Chapitre 8 Estimation de la valeur d un bien immobilier L estimation de la valeur d un bien immobilier est utile notamment : 1. aux acheteurs et vendeurs potentiels ; 2. aux institutions de crédit, puisque le montant maximal d'un prêt hypothécaire devrait dépendre de la valeur réelle du gage, qui peut différer sensiblement de la valeur de transaction, et des prévisions de ses valeurs futures au moment où le gage est susceptible d'être réalisé ; 3. à la direction générale des impôts qui, par comparaison des prix déclarés de transaction et des prix de référence, peut détecter des fraudes éventuelles, et qui a besoin de valeurs de référence pour fixer le montant des impôts fonciers ; 4. aux comptables, qui devraient évaluer l'immobilier figurant dans les bilans au prix de marché (norme dite mark to market) ; 5. aux aménageurs urbains, qui peuvent influer sur les prix de l'immobilier, donc sur le type de développement des villes, par les décisions d'implantation des services publics ou des modes de transport. La problématique de cette estimation est microéconomique. Elle est différente de celle du calcul des indices de prix, qui suivent dans le temps la valeur d un ensemble représentatif de biens (pour des analyses macroéconomiques, pour la gestion de portefeuilles comportant des produits immobiliers et le suivi des risques induits). Cependant, les outils servant à calculer les indices - bases de données et instruments statistiques - peuvent contribuer à l estimation de la valeur d un bien donné. La première famille de méthodes d estimation, dite «par comparaison», déduit la valeur du bien à estimer à partir de celle de biens comparables. Cela peut être effectué de manière plus ou moins fine. Le plus simple est de calculer le prix moyen (éventuellement par m²) de logements si possible similaires à celui que l on veut évaluer (paragraphe 8.1). On peut aussi le comparer au prix de biens similaires considérés individuellement (paragraphe 8.2). Une troisième approche, plus élaborée, consiste à utiliser un système expert pour évaluer le prix du logement en fonction de ses caractéristiques, comparées à celles de biens figurant dans une base de données (paragraphe 8.3). Outre les méthodes «par comparaison», il existe d autres méthodes (paragraphe 8.4). 8.1 Le calcul de prix moyens Des prix moyens au m² sont publiés par divers producteurs d information immobilière. Leur fiabilité dépend du nombre de transactions sur la zone géographique considérée, du taux de couverture de la base de données utilisée, et des éventuels biais de sélection de cette base. Par exemple, le prix moyen des logements dans une petite commune, où le nombre de transactions est réduit, sera entaché d un large aléa statistique. Cela transparaît dans sa forte volatilité dans le temps. Le notariat, à partir de ses bases de données qui intègrent annuellement 800 000 références, dont 500 000 mutations de logements anciens (près de 70% des transactions), publie régulièrement des prix moyens lors de conférences de presse et sur les sites : http://www.immoprix.com et http://www.paris.notaires.fr. Les informations diffusées sont principalement : Pour les appartements : le prix de vente, le prix au m², le nombre de pièces moyen, la surface habitable ; Pour les maisons : le prix moyen, le prix par pièce, le nombre de pièces moyen, la surface du terrain ; Pour les terrains : le prix moyen, décliné suivant la surface du terrain (moins de 600 m², de 600 à 1000 m², de 1000 m² à 2500 m² et plus de 2500 m²). Elles sont présentées sous forme de tableaux, de cartes, ou de graphiques, dont quelques exemples figurent ci-après (figures 8.1 à 8.5).
