Réseaux et territoires intelligents Quelles contraintes et quel positionnement pour les collectivités?



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Transcription:

Réseaux et territoires intelligents Quelles contraintes et quel positionnement pour les collectivités?

EDITO Notre Fédération s'est attachée durant cette année 2013 à l'élaboration d'une prospective sur la thématique des Smart Grids et des Smart Cities. La période historique que nous traversons nous impose, à nous les collectivités territoriales, un certain nombre de mutations organisationnelles et stratégiques. Néanmoins, nous ne devons pas nous laisser imposer les termes de ces mutations : nous avons l'obligation d'être les acteurs de nos transformations. Et l'humain doit rester au cœur de nos préoccupations. Aussi avons-nous été amenés à analyser l'apport du numérique dans la gestion et l'évolution des réseaux et des systèmes dont nos adhérents ont la charge, tout en nous préoccupant de la préservation de l'intimité individuelle. J'ai pu constater au cours des travaux combien les problématiques rencontrées n'étaient pas seulement celles que nous avions envisagées. D'une attention particulière aux réseaux physiques, nous avons orienté nos recherches vers la gestion des données numériques. C'est ici aussi le «big data» qui s'est imposé, mais dans une approche spécifique aux collectivités territoriales et aux services publics qu elles ont la responsabilité d organiser. J'ai naturellement souhaité rendre publics les travaux et analyses qui sont présentés dans ce document, car ils me semblent pouvoir faire utilement évoluer les points de vue des différents acteurs sur ce sujet tout à fait capital. C'est donc avec un grand plaisir que je vous propose de parcourir ce document qui j'espère retiendra votre attention et suscitera du débat comme il en a suscité dans notre association et au sein du comité de pilotage de cette étude. Bonne lecture et n hésitez pas à faire part de vos réactions aux services de la FNCCR! Xavier PINTAT Président 2

TABLE DES MATIERES PREAMBULE... 5 1 ENJEUX, TENDANCES ET OPPORTUNITES POUR LE NUMERIQUE DANS LES TERRITOIRES.. 8 1.1 LE NUMERIQUE EST UN ELEMENT DE TRANSFORMATION DES TERRITOIRES... 8 1.2 LA DONNEE, UN NOUVEL ENJEU AU CŒUR DES RELATIONS ENTRE COLLECTIVITES ET ACTEURS DES SERVICES LOCAUX... 9 1.2.1 Améliorer la connaissance du territoire... 9 1.2.2 Renforcer le contrôle des missions confiées aux délégataires... 10 1.2.3 Contribuer à l aménagement et à un meilleur pilotage du territoire... 11 1.2.4 Développer la relation avec l usager et le citoyen... 12 1.3 L ACCES AUX DONNEES DEVIENT CRUCIAL POUR LE METIER DES COLLECTIVITES... 12 1.4 LA TRANSVERSALITE AU CŒUR DE L EVOLUTION DES TERRITOIRES... 13 2 ELEMENTS DE SYNTHESE... 15 2.1 SYNTHESE DES ENTRETIENS... 15 2.1.1 Enjeux et problématiques des données... 15 2.1.2 Mise en place d une gouvernance autour des données... 15 2.1.3 Prévoir les évolutions contractuelles... 15 2.1.4 Importance de l interopérabilité des systèmes et données... 16 2.1.5 Mutualisation des systèmes de collecte... 16 2.1.6 Modèles économiques et retours sur investissements... 17 2.2 SYNTHESE DU BENCHMARK... 17 2.2.1 La standardisation de l accès aux données... 17 2.2.2 Les villes et territoires intelligents dans la réutilisation des données... 18 2.2.3 Des exemples illustratifs d initiatives «réseaux et territoires intelligents»... 20 3 ELEMENTS STRUCTURANTS... 25 3.1 CADRE REGLEMENTAIRE POUR LES ACTIONS DES COLLECTIVITES ET AO... 25 3.1.1 Synthèse... 25 3.1.2 Opportunités législatives ou réglementaires... 27 3.1.3 Le cadre réglementaire des systèmes d information géographiques... 38 3.2 CONTRAINTES RELATIVES AUX DONNEES... 41 3.2.1 Caractère personnel ou non personnel des données collectées... 41 3.2.2 Les données face à la sécurité et la défense nationale... 43 3.2.3 Interopérabilité des données... 46 3.2.4 Maille d obtention, de gestion, de contrôle et de diffusion des données... 49 3.3 CONTRAINTES CONTRACTUELLES ET GOUVERNANCE... 51 3.4 ASPECTS TECHNIQUES... 51 3.4.1 Capteurs : notion étendue... 52 3.4.2 Une diversité de moyens mobilisables pour la collecte des données... 53 3.4.3 Stockage et sécurisation des données... 54 4 SCENARIOS PROSPECTIFS... 57 4.1 LES ELEMENTS DU PUZZLE... 57 4.1.1 Le numérique : système nerveux, moteur et lien vers le citoyen de chacune des infrastructures locales... 57 4.1.2 Territoire intelligents et transversalité... 58 4.1.3 Données et interfaces au cœur de la transversalité... 60 4.1.4 Le défi du traitement des données dans les collectivités... 62 4.1.5 Le SIG, moteur de la transversalité... 64 4.1.6 Des plateformes de pilotage pour les territoires... 65 4.2 SCENARIOS PROSPECTIFS... 67 3

