fait des autres actions en cours. Dans ce cas également, nous vous invitons à mener une réflexion sur le calendrier des différents chantiers que vous souhaitez mener, à trouver le rythme compatible avec les autres chantiers menés au sein de l établissement. Une fois ces préalables posés, nous vous invitons à entrer dans la démarche - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2. www.inrs.fr [ Piloter une démarche ]

XXComment? Les étapes du pilotage 1 Se mettre d accord pour engager la démarche Dans l établissement, avec les salariés 12 Suivre les actions et leurs effets 6 Analyser les situations de travail Définir un plan d action Informer les salariés 7 2 Piloter une démarche de prévention des risques professionnels, c est 5 Se mettre d accord sur les principaux problèmes pour la structure et les salariés Informer les salariés Evaluer, suivre la démarche dans le temps Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage 4 Dans l instance 3 Identifier les freins, leviers d action et enjeux Investiguer auprès des salariés (entretiens, questionnaires, groupes de travail...) Informer les salariés Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels

Une démarche qui se pilote au sein d une instance 1 2 Se mettre d accord pour engager la démarche Pour que la démarche soit partagée dès le départ Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage Pour que la démarche soit partagée dans le temps Pour que la démarche associe les différents acteurs concernés et soit globale Et se mène en parallèle dans l établissement, avec les salariés Informer les salariés 3 4 Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels Pour que la démarche soit efficace Identifier les freins, leviers d action et enjeux Pour que la démarche soit cohérente 13 Investiguer auprès des salariés (entretiens, questionnaires, groupes de travail...) 5 Se mettre d accord sur les principaux problèmes pour la structure et les salariés Pour que la démarche soit partagée et cohérente Informer les salariés Analyser les situations de travail 6 Définir un plan d action Pour que la démarche soit utile et efficace Suivre les actions et leurs effets 7 Evaluer, suivre la démarche dans le temps Pour que la démarche soit pérenne Informer les salariés [ Piloter une démarche ]

XXEtape 1 : Se mettre d accord pour engager la démarche 1 Se mettre d accord pour engager la démarche Dans l instance 7 Evaluer, suivre la démarche dans le temps 2 Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage 14 6 Définir un plan d action Piloter une démarche de prévention des risques professionnels, c est 5 Se mettre d accord sur les principaux problèmes pour la structure et les salariés 4 3 Identifier les freins, leviers d action et enjeux Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels ZZObjectifs Première étape de toute démarche de prévention des risques professionnels, il s agit de faire s exprimer les raisons qui expliquent et justifient la mise en place d une telle démarche. Ce temps est également nécessaire pour se mettre d accord sur le principe et les modalités de celle-ci entre la direction de l établissement et les représentants des salariés. En effet, c est dès ce premier moment que se joue l enjeu d une démarche partagée.

ZZQue cherche-t-on? uuposer les bases de l engagement : confrontation des points de vue, sans jugement, recherche d un accord à chaque étape de l avancée des travaux uuse mettre d accord sur le fonctionnement : temps et moyens alloués à la démarche, rythme de réunions, composition d une instance de pilotage, relations avec le CHSCT uuse mettre d accord sur les objectifs : identifier les situations de tension au travail pour agir concrètement pour l amélioration des conditions de travail uudéfinir les rôles de chacun. ZZModalités Cette première étape de la démarche se fait dans le cadre d un dialogue entre la direction de l établissement, l encadrement (IDEC), et les représentants des salariés (CHSCT ou DP). Elle passe par un échange sur les enjeux identifiés par chaque partie (absences, plaintes, invalidités, problèmes de santé ), afin de formaliser des objectifs communs. Dans cette première étape, il ne s agit ni d un échange sur les solutions aux difficultés identifiées, ni même d un échange sur leurs causes, mais de repérer les raisons, à partager, de la mise en place d une démarche de prévention. 15 Il s agit de définir les principes de construction de la démarche (démarche partagée, mais avec qui, et comment?), la structuration globale de la démarche et la définition du rôle du CHSCT, de la direction, de l encadrement, etc. La définition des rôles implique de se mettre d accord sur différents points. uules modalités de prise de décision : Est-ce le rôle de l instance de pilotage ou de la direction? Dans quelles limites s il s agit d une prérogative de l instance de pilotage? uules moyens : Y aura-t-il des heures de délégations supplémentaires pour des actions décidées par l instance de pilotage? uule pilote de la démarche entre les réunions de l instance : Est-ce le directeur? Un autre référent? Aura-t-il la capacité de prendre des décisions? De quel ordre? ZZPoints d attention Il est nécessaire de définir les moyens alloués à la démarche, pour le pilote et les membres de l instance de pilotage : uupossibilité d organiser des groupes de travail, uutemps dédié Dans cette première étape, il ne s agit pas encore de la définition des moyens pour les «solutions», le plan d action. [ Piloter une démarche ]