Fig. 8.1 Lille : statistiques en maisons anciennes au 30 juin 2004 (sur www.immoprix.com) Source : Notaires de France Perval Fig. 8.2 Province : prix au m² selon le nombre de pièces, en 2002 et 2003 (extrait d une conférence de presse) 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0 1 2 3 4 5 6 mars-02 mars-03 Source : Notaires de France Perval Fig. 8.3 Province : prix au m² dans les grandes villes (extrait d une conférence de presse en 2003)
Source : Notaires de France Perval Fig. 8.4 Île-de-France, maisons (extrait d une conférence de presse) Source : CINP Evolution trimestrielle du prix des maisons anciennes Valorisation des indices Notaires/Insee 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 T1 96 T3 96 T1 97 T3 97 T1 98 T3 98 T1 99 T3 99 T1 00 T3 00 T1 01 T3 01 T1 02 T3 02 T1 03 T3 03 T1 04 T3 04 Seine et Marne Yvelines Essonne Paris / Hauts de Seine Seine St Denis Val de Marne Val d'oise Fig. 8.5 - Île-de-France, appartements (extrait d une conférence de presse) Prix au m² médian des appartements anciens au 4ème trimestre 2004 vendus libres à usage d'habitation en Grande Couronne Taverny Argenteuil Chelles 1 769 +8.5% 1 802 +31.9% 1 718 +8.9% Maisons Laffitte Meaux 3 328 +13.9% 1 540 +9.4% Houilles Torcy 2 414 +16.4% 1 898 +24.6% St Germain en Laye Pontault Combault 3 993 +21.2% 2 410 +17.6% Chatou Yerres 3 066 +22.0% 1 999 +31.1% Elancourt Evry 1 934 +22.3% 1 402 +23.3% Bois D'Arcy Melun 2 029 +18.1% 1 771 +18.1% Versailles Fontainebleau/Avon 3 645 +13.6% 2 285 +8.1% Massy Chilly Mazarin Grigny Ris Orangis 2 030 +17.0% 1 956 +15.5% 1 036 +23.5% 1 477 +31.2% < à 1 500 de 1 500 à 1 700 de 1 700 à 2 400 de 2 400 à 3 000 > à 3 000 Source : CINP ( évolution sur un an au 4e trimestre 2004 - chiffres provisoires)
8.2 La comparaison des prix de biens similaires Il s agit ici de sélectionner, à partir d une base de données, des biens proches de celui dont on cherche à estimer la valeur et présentant des caractéristiques similaires, et à en consulter les prix. Les notaires franciliens proposent ce service au grand public depuis mars 2005 sur un mode payant, en partenariat avec le site http://www.seloger.com/ et http://www.immostreet.com/. L internaute sélectionne un type de bien, une période et une zone géographique. Il peut affiner son choix en précisant le nombre de pièces et la surface des biens qui se trouvent dans cette zone. La zone géographique peut être une commune, un quartier ou une zone définie à partir d un rayon autour d une adresse. Nombre de mutations : cette information est donnée gratuitement, et donne accès au bilan de la sélection ou à la liste des mutations, à partir du moment où la sélection comporte entre 10 et 50 mutations. Bilan de la sélection : l internaute reçoit le nombre de mutations, le prix au m² minimum, maximum et moyen, la surface moyenne et le montant moyen des transactions (pour les maisons, pas de prix au m² mais les prix minimum et maximum). Ces données sont précisées d une part pour les biens comparables à ceux de la sélection faite et d autre part pour l ensemble des biens de la même zone géographique. Liste de références : l internaute reçoit une liste de référence avec les variables classiques : adresse avec parité du n mais sans le n exact, taille, surface, époque de construction, prix et date de la mutation, plus l étage et le prix au m² pour les appartements, la surface du terrain et le nombre de niveaux pour les maisons. D autres offres existent, par exemple sur le site http://www.pap.fr/
8.3 L utilisation d un système expert La méthode précédente souffre de ce que deux logements ne sont jamais exactement identiques, chacun a des caractéristiques (emplacement, type de construction, voisinage immédiat, nombre de pièces, niveau de confort ) qui le rendent unique. Cependant, grâce aux références contenues dans sa base de données, la méthode des prix hédoniques permet d affecter un prix relatif à chacune des caractéristiques définies dans le modèle. Un «système expert» de valorisation peut en être dérivé ; de manière plus rapide et plus fiable qu un cerveau humain, il va mesurer l effet de chaque caractéristique d un logement sur son prix, puis utiliser le résultat de ce calcul pour évaluer sa valeur. Nous avons vu (chapitre 4, paragraphe 4.5 et chapitre 5) que les indices hédoniques sont construits à partir des caractéristiques renseignées dans les contrats de transactions immobilières. Il s'agit principalement de caractéristiques physiques objectives : quartier, surface, nombre de pièces, étage, nombre de salles de bain... A partir de la méthode mise au point par l Insee et le notariat pour produire