Vers une meilleure compréhension des relations client-fournisseur d interdépendance



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Vers une meilleure compréhension des relations client-fournisseur d interdépendance Valérie BARBAT BEM Bordeaux Management School valerie.barbat@bem.edu Bien que négligées par la littérature, les relations client-fournisseur d interdépendance en contexte d achat et d approvisionnement contraint existent et peuvent être prédominantes pour certaines entreprises. C est notamment le cas des grandes entreprises des secteurs de la défense et de l aérospatial qui, au-delà des contraintes de rareté des ressources, de coût de requalification technique, etc., se trouvent aussi confrontées à la contrainte de retour géographique. Leur environnement, extrêmement contraint, restreint alors leurs sources d achat potentielles quand il ne leur impose pas un fournisseur unique. Dans cette situation, comment le client peut-il assurer la continuité de ses achats stratégiques, le respect des engagements de ses fournisseurs et minimiser leurs comportements opportunistes? Afin de répondre à cette question, notre recherche repose sur l étude de cas approfondie d une filiale d EADS. Son analyse contribue à enrichir la connaissance des relations d interdépendance entre client et fournisseur à travers trois principaux résultats : un environnement d achat et d approvisionnement contraint n interdit pas nécessairement l établissement de relations d interdépendance symétrique ; l asymétrie de dépendance en défaveur du client, lorsqu elle existe, n empêche pas la stabilité et l intensité de la relation ; les relations d interdépendance peuvent être principalement pilotées par des mécanismes formels de gouvernance. Mots clefs : relations client-fournisseur, intensité relationnelle, interdépendance, mécanismes de gouvernance inter-organisationnelle. Introduction Depuis les années 80, la compréhension du fonctionnement des échanges entre client et fournisseur est devenue une préoccupation centrale des chercheurs (Homburg et Kuester, 2001) qui a fortement évolué pour passer d une perspective transactionnelle à une approche relationnelle et d une analyse dyadique à une analyse plus large des liens inter-organisationnels à travers la notion de réseau. De nombreuses configurations de la relation client-fournisseur (RCF) depuis la transaction discrète jusqu aux échanges relationnels plus ou moins coopératifs et dépendants ont ainsi émergé et servi de socle à l étude de la coordination entre l entreprise cliente et l entreprise fournisseur. Parmi l éventail des RCF existantes, il convient de noter que certaines d entre elles suscitent un intérêt moindre auprès des chercheurs. Parmi elles, nous trouvons les relations d interdépendance en contexte d achat et d approvisionnement hautement contraint. C est le cas, lorsque l entreprise cliente voit son panel de fournisseurs sensiblement réduit, voire imposé, par son environnement. Dominante dans l industrie de la défense et de l aérospatial, cette forme de RCF peut se rencontrer également, mais de manière plus marginale, dans d autres secteurs. Pour cette raison, la présente étude se Vol. 19 N 1, 2011 27

1 - Spécialisée dans les lanceurs et les infrastructures orbitales, AST conçoit, développe et produit les lanceurs de la famille Ariane, le laboratoire Columbus et le cargo spatial ATV pour la Station Spatiale Internationale, des véhicules de rentrée atmosphérique, les missiles de la Force de dissuasion française, des systèmes propulsifs et des équipements spatiaux. 2 - L intensité relationnelle est déterminée par les comportements des acteurs de l échange (Lefaix-Durand et al., 2006) tels que l engagement (évalué par le degré d acceptation de la relation et la propension des acteurs à mettre un terme à cette relation, la coopération (évaluée par l action conjointe et la résolution des conflits), la communication (évaluée par le partage d informations pertinentes) et la confiance. propose d approfondir notre compréhension de cette RCF en privilégiant le point de vue de l entreprise cliente. Autrement dit, il s agit pour nous d appréhender la manière dont l entreprise cliente peut, dans un tel contexte, assurer la continuité de ses achats stratégiques, le respect des engagements de ses fournisseurs, minimiser leurs comportements opportunistes et finalement réduire sa dépendance relative. Dans la littérature, deux thèses sont classiquement débattues concernant les RCF d interdépendance : le première porte sur la question de la contre-productivité et de l instabilité ou non des RCF d interdépendance lorsqu elles sont asymétriques (Anderson et Weitz, 1989 ; Caniëls et Gelderman, 2007 ; Frazier et Antia, 1995 ; Frazier et Rody, 1991 ; Geyskens et al., 1996; Maloni et Benton, 2000 ; McDonald, 1999), la seconde sur la nature des mécanismes de gouvernance dans le cadre des RCF d interdépendance (Lusch et Brown, 1996 ; Nogatchewsky, 2004). Notre étude s articule autour de ces deux questionnements. Afin de répondre à cette question, et en raison de la vocation compréhensive du projet de recherche, l étude empirique réalisée est de nature exploratoire et la méthode d investigation retenue qualitative. Elle repose sur l étude des RCF qu entretient Astrium Space Transportation (AST) 1, filiale d EADS, avec ses fournisseurs contraints. Peu nombreux, ces fournisseurs réalisent une majeure partie du montant des contrats de fourniture d Ariane 5 et du M51 et entretiennent des relations de coopération de longue date avec AST basées sur l interdépendance. Le présent article est organisé de la manière suivante. Dans un premier paragraphe, plusieurs référents théoriques dont deux concepts clés pour l étude des RCF la dépendance et le pouvoir (Cox, 2001 ; Frazier et Antia, 1995 ; Kumar et al., 1995) sont mobilisés. Une réflexion sur les différents dispositifs de gouvernance des RCF proposés par la littérature est également menée. Les modalités et le cadre de notre étude empirique sont, quant à eux, exposés dans un deuxième temps. Enfin, les principaux résultats de notre étude de cas font l objet d une présentation et d une discussion dans un troisième paragraphe. Intensité relationnelle, dépendance et gouvernance L objectif de cette revue est d exposer le cadre théorique dans lequel s inscrit l étude. Plus spécifiquement, il conviendra d examiner comment les RCF sont appréhendées dans la littérature afin de