XXEtape 2 : Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage 7 Evaluer, suivre la démarche dans le temps 1 Se mettre d accord pour engager la démarche 2 Dans l instance Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage 16 6 Définir un plan d action Piloter une démarche de prévention des risques professionnels, c est 5 Se mettre d accord sur les principaux problèmes pour la structure et les salariés 4 3 Identifier les freins, leviers d action et enjeux Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels ZZObjectifs de la mise en place d une instance dédiée La première condition de réussite d une démarche de prévention des risques professionnels est qu elle soit partagée, qu elle fasse l objet d un accord entre direction de l établissement et représentants des salariés. Cet accord ne peut pas se fonder sur une délégation à un pilote, il doit se matérialiser par un échange à chaque étape de la démarche. C est la condition d un engagement de tous dans les actions mises en place, et cela permet une confrontation des points de vue pour enrichir l analyse.

Pour cela, le rythme trimestriel de réunions du CHSCT risque, au moins au démarrage, d être trop peu fréquent. Une instance de pilotage fonctionnelle doit donc être mise en place. Il peut s agir du CHSCT, qui se réunit temporairement plus souvent, et auquel il est possible d associer des invités, ou d une instance issue du CHSCT, qui lui rend des comptes régulièrement. Le service de santé au travail (médecin du travail et/ou IPRP), qu il participe ou non de façon régulière aux réunions du CHSCT, doit si possible être également associé à cette instance. La mise en place d une telle instance permet notamment : uula pérennité de la démarche, son inscription dans le temps, le suivi des actions décidées, uula cohérence de la démarche, en lien avec la réalité des conditions de travail, du vécu du travail des salariés C est une condition nécessaire pour l efficacité de la démarche. ZZComposition de l instance de pilotage 17 Il est possible d envisager différentes modalités de composition de cette instance : uupilotage par le CHSCT ou une réunion direction/dp, uumise en place d une instance dédiée associant la direction, les représentants des salariés et d autres acteurs, en lien avec le CHSCT, ce qui nécessite une réflexion sur les modalités de retour vers le CHSCT, sur le fait de ne pas déposséder le CHSCT de ses missions. Plusieurs acteurs sont à associer : uule directeur et/ou le directeur-adjoint, éventuellement un responsable RH (en capacité de prendre des décisions), uule médecin du travail ou un représentant du service de santé au travail (SST), uules délégués du personnel et/ou les membres du CHSCT, uuéventuellement d autres représentants du personnel (CE ), uul IDEC, uud autres salariés pouvant contribuer aux échanges du fait de leurs missions (référent hygiène et sécurité, référent PRAP, référent bientraitance, kinésithérapeute, ergothérapeute, etc.), uudes personnes extérieures à l établissement (référent santé ou RH du siège associatif ou mutualiste du réseau dont dépend l établissement ). [ Piloter une démarche ]

Il est également intéressant d associer à cette instance des représentants des différentes catégories de métiers (AS, ASH, lingère, chargé d entretien des locaux, responsable restauration ou personnel de cuisine, psychologue, agent administratif, agent d accueil, agent de salle à manger ). Ces salariés peuvent être associés de façon permanente ou non à cette instance. L association de salariés au comité de pilotage pose la question de leur désignation. Celle-ci peut se faire de nombreuses façons : uusur sollicitation de la direction, de l encadrement ou des représentants des salariés (de façon concertée), du fait de leur métier, de leur expérience, uus il s agit de salariés sensibilisés, éventuellement car touchés par des TMS 18 La mise en place du comité de pilotage doit prendre en compte plusieurs éléments, dont le temps fait partie : uuchoix des membres en tenant compte du souhait de représentativité des différents métiers et de la disponibilité de ceux-ci pour participer à toutes les séances, dans la phase de démarrage comme dans la durée, uutemps de réunions importants dans la phase de démarrage (selon les EHPAD, de 1H à 2H30, toutes les 4 à 6 semaines, pendant au moins 6 mois). La structuration de l instance peut prendre différentes formes. Il s agit d une instance fonctionnelle, permanente ou non. Celle-ci doit être composée de membres permanents, afin d en garantir la stabilité et la continuité, mais il est possible d inviter ponctuellement d autres salariés en fonction des sujets abordés. Dans le cadre du projet «Prévenir les risques professionnels en EHPAD», selon les établissements, de 3 à 15 membres ont participé à ces instances. Le fait d associer des représentants des métiers, pour les comités de pilotage qui ont adopté ce mode de fonctionnement, est jugé intéressant, mais une instance large se réunit plus difficilement qu une instance resserrée. La participation élargie à certains professionnels lors d analyse de thématiques spécifiques (cuisine, lingerie ) peut être un compromis. Une question est intéressante à débattre : celle de l association d un administrateur à cette instance. Si c est possible, cela facilite les liens avec le bureau lors d éventuelles prises de décisions impliquant des moyens. ZZFonctionnement Ce comité a vocation à s inscrire dans le temps, il s agit d une démarche continue. Il aura des réunions régulières au début (jusqu à une fois par mois), et avec un espacement plus important ensuite (une à deux fois par an). Pour être efficaces, ces réunions doivent durer une heure au minimum. Dans certains cas, cette instance peut prévoir une articulation avec d autres comités (actions «risques psychosociaux», pénibilité, DUERP, qualité ).