4.2.1 Scénario tendanciel... 67 4.2.2 Scénario de rupture... 71 4.2.3 Scénario Plateforme Fournisseurs... 77 4.2.4 Scénario hybride... 79 5 POSITIONNEMENTS STRATEGIQUES... 81 5.1 MISE EN PLACE D UNE NOUVELLE COMPETENCE «DONNEES LOCALES» POUR LES AUTORITES ORGANISATRICES... 81 5.1.1 Obtention des données... 81 5.1.2 Agrégation et plateforme de mise à disposition... 82 5.1.3 Stockage et sécurisation... 84 5.2 UNE GOUVERNANCE SPECIFIQUE POUR FACILITER LA GESTION DE LA DONNEE SUR LE TERRITOIRE... 86 5.2.1 Niveau de Pilotage de la nouvelle compétence service public de «Données Locales»... 86 5.2.2 Maille de mutualisation : quel périmètre territorial?... 87 5.2.3 Un tiers de confiance pourrait être mobilisé pour apporter une garantie au dispositif... 87 5.3 FAVORISER UN CADRE TECHNOLOGIQUE NEUTRE ET INTEROPERABLE... 88 5.3.1 Privilégier une standardisation des capteurs... 88 5.3.2 Mutualiser une partie de la collecte de façon ciblée et pragmatique... 89 5.3.3 Rapprocher les traitements de données par pôles cohérents... 91 5.4 UNE STRATEGIE PROACTIVE AUPRES DES POUVOIRS PUBLICS POUR FAIRE EVOLUER LA REGLEMENTATION... 92 5.5 LE FINANCEMENT DES SYSTEMES COMMUNICANTS INTELLIGENTS POURRAIT ETRE UN LEVIER POUR FAIRE ENTENDRE AO ET COLLECTIVITES... 93 6 ANNEXES... 95 6.1 RESSOURCES DOCUMENTAIRES... 95 6.2 BENCHMARK INTERNATIONAL... 96 6.2.1 Electricité... 96 6.2.2 Gaz... 105 6.2.3 Transports en commun... 105 4

Préambule La question du compteur communicant a, depuis les prémices de cette technologie, été associée à la notion de «Smart Grid», avec une double préoccupation d évolution de la gestion des réseaux électriques face à plusieurs défis (transition énergétique, production décentralisée, maîtrise et anticipation des pics de consommation ) et de renforcement de l information du consommateur, afin d améliorer son comportement et de mieux maîtriser ses dépenses. L intelligence dans les réseaux n est pas pour autant un enjeu limité aux problématiques du secteur électrique. En effet, ces capteurs, compteurs et objets communicants se multiplient depuis quelques années dans une diversité de réseaux et services (télécoms, électricité, gaz, eau, chaleur, froid, éclairage urbain, mobilité, sécurité, etc.). La multiplication de ces «objets communicants» permet plus globalement une évolution profonde des services publics et contribue à une modernisation du pilotage des territoires. Elle accompagne naturellement le développement des démarches «réseaux et territoires intelligents». L implémentation de ces nouveaux équipements communicants dans les réseaux et les territoires est une opportunité aussi bien pour la gestion et l exploitation des réseaux que pour l innovation dans l offre des services. Le nombre d objets communicants a dépassé depuis 2008 le nombre de personnes connectées au niveau mondial, et devrait poursuivre sa forte croissance pour atteindre plus de 50 milliards d objets connectés d ici 2020. Cette profusion d éléments communicants, couplée à celle des applications web et réseaux sociaux, engendre dans notre environnement privé et dans l espace public ce que certains n hésitent pas à appeler un «tsunami de données». Le volume de données engendrées va en effet être multiplié par 30 entre 2010 et 2020 1. Pour les territoires et en particuliers les Autorités Organisatrices (de Transport, de Distribution ), c est à la fois une formidable opportunité mais aussi de potentiels risques à anticiper. L'intelligence dans les réseaux une source d'opportunités mais aussi de risques à anticiper TACTIS pour l a FNCCR - octobre 2013 Opportunités et atouts Risques et dangers * Partage de ressources (capteurs, collecte télécom des données, stockage ) offrant des perspectives d'optimisation des coûts (CAPEX/OPEX) * Interopérabilité entre systèmes pour permettre notamment le croisement de données (y/c pour les usagers/consommateurs) et le développement de services innovants * Valorisation renforcée des données * Développement économique du territoire * Effets et dérives "big brother" liés à la collecte massive de données. Selon IDC, le plus gros potentiels réside dans les données de surveillance (45%) et le système de traitement des données (20%) * Sensibilité renforcée aux évenements et incidents des systèmes très intégrés, notamment par la création d'une dépendance vis-à-vis des réseaux télécoms * Trop de données peut tuer la "donnée pertinente", donc besoin de structurer et de qualifier ces données (selon IDC : 75% des données seront inutilisables) * Exposition de services (potentiellemnt critiques) à d'éventuels dysfonctionnements ou attaques informatiques 1 Etude IDC 2012, «The Digital Universe in 2020: Big Data, Bigger Digital Shadows, and Biggest Growth in the Far East» 5