caractériser les relations d interdépendance défavorables au client et de fournir un cadre d analyse adapté à cette relation. Une fois examinée les principales typologies des RCF et leur cadre conceptuel, nous nous intéressons aux stratégies de pilotage de la relation préconisées et débattues dans la littérature. Les typologies de la relation client-fournisseur La majorité des typologies des RCF proposées par la littérature sont établies à partir de deux critères, soit l intensité relationnelle 2, soit la dépendance des acteurs. Les typologies basées sur l intensité relationnelle s inscrivent dans la théorie de l échange relationnel qui s est développée au début des années 80 avec l ouvrage de Macneil (1980). Cette approche, privilégiant la dimension évolutive des échanges inter-organisationnels, s oppose à la logique transactionnelle de l échange. Pour les tenants de cette approche, les relations inter-organisationnelles n existent pas de facto. Elles se construisent à partir des attentes mutuelles et du degré d implication de chacune des parties suivant un processus au cours duquel des normes relationnelles se développent. Dwyer, Schurr et Oh (1987) font ainsi le parallèle entre le développement et les caractéristiques des RCF et l institution du mariage en intégrant les notions de confiance, de solidarité, de congruence des buts, de satisfaction mutuelle A partir de cette métaphore, ils décomposent le processus de développement de la relation en cinq phases depuis la prise de conscience jusqu à la dissolution en passant par l exploration, l expansion et l engagement. Dans son ouvrage, Macneil (1980) s attache à distinguer l échange discret et l échange relationnel. Il suggère de classer les RCF sur un continuum allant des transactions discrètes (à très faible intensité relationnelle) aux échanges relationnels (à intensité relationnelle forte). La distinction entre ces deux extrémités repose sur la durée de la relation mais aussi sur la présence de normes relationnelles plus ou moins élevées. Ces normes relationnelles sont des codes de conduite, telles que la réputation, l implication, la solidarité, qui se construisent au cours de la relation et qui agissent comme des mécanismes de gouvernance. Ainsi la transaction discrète est unique et exclut tout élément relationnel tandis que l échange relationnel s inscrit sur le long terme et se caractérise par des normes relationnelles 28 Vol. 19 N 1, 2011

élevées concourant à la régulation des échanges relationnels et à la réduction des comportements opportunistes (Heide et John, 1992 ; Wang et Wei, 2007). Dans la même veine, des chercheurs opposent deux types antinomiques de RCF (Helper et Sako, 1995) : les relations distantes (arm s length relationships) ou antagonistes (antagonistic transactions) à faible intensité relationnelle et au sein desquelles chaque acteur considère l autre comme un rival (Watts, Kim et Hahne, 1992) et les relations coopératives et étroites (close-cooperative or collaborative/voice relationships) caractérisées par un échange d informations et un engagement des partenaires élevés. Entre ces deux relations extrêmes, d autres chercheurs définissent une palette plus ou moins large de RCF intermédiaires (Donaldson et O Toole, 2000 ; Dyer, Cho et Chu, 1998 ; Laing et Lian, 2005 ; Mudambi et Helper, 1998 ; Webster, 1992). Les travaux appréhendant les RCF comme des relations de pouvoir et de dépendance à l égard des ressources s inscrivent dans la théorie de la dépendance des ressources. Cette théorie se focalise sur l importance des variables environnementales dans la compréhension du processus de décision des organisations et postule que les entreprises, n étant pas en situation d autosuffisance pour répondre à leurs besoins, doivent acquérir des ressources auprès d organisations extérieures. Il en résulte une dépendance mutuelle, plus ou moins déséquilibrée, envers les organisations qui détiennent ces ressources et une incertitude dans la prise de décision de l entreprise. Pfeffer et Salancik (1978) déterminent trois facteurs d évaluation de la dépendance d une organisation : l importance de la ressource pour l organisation dépendante, le caractère exclusif ou non de l organisation pouvant fournir la ressource et l étendue du pouvoir de cette dernière sur la ressource qu elle possède. La dépendance est alors inversement corrélée au pouvoir. Or le pouvoir d une organisation sur une autre n est jamais total. Chaque acteur de la relation en détient une parcelle (la détention d informations non partagées, la possibilité d agir de manière plus ou moins zélée ). Il existe également une asymétrie du pouvoir (Pfeffer et Salancik, 1978) dans la mesure où l échange ne revêt généralement pas la même importance pour les entreprises impliquées dans un échange. Dépendance mutuelle et pouvoir sont donc étroitement corrélés (Caniëls et Gelderman, 2007). Variable explicative des relations inter-organisationnelles, la dépendance et, dans une moindre mesure son corollaire le pouvoir, est utilisée par les chercheurs comme facteur d identification des types de RCF (Bensaou, 1999 ; Cox, 2001 ; Donada et Nogatchewsky, 2008 ; Heide, 1994 ; Tangpong et al, 2008). Il convient de signaler que la première typologie des RCF basée sur la dépendance des acteurs de l échange est proposée dès 1987 par Dwyer, Schurr et Oh et s inscrit dans la théorie des échanges relationnels. Ces derniers distinguent quatre types de RCF 3 : les échanges discrets qui traduisent l indépendance des deux parties, les relations caractérisées par la dépendance du fournisseur, les relations caractérisées par la dépendance de l entreprise cliente et les relations bilatérales définies par la mutualité de dépendance entre les acteurs). La dépendance est ici déterminée par la spécificité des actifs engagés dans cette relation et par certains facteurs liés à l environnement de l échange (tels que la rareté des ressources). Elle se crée naturellement à l occasion d épisodes d interaction répétés entre les acteurs et s amplifie tout au long du processus de développement de la relation. Parmi les relations d interdépendance, il convient de distinguer les configurations d interdépendance symétrique de celles d interdépendance asymétrique. Si les premières existent lorsque le niveau de dépendance entre les parties est comparable et que, par conséquent, aucune des deux ne dominent l autre (Buchanan, 1992), les secondes se définissent de