u Un point d attention important pour le fonctionnement de l instance de pilotage : il s agit d une instance fonctionnelle, qui doit être en mesure de prendre des décisions. A la fin de chaque réunion, nous préconisons d acter un «relevé de conclusions», comprenant notamment : uula date de la prochaine réunion (ou sa période), uul ordre du jour de la prochaine réunion, uul information des salariés, uules actions éventuelles à mettre en œuvre dans le laps de temps entre les deux réunions, uules responsables de ces actions, uules actions validées et terminées Dès sa constitution, une attention doit être portée au maintien dans le temps du comité de pilotage. Pour cela, il peut être utile de définir les éléments récurrents à aborder a minima trois à quatre fois par an par le CHSCT ou l instance mise en place (en lien avec le CHSCT) : wwbilan des actions menées, wwrévision du DUERP, wwdéfinition de nouvelles priorités d action, wwcommunication en direction des salariés, wwutilisation de la grille d analyse de la démarche de prévention 19 ZZDifficultés identifiées, points d attention Les établissements ayant mis en place des démarches de prévention des risques professionnels appuyées sur une instance de pilotage ont pu rencontrer des difficultés. Certaines sont liées au fonctionnement : wwdéfinition d un pilote de la démarche, wwtemps de réunion, wwplannings pour réunir tout le monde, wwcoordination et/ou cumul avec d autres comités, d autres démarches (qualité, évaluation interne, externe, projet d établissement ), wwmaintien dans le temps du comité de pilotage [ Piloter une démarche ]

D autres sont liées à l implication des participants ; wwmotivation des participants, wwappel à volontaires difficile, wwmaintien de la motivation dans le temps, wwassociation des représentants du personnel en l absence de CHSCT D autres sont liées au contexte : wwaval du siège quand l EHPAD dépend d une structure plus importante, wwparticipation du médecin du travail La prise en compte de ces points d attention dès le départ est nécessaire pour que cette instance puisse fonctionner de façon durable. 20

XXInformer les salariés Informer les salariés 1 Se mettre d accord pour engager la démarche Dans l établissement, avec les salariés Suivre les actions et leurs effets 6 Analyser les situations de travail Définir un plan d action Informer les salariés 7 Evaluer, suivre la démarche dans le temps 5 Se mettre d accord sur les principaux problèmes pour la structure et les salariés 2 Mettre en place et faire vivre une instance de pilotage Piloter une démarche de prévention des risques professionnels, c est 4 Dans l instance 3 Identifier les freins, leviers d action et enjeux Investiguer auprès des salariés (entretiens, questionnaires, groupes de travail...) Partager une définition du travail, de la santé, des risques professionnels Informer les salariés 21 L information des salariés est un élément essentiel de toute démarche de prévention des risques professionnels. \\ Pourquoi? Tout d abord, nous l avons évoqué, les salariés sont des acteurs essentiels de la démarche, étant les seuls à connaître finement les conditions réelles d exercice de leur activité. Or, le fait de leur proposer de participer à différentes actions (entretiens, groupes de travail, analyse des accidents du travail par exemple) va soulever de nombreuses questions (quels sont les objectifs de ces actions, qu y a-t-il à «perdre» ou à «gagner» dans cette démarche?), voire des craintes. Une information complète et régulière peut réduire ces inquiétudes. [ Piloter une démarche ]