Il est important de préciser que ces évolutions du contexte pourraient conduire à la création d une mission de service public de «gestion des données locales numériques». Elle ne pourrait s envisager que dans le respect du cadre réglementaire relatif à la sécurisation des données, en particulier de celles à caractère personnel. Il faut cependant veiller à toute dérive de type «Big Brother» en permettant de façon pragmatique, transparente et progressive aux autorités publiques d exploiter des données destinées exclusivement à établir des indicateurs pertinents pour une gestion plus efficace du territoire et des services innovants pour les citoyens. Quel que soit le degré d intégration recherché par un territoire et ses partenaires, imaginer une solution unique (capteur universel ou réseau de collecte unique) pour tous ces objets et équipements communicants est illusoire. Il s agit plutôt d établir une démarche permettant de fédérer et rendre interopérables des équipements communicants, la gestion des données et non d imposer une solution universelle. Diversité de réseaux et d'infrastructures sur le territoire : potentialités et limites de partage des outils numériques TACTIS pour l a FNCCR - octobre 2013 Objectifs communs Spécificités différenciatrices * Optimisation des coûts de gestion et pilotage de la * Usages propres à chaque métier / service (ex: gestion collecte et du traitement des données du pic de la demande pour les Smart Grids) * Distinctions entre capteurs internes aux foyers et * Information / contrôle des autorités organisatrices capteurs dans le domaine public ou autres lieux * Niveaux de responsabilité et de sensibilité des données variables en fonction de la nature des services * Enjeu du niveau "temps réel" et de la continuité de service propre à chaque domaine => des mutualisations possibles de moyens permettant optimisation et innovation => des solutions et moyens dédiés pouvant devenir interopérables L ambition de la démarche engagée par la FNCCR vise donc à définir les enjeux d une approche transversale à l échelon d un territoire, de façon pragmatique mais aussi structurante. Il s agit donc d identifier les champs de synergies et d interopérabilités liés à la collecte et la gestion des «data» que les autorités organisatrices ont intérêt à faire émerger entre leurs différents métiers. Il s agit de limiter autant que possible la duplication d équipements ou de solutions et surtout de veiller à ce que les systèmes mis en œuvre par les collectivités elles-mêmes et/ou leurs prestataires et délégataires soient interopérables à l échelle d un territoire. Ainsi, la problématique de l accès à la donnée, sa collecte, sa gestion et son exploitation apparaissent comme un nouvel enjeu à intégrer dans le cadre des politiques publiques d un territoire. Cette problématique doit faire l objet d une mise en perspective des décideurs publics locaux et nationaux, afin d anticiper les évolutions tendancielles et d envisager des modalités d actions et d interventions là où les enjeux et risques les rendent pertinentes. L une des difficultés pour les autorités publiques locales est liée aux multiples contrats hétérogènes qui lient leurs réseaux et services publics avec des prestataires et partenaires privés. De fait, le cycle d adaptation sera long à mettre en application après l adoption d une nouvelle approche sur cette question des «données». Des éléments s imposeront de facto comme par exemple certaines 6

infrastructures déployées pour des réseaux intelligents «précurseurs» (par exemple les 35 millions de compteurs Linky pour les Smart Grids en France). Il est donc d autant plus important d aborder dès maintenant ces questions pour tenir compte des inerties structurelles et contractuelles liées à ces réseaux et services. C est dans ce but que la FNCCR a souhaité mener une première analyse exploratoire des enjeux et de l incidence de ces évolutions sur les politiques publiques. Il s agit notamment d apporter des premiers éléments de réflexion sur le périmètre pertinent de pilotage territorial. 7

1 Enjeux, tendances et opportunités pour le numérique dans les territoires 1.1 Le numérique est un élément de transformation des territoires Les différents acteurs des territoires (citoyens, secteur privé et collectivités) sont concernés par les avancées permises par les technologies numériques, qui peuvent prendre des formes diverses : une amélioration des réseaux et services du territoire (détection de fuites sur le réseau d eau potable, meilleures informations et tarifications pour les réseaux de transport, etc.) ; de nouvelles formes de participation pour le citoyen, qui devient progressivement un «acteur» via les réseaux sociaux (production d information / de données, co-construction de l espace urbain, nouveaux canaux de communication avec les entités publiques, etc.) ; une meilleure connaissance du territoire, qui facilite son aménagement et permet une maîtrise des risques naturels. Ces avancées pourront se traduire en partie par une multiplication de mécanismes et procédés générateurs de données comme les capteurs environnementaux, les caméras de vidéoprotection / sécurité ou encore les compteurs communicants. Parking Chauffage urbain Signalisation urbaine Eclairage urbain Vidéo protection Environnement Eau Assainissement Détection de présence des véhicules, affichage des places disponibles sur des bornes urbaines, gestion Gestion fluide, comptage Contrôle commande centralisé Contrôle commande centralisé Gestion de signaux vidéos (flux en temps réel ou séquences d images, enregistrements, analyse) Mesure de la qualité de l air (CO 2, pollens, etc.), maîtrise des risques naturels Surveillance (autonome) des installations et de leur fonctionnement, télérelevé des compteurs, alertes fuites Figure 1 : Exemples d évolutions permises par l intégration d éléments numériques Les projets de type «territoire intelligent» ou «ville intelligente» ne sont cependant pas restreints à la mise en place d équipements divers, c est l ensemble des infrastructures et les différents services qui devront communiquer entre eux. Le développement et l évolution des réseaux publics intelligents représentent un enjeu stratégique, technique et un enjeu en termes de services (notamment grâce à l information produite par les réseaux). De nombreuses interrogations sont cependant soulevées par ces évolutions : 8