facto par des niveaux de dépendance et de pouvoir distincts (Kumar et al., 1995). Pour certains auteurs, les relations d interdépendance asymétrique peuvent conduire à des partenariats contreproductifs (McDonald, 1999), moins coopératifs et plus conflictuels (Anderson et Weitz, 1989) en raison de leur déséquilibre de pouvoir intrinsèque et des tentatives d abus de pouvoir perpétrées par le partenaire dominant, le plus indépendant (Anderson et Weitz, 1989 ; Frazier et Rody, 1991 ; Geyskens et al., 1996). Pour d autres, l interdépendance asymétrique d une relation ne conduit pas nécessairement à un mauvais usage du pouvoir (Provan et Gassenheimer, 1994). Ainsi le pouvoir d une partie sur l autre peut améliorer la performance de la supply chain (Maloni et Benton, 2000) ou favoriser la coordination des échanges (Frazier et Antia, 1995 ; Maloni et Benton, 2000) sans nuire à l intensité de l engagement des deux parties dans la relation (Caniëls et Gelderman, 2007). 3 - La typologie qu ils proposent étant basée sur la dépendance des parties et non sur l intensité relationnelle, nous choisissons, par commodité et souci de clarté, de la présenter dans ce paragraphe. Vol. 19 N 1, 2011 29

A côté de l interdépendance asymétrique, la littérature s intéresse aussi à l interdépendance totale (Frazier et Antia, 1995 ; Geyskens et al., 1996 ; Gundlach et Cadotte, 1994). L adjectif total réfère ici à l intensité de la relation. Ainsi une relation d interdépendance totale se traduit par une relation de forte coopération s inscrivant dans le long terme, basée sur un lien de confiance mutuelle et dans laquelle les deux parties ont fortement et également investis (Geyskens et al., 1996). Malgré leur finalité descriptive, les différentes typologies proposées ébauchent des prescriptions quant aux stratégies relationnelles à poursuivre et aux dispositifs de gouvernance à mettre en œuvre qu il convient désormais d examiner. Les stratégies et dispositifs de gouvernance des RCF Principalement trois théories se consacrent, dans la littérature, à l étude respective des mécanismes de gouvernance de la RCF (tableau 1) : la théorie de l agence, la théorie de l échange relationnel et la théorie de la dépendance des ressources. Récemment, des travaux consacrés au contrôle inter-organisationnel retiennent une approche intégrative de ces mécanismes (Donada et Nogatchewsky, 2008 ; Fernandes, 2007 ; Nogatchewsky, 2006). Des divergences apparaissent concernant la question de la complémentarité ou de la substituabilité des mécanismes formels par la confiance ou, plus largement, par les mécanismes informels de la gouvernance des RCF (Beaujolin-Bellet et Nogatchewsky 2005 ; Nogatchewsky, 2004) : pour les uns, le contrôle formel détruit la confiance, pour les autres, mécanismes formels et informels sont complémentaires pour créer un climat de confiance. Pour d autres, le débat est désormais pratiquement clos (Lefaix-Durand et al, 2006) : les mécanismes de gouvernance informels et formels se complètent ou se substituent les uns aux autres selon le stade de développement du processus relationnel et l évolution des conditions d échange. En outre, les liens entre stratégies d influence et dépendance étudiés dans la littérature, et recensés par Nogatchewsky (2004) dans la figure 1, montrent que plus l amplitude de l interdépendance entre les acteurs de l échange relationnel est forte, plus l équilibre entre mécanismes formels et mécanismes informels pencherait en faveur des derniers et moins les parties adopteraient une stratégie d influence coercitive (Lusch et Brown, 1996). Finalement la littérature offre deux pistes de réflexion intéressantes au regard de notre Tableau 1 Théories et mécanismes de gouvernance de la RCF Théorie Idée force Mécanisme de gouvernance de l agence En situation de divergence d intérêts et de partage des risques entre l entreprise cliente et le fournisseur, d une part, et d asymétrie informationnelle, d autre part, le contrat est en mesure de créer les conditions nécessaires et suffisantes à l émergence et à la stabilité de leur coopération. Le contrat Nature du mécanisme de pilotage Formelle de l échange relationnel Tout au long du processus relationnel, des mécanismes de régulation sociaux et implicites se développent et permettent la coordination des échanges. - Les normes relationnelles telles que la solidarité, le partage de l information, la volonté des deux parties de faire des ajustements lorsque des changements apparaissent, l harmonisation des conflits (Macneil, 1980 ; Heide et John, 1992 ; Brown et al. 2000 ; Cannon et al. 2000). - La confiance (Donada et Nogatchewski, 2007) Informelle Informelle de la dépendance des ressources A partir de l identification des différentes démonstrations du pouvoir dans la RCF six stratégies d influence d un acteur sur l autre sont identifiées. - La menace - L argument juridique - La promesse - La requête - La recommandation - L échange d information Coercitive? oui oui débat non non non 30 Vol. 19 N 1, 2011

objectif de compréhension des RCF d interdépendance en contexte d achat et d approvisionnement contraint : Figure 1 - Les effets de la dépendance sur les stratégies d influence. dans une RCF donnée, un déficit de pouvoir du client par rapport à son fournisseur peut-il nuire à l établissement d une relation coopérative stable dans le temps? quelle est la nature des mécanismes de coordination privilégiés pour piloter ce type de relation? Le cas Astrium Space Transportation Après avoir exposé les modalités de notre étude de cas, le contexte d Astirum Space Transportation (AST), filiale d EADS, est décrit. Une étude de cas de nature exploratoire En raison de la vocation compréhensive du projet de recherche, l étude empirique réalisée est de nature exploratoire et la méthode d investigation retenue qualitative. Elle a duré seize mois au cours desquels nous avons interrogé à plusieurs reprises deux interlocuteurs privilégiés de la direction «Programme Sourcing» d EADS Astrium Space Transportation (AST) : le Head of Mechanical Equipment and Infrastructures Sourcing et un Supplier Relationship Manager. Chaque entretien a fait l objet d un enregistrement. Le planning des entretiens ainsi que les thématiques abordées sont décrits dans le tableau 2. Compte tenu du chiffre d affaires réalisé par deux des quatre business divisions 4 d AST (environ 75 %) Lanceur et Défense nous avons décidé, avec nos interlocuteurs d