Compétitivité et concurrence des avocats : leviers et perspectives Trois ans après l étude portant sur «La perception des avocats de leur métier», le Conseil National et le Barreau de Paris ont souhaité dresser un état des lieux complet de la perception qu ont les avocats de leur situation professionnelle, de leur avenir, tant individuel que collectif. Un intérêt particulier a été porté aux réactions liées à la pression générée par la concurrence. Au delà, il s est agit de mieux connaître les moyens et démarches d ores et déjà adoptés par les avocats pour adapter leur exercice professionnel à ces nouveaux enjeux ; les ressources dont ils estiment aujourd hui manquer pour améliorer la compétitivité de leurs cabinets et convertir l ensemble de ces évolutions en opportunités, aussi bien individuelles que collectives. De façon à mesurer les évolutions et le chemin parcouru entre les deux études un certain nombre de questions ont été reposées aux avocats en 2008. Cette étude a été confiée à la TNS Sofres. En voici les principaux enseignements. Méthodologie L enquête a été réalisée en juin 2008 auprès d un échantillon national de 500 avocats représentatifs de l ensemble de la population des avocats de France, constitué selon la méthode des quotas (sexe, ancienneté, mode d exercice, taille du barreau, région). Les entretiens ont été réalisés par téléphone, au cabinet des avocats interrogés. Alors qu en 2005 les avocats peinaient à se projeter dans l avenir, on constate qu aujourd hui ils ont une idée plus précise de la situation et de ce qu il convient de faire. De la prise de conscience à la mise en place de moyens et d outils, il reste du chemin à parcourir. Beaucoup d outils restent encore peu exploités, mais les avocats sont désormais passés à l action. Les avocats se perçoivent et se disent aujourd hui «assiégés» par la concurrence. Face à ce constat, ils partagent une conviction forte qui redéfinit l exercice de leur profession : inscrire le client au cœur de leur démarche (fidélisation et développement commercial). Dès lors, il s agit de traduire très concrètement ces convictions et de poursuivre la transition amorcée en se dotant des moyens de la compétitivité. Des moyens qui permettront de transformer les menaces en opportunités. (Très) Satisfaisant aujourd hui Forcément moins bien demain? Un peu plus de quatre avocats sur cinq (84%) se disent aujourd hui satisfaits de leur situation professionnelle alors qu il y a trois ans 1, 80% se déclaraient satisfaits. La progression est d autant plus significative qu elle correspond à une augmentation de 4 points des très satisfaits (20% en 2008, pour 16% en 2005). Comme en 2005, le niveau de satisfaction varie sensiblement selon les segments de 1 Etudes réalisées pour le Barreau de Paris et le Conseil National des Barreaux. 1
population considérés. Il est plus bas dans les groupes traditionnellement les plus fragiles (femmes et individuels notamment, respectivement 79% et 76%). La satisfaction constatée demeure à un niveau très élevé (plus de trois avocats sur quatre, quelque soit les catégories), ce qui témoigne d une satisfaction franche et massive. Un optimisme mesuré Satisfaits de leur situation personnelle présente, les avocats font en revanche preuve d un optimisme mesuré voire très timide lorsqu ils considèrent leur avenir, et plus encore l avenir de la profession. Si près de deux tiers (64%) sont optimistes pour leur avenir personnel, 36% sont pessimistes. C est 10 points de plus qu il y a trois ans. Quant à l avenir de la profession d avocat, il partage aujourd'hui les répondants : 50% sont optimistes, contre 49% qui affichent leur inquiétude (+ 4 points). Les mécontents optimistes Les satisfaits pessimistes 24% optimisme Les mécontents pessimistes 1 Sans opinion Les satisfaits optimistes 59% Et ce pessimisme n est pas le fait des seuls insatisfaits de 2008 : 29% des avocats qui se disent aujourd hui satisfaits expriment leur doute quant à l avenir. Le pessimisme chronique d une frange d inquiets (les plus âgés et les individuels, par nature plus exposés et plus fragiles face au changement, quel qu il soit) ne suffit plus à expliquer les craintes d un nombre significatif d avocats. Graphe 3 : onglet RECAP satisfaction x Faire émerger des opportunités des évolutions en cours : un défi inégalement relevé L inquiétude franche des uns et la réserve des autres traduisent notamment les incertitudes causées par l évolution de la profession. Les nouvelles règles qui en organisent l exercice et leurs conséquences immédiates sont inégalement connues, comprises, mesurées et préparées. Si quelques-unes sont identifiées comme des opportunités immédiates ou de moyen terme, les autres suscitent une franche inquiétude ou font encore l objet d une certaine indécision, constatées mais pas appropriées. Les technologies de l information et de la communication, les nouveaux marchés du droit et, dans une moindre mesure les nouvelles activités (coaching, arbitrage et médiation) sont perçus par une majorité comme des opportunités à saisir à court terme ou des évolutions à transformer en opportunité à moyen terme, individuellement et collectivement. Un contexte concurrentiel très présent 2
