La régulation positive

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La régulation positive Professeur Oliver HERMINE Hématologue, Hôpital Necker Je remercie Gérard Dine pour cette introduction qui a véritablement posé le problème de savoir si les anomalies rencontrées chez les skieurs de fond sont liées à du dopage ou si au contraire ces maladies génétiques constituent des avantages pour les performances sportives. La question à laquelle je vais tenter de répondre est la suivante : les anomalies du métabolisme du fer pourraient-elles augmenter les performances sportives? Je rappelle que l érythropoïèse relève d un processus relativement complexe à partir de cellules souches dans la moelle osseuse qui, après plusieurs phases de maturation, donnent naissance à des globules rouges. On fabrique en moyenne 10 puissance 11 de globules rouges par jour et on sait aujourd hui que l EPO permet de réguler cette production. I. Description du mécanisme de distribution du fer En hypoxie, le rein perçoit qu il n a pas suffisamment d oxygène et il augmente naturellement sa production d érythropoïétine. De même, lorsque la moelle osseuse dispose d une quantité suffisante d EPO, cela augmente la production et la fabrication de globules rouges. Toutefois, dans la moelle osseuse, certains globules rouges sont peu sensibles à l EPO et d autres au contraire y sont très sensibles. Ainsi, lorsque la quantité d EPO est très importante, cela entraîne une augmentation du nombre de globules rouges, ainsi qu une augmentation de l oxygène circulant. Le rein perçoit alors qu il dispose de suffisamment d oxygène et diminue naturellement sa production d érythropoïétine. Pour avoir une fabrication satisfaisante de globules rouges, très riches en hémoglobine et en fer, il faut qu il y ait du fer en quantité suffisante dans le sang. Ce fer doit en outre être

suffisamment disponible afin de permettre la synthèse des nouveaux globules rouges. La circulation du fer s effectue en circuit fermé. Nous consommons en moyenne 10 à 20 milligrammes de fer par jour. Parmi ces 10 à 20 milligrammes, seulement 10 % sont absorbés au niveau de l intestin. Ce fer se répartit sur la transferrine circulante pour être stocké dans le foie et les macrophages au niveau de la moelle osseuse et de différents organes. Ces macrophages sont nécessaires dans le transport du fer pour la production de globules rouges. L absorption du fer est fondée sur un système de protéines relativement complexe qui permet l entrée du fer qui est ensuite stocké au niveau de l entérocyte et libéré par une protéine, la ferroportine.

Cette protéine joue un rôle très important car elle permet la sortie du fer dans la circulation afin d acheminer la transferrine disponible pour fabriquer des globules rouges. La question qui se pose est la suivante : comment réguler les entrées de fer lorsque l on a besoin d en fabriquer davantage? On sait que les entrées de fer doivent être considérablement augmentées lorsque l on pratique un sport en hypoxie afin d accroître la quantité d érythropoïèse.

A l inverse, lorsque l on souffre d une infection, il faut au contraire diminuer les apports en fer car le fer provoque une prolifération des bactéries. L organisme met alors en place un certain nombre de systèmes permettant d éviter de donner du fer aux bactéries dans le cadre d une infection, grâce à l hepcidine qui régule automatiquement l entrée du fer dans l organisme et sa disponibilité. L action de l hepcidine s effectue à deux niveaux : au niveau de l entérocyte afin d empêcher la sortie du fer afin qu il ne soit pas disponible dans la circulation ; au niveau des macrophages qui absorbent le fer lorsqu il est pollué par des globules rouges vieillissants. Par conséquent, pour réguler le fer disponible pour l érythropoïèse et qui est absorbé quotidiennement au niveau des macrophages, il faut diminuer la synthèse d hepcidine pour permettre une plus grande absorption du fer au niveau de l entérocyte ainsi qu une redistribution du fer au niveau des macrophages.

