Après les banques d'investissement, les prochaines victimes sont-elles les banques de détail?



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Transcription:

avril - N - Après les banques d'investissement, les prochaines victimes sont-elles les banques de détail? Probablement arrive-t-on, aujourd'hui, au terme du mouvement de dépréciation d'actifs par les banques d'investissement, compte tenu des montants déjà révélés par rapport aux besoins et de l'évolution des prix de marché. Mais le risque est que la crise bancaire se déplace vers les banques de détail avec le ralentissement de l'économie, la hausse du chômage, le freinage de la consommation, la hausse du coût de financement des banques Peuvent alléger les risques sur les banques de détail, les baisses des taux d'intervention des banques centrales et le report des ménages vers les dépôts. RECHERCHE ECONOMIQUE Rédacteur : Patrick ARTUS

Vers la fin de la crise des banques d'investissement Les banques d'investissement ont déjà réalisé de très importantes dépréciations d'actifs (tableau ), correspondant aux estimations des pertes effectivement réalisées, en particulier sur les crédits immobiliers (aux, en Espagne graphiques a/b/c, tableau ) et sur les actifs basés sur ces crédits. Tableau Dépréciations d'actifs liées aux subprimes des grandes banques in $bn CIB - Writedowns* Q Retail banking - credit losses Citigroup,,, Merrill Lynch,, UBS,, Morgan Stanley,,, HSBC,,, Bank of America*,,, Washington Mutual*,,, Credit Agricole,, Wachovia*,,, JPMorgan Chase,,, Societe Generale,, CIBC*,,, Barclays*,, Bear Stearns*,, Mizuho Financial Group*,, Royal Bank of Scotland*,, Deutsche Bank,,, WestLB,, BNP Paribas,,, Wells Fargo*,,, Lehman Brothers,,, National City,,, Credit Suisse,,, Nomura Holdings*,, Other Asian banks*,,, Other Canadian banks,,, Goldman Sachs,,,, TOTAL,,,, (*) writedown net comprend les moins values latents Source: Thomson One Tableau Taux de défaut Alt A Total Total vintage vintage vintage sept-, sept-, sept-, oct-, oct-, oct-, nov-, nov-, nov-, déc-, déc-, déc-, janv-, janv-, janv-, févr-, févr-, févr-, Source : S&P Flash -

Graphique a : taux de défaut des ménages Subprime (G) To tal mo rtgage (D) P rime (D),,,,,, Graphique b Allemagne : faillites des ménages (en % du total des ménages),,,,,,,,,,,, Source : Credit reform,,,, Graphique c Taux de défaut des ménages sur les crédits hypothécaires (en %) France Espagne Royaume-Uni So urces : M B A, B anq ue de France, B DE, NA TIX IS Le fait générateur initial de la crise, c'est-à-dire les resets de crédits subprime aux, va disparaître à la fin de l'année (tableau ). Tableau Montant des prêts subprime dont le taux d intérêt va être refixé (reset) (Mds $)$ Q Q, Q, Q Q, Q, Q, Q, Q, Q, Q, Q, Source: LoanPerformance, Natixis De plus, les marchés financiers recommençent à évaluer les valeurs fondamentales des actifs, à observer que dans la quasi-totalité des cas les prix de marché sont anormalement bas, aidés en ceci par les nouvelles techniques d'intervention des banques centrales (achats d'actifs, swaps avec les banques entre Treasuries et actifs risqués). On voit donc un début de remontée des prix des actifs (dérivés de crédit, actions, paniers de crédits immobiliers, graphiques a/b/c/d), ce qui est évidemment très stabilisant pour les banques d'investissement. Flash - -

Graphique a Indices ITRAXX Graphique b Indice CDX ans itraxx M ain ans (o n-the-run) itraxx X-Over ans (o n-the-run) CDX X-Over CDX Investment Grade Graphique c Indices boursiers ( en ) S&P Euro sto xx FTSE Graphique d : Indices Mortgages (spreads OAS, pb) M A US A B S M o rtgage M aster Index MFNM US Mortgages - FNMA Master MGNM US Mortgages - GNMA Master Sources : Bloomberg, NATIXIS Enfin, on peut penser que l'ensemble des actifs (véhicules ) qui devaient être repris dans les bilans des banques d'investissement l'a été. On voit, par exemple, la stabilisation de l'encours d'abcp (graphique ), montre celle des encours maintenus dans des véhicules. Graphique : Com m ercial Paper Asset-Backed (Mds de $) Sources : Fed eral Reserve B oard, Dat ast ream La question qui se pose maintenant est bien celle du déplacement de la crise bancaire des banques d'investissements vers les banques de détail. Flash -

Les menaces sur les banques de détail Il s'agit : du ralentissement économique, et de ses effets sur les défauts des ménages et des entreprises ; du freinage de la consommation, avec de plus la stabilisation des taux d'endettement des ménages, et du freinage des emplois de services financiers, donc de potentiels problèmes pour l'immobilier commercial ; de la hausse du coût de financement des banques, qui menace la rentabilité des banques de détail, si les taux d'intérêt des crédits ne peuvent pas suivre. # Cycle économique Le freinage de la croissance aux et en Europe (graphique ) est dû surtout au retournement de l'activité de construction (graphiques a/b), au freinage du crédit aux ménages (graphique c). Graphique Croissance (volum e, GA en %) Graphique a Permis de construire ( en, G) Ro yaume-uni (M illiard de par an, D) Sources : BEA, ONS, BCE, prévisions NATIXIS Graphique b : perm is de construire (Milliers par an) Graphique c Crédit aux m énages (GA en%) Sources : FoF, BOE, BCE Flash - -