A l inverse, la concurrence d autres professions est considérée comme une menace directe, pour le cabinet (5) comme pour la profession (59%). Une menace d autant plus redoutée qu elle est jugée inéluctable par près d un avocat sur cinq : si un plus d un tiers estiment qu elle peut être transformée en une opportunité pour leur cabinet, 1 déclarent spontanément 2 qu elle est une menace tout court. Les experts comptables sont les premiers concurrents identifiés (63% de citations), devant les notaires et les prestations juridiques sur Internet ou venant d éditeurs privés. Autre sujet, la déjudiciarisation amorcée par le gouvernement fait l objet d un diagnostic individuel et collectif comparable : près d un quart des avocats jugent qu elle est une menace tout court et plus d un tiers une menace aujourd hui, à transformer en opportunité demain. Le niveau d exigence accrû des particuliers et l augmentation de la pression par les clients, la concentration de la profession, la concurrence entre les avocats, la suppression du stage et l obligation de formation continue sont des évolutions dont prennent acte les avocats mais qu ils refusent, aujourd hui, de qualifier. Ni opportunités, ni menaces, elles sont connues mais pas encore évaluées. Les avocats sont toutefois un peu plus nombreux à y voir des opportunités pour la profession que pour leur cabinet. Intuition ou conviction d une opportunité collective, ils peinent à s en emparer individuellement et adoptent, pour l heure, une posture de spectateur attentif. 2 Modalité de réponse non suggérée 3
D'une opportunité à saisir dès aujourd'hui D'une évolution à transformer en opportunité dans les 5 prochaines années D'une menace à transformer en opportunité Ni d'une menace ni d'une opportunité D'une menace (non suggéré) Sans opinion Développement des TIC Développement des nouveaux marchés du droit Nouvelles activités (coaching, arbitrage, médiation) Exigence accrue des particuliers et augmentation de la pression par les clients Concurrence entre les avocats Concentration de la profession Suppression du stage et obligation de formation continue Concurrence d'autres professions Déjudiciarisation amorcée par le gouvernement 3% 3% 2 1 34% 17% 27% 27% 36% 17% 26% 16% 3 16% 20% 16% 3% 1 2 18% 3 8% 6% 19% 14% 8% 6% 6% 13% 37% 27% 1 4% 1 3 24% 24% 4% 44% 43% 48% 6 Graphe 5 : RECAP opportunités / menaces comparées profession / cabinet Un enjeu clair : le client Dans ce contexte, les avocats estiment que la compétitivité des cabinets devra passer, demain, par la fidélisation de la clientèle et le développement commercial (prospection de nouveaux marchés et de nouveaux clients). Deux enjeux indissociables de l optimisation de l organisation du cabinet par la mise en réseau des compétences, la mutualisation des bonnes pratiques et un choix pertinent de la structure juridique. Autrement dit un développement qui ne se fera pas seul et passera par la volonté et la capacité à travailler en réseau. Si ces convictions sont partagées, elles sont surtout portées par les plus jeunes. Les plus de 50 ans sont manifestement plus réticents à adopter une démarche commerciale dans l exercice de leur profession. Enjeux prioritaires pour son propre cabinet 4
Graphe 6 : Enjeux prioritaires pour son propre cabinet Les qualités à développer En toute cohérence, le sens de la relation client (67% de citations) est la principale qualité que les avocats estiment devoir développer, devant le sens de l organisation et de la performance personnelle, l esprit de développement (respectivement 47% de citations) et la capacité à travailler en équipe (43%). Graphe 8 : Hiérarchie des qualités à développer Des moyens inégalement mis en place et disponibles 5
Si la prise de conscience et les convictions sont fortes, l écart entre les priorités identifiées et les actions effectivement mises en place est pourtant important. Il témoigne de l engagement encore timide bien que réel des avocats dans l adaptation de l exercice de leur profession et de la relative impréparation d une majorité. Près de trois avocats sur cinq (58%) ont engagé des actions pour améliorer la fidélisation de leur clientèle, mais plus d un quart (26%) n ont encore rien fait, parmi lesquels 6% n y ont même jamais pensé et 1 ne se sentent pas concernés. 38% des interviewés n ont rien mis en place pour optimiser l organisation de leur cabinet (contre 4) et 40% n ont rien fait sur le sujet du développement commercial. Graphe 9 : Actions mises en place / ou pas sur les 4 enjeux prioritaires Par ailleurs, si trois avocats sur cinq (6) disposent pour leur cabinet d un service informatique intégré, moins d un sur deux a une grille tarifaire écrite et à peine plus d un quart un plan de trésorerie écrit. Seuls 10% se sont dotés d un plan d action commerciale écrit. Outils et services : le recours à informatique domine 6
Graphe 10 : Outils et services Pour avancer sur l ensemble de ces terrains, les avocats disent manquer de temps (70% de citations), d effectifs supplémentaires (38%) et de ressources financières (38%) mais également d échanges de bonnes pratiques (40% de citations). Ressources et moyens à développer pour améliorer la compétitivité du cabinet (total des réponses citées) Graphe 11 :onglet Ressources / moyens manquants 7