les indices hédoniques de prix des logements anciens, la société Perval a réalisé un système expert, destiné aux Notaires, d aide à la valorisation d un bien. Ce produit leur est proposé via le site professionnel de Perval depuis avril 2004. Le Notaire sélectionne le type de bien (appartements ou maisons dans l ancien), la commune et les principales caractéristiques du bien à évaluer. Les caractéristiques prises en compte dans ce système sont : En appartements : époque de construction, état du bien, nombre de salles de bain, nombre de pièces, étage, présence d un ascenseur, nombre de caves, nombre de box/parking/garage, la présence d une terrasse et la surface habitable. En maisons : époque de construction, état du bien, nombre de salles de bain, nombre de pièces, nombre de niveaux, présence d un sous-sol, nombre de garage, surface habitable et surface de terrain. Ce produit se décompose en 4 écrans successifs : 1 er écran : on choisit - le type du bien immobilier qu on souhaite estimer (il ne peut s agir que d un appartement ancien ou d une maison ancienne) - le département et la commune dans laquelle se situe le bien
2 ème écran : on inscrit les caractéristiques du bien à évaluer (elles sont toutes obligatoires). En appartements : En maisons :
3 ème écran : on rappelle les caractéristiques du bien ce qui permet une confirmation 4 ème écran : rappel des caractéristiques du bien et affichage de la valeur estimée.
Les caractéristiques utilisées ci-dessus sont suffisantes pour la plupart des applications macroéconomiques ou financières. D un point de vue microéconomique, les résultats de ce système expert apportent aux professionnels qui l utilisent une première approche de la valeur d un bien, mais pour estimer plus précisément la valeur du bien, il faut aller plus loin. Or les systèmes experts peuvent inclure des variables supplémentaires, renseignées soit par le système lui-même, soit par l'utilisateur. Il faudra évidemment estimer les effets additionnels de ces variables sur les prix, ce qui nécessite souvent des enquêtes complémentaires et l'interrogation d'experts. Ces analyses complémentaires sont facilitées par le fait que les systèmes sont souvent introduits pour des zones restreintes, par exemple une ville donnée. De façon à faciliter la mise à jour du système et sa programmation informatique, les principaux facteurs explicatifs sont regroupés selon leur interprétation, et la façon dont ils peuvent être renseignées. On peut en distinguer trois grandes catégories : les caractéristiques physiques du logement (déjà en partie prises en compte dans la construction des indices) ; les variables de zonage, qui reflètent la structure du quartier et permettent de comprendre une partie de l'hétérogénéité des prix à l'intérieur d'un quartier et entre quartiers, (en partie prises en compte par la stratification a priori) ; les variables subjectives de confort, d'environnement... Variables de zonage Le système peut inclure de l'information sur la structure de la ville, par exemple l'emplacement des écoles, des églises, des centres commerciaux, du ou des centre-villes, ainsi que sur les moyens de transports : métro, tramway, voies rapides... Pour chaque bien immobilier, on peut alors calculer automatiquement sa proximité aux principaux centres d'intérêts : école, église..., en distance et en temps. Ce sont de telles mesures de proximité qui sont introduites comme variables supplémentaires. Des zonages plus précis peuvent être effectués avec l'aide de spécialistes, mais sont beaucoup plus subjectifs. Ils consistent à partitionner chaque rue, par exemple, pour savoir quels sont les bons emplacements, les bons immeubles..., à repérer les voies privées... La pratique du zonage conduit à des présentations géographiques des informations et des résultats. Afin d'avoir une vue d'ensemble des valeurs et de leur hétérogénéité, on reporte sur des plans de ville, incluant les voies principales et les services publics, les valeurs de référence, leurs évolutions, les valeurs de caractéristiques, ou même les résidus d'estimation. Ici, à titre illustratif nous avons reporté sur une carte de Paris les prix moyens du parc de référence (prix sous-jacent à l'indice) en 2004, de même que les évolutions de ces prix entre 2003 et 2004 (figures 8.6 et 8.7). Il va sans dire que le système expert associé aux indices Notaires-Insee ne peut être pour le moment qu'un élément parmi d'autres dans l'évaluation d'un bien. Il conviendrait, comme il a été dit plus haut, de compléter les variables présentes dans les bases notariales par des données de qualité plus fines (voir aussi annexe 11.9).