AST, de concentrer notre étude sur les activités qu elles recouvrent et, plus particulièrement, les programmes Ariane 5 et M51. Nos entretiens semi-directifs ont été complétés par des documents internes tels que des plaquettes de présentations, des documents de travail, des présentations power point L analyse des données retenue découle de la codification des entretiens semi-directifs. Le choix des unités d analyse a été réalisé en fonction des objectifs de la recherche. Elles sont au nombre de quatre : le rôle d AST dans la supply chain, les contraintes de la supply chain, la perception du niveau de dépendance et les dispositifs de pilotage de ses relationnels auxquels AST recourt. Le contexte du cas Il convient, ici, de se focaliser sur les enjeux liés au rôle de maître d œuvre d AST dans la supply chain aussi bien au sein du programme civil Ariane 5 que du programme militaire M51. AST est maître d œuvre unique ( prime contractor ) du transport spatial civil et militaire ce qui lui confère un rôle particulièrement stratégique dans la chaîne de fournisseurs en raison : d une part de la nature des programmes qui s inscrivent dans des cycles long de développement industriel et sont particulièrement coûteux : quelques milliards d euros pour Ariane 5 et le M51 d autre part, la nature des lanceurs. Ces derniers sont produits en petite série et ne sont pas réutilisables. Cela implique qu ils ne peuvent pas faire l objet d essais en vol et, par conséquent, qu ils doivent être parfaitement opérationnels pour leur unique utilisation. Ainsi pour Ariane 5 (figure 2), AST se voit confier la responsabilité de la coordination des contrats associés et la livraison en temps et en heure d un lanceur complet et testé à ses commanditaires Arianespace et l ESA (European Space Agency) 5, en plus de la fabrication de trois sous-ensembles principaux d Ariane 5 que sont le premier étage cryogénique, l étage supérieur et la case à équipements et de l adaptateur de charge utile. Or, la production d Ariane 5 fait intervenir plus de 1000 fournisseurs. Pour les principaux tronçons du lanceur, l annexe 1 indique les fournisseurs 4 - Les activités d AST sont regroupées en quatre business divisions (BD) : la BD Lanceurs (lanceurs civils), la BD Défense (lanceurs militaires), la BD Systèmes Orbitaux et la BD Propulsion et Equipements. 5 - Pour l activité lanceur, AST a pour unique client Arianespace dont il détient environ 30% du capital. Arianespace, première société mondiale de service et solutions de lancement, est en charge de la commercialisation d Ariane 5 et des lanceurs Soyuz et Vega ainsi que de la conduite des opérations de lancement depuis la Centre Spatial Guyanais (CSG). A ces côtés, l ESA, fondée le 31 mai 1975, a pour mission de développer à des fins exclusivement pacifiques la coopération entre Etats européens dans les domaines de la recherche et la technologie spatiales et leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques (Convention portant sur la création d une Agence spatiale européenne, Article II, Missions). Elle coordonne ainsi les projets spatiaux de 18 pays européens qui ne sont pas tous nécessairement membres de l Union européenne. L ESA est également copropriétaire du CSG de Kourou, qu elle finance au deux tiers. Vol. 19 N 1, 2011 31

Tableau 2 - Présentation signalétique des entretiens Date Durée Thématiques 11 octobre 2007 16 novembre 2007 16 novembre 2007 24 avril 2008 4 juin 2008 3 juillet 2008 9 février 2009 1h 1h 1h 1h45 2h15 1h45 3h 6 - C est le cas pour le futur lanceur Ariane 5ME (Midlife Evolution) pour lequel AST s est vu confier la première phase de développement à la fin de l année 2009. La mise en service de ce lanceur est prévue vers 2017. 7 - La production en série correspond dans ce cas a environ 5à7lanceursparan. 8 - La DGA, Délégation Générale pour l Armement, en tant que maître d ouvrage des programmes d armement, est responsable de la conception, de l acquisition et de l évaluation des systèmes qui équipent les forces armées françaises. Elle est le premier investisseur de l Etat et les contrats passés par la DGA représentent plus de 60% de l activité de l industrie française de l armement. 9 - La FOST, Force Océanique Stratégique, est, quant à elle, la composante principale de la force nucléaire stratégique en France et se voit ainsi confier la majeure partie des armes stratégiques françaises. Elle est en charge de la base opérationnelle de l île Longue. 10 - G2P est un GIE composé de SNECMA Propulsion Solide et de SME (SNPE Matériaux Energétiques). Définition de la problématique et description du contexte Mise en place de la procédure de recueil d informations Signature de l engagement personnel de confidentialité Présentation de l activité transport spatial civil Présentation des acteurs concernés Identification des contraintes de cette activité Présentation de l activité transport spatial et militaire Présentation des acteurs concernés Identification des contraintes de cette activité Vérification de la bonne compréhension de l activité transport spatial militaire Vérification de la liste des parties prenantes identifiées lors du précédent entretien Approfondissement du rôle de maître d œuvre d AST Approfondissement des relations d AST avec les parties prenantes de l activité transport spatial et militaire Identification d une typologie des relations AST-fournisseurs pour l activité transport spatial et militaire Identification des différents leviers d action en possession d AST pour gérer les relations avec ses fournisseurs et éviter des comportements opportunistes Présentation de la solution organisationnelle reposant en partie sur des SRM Soumission d une synthèse des entretiens réalisés et sa validation auprès des interlocuteurs concernés. Néanmoins, parmi ces fournisseurs seulement quatre réalisent une majeure partie du montant des contrats de fourniture d Ariane 5. En tant que maître d œuvre, AST s engage auprès de son client à respecter ses exigences en matière de qualité, de coûts et de délais et s engage à supporter les pénalités de retard dues à un défaut de qualité et reportant un lancement d Ariane 5. Celles-ci s élèvent très vite à plusieurs millions d euros même si la pièce défectueuse ne coûte que quelques milliers d euros. La maîtrise d œuvre recouvre également le développement du projet. Pour des projets à cycle long 6, il s avère important pour AST de se voir confier par l ESA la phase de