Il a comme caractéristique, aussi, que les entreprises essaient de maintenir leur profitabilité, ce qui conduit à des gains de productivité qui restent assez importants, surtout aux, et à une pression au freinage des salaires (graphiques a/b/c). L'écart entre gains de productivité et hausse des salaires réels devient très impressionnant. Graphique a : productivité et salaire (GA en %) Graphique b : productivité et salaire (GA en %) Productivité par tête Salaire réel par tête (prix du P IB,hors benefits), Productivité par tête Salaire réel par tête (prix du P IB ),,,,,,, - -,, - - -, -, Graphique c Royaume-Uni : productivité et salaire (GA en %) Productivité par tête Salaire réel par tête (prix du P IB ) - - Le ralentissement de la croissance et la dégradation des marchés du travail (avec des gains de productivité élevés par rapport aux taux de croissance, donc une hausse du chômage, déjà visible aux, au Royaume-Uni et en Espagne ; graphiques a/b) provoquent ou vont provoquer une remontée des taux de défaut (voir graphiques a/b/c ; graphiques a/b), déjà visible aux et en Espagne en ce qui concerne les ménages, aux en ce qui concerne les entreprises. Une remontée des taux de défaut est évidemment défavorable aux banques de détail ; on doit par exemple attendre la poursuite de la hausse du taux de défaut sur les cartes de crédit aux (graphique c). Flash -

Graphique a Taux de chômage Graphique b Taux de chômage Etats- Unis Royaume-Uni A llemagne France Italie Espagne Graphique a Taux de défaut des entreprises High Yield Europe Graphique b Royaume-Uni : faillites des sociétés industrielles et commerciales (GA en %) - - Sources : Datastream, M oody's - - - - - - Graphique c : Taux de défaut credit cards et taux de chômage, Credit Cards -défauts (%) Taux de chômage,,,,,,,,,,,,, # Immobilier commercial Le retournement à la baisse de l'immobilier résidentiel est clair, aussi bien en ce qui concerne les volumes (graphiques a/b) que les prix (graphique ). Flash - -

Mais l'immobilier commercial (distribution, bureaux) va aussi être affecté : par la faiblesse de la consommation (déjà visible aux et dans la zone euro, pas encore au Royaume-Uni, graphique ), due à celles de l'emploi et des salaires vues plus haut ; par le retournement à la baisse de l'emploi dans les services financiers (et immobiliers), déjà visible aux, au Royaume-Uni et en Espagne (graphiques a/b). Graphique Prix im m obiliers (GA en %) Etats- Unis Graphique Ventes au détail (volume, GA en %) Royaume-Uni - - - - - - - - Graphique a Em ploi dans les services financiers (GA en %) Graphique b Emploi dans les services financiers (GA en %) - Royaume-Uni A llemagne - - - - France Italie Espagne - - - # Coût de financement des banques Les primes de risque ont fortement monté sur tous les types de financement des banques : interbancaire, dette senior, dette subordonnée, actions (graphiques a/b/c/d/e). Flash -

,,,,,,, Graphique a Ecart entre le taux d'intérêt interbancaire et le taux d'intérêt sw aps à m ois,,,,,,, Graphique b Spread contre sw aps des dettes senior des banques Etats-unis -, -, Graphique c Spread dette subordonnée des banques : Lower Tier II Graphique d Spread dette subordonnée des banques : Low er Tier I Royaume-Uni So urces : Dat ast ream, NA TIX IS Graphique e Primes de risque actions financières FTSE Euro sto xx S&P Il est peu probable, avec l'affaiblissement de la croissance, que ces hausses de primes de risque puissent être entièrement passées dans les taux d'intérêt des crédits : ceux-ci sont stables, sans plus, alors que les taux sans risque reculent, ce qui génère une hausse des marges, mais plus faible que celle des coûts de financement des banques (graphiques a/b/c). Flash - -

Graphique a : Taux d'intérêts Graphique b : Taux d'intérêts Taux mortgage à taux fixe Taux à ans Taux d'intérêts crédits à long terme entreprises Taux mortgages à taux fixe Taux à ans Taux d'intérêts crédits à taux fixes entreprises Graphique c Royaum e Uni : Taux d'intérêts Taux à M ois Taux des prêts hypothécaires à taux variables Taux d'intérêts crédits à taux variables entreprises Cette hausse des marges sur les crédits est de l'ordre de points de base aux, points de base dans la zone euro, points de base au Royaume- Uni. Il devrait donc y avoir resserrement des marges sur les crédits à cause de la hausse des coûts de financement des banques. Synthèse : l'attention doit elle se tourner maintenant vers les banques de détail? Alors que les banques d'investissement arrivent au terme des dépréciations d'actifs nécessaires, il est à craindre que la situation des banques de détail ne commence à se dégrader : avec le ralentissement de l'économie, hausse du chômage, hausse des défauts des ménages et des entreprises, avec le freinage de la consommation et la baisse des emplois dans les services financiers, dégradation de la situation dans l'immobilier commercial, avec la hausse des coûts de financement des banques, réduction des marges (bénéficiaires) sur les crédits. Flash -

Deux facteurs peuvent cependant réduire cette dégradation de la situation des banques de détail : les baisses des taux directeurs des banques centrales (graphique ), là où elles ont lieu, le report des ménages vers les dépôts bancaires (graphique ), qui fournit aux banques des ressources peu coûteuses. Graphique Taux directeurs Graphique Dépôts bancaires (GA en %) Taux Fed Funds Taux Repo Taux BOE Sources : Fed, ONS, B CE Flash - -