A l inverse, lorsqu on désire bloquer cette redistribution du fer au niveau des macrophages, il suffit alors d augmenter les taux d hepcidine : le fer sera alors stocké dans l entérocyte et dans les macrophages et ne sera donc plus disponible pour l érythropoïèse. Ces découvertes sont très importantes car elles ont permis de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de l anémie dite inflammatoire. Lors d une inflammation, nous fabriquons des cytokines inflammatoires qui agissent à plusieurs niveaux. Elles bloquent la synthèse d érythropoïétine par le rein, afin de diminuer la synthèse des globules rouges. Elles agissent directement sur la synthèse d hepcidine par le foie, l hepcidine étant augmentée au cours d une inflammation. Ainsi, lors d une inflammation, le fer reste stocké au niveau des macrophages et il n est plus disponible pour fabriquer des globules rouges, ce qui entraîne une mauvaise synthèse de globules rouges, même si on augmente l érythropoïétine. Pour éviter ce mécanisme, il convient de donner du fer non pas par voie orale mais par voie intraveineuse afin que le fer aille directement alimenter les globules rouges. On a découvert récemment que l hepcidine bloquait la sensibilité à l érythropoïétine directement au niveau des électroblastes. Lorsque la quantité d hepcidine est trop importante, cela entraîne une diminution de l érythropoïèse. Ce schéma se rencontre au cours de tous les processus inflammatoires et infectieux. Cela aboutit à une carence en fer fonctionnelle. Dans ce cas de figure, les réserves en fer sont augmentées car le fer qui est séquestré dans les macrophages n est plus disponible pour la transferrine. Ceci entraîne une diminution de l érythropoïèse, avec des taux de ferritine très importants qui sont stockés mais qui ne sont pas utilisables pour la fabrication des globules rouges.

I. Le cas de l hémochromatose L hepcidine joue également un rôle dans les maladies génétiques, notamment l hémochromatose. Cette maladie, qui est très fréquente en Europe, se caractérise par une augmentation de la tension du fer au niveau des entérocytes et par une augmentation de la surcharge en fer au niveau des tissus. Ceci aboutit à une augmentation du fer sérique, ainsi qu à la saturation de la transferrine. Lorsque la transferrine est saturée et que la quantité de fer présente est trop importante, on trouve alors du fer libre dans la circulation et dans les tissus. Or ce fer libre est extrêmement toxique, notamment pour le foie, et peut provoquer des cirrhoses du foie. De même, cette surcharge en fer peut occasionner de graves répercussions au niveau du cœur et entraîner des dégénérescences cardiaques. Enfin, l accumulation du fer dans les glandes endocrines donne naissance à du diabète. Ainsi, le patient qui présente une hémochromatose doit absolument être traité car on sait que cette maladie peut être mortelle, en raison de ses répercussions au niveau du foie et du cœur. Les causes de l hémochromatose ont pu être élucidées. Dans la plupart des cas, c est la mutation du gène HFE qui est responsable de cette maladie car il entraîne une augmentation de l absorption du fer, ainsi qu une augmentation de la séquestration du fer dans les tissus. Les médecins se sont aperçus que le taux d hepcidine était très bas chez ces patients. Ainsi, chez les patients qui souffrent d une hémochromatose classique, on retrouve une mutation du gène HFE qui provoque une diminution de la synthèse d hepcidine. Je rappelle que, dans la population générale, on observe deux types de mutation : H63D et C282Y. Les patients qui ont une hémochromatose pathologique et toxique pour l organisme présentent dans plus de 80 % des cas une mutation C282Y. Ainsi, lors d une mutation du gène HFE, la synthèse de l hepcidine est diminuée et le fer qui passe dans la circulation est relargué par les macrophages. Par conséquent, ce fer devient toxique car il s accumule dans les différents tissus. II. Le lien avec la médecine du sport On avait observé que certaines sportives de haut niveau présentaient des carences partielles en fer et on pensait que cela était dû à des segments chroniques digestifs ou à des microtraumatismes causés par exemple par la course à pied. Toutefois, on ne parvenait pas à expliquer ces carences en fer chez les nageurs et les cyclistes. Une étude réalisée par des chercheurs américains a démontré que le taux d hepcidine augmentait dans les urines après un effort sportif. Grâce à cette découverte, on comprend mieux pourquoi l augmentation d hepcidine empêche l absorption du fer. Dans ce cas de figure, le fer n est pas disponible pour l érythropoïèse, ce qui présente des avantages pour les sportifs en hypoxie lorsqu ils sont en altitude. Les sportifs ayant besoin de produire plus d érythropoïétine lorsqu ils sont en hypoxie, leur organisme fabriquera davantage de globules rouges. La synthèse de l hepcidine étant augmentée dans le même temps, cela entraînera donc une double conséquence. Le fer ne sera pas disponible pour augmenter la production d érythropoïèse. L hepcidine contribuera à diminuer la sensibilité à l EPO.