développement du futur lanceur. Cela pérennise son rôle de maître d œuvre et lui assure à long terme une partie de la production en série 7 du nouveau lanceur, à l instar des autres fournisseurs associés aux futurs développements d Ariane. Dans le domaine de la défense (figure 2), la maîtrise d œuvre recouvre la responsabilité du pilotage et de la gestion de l ensemble du processus industriel pour le compte de la DGA 8 le client, l utilisateur étant la FOST 9. Elle comporte principalement trois phases : Le développement du missile : cette phase prend fin avec la qualification du missile. La production : cette phase englobe la fabrication et la livraison des sous-ensembles sur la base opérationnelle de l île Longue (Presqu île de Crozon), site où le missile est assemblé et embarqué sur les SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d engins). Le maintien en condition opérationnelle du missile sur le site de l île Longue. G2P 10, DCNS 11 et Thales sont parmi les trois principaux fournisseurs de ce programme. On trouve également une petite dizaine de fournisseurs de Moyens Mécaniques ou Infrastructures Sol (Bâtiments spéciaux, Moyens de manutention et d assemblage, Ponts roulants sécurisés, Moyens de transport ), dont un petit nombre qui concentre une majeure partie du chiffre d affaires sous-traité pour cette famille d achats. Ils interviennent majoritairement sur la base opérationnelle de l île Longue. En résumé, le contexte d AST et son rôle de maître d œuvre, confèrent à la majeure partie de ses achats une dimension particulièrement stratégique aussi bien en termes de coûts (de développement, de production et de pénalités de retard), de délais (cycles de développement particulièrement longs) que de qualité (enjeux technologiques élevés). En outre, l enjeu stratégique des deux programmes Ariane 5 et M51 dépasse largement le cadre de l industrie de l espace, ceux-ci étant essentiels dans l affirmation d une réelle souveraineté politique nationale (pour le domaine des lanceurs militaires) et européenne (pour domaine des lanceurs civiles). Nature de l interdependance et gouvernance des RCF d AST Conformément aux objectifs fixés, les résultats de notre étude offrent une description : des configurations relationnelles d AST basée sur l intensité de dépendance et de pouvoir perçue par l entreprise ; des dispositifs de pilotage de ces relations qu elle utilise afin d amener les fournisseurs à agir dans le sens de ses attentes. Des relations d interdépendance imposées et pérennes Le fort niveau de dépendance d AST vis-à-vis de la majorité de ses fournisseurs résulte principalement de trois contraintes inhérentes et spécifiques à son environnement : le retour géographie ; la nature des liens (d actionna- 32 Vol. 19 N 1, 2011

Figure 2 - Les acteurs des filières industrielles du programme Ariane 5 et du programme M51. riat ou historiques) entre certains fournisseurs et le client de la filière ; la protection du secret. Ainsi pour le programme Ariane 5, AST n est pas totalement libre du choix des fournisseurs. Il doit respecter des conditions de retour géographique qui font du lanceur Ariane 5 un meccano à l échelle européenne. Le financement du programme Ariane 5 est assuré par 12 pays européens, sous la coordination de l ESA, bailleur de fonds. L ESA fonctionne sur la base de la règle du retour géographique (ou juste retour ) en reversant environ 95 % (les 5% restant étant liés aux frais généraux de l agence) de son budget sous forme de contrats avec des entreprises nationales, en fonction du financement apporté par le pays dans le projet. Cette contrainte n existe pas dans le domaine de la Défense. Par ailleurs, Arianespace est détenue par une vingtaine d actionnaires de nationalités européennes différentes. Les principaux actionnaires sont le CNES (Centre National d Etudes Spatiales) 12 et l ensemble des sociétés industrielles européennes participant au programme Ariane parmi lesquelles se trouvent le groupe EADS, le groupe Safran, MT Aerospace (Allemand) et Avio (Italie) ainsi que des entreprises suisses, danoises, suédoises Par conséquent, ces entreprises sont à la fois actionnaires et fournisseurs d Arianespace (Cf. encadré 1). Cette situation renforce considérablement l interdépendance des gros fournisseurs d Ariane 5 et impacte le pouvoir de négociation d AST, maître d œuvre : ses principaux fournisseurs étant également, pour partie, ses clients, la négociation commerciale sur les prix devient plus difficile. Dans le domaine de la défense, ce lien d actionnariat n existe pas en tant que tel. Néanmoins, il existe deux fournisseurs historiques de la DGA (lien historique) qui, par le passé, était ses interlocuteurs directs dans les projets défense : DCNS et G2P. A ce titre, ils sont des fournisseurs incontournables du programme M51 et, de fait, les principaux partenaires de la BD Défense d AST puisqu ils réalisent une partie importante des contrats de fourniture du M51. Enfin, en raison de la nature hautement stratégique des programmes défense, les fournisseurs sont soumis à deux dispositions légales émanant du gouvernement français : l habilitation Confidentiel Défense : pour intervenir sans accompagnement sur la BO de l île Longue, tout fournisseur doit être qualifié confidentiel défense. Or les exigences de cette habilitation sont, par nature, difficiles à obtenir. Cette habilitation est aussi requise pour manipuler des données classifiées ; la disposition Spéciale France ( For French eyes only ) spécifie, quant à elle, que les activités de sous-traitance ne peuvent être confiées à des entreprises étrangères. Plus largement, le recours aux fournisseurs, y compris de rang inférieur, nécessite l autorisation technique du client DGA. Il en est de même pour le programme Ariane 5 où l auto- 11 - Héritière de la DCN, Directions des Constructions Navales, la DCNS est l expert européen des systèmes navals militaires (bâtiment de surface, sous-marins conventionnels et nucléaires, système de combats ) tant pour l entretien (maintien en condition opérationnelle) que pour les constructions neuves. Incorporée lors de sa création dans la DGA, elle fût une administration publique avant de devenir une entreprise de droit privé en juin 2003. L Etat français en est encore actionnaire à 75 %. En 2007, elle a racheté la branche Systèmes naval du Groupe Thales. 12 - Le CNES est à l origine de nombreux projets spatiaux (lanceurs et satellites). Il agit aujourd hui comme autorité de conception et de qualification pour le compte de l Etat français et joue aussi le rôle d assistant au maître d ouvrage, l ESA, pour les nouveaux développements. Vol. 19 N 1, 2011 33