De nombreux acteurs sont appelés à être impliqués, quels nouveaux schémas organisationnels faut-il mettre en œuvre? Comment intégrer les spécificités locales dans ces schémas organisationnels (productions locales, gouvernance et organisation au niveau du territoire, état des lieux technique, etc.)? Open Data, Big Data, quelle est la limite de la propriété des données? Comment assurer la neutralité et l interopérabilité des systèmes qui seront mis en place? Sans une anticipation des enjeux liés au numérique, les collectivités risquent de manquer des opportunités, de s enfermer dans des systèmes trop peu ouverts, ou de faire face à des coûts de rattrapage importants. 1.2 La donnée, un nouvel enjeu au cœur des relations entre collectivités et acteurs des services locaux Alors que le numérique devient un élément structurant pour les services publics, il convient d aborder son introduction par un prisme plus large que celui des services. Les problématiques de l interopérabilité des systèmes installés et de la gestion de la donnée doivent être anticipées par les autorités organisatrices, par exemple en définissant de nouvelles obligations pour les délégataires et exploitants. La donnée est au cœur de nombreux concepts émergents (Open Data, Big Data). Elle représente un enjeu pour les collectivités : Un meilleur accès aux données permet de contrôler les missions confiées aux délégataires ou partenaires, Une connaissance de l utilisation et de l état des services publics facilite l optimisation des ressources, pour les investissements, la maintenance et l exploitation, L apparition des vecteurs d information numériques peut être à l origine de nouvelles formes d échanges avec les citoyens du territoire. 1.2.1 Améliorer la connaissance du territoire Dans une optique de connaissance de leur territoire, les collectivités expriment des besoins forts en termes de captation des données, de stockage, et d exploitation (notamment SIG). Deux phénomènes viennent amplifier ces besoins : La mise en place de la directive INSPIRE (INfrastructure for SPatial InfoRmation in Europe), qui vise à établir une infrastructure d information géographique dans la Communauté européenne pour favoriser la protection de l environnement. L objectif est de faciliter la transmission et l utilisation des données, principalement par les actions suivantes : o o Favoriser l accès aux informations afin d en permettre une utilisation extensive, Faciliter leur exploitation par la préconisation de formats et d une nomenclature prédéfinis. L évolution de la réglementation DT-DICT, notamment par la création du guichet unique. Afin de prévenir les risques liés aux travaux, un guichet est mis en œuvre pour recenser les ouvrages souterrains. Les collectivités peuvent être concernées à plusieurs titres : 9

o o o Les exploitants de réseaux doivent fournir via le téléservice des informations relatives aux zones d implantation ; En tant que maître d ouvrage ou exécutant de travaux, pour se renseigner sur la présence de réseaux sur la zone concernée par les travaux ; En tant qu aménageur, pour avoir une meilleure connaissance du sous-sol et des travaux programmés sur le territoire, par la consultation du téléservice. 1.2.2 Renforcer le contrôle des missions confiées aux délégataires Le contrôle de la performance des délégataires s effectue généralement à travers la production d indicateurs prédéfinis dans le contrat de délégation. Cette situation peut néanmoins être insatisfaisante : Les indicateurs sont produits par des équipements gérés par le délégataire, et parfois par le délégataire lui-même. Cette situation soulève la question de la fiabilité des indicateurs, dans le cadre de l accomplissement d une mission de service public déléguée. L utilisation d indicateurs agrégés ne permet pas nécessairement d identifier tous les dysfonctionnements pouvant exister. En effet, la granularité obtenue peut occulter des situations anormales, en les noyant parmi d autres données. Afin d assurer au mieux le contrôle des délégataires, il peut ainsi être nécessaire pour l autorité organisatrice d accéder aux données non agrégées, dans un format exploitable. Cet accès est aujourd hui assuré dans le secteur de l énergie par l intermédiaire d agents assermentés, conformément à l article 43 de la loi n 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Les obligations varient selon les secteurs comme l eau l assainissement ou les transports. Malgré ces dispositions, l accès aux données du délégataire est toujours à l origine de tensions entre délégants et délégataires. Ces conflits peuvent être préjudiciables pour les collectivités, pour lesquelles le rapport de force est défavorable : il peut en effet être difficile pour une collectivité rurale de faire fléchir un opérateur d envergure nationale ou internationale sur ce point. Il ne s agit pas pour la collectivité d identifier les mesures à apporter pour garantir l exploitation du service ou son rétablissement dans l éventualité d un dysfonctionnement : ces responsabilités incombent bien à l opérateur dans le cadre de sa mission. Si l accès à des données plus précises peut être à l origine d exigences nouvelles de la part de la collectivité, ces dernières devront faire l objet d échanges avec le délégataire, et éventuellement d avenants au contrat de délégation. Par ailleurs, la disponibilité de données brutes, dans un format directement exploitable, est également un élément important dans le cas d un changement d exploitant en fin de contrat de délégation : afin de permettre une exploitation satisfaisante des infrastructures par l éventuel nouveau délégataire, par une connaissance précise de leur état ainsi que de la demande, afin de permettre à de potentiels candidats à la reprise du service de bâtir une offre (proposition d adaptation de l offre ou de la tarification, appréhension du risque commercial, etc.), afin que la collectivité puisse identifier des objectifs et analyser les propositions des candidats. La disponibilité de données permet donc d éviter un verrouillage technique ou concurrentiel du marché par un acteur privé. 10

1.2.3 Contribuer à l aménagement et à un meilleur pilotage du territoire Au-delà d une meilleure connaissance du territoire et d un contrôle des délégataires, la problématique de l accès aux données doit également s envisager dans une démarche opérationnelle pour les collectivités : Une information fiable sur la qualité des infrastructures présentes dans la ville permet d anticiper les investissements à réaliser pour leur maintenance ou leur remplacement. Une vision globale du territoire permet une cohérence des investissements réalisés, par une éventuelle mutualisation de structures ou de travaux. Cet aspect est par exemple illustré par l article L.49 du Code des Postes et des Communications Électroniques (CPCE), qui introduit une obligation pour les maîtres d ouvrage de communiquer des informations relatives aux travaux pouvant être mutualisés pour le déploiement opportuniste d infrastructures d accueil, afin de favoriser le déploiement des réseaux de fibre optique. Une cohérence peut également être établie entre les différentes actions entreprises par la collectivité. On peut évoquer le cas du Plan Climat- Énergie Territorial, qui intègre de multiples actions (transports, isolation de bâtiments, pollution, production électrique, etc.) et pour lequel la collectivité peut demander des données auprès des distributeurs d énergie. Ainsi il paraît nécessaire que la collectivité puisse accéder à de multiples données jugées pertinentes pour sa mission de pilotage et de gestion du territoire. Ces données peuvent cependant être produites, stockées et exploitées par une diversité d acteurs du territoire, qu ils soient publics ou privés : elles pourront, dans certains cas, dépasser le périmètre des services concédés par la collectivité. Source : Innovative City Figure 2 : Exemples de composantes constitutives de la Smart City 11