Fig. 8.6 Paris : prix moyen au m 2 des appartements anciens (parc de référence) selon l'arrondissement, en, au 4 ème trimestre 2004 < à 4 000 de 4 000 à 5 000 de 5 000 à 6 000 > à 6 000 16e 5 425 17e 4 435 8e 5 844 7e 6 424 18e 3 804 9e 10e 4 502 3 919 2e 4 929 1er 3e 5 818 5 303 4e 6e 6 469 19e 3 405 11e 4 266 20e 3 768 Paris : 4 587 / m² 15e 6 968 5e 6 387 12e 5 080 14e 13e 4 366 4 670 4 392 Source : CINP Fig. 8.7 Paris : évolution depuis un an du prix moyen au m 2 des appartements anciens (parc de référence) selon l'arrondissement (du 4 ème trimestre 2003 au 4 ème trimestre 2004) < à +13 % de +13 % à +15 % de +15 % à +18 % > à +18 % 16e + 9. 2% 1 5 e + 1 7. 1 % 18e 17e 19e +18.1% + 13. 3 % +17.6% 9e 10e 8 e +15.8% +18.7% + 6. 8% 2e 20e +13.1% 1er 3e 11e +14.8% +14.0% +21.2% 7 e 4e +14.6% + 11.0% 6e +15.1% +11.2% 14e +10.3% 5e +19.1% 13e +12.2% 12e +15.3% Paris : + 14,2 % Source : CINP
Variables de confort et d'environnement La plupart de ces variables sont subjectives et leur introduction n'a de sens que si l'expert et l'utilisateur ont la même appréhension de ces variables. Ceci peut être le cas pour des systèmes experts utilisés par des agents immobiliers, où une fraction de ceux-ci a servi à l'expertise. Ces variables sont souvent qualitatives. Ce sont par exemple : l'état général de l'appartement, l'orientation, la luminosité, la vue 1... Les systèmes experts peuvent être complétés par des analyses des préférences individuelles des clients potentiels (individus). On peut ainsi effectuer des enquêtes complémentaires auprès des individus, incluant des questions sur leurs caractéristiques individuelles (âge, catégorie socioprofessionnelle, taille de la famille, niveau d'éducation), sur les qualités qu'ils trouvent au logement et sur leur consentement à payer (combien seriez-vous prêt à payer pour tel type de logement?). Ces informations permettent de comprendre une partie de l'hétérogénéité observée des prix de transaction, mais aussi de segmenter la population de clients pour savoir quel bien proposer à tel type de client et à quel prix maximal. On trouvera un autre exemple de système expert publiquement accessible sur : http://www.boursorama.com/patrimoine/monpatrimoine/edition_immobilier.phtml. Il va de soi que la qualité des estimations fournies par les «systèmes experts» dépend étroitement de celle de la base de données utilisée (taux de couverture, représentativité, nombre de références, diversité et qualité des informations fournies sur chaque bien) et des traitements statistiques sousjacents aux estimations. Elle peut être testée (par comparaison, sur les transactions effectives, du prix évalué et du prix de transaction observé). L utilisateur de ces estimations ne peut en mesurer la qualité que lorsqu elles sont accompagnées d une note méthodologique détaillée. 1 Voir en annexe 11.9 des exemples de variables pouvant être introduites dans des systèmes de valorisation.