risation technique d Arianespace et de l ESA est nécessaire. En revanche, à très bas niveau de la pyramide, la BD Lanceur peut librement sélectionner ses fournisseurs. Néanmoins, les coûts de requalification, de justification, de démonstration des pièces et des sous-ensembles sont tellement lourds, qu un changement de fournisseur devient malaisé. L existence de ces dispositions et autorisations limitent ainsi considérablement l éventail de fournisseurs que peuvent solliciter les deux BD d AST. En définitive, la majorité des achats d AST se singularise par un marché des inputs extrêmement contraint. Dans ce contexte, notre étude révèle que deux configurations de relations d interdépendance entre AST et ses fournisseurs dominent : l interdépendance totale (IT) et l interdépendance asymétrique (IA). Précisons toutefois que les RCF où le rapport de dépendance est favorable à AST sont aussi observées. Néanmoins, elles demeurent marginales dans les deux programmes étudiés. Par conséquent, nous focalisons nos commentaires sur les deux configurations relationnelles citées ci-avant. Ces dernières varient, d une part, selon l amplitude de l asymétrie de dépendance et de pouvoir entre AST et ses fournisseurs et, d autre part, l intensité stratégique des achats concernés. Les relations d interdépendance totale (IT) s observent entre AST et un petit nombre de ses fournisseurs. De grande taille et d envergure internationale, ces fournisseurs réalisent la majeure partie des fournitures d Ariane 5 et du M51. Ils constituent une source d achats hautement stratégiques pour AST car relatifs à la propulsion des missiles et lanceurs, ainsi qu aux opérations sur le site de la Base Opérationnelle de l île Longue. En raison des liens d actionnariat (avec Arianespace) ou historiques (avec la DGA) qu ils entretiennent avec le client de la filière, leur engagement dans la relation est très fort et s explique par des barrières à la sortie rédhibitoires et un intérêt stratégique à la coopération avec AST. Incontournables pour AST, leur pouvoir est très élevé et la dépendance d AST vis-à-vis d eux exacerbée. Dans ce cas, les relations observées se caractérisent par leur pérennité, la coopération et une forte dépendance réciproque et équilibrée des parties. Leur intensité relationnelle est particulièrement élevée. Toutefois, contrairement à la définition de l IT donné par Geyskens et al. (1996), le lien de confiance mutuelle entre AST et ses fournisseurs n a pas été observé. Les relations qu entretient AST avec les fournisseurs du programme Ariane 5 qui ne sont pas actionnaires d Arianespace, d une part, et les fournisseurs (non historiques) du programme M51 mais intervenant sur le site de la Base Opérationnelle de l île Longue, d autre part, peuvent être, quant à elles, qualifiées d interdépendance asymétrique (IA). Elles concernent des achats importants mais moins stratégiques dans la mesure où ils représentent un plus faible pourcentage dans les deux programmes respectifs. Néanmoins, les contraintes de retour géographique (dans le cas d Ariane 5) et d habilitation Confidentiel Défense (dans le cas du M51) sont à l origine de la forte dépendance d AST vis-à-vis d eux. L interdépendance des parties est alors plus déséquilibrée que dans la configuration relationnelle précédente. En effet, en raison de leur autonomie vis-à-vis du client de la filière, les fournisseurs sont moins dépendants de leurs relations avec AST. La coopération évaluée par les actions conjointes et la capacité à résoudre conjointement des conflits peut y être plus difficile. Ce qui est plus surprenant, c est que l engagement de ces fournisseurs y est fort et que ces relations s inscrivent dans le long terme malgré l asymétrie de pouvoir et de dépendance de cette forme relationnelle. Si le fort niveau de dépendance d AST est avéré dans ces deux configurations relationnelles, il convient néanmoins d apporter quelques nuances. En effet, le rôle de maître d œuvre qu AST doit être capable d assumer vis-à-vis de ses fournisseurs y compris les plus puissants et historiques lui confère une position stratégique, lui permettant d être à son tour un acteur incontournable de la filière et de maîtriser l ensemble des processus industriels. Sa dépendance, bien que supérieure à celle de ces fournisseurs dans le cas des relations IA est équilibrée dans le cas des relations IT. Ceci explique en partie l observation de niveaux d engagements des parties élevés et de pérennité relationnelle y compris dans la relation IA. Par conséquent, l asymétrie de pouvoir favorable au fournisseur ne nuit pas nécessairement à son engagement dans la relation et tendrait même à faciliter la coordination entre les parties. Ce résultat va dans le sens des conclusions de Caniëls et Gelderman (2007), Fraizer et Antia (1995) ou encore Maloni et Benton (2000). Dans ce type de relations, le client est susceptible d être confronté aux risques de non res- 34 Vol. 19 N 1, 2011

pect des engagements et de comportements opportunistes émanant de fournisseurs. Afin de se prémunir contre ces risques, AST a mis en place une réponse organisationnelle visant à mieux maîtriser le management des sous-contrats et, par conséquent, à optimiser l interface entre le fournisseur et des personnes dédiées au sein d AST via la coordination des messages vers les fournisseurs, l amélioration continue de la chaîne d approvisionnement et le partage des Best practices internes et externes. La coordination des interfaces avec le fournisseur est permise grâce au Supplier Relationship Manager (SRM) qui est responsable de la performance et des plans d amélioration du ou des fournisseurs qu il gère. C est lui qui surveille l ensemble des risques relatifs à ses fournisseurs. Il anime une équipe constituée de trois fonctions : Technical Product Manager (expert technique du contrat), Procurement Manager (garant du contrat) et Quality Engineer (garant de la qualité produit). Enfin, il a une vue transversale de l interface avec le fournisseur (négociations, évaluation globale de la performance, plan d action) pour l ensemble des programmes et des phases d intervention (développement / production) concernés. Finalement, l observation détaillée des relations