1.2.4 Développer la relation avec l usager et le citoyen Il est important, dans le cas de projets de type «territoire intelligent», de prévoir une appropriation des concepts et solutions par la population. Le numérique permet une nouvelle relation entre le citoyen et son environnement immédiat. La disponibilité d une donnée mise à jour en temps réel, adaptée au contexte géographique et personnalisée, participe à la réappropriation de l espace urbain. Cette réappropriation peut se matérialiser par une limitation des déplacements dans le cas de la création d espaces de télétravail ou de coworking, par l optimisation des déplacements (grâce à une meilleure information sur l itinéraire du voyageur), par la valorisation de l offre culturelle, ludique ou commerciale de proximité, etc. Le citoyen devient un acteur clé du territoire et contribue à la production de données, notamment à travers les réseaux sociaux. Sa place au sein de la ville et des processus décisionnels et démocratiques doit être reconnue. L habitant n est plus un simple consommateur de biens et services, c est également un producteur et un décideur, notamment grâce au développement des réseaux sociaux. L implication citoyenne dans les politiques publiques, grâce à des mécanismes dédiés, peut ainsi assurer une co-construction du territoire. Ces scénarios sont illustrés par les démarches de type «Open Data», qui visent à favoriser la création de services à destination des citoyens en mettant à disposition des développeurs des jeux de données. Ainsi, en mettant à disposition des citoyens (et du secteur privé) une information de qualité, de nouvelles formes d échanges peuvent être mises en place entre ces derniers, le territoire et la collectivité. L accompagnement des citoyens vis-à-vis des évolutions provoquées par le numérique, sera pour certains, nécessaire. Il est en effet important de s assurer que les changements ne créent pas de nouvelles fractures et inégalités entre les citoyens, notamment en termes d accès aux services. 1.3 L accès aux données devient crucial pour le métier des collectivités L accès aux données est d ores et déjà identifié comme un enjeu essentiel pour la planification et la gestion du territoire. Cet accès est ainsi garanti par des dispositifs réglementaires, afin que les collectivités puissent assurer les missions qui leur sont confiées. Cela concerne par exemple : Le décret du 12 février 2009, dit décret «connaissance des réseaux», qui donne à l État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, un «droit à l information» sur les infrastructures et réseaux de communications électroniques. Les exploitants de réseaux, qui devront déclarer, à partir du 1 er juillet 2013 et via le téléservice «Réseaux et Canalisations» 2, les zones d emprise de leurs réseaux en service. Lorsqu un maître d ouvrage planifie des travaux sur la voie publique, des obligations de transmission d informations s appliquent également à lui : o o Les limites de l emprise des travaux doivent être transmises dans le cadre des DT-DICT via le téléservice «Réseaux et canalisations» depuis le 1 er juillet 2012 ; Si les travaux portent sur les réseaux implantés sur la voie publique et s ils se déploient sur une longueur de 150 m en milieu urbain ou 1 000 m en milieu 2 Dans le cadre du plan d actions anti-endommagement des réseaux, le téléservice www.reseaux-etcanalisations.gouv.fr est mis en place pour prévenir les accidents et incidents lors de travaux réalisés à proximité de réseaux aériens, enterrés ou subaquatiques. Ce guichet unique remplace le dispositif de recensement des réseaux et de leurs exploitants géré avant le 1er juillet 2012 par chaque commune. 12

interurbain, le maître d ouvrage a une obligation de publicité sur ces travaux (article L.49 du Code des Postes et des Communications Électroniques). Ce processus a vocation à faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques à très haut débit par la pose opportuniste d infrastructures d accueil. Le décret n 2011-1554 du 16 novembre 2011 relatif aux données permettant d'élaborer et d'évaluer les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie et les plans climat-énergie territoriaux, qui permet aux collectivités d accéder aux données de consommation sur leur territoire. Le décret n 2011-1907 du 20 décembre 2011 qui fixe les modalités applicables à la transmission par le délégataire au délégant des supports techniques nécessaires pour la facturation de l eau (en fin de contrat, afin de préparer le renouvellement de la délégation ou la reprise en régie du service). L enjeu de l accès aux données n a néanmoins été traduit que de façon sectorielle, par des mécanismes permettant aux collectivités de répondre à des besoins ponctuels : il conviendrait d adopter une approche plus générale afin qu elles bénéficient des données nécessaires à un pilotage global. 1.4 La transversalité au cœur de l évolution des territoires Une transformation profonde des territoires nécessitera une évolution de la gouvernance des projets urbains : la conduite de projets doit ainsi dépasser la fragmentation en silos des directions, afin de permettre la mise en œuvre de projets mêlant plusieurs secteurs ou compétences, et la circulation de flux entre les différents métiers du territoire. Le développement d une transversalité au sein des collectivités se justifie à plusieurs titres : afin de permettre des synergies grâce à la mutualisation de ressources. Cette mutualisation peut par exemple intervenir au niveau d infrastructures ou de travaux (mutualisation de tranchées pour la pose de câbles optiques, mutualisation des réseaux de collecte de données). afin de permettre un pilotage d ensemble, grâce à une vision globale cohérente du territoire, de ses infrastructures et services. Ainsi, une vision stratégique de la collectivité peut être déclinée dans différents projets complémentaires, en s assurant qu il n y ait pas de gêne entre ces derniers. pour répondre à des besoins spécifiques nécessitant une transversalité : o projets de mobilité et d intermodalité (transports, voirie) ; o projets de maîtrise énergétique (électricité, gaz, isolation des bâtiments ) ; o projets de protection de l environnement (eau, déchets, etc.). 13