Ainsi, la réponse à l érythropoïétine chez les sportifs en hypoxie ou en endurance n est pas adaptée. On observe donc chez ces sportifs une carence en fer dite fonctionnelle car le fer n est pas disponible pour l érythropoïèse au même titre que lors d une inflammation. A partir de toutes ces connaissances, on peut donc formuler l hypothèse suivante : si une mutation de la protéine HFE s accompagne d une diminution de la synthèse d hepcidine, dans le cas d un sport d endurance ou d aérobie, cela entraîne une augmentation de l érythropoïétine. Toutefois, la quantité d hepcidine étant faible, le fer disponible sera alors réabsorbé et mieux disponible pour l érythropoïèse, entraînant ainsi une diminution de l hepcidine sur l érythropoïèse. Par conséquent, l augmentation du nombre de globules rouges de manière beaucoup plus importante chez ces patients explique l avantage de la performance chez les sportifs qui ont une synthèse d hepcidine diminuée. Cette situation s explique peutêtre via une mutation de la protéine HFE qui provoque une augmentation de l érythropoïèse. III. La relation entre l hémochromatose et la performance sportive Au sein de l IRMES, nous travaillons sur cette hypothèse, à savoir si les gènes de l hémochromatose peuvent être rencontrés plus fréquemment chez les sportifs. Une étude a donc été lancée afin de déterminer si les sportifs d endurance, et en particulier les skieurs de fond qui s entraînent en altitude, présentent une mutation du gène. Si ce fait est avéré, cela signifierait que ces sportifs sont avantagés par rapport à ceux qui n ont pas une mutation HFE. Le but de cette étude est d identifier la fréquence de l hémochromatose chez les sujets sportifs de haut niveau d endurance en hypoxie. L étude devra déterminer les paramètres hématologiques du métabolisme du fer en fonction des mutations des gènes de l hémochromatose, en se fondant en particulier sur le taux d érythropoïétine à l effort. Nous allons donc étudier la fréquence du gène HFE à partir de H63D et de C282Y chez trente skieurs de fond afin de voir si, chez ces sportifs de haut niveau d endurance en hypoxie, la fréquence est supérieure aux populations de contrôle. Je précise que les sujets témoins sont issus de la même région car ces mutations sont variables d une région à une autre. Il faut savoir que les régions de l Est de la France, notamment le Jura et la Savoie, ne semblent pas présenter une occurrence plus importante des gènes de l hémochromatose, à la différence de l Ouest de la France, notamment la Bretagne. Cette hypothèse semble vraie : il y aurait plus de mutations du gène HFE chez les sportifs de haut niveau d endurance en hypoxie. Au cours de l étude, toutes ces données seront évaluées par rapport aux skieurs de fond de niveaux antérieurs et de classe d âge inférieure. On peut se demander, par conséquent, si dès leur plus jeune âge, les meilleurs skieurs de fond ne seront pas sélectionnés d office car ils disposeront d une meilleure faculté d adaptation et de plus grands espoirs de performance que les autres. L étude devra également examiner si, dans d autres sports où les athlètes ne s entraînent pas en hypoxie, notamment dans le judo, on retrouve cette augmentation de la fréquence des gènes HFE. Par ailleurs, une étude récente a montré que 55 % des cyclistes présentaient une mutation des gènes de l hémochromatose, ce qui constitue pour eux un avantage dans les épreuves qui se déroulent en altitude. Pour conclure, nous espérons montrer avec cette étude que les gènes de l hémochromatose pourraient donner un avantage considérable aux sportifs d endurance en hypoxie, en favorisant l augmentation de la disponibilité du fer et de l érythropoïétine en altitude. Cela

expliquerait pourquoi les sportifs qui s entraînent à 2 000 mètres d altitude présentent des taux d hémoglobine élevés alors qu ils ne se dopent pas. Cette étude doit nous permettre de : voir si ces mutations peuvent bénéficier à tous les sports d endurance et pas seulement aux sports d altitude ; savoir si ces mutations vont de pair avec une baisse de l hepcidine chez les sportifs qui ont ces mutations ; vérifier l hypothèse selon laquelle la pratique du sport de haut niveau avec des mutations d hémochromatose, peut prévenir la surcharge martiale, toxique pour l organisme. Dans ce cas de figure, le sport de haut niveau apparaîtrait comme bénéfique pour la santé, à condition d augmenter le taux d hepcidine et de consommer davantage de fer ; J espère que nous serons en mesure de vous communiquer les résultats de ce travail l année prochaine. Questions-réponses avec l amphithéâtre Docteur Christian PECHOUX, médecin du CROS de Languedoc-Roussillon Je m occupe d une équipe de fondeurs dont l un d entre eux, qui était un bon élément, s est vu refuser l accès aux équipes de France de ski en 2003. En effet, à la suite d une analyse qui a révélé des troubles de l hémochromatose, ce jeune homme n a pas eu le droit d entrer dans les équipes de France. Sa carrière sportive n aurait probablement pas été condamnée si les hypothèses soulevées par votre étude avaient existé à cette période. Professeur Olivier HERMINE Lorsque l on est face à un sportif qui présente des troubles de l hémochromatose, la première question que l on peut se poser est de savoir si le fait de pratiquer du sport de haut est dangereux pour sa santé ou si au contraire cela peut avoir une action bénéfique. Or à mon avis, cette mutation du gène HFE associée à une ferritine naturellement élevée aurait plutôt tendance à protéger les sportifs. Il n y a donc aucune raison de leur interdire la pratique d un sport de haut niveau. De la salle J observe pour ma part que de nombreux enfants et adolescents présentent des hyposidérémies et des déficits importants en fer. J aimerais connaître la différence entre la ferritine plasmatique et érythrocytaire. Par ailleurs, pouvons-nous doser, en médecine courante, l hepcidine et cela présente-t-il un intérêt dans la conduite thérapeutique?