qu entretient AST avec ses principaux fournisseurs révèle qu un environnement d achat et d approvisionnement fortement contraint n empêche pas l établissement de relations client-fournisseur d interdépendance symétrique. Une domination des dispositifs de pilotage formels Dans un contexte relationnel d interdépendance élevée, quels sont les dispositifs de pilotage effectivement mis en œuvre par le client? L étude de cas d AST montre que les divers dispositifs de gouvernance auxquels il recourt sont principalement formels et varient selon le cycle de vie du management de la relation. En phase amont, chaque fournisseur doit se soumettre à des spécifications et procédures propres à chaque programme, définies par le client et particulièrement contraignantes. Pour le programme Ariane 5, les spécifications de management portent sur : l organisation industrielle (indiquant le cadre dans lequel le fournisseur intervient), l organigramme technique (les modalités selon lesquelles le fournisseur doit définir et structurer les composantes de son produits), la conduite des travaux, la gestion de la configuration (la transmission des informations nécessaires à la connaissance de l état de définition du lanceur) et l assurance qualité et sûreté de fonctionnement adaptée des standards d assurance qualité en vigueur dans le domaine spatial. Nos entretiens ont également révélé le recours aux perspectives exposées au fournisseur de pouvoir participer à d autres programmes d AST, voire d Astrium ou d EADS si ce dernier donne pleinement satisfaction dans le programme pour lequel il est sélectionné. Afin de contrer de manière plus radicale les contraintes imposées par son environnement, AST dispose d un troisième outil lié à son statut de maître d œuvre, à l usage plus limité : la possibilité sur un nouveau programme d internaliser tout ou une partie d une activité jusqu alors externalisée dans les programmes précédents, à condition de disposer des ressources et des compétences pour le faire. En phase de gestion de la relation fournisseur, la palette des mécanismes de pilotage s étoffe. Parmi ceux-là, le contrat joue un rôle crucial pour AST. En effet, le pouvoir d AST réside dans son expertise, à savoir sa capacité à maîtriser le processus industriel inhérent à son statut de maître d œuvre. Ainsi, l élaboration du contrat entérine AST dans son rôle de maître d œuvre, c est-à-dire d interlocuteur direct de l ensemble des fournisseurs pour la totalité du processus industriel. Outre le fait de spécifier le périmètre d intervention de chacun des acteurs de la supply chain, lecontrat sert aussi à anticiper les sources de conflits liés aux retards, aux défauts de qualité ou aux surcoûts grâce à la mise en place d un système détaillé de pénalités. Un dispositif que nous qualifions de menace nous a également été décrit. Lorsqu AST travaille sur des programmes de développement avec l ASE, il est moins contraint de recourir aux fournisseurs les moins stratégiques du programme Ariane 5. Par ce biais, il s informe des prix pratiqués par les fournisseurs out. S ils sont inférieurs à ceux pratiqués par les fournisseurs in, cette information devient un levier de pression sur ces derniers. Des efforts leur sont alors demandés s ils veulent être retenus ou renforcer leur activité dans le programme futur. Enfin, il est apparu à plusieurs reprises au cours des entretiens que les fournisseurs des relations d interdépendance totale et d interdépendance asymétrique étaient, pour un grand nombre d entre eux, pleinement conscients d appartenir à des réseaux économiques œuvrant pour un intérêt commun supérieur : l intérêt national et l enjeu de la Vol. 19 N 1, 2011 35

dissuasion (pour le programme M51) et l enjeu de la conquête spatiale européenne (pour le programme Ariane 5). Selon la configuration relationnelle, les dispositifs de pilotage privilégiés varient peu. Dans le cas des relations d interdépendance totale (IT), AST recourt surtout aux mécanismes formels que sont le contrat, les pénalités attenantes et les spécifications de management. Pour les relations d interdépendance asymétriques (IA), le recours aux mécanismes formels peut être renforcé par des mécanismes plus coercitifs tels que la menace d internalisation ou liée aux prix pratiqués et la promesse de perspectives exposées au fournisseur, par exemple. Toutefois, nous notons que si, conformément à la littérature, les mécanismes de coercition sont absents des relations d IT, le recours à la menace de l internalisation (bien que marginal), y est aussi possible. Pour AST, comme pour la majorité de ses fournisseurs clés, et plus particulièrement ceux avec lesquels il est en relation d IT, il existe une culture commune de l intérêt national et européen qui semble agir comme une norme relationnelle facilitatrice de la gestion des conflits. Notons toutefois, qu aucune autre norme relationnelle n a été appréhendée lors des entretiens et que cette norme semble plus liée aux spécificités de l industrie étudiée qu à une règle de conduite co-construite par les acteurs. Quoiqu il en soit, en situation d interdépendance totale ou asymétrique, les mécanismes formels dominent largement sur les mécanismes informels ce qui est contraire à la thèse classiquement défendue dans la littérature (Lusch et Brown, 1996 ; Nogatchewsky, 2004). Dans la lignée de ce résultat, nous souhaitons signaler que l instauration d un climat de confiance n a jamais été abordée dans les entretiens comme étant un objectif clé d AST ; la confiance demeurant, selon nos interlocuteurs, une dimension relationnelle trop difficilement maîtrisable. Conclusion Cette étude avait pour objet d étudier une forme spécifique de RCF : la relation d interdépendance caractérisée par un niveau de dépendance mutuelle entre les parties élevé mais aussi déséquilibré et défavorable au client. L étude exploratoire du cas AST, à travers les relations que cette entreprise cliente entretient avec ses fournisseurs sur les programmes Ariane 5 et M51, permet d appréhender les enjeux de sa fonction achat ainsi que la nature du pilotage de la RCF dans un tel contexte. Aux trois contraintes spécifiques de son environnement retour géographique, lien actionnarial des acteurs de la filière et protection du secret, auxquelles AST doit faire face, s ajoutent des contraintes observées, plus fréquemment, dans d autres industries : spécificité des actifs et coûts élevés de transfert vers un autre