Intermodalité et mobilité Transversalité Environnement Maîtrise énergétique Figure 3 : Exemple de thématiques nécessitant structurellement une transversalité La mise en place de politiques transversales devrait s accentuer avec l émergence d enjeux et de besoins de plus en plus complexes sur le territoire, auxquels une démarche en silos est incapable d apporter une réponse satisfaisante. Le cas des projets de type «territoire intelligent» est particulièrement représentatif par la multitude des sujets qui seront susceptibles d être affectés. Cette transversalité peut être réalisée par : Une mutualisation des moyens, permettant ainsi une rationalisation et une optimisation des infrastructures. Elle devra notamment être pensée dans le cadre de l évolution des systèmes d information. Une mutualisation du pilotage, qui pourrait être mise en œuvre par le développement d un management par projet. Elle consistera à mobiliser plusieurs partenaires selon les thématiques concernées, tout en permettant une articulation efficace de leurs actions. La mutualisation du pilotage pourra aller jusqu à l association des citoyens, par un processus collaboratif. 14

2 Eléments de synthèse 2.1 Synthèse des entretiens Les éléments ci-dessous constituent un panorama des opinions exprimées par les acteurs interrogés : collectivités locales, autorités organisatrices, régulateurs, industriels, opérateurs, etc. Ces positions sont présentées ici de façon indépendante des réflexions avancées dans le reste du document, afin de permettre l identification des préoccupations exprimées. 2.1.1 Enjeux et problématiques des données L émergence des territoires intelligents est rendue possible par le développement des technologies de l information et de la communication. Les TIC rendent en effet possible la production, la remontée, le traitement et la restitution d informations qui permettront de prendre les décisions pertinentes aux bornes des différents territoires et de mieux les gérer, dans une approche systémique. Beaucoup de la valeur créée par la Smart City est liée à la possibilité de mettre en regard les données qui sont issues des différents systèmes de la ville, historiquement conçus et exploités en silo. Cette convergence doit néanmoins être réfléchie afin de faire émerger des indicateurs pertinents : croiser entre elles toutes les données disponibles n aurait aucun sens. Par ailleurs, la disponibilité de multiples sources de données peut présenter des difficultés : les données doivent être exploitables, c est-à-dire dans un format suffisamment standardisé pour être compréhensible et utilisé dans une logique opérationnelle ; la protection des données à caractère personnel est plus que jamais un enjeu central, afin d empêcher les atteintes à la vie privée des citoyens. 2.1.2 Mise en place d une gouvernance autour des données Les collectivités, au sens large, ont un rôle important à jouer dans la gestion des données à l échelle des territoires. Cette gestion devra faire l objet d un nouveau métier, articulé autour de l accès aux données, et bénéficiera à une multitude d acteurs, ainsi qu au développement de l innovation pour la mise en place de nouveaux services à l usager. La souveraineté de la collectivité sur les données provient de l intérêt général qui découle de leur usage, pour le plus grand monde. Son rôle pourrait ainsi être de garantir la circulation des données. Les collectivités devront monter en compétence et renforcer leur rôle de maître d ouvrage au regard des données dont elles disposeront. Ainsi, il sera nécessaire de former des spécialistes dans les collectivités, experts dans la maîtrise des données. Une maille devra néanmoins être définie pour la gouvernance de ce métier : elle pourrait être définie à un échelon territorial, tout en prévoyant un rapprochement autour de standards d interopérabilité. Ces standards pourraient faire l objet de réflexions au sein d une structure nationale, à l image de ce qui existe dans d autres pays. 2.1.3 Prévoir les évolutions contractuelles Il est nécessaire, avec les évolutions permises par le numérique et l émergence de réflexions autour des données disponibles, de redéfinir les rôles des différents acteurs du territoire, en particulier les relations collectivité-délégataire. Ces relations sont principalement établies dans le cadre des contrats de Délégation de Service Public, qui pourront intégrer de façon plus précise des volets sur les données. 15

Ainsi, les collectivités devront rédiger et décrire le besoin et la gestion des données des services à déléguer au même titre que la description des services proprement dits. Les cahiers des charges des concessions seront à reprendre en définissant les besoins et en décrivant de façon précise et détaillée les données utiles. Au vu de l évolution rapide des techniques ayant trait au numérique, en particulier par rapport à l échelle de temps d une concession, il convient de prévoir dans les contrats des possibilités d évolution. Une telle prise en compte permettra de bénéficier des progrès techniques divers (vitesse de transmission, précision des mesures, facilité d exploitation, etc.). 2.1.4 Importance de l interopérabilité des systèmes et données Historiquement, les délégants se sont déchargés des questions de systèmes d information et de données sur leurs délégataires, car cela ne relevait pas de leur savoir-faire. Dans le cas des systèmes d information propriétaires, il est donc complexe de prendre en main ou de transférer l exploitation du service, car les exploitants privés cherchent à se constituer une exclusivité technique. Si l on souhaite opérer une véritable gestion du territoire, il est nécessaire de standardiser les données, et éventuellement les réseaux d objets. Or il n existe pas de standards en matière d internet des objets, et l Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes n a aucune mission dans ce domaine. Il serait pourtant pertinent d éviter une interopérabilité qui s ajouterait comme une couche supplémentaire et qui engendrerait des coûts additionnels : les réflexions doivent être menées en amont de la définition des systèmes. Afin d éviter un verrouillage technologique des réseaux confiés à des délégataires privés, il conviendrait de : travailler sur l interopérabilité des installations, des systèmes d information et des données, autour d une structure nationale ; prévoir une réversibilité des installations, afin de pouvoir aisément reprendre en main ou transférer l exploitation du réseau le jour où cela s avère nécessaire. La question du passage d une DSP en régie illustre particulièrement l importance d un accès aux données nécessaires à l exploitation du réseau, dans un format exploitable de façon opérationnelle. Concernant la mise en place de critères d interopérabilité, le rapport de force est en faveur des opérateurs nationaux et internationaux ainsi que des équipementiers et industriels. Le seul contrepouvoir est le pouvoir politique et la législation, qui requiert une implication politique forte. 2.1.5 Mutualisation des systèmes de collecte Il est techniquement envisageable d avoir un réseau de collecte unique pour les données de comptage. Le gestionnaire de ce réseau de collecte transmettrait alors des données (agrégées ou non) aux gestionnaires de réseaux et fournisseurs de services, ainsi qu aux autorités organisatrices. La mise en place d une telle mutualisation peut néanmoins se heurter à diverses difficultés : dans la pratique, il convient de prendre garde aux caractéristiques techniques des différents systèmes pour s assurer du bon fonctionnement de la mutualisation ; un cadre juridique doit être mis en place pour la mutualisation, notamment au sujet des coûts afférents à la collecte et à la transmission des données ; les caractéristiques des données de comptage et de mesure peuvent être très différentes d un réseau à l autre (fréquence, volumes, etc.). Ainsi il peut être plus pertinent de réfléchir à une mutualisation partielle, en fonction des besoins de collecte exprimés. 16