fournisseur. Dans ce contexte, les relations qu entretient AST avec ses fournisseurs sont dominées par les deux formes d interdépendance classiquement recensées dans la littérature : Les relations d interdépendance totale qui portent sur de gros contrats et concernent quelques fournisseurs de grande taille, imposés par les contraintes soit de retour géographique et de lien actionnarial avec le client final (dans le cas du programme Ariane 5), soit de protection du secret et de relation historique entretenue avec le client final (dans le cas du programme M 51). Ces relations se caractérisent par une intensité relationnelle très forte et une répartition de la dépendance et du pouvoir plutôt équilibrée entre les parties. Les relations d interdépendance asymétrique qui portent sur de plus petits contrats et concernent des fournisseurs plus caractérisés par la spécificité de leurs actifs que par le lien actionnarial ou historique qu ils entretiennent avec le client final, moins soumis à la contrainte de retour géographique. Ces dernières démontrent un déséquilibre de dépendance accru en défaveur du client. Finalement, l observation en profondeur des configurations d interdépendance rencontrées par AST montre, contre toute attente, qu en environnement d achat et d approvisionnement fortement contraint, le niveau de dépendance du client vis-à-vis de ses fournisseurs peut être sensiblement limité, voire équilibré. Deux contributions théoriques, de portée managériale, ressortent également de notre étude. L étude des relations d interdépendance d AST montre que l asymétrie de dépendance en défaveur du client n empêche pas la pérennité et l intensité de la relation y compris lorsque le déficit de pouvoir relatif du client est plus important (relation IA vs relation IT). Ce constat s inscrit dans la lignée des conclusions de l étude de Caniëls et Gelderman (2007). Une telle relation peut donc s avérer performante sur le plan de la coopération et de 36 Vol. 19 N 1, 2011

l engagement des deux parties. Un tel constat implique toutefois que le client accepte cette situation d asymétrie de dépendance et s efforce de se prémunir contre les effets néfastes liés à la position de pouvoir du fournisseur. C est dans cette perspective qu AST s efforce, comme nous l avons vu, de maintenir sa légitimité en tant que maître d œuvre et de maîtriser la coordination de la relation avec ces fournisseurs, via les SRM. Les acheteurs peuvent dès lors être conscients qu une position de dépendance relative vis-à-vis de ses fournisseurs ne signifie pas nécessairement vulnérabilité et inefficacité de la coopération. Notre étude révèle également que dans les relations d interdépendance y compris totale, les dispositifs formels de gouvernance dominent largement face à des mécanismes informels quasiment inexistants et que les mécanismes coercitifs ne sont pas totalement exclus. Ce résultat va à l encontre des positions défendues dans la littérature. Or dans le cas d AST, le recours aux mécanismes formels ne nuit pas à l instauration de RCF coopératives durables. Ce résultat doit néanmoins être relativisé. En effet, dans le cas d AST, les situations d interdépendance observées ne sont pas créées naturellement à l occasion d épisodes d interaction répétés. Elles sont imposées par les caractéristiques de l industrie étudiée plutôt que co-construites par les partenaires. L observation des mécanismes de pilotage de relations interdépendantes issues de secteurs industriels où les contraintes d achat sont moins élevées mériterait alors d être menée pour s assurer de la validité de ce résultat. En outre, nous observons que la confiance n est pas retenue par les acheteurs d AST comme un mécanisme de gouvernance de l interdépendance y compris totale. En conséquence, le défaut de confiance n empêcherait pas l établissement de RCF particulièrement intenses tant sur le plan de l engagement, de la coopération entre les parties. Deux limites à notre étude peuvent être mentionnées. Tout d abord, nous avons privilégié le point de vue du client. Ainsi le degré de dépendance et d engagement des parties dans la relation traduit la perception des acheteurs d AST. A l avenir, la collecte de témoignages des fournisseurs d AST permettrait d apprécier la dépendance des fournisseurs de leur point de vue et fournirait des informations quant aux stratégies d influence mises en œuvre par ces derniers. La seconde limite concerne notre méthode d investigation. Si l étude d un cas permet de décrire en profondeur les relations d interdépendance observées, une approche plus extensive, sous forme d enquête par questionnaires, est désormais souhaitable afin de tester nos résultats. Bibliographie Anderson J.C. et Weitz B.A. (1989), Determinants of Continuity in Conventional Industrial Channel Dyads, Marketing Science, Vol.8, pp. 310-323. Beaujolin-Bellet R. et Nogatchewsky G. (2005), La rupture du contrôle par la confiance dans les relations client-fournisseur, Comptabilité Contrôle Audit, Tome 11, N 2, pp. 39-60. Bensaou M. (1999), Portfolios of Buyer-Supplier Relationships, Sloan Management Review, Vol. 40, N 4, pp. 35-45. Brown J.R., Dev C.S. et Lee D-J. (2000), Managing Marketing Channel Opportunism: The Efficacy of Alternative Governance Mechanisms, Journal of Marketing, Vol. 64, pp. 51-65. Buchanan L. (1992), Vertical Trade Relationships: The Role of Dependence and Symetry in Attaining Organizational Goals, Journal of Marketing Research, Vol. 29, pp. 65-75. Caniëls M.C.J. et Gelderman C.J. (2007), Power and Interdependence in Buyer-Supplier Relationships: A Purchasing Portfolio Approach, Industrial Marketing Management, Vol. 36, pp. 219-229. Cannon J.P., Achrol R.S. et Grundlach G.T. (2000), Contracts, Norms, and Plural Form Governance, Journal of the Academy of Marketing Science, Vol. 28, N 2, pp. 180-194. Cox A. (2001), Understanding Buyer and Supplier Power: A Framework for Procurement and Supply Competence, The Journal of Supply Chain Management, Vol. 37, N 2, pp. 8-15. Donada C. et Nogatchewsky G. (2007), La confiance dans les relations interentreprises Une revue des recherches quantitatives, Revue Française de Gestion, n 175, pp. 111-124. Donada C. et Nogatchewsky G. (2008), Partenariat, vassalité, marché et seigneurie : 4 configurations de contrôle client-fournisseur, Comptabilité Contrôle Audit, Tome 14, n 1, pp. 145-168. Vol. 19 N 1, 2011 37

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