En sus, il peut être complexe pour les collectivités d initier une réflexion sur la mutualisation de la collecte, car le rapport de force avec les opérateurs de services nationaux est en leur défaveur. En particulier, les collectivités de petite taille peuvent avoir du mal à faire valoir leurs revendications. 2.1.6 Modèles économiques et retours sur investissements La définition d un modèle économique pérenne faciliterait l intervention des collectivités et permettrait de stimuler les investisseurs. De façon directe, une des premières pistes de rentabilité à explorer est la rationalisation des dépenses d exploitation générées par le service. En effet, en permettant un gain d efficacité ou une meilleure utilisation des ressources, des économies peuvent être réalisées par l exploitant (réduction des fuites sur un réseau d eau potable, économie sur la relève des compteurs, etc.). Si l existence réelle d un retour sur investissement en capital n est pas assurée, les dispositifs numériques permettent des externalités positives qui doivent ainsi être prises en compte : la fourniture de nouveaux services aux usagers/consommateurs, comme par exemple la mise à disposition d informations sur leur consommation en temps réel ; l amélioration du cadre de vie pour les habitants, avec une meilleure qualité de l air, une plus grande fluidité du trafic automobile, etc. ; une meilleure visibilité du territoire ; un développement économique, par la mise en place d un écosystème favorable à l innovation. La difficulté peut résider dans la détermination d un modèle économique à une maille locale. 2.2 Synthèse du benchmark 2.2.1 La standardisation de l accès aux données Aux États Unis, les villes tentent de plus en plus d avoir une évaluation de leur politique d efficacité énergétique. En effet, les certifications pour les bâtiments à basse consommation sont délivrées en fonction de la construction du bâtiment et de sa consommation potentielle et non en fonction de sa consommation réelle. De plus, les villes sont soucieuses d une amélioration continue de façon à éviter que les propriétaires de bâtiments se contentent du minimum imposé par la loi. Ainsi certaines villes imposent aux propriétaires d immeubles de rendre accessible au gouvernement la consommation de leurs bâtiments. La ville choisit alors soit de rendre publiques les données dans un rapport annuel (cas de New York) ou de ne les publier que lors du changement de propriétaire du bâtiment (cas de Philadelphie). A New York, la loi LL84 3 du programme Greener, Greater Buildings Plan impose à tous les propriétaires de bâtiments supérieurs à 50 000 ft 2 (4600 m 2 ) de soumettre les données de consommation d eau et d énergie à la ville en vue d une publication appelée Energy Benchmarking. Les données doivent être entrées à partir de l Energy Star Portfolio Manager du programme Energy Star de l Agence de la Protection de l Environnement. Cela permet aux collectivités et aux propriétaires d avoir un suivi de la consommation des bâtiments. La régie d eau de New York, relevant de son département de l environnement, a fait en sorte que les données annuelles de consommation soient automatiquement envoyées à la ville pour les bâtiments équipés de compteurs communicants. 3 http://www.nyc.gov/html/gbee/html/plan/ll84_about.shtml 17

Afin de rassembler plusieurs bases et d améliorer les échanges entre les propriétaires, les collectivités et les prestataires de services, le département de l énergie est en train de créer la plateforme SEED 4 (Standard Energy Efficiency Data). Cette plateforme sera basée sur un logiciel Open Source et aura une interface logicielle (API) qui permettra aux propriétaires de partager avec des tiers les données qu ils auront fournies. Les consommateurs veulent accéder à leurs données de consommation ainsi qu aux services associés. Cette vision est partagée par le gouvernement fédéral qui a appelé en 2011 les fournisseurs à améliorer l accès aux données en lançant l initiative Green Button 5. Elle a pour objectif de normaliser l accès aux données relatives à leur consommation électrique au cours des 13 derniers mois. Cette procédure permet aux usagers d obtenir ces informations dans un format normalisé et sécurisé. Ces informations sont accessibles gratuitement sur les sites des compagnies d électricité sous la forme d un bouton vert. La mise au point de cette norme commune permet aux opérateurs électriques mais aussi aux éditeurs et développeurs d applications de créer des services et des applications à partir de ces données. Ces applications permettent aux consommateurs d optimiser leur consommation et d opter pour des tarifs différenciés selon l heure d utilisation. Neuf des plus importantes compagnies d électricité américaines ont adopté cette norme et affichent le Bouton Vert sur leurs portails. 2.2.2 Les villes et territoires intelligents dans la réutilisation des données En réponse aux enjeux développés précédemment, les collectivités à travers le monde tentent de s adapter et de nombreuses initiatives émergent. Le développement des villes et territoires intelligents est encouragé par la Commission Européenne qui compte créer un groupe de travail sur le sujet dans les mois à venir. Restant cantonnée pendant quelques années à des projets Haut Débit, la ville intelligente jouit de plus en plus de la synergie entre les réseaux d «utilités» et les télécommunications. L approche en silo reste prédominante et largement pilotée par les grands groupes industriels. Que ce soit autour de l énergie, qui bénéficie d un véritable essor lié aux «Smart Grids» et à l apparition de compteurs communicants d électricité pour les particuliers comme à Mannheim en Allemagne, ou encore du télérelevé des compteurs d eau comme le fait Thames Water, le gestionnaire de la distribution d eau potable à Londres. Les données restent alors intégrées et traitées entièrement par l opérateur. Cela rend compliquée la mise en relation des différents jeux de données rendue nécessaire au pilotage du territoire par l apparition des thématiques transversales vues dans le 1.4. Afin d avoir une approche transversale, de nouvelles villes se construisent où l architecture de communication est pensée dès la conception de la ville. C est le cas des projets tels que le quartier Songdo en Corée du Sud 6 et son concept de ville ubiquitaire, ou de Masdar aux Émirats Arabes Unis 7. Cependant ces projets ne répondent pas au problème de l étalement urbain plus présent en France comme le souligne le ministère de l Écologie, du Développement Durable et de l Énergie 8. Certains territoires commencent tout de même à se doter d un véritable «panneau de contrôle» intégrant plusieurs compétences de la collectivité à partir des infrastructures existantes. Cela permet de croiser les données émanant des différents capteurs et compteurs du territoire afin de mieux 4 http://www.aceee.org/files/proceedings/2012/data/papers/0193-000384.pdf 5 http://www.greenbuttondata.org/greenabout.html 6 http://www.songdo.com/ 7 http://www.masdar.ae/en/ 8 http://www.developpement-durable.gouv.fr/etalement-urbain-et.html 18

comprendre les interactions entre les services de la ville. Ainsi le pilotage de ces derniers gagne en efficacité. Un aperçu de ce que pourrait être une telle plateforme est donné par le Centre for Advanced Spatial Analysis (CASA) de l University College of London dans le cadre du projet NeISS (National e-infrastructure for Social Simulation). Elle permet de visualiser plusieurs jeux de données dont la pollution de l air et les images de caméras de circulation en temps réel à partir d une carte 9. L objectif du projet est de mettre à disposition du citoyen des informations sur son lieu de vie. Figure 4 : Exemple de plateforme de centralisation d indicateurs Des collectivités commencent à adapter ce schéma au pilotage du territoire avec l aide d industriels. Ces projets valorisent l infrastructure et les données existantes en permettant une exploitation croisée de ces dernières pour des sujets d intérêt commun. La Ville de Montpellier a mis en œuvre un projet de plateforme multimodale de façon à intégrer et mettre en relation les données provenant de plusieurs moyens de transport en vue d inciter le citoyen à utiliser les transports en commun, ainsi qu un centre de gestion alerte SMS permettant au citoyen d être informé en temps réel. Dans le cas de Barcelone, l accord avec un opérateur pour la création d une plateforme urbaine s inscrit dans le cadre du «City Protocol», initiative lancée par la capitale catalane afin de créer une référence de la ville de demain en recoupant les expériences de diverses collectivités, entreprises et universités. 9 http://citydashboard.org/london/ 19

2.2.3 Des exemples illustratifs d initiatives «réseaux et territoires intelligents» 2.2.3.1 Grand Lyon : Le numérique répond aux problématiques urbaines et stimule l innovation Comme beaucoup de territoires urbains, le Grand Lyon met en œuvre des politiques de transformation pour accompagner des évolutions démographiques, économiques et sociétales (Confluence, Rives de Saône ). Le 21 février 2013, les axes stratégiques définis par les élus annonçaient de nouvelles ambitions autour de la thématique de la ville intelligente pour répondre aux défis urbains de la prochaine décennie : Nouvelles mobilités : devenir le territoire référent Optimod'Lyon, pour optimiser la mobilité des personnes et des marchandises, Citylog, le projet européen pour réinventer la distribution de marchandises en milieu urbain, E-partage, pour favoriser l'usage de la voiture plutôt que sa possession. Services numériques : faciliter la ville Energie et smart grids : devenir un acteur majeur de l'efficacité énergétique Conditions de l'innovation, soutenir et renforcer les capacités d'innovation des acteurs du territoire GrizzLY, des capteurs urbains innovants pour optimiser le traitement hivernal de la voirie, Grand Lyon Smartdata, pour l'ouverture des données publiques services NFC, pour développer la technologie sans contact de demain via un bouquet de services dématérialisés. Transform : un projet européen pour définir un processus de transition énergétique à l'échelle du quartier Lyon Part-Dieu, Watt&Moi : un nouveau dispositif de suivi des données de consommation électrique Linky, Smart Electric Lyon : un démonstrateur à très grande échelle, en aval du compteur, auprès de près de 25 000 foyers La Cellule Grand Lyon Expérimentation : pour faciliter la mise en œuvre d expérimentations, Le déploiement de la fibre optique Très Haut Débit : pour "fibrer" les 58 communes du territoire à l horizon 2019, Le Living Lab : pour faciliter le développement de nouveaux produits et services issus des partenariats public/privé Figure 5 : La centrale de mobilité du Grand Lyon permet aux opérateurs de services de mobilité de bénéficier de données en temps réel et historisées, tout mode et interopérables. 20