Professeur Olivier HERMINE La ferritine plasmatique et la ferritine érythrocytaire sont des protéines qui permettent le stockage du fer de réserve. La ferritine érythrocytaire semble plus sensible que la ferritine plasmatique. En effet, lorsque l on détecte chez un sujet une carence en fer, cela signifie qu il y a moins de fer disponible, qui s accompagne d une ferritine érythrocytaire plus faible. Par ailleurs, la diminution de la ferritine sanguine est liée à une réduction de la ferritine tissulaire stockée dans les macrophages. Ainsi, la principale différence entre les deux ferritines réside dans l écart de sensibilité. Par exemple, une inflammation provoque une augmentation de la ferritine tissulaire car le fer reste stocké dans les macrophages et dans les entérocytes. Toutefois, ce fer n est pas disponible pour les globules rouges, ce qui provoque une baisse de la ferritine érythrocytaire. C est la raison pour laquelle il peut y avoir des discordances entre les deux résultats des ferritines. Par ailleurs, on sait que les taux d hepcidine sont plus élevés chez certains sportifs d endurance. Cela se vérifie-t-il également chez les gymnastes? Je ne connais pas la réponse, mais il serait intéressant de réaliser une étude sur ce sujet. Chez les femmes, les carences en fer sont essentiellement liées aux règles. Ainsi, lorsqu une jeune sportive carencée en fer vient en consultation, commencez par lui demander si ses règles sont abondantes. Si c est le cas, il faut lui prescrire une supplémentation en fer. De la salle Je suis surpris par les pourcentages de mutation évoqués chez les sportifs. Pouvez-vous nous communiquer un ordre d idée sur les mutations qui interviennent dans la population générale? Par ailleurs, par quels mécanismes l activité physique provoque-t-elle une augmentation de l hepcidine? Enfin, ne serait-il pas intéressant d utiliser chez le sportif des inhibiteurs d hepcidine? Professeur Olivier HERMINE Les fréquences de mutations du gène HFE sont extrêmement variables d une région à une autre, d un pays à un autre. C est la raison pour laquelle, dans l étude qui est en cours, nous avons décidé de nous appuyer sur des populations témoins issues de la même région afin de pouvoir comparer. D après les premières données de l étude, la fréquence observée est supérieure à la fréquence attendue. Nous devons maintenant montrer que cette fréquence augmente avec la performance sportive et que la mutation du gène HFE favorise la performance sportive. Professeur Gérard DINE Concernant les inhibiteurs d hepcidine, d autres que nous y ont déjà pensé. Aujourd hui, nous sommes dans un monde d ingénierie simultané, et vous savez aussi bien que moi que toutes les molécules d intérêt ne sont pas applicables au sport. Par ailleurs, une chose m a beaucoup frappé au cours des différentes études : les meilleurs skieurs présentaient généralement une concentration particulièrement élevée de ces mutations. Ceci n est pas significatif sur le plan statistique. Toutefois, certains sportifs qui avaient été jusqu ici écartés des compétitions en raison de ces mutations sont actuellement réintégrés au sein des équipes et des fédérations. Si ces données deviennent une réalité mathématique, nous réfléchirons alors à la mise en place de dispositifs très concrets via la législation.

Docteur Armand MEGRET, médecin fédéral de la Fédération française de cyclisme J aimerais apporter quelques compléments d informations concernant les décisions qui ont été prises au sein de la Fédération française de cyclisme. En 1999, 70 % et non 80 % des cyclistes présentaient effectivement une hyperferritinémie. Les cyclistes ont alors tous été contactés pour subir un protocole d évaluation des différentes fonctions hépatiques et cardiaques. Or ces hyperferritinémies ne correspondaient pas à une hémochromatose. Il s agissait d une maladie métabolique expérimentale. C est la raison pour laquelle je suis favorable à la mise en place d un passeport biologique, mettant en évidence un profil biologique individuel qui sera utilisé pour des décisions médicales et non pour lutter contre le dopage. Les hyperferritinémies n ont pas disparu aujourd hui. Je suis certain que certains cyclistes n évacuent pas leur fer. Il nous reste maintenant à le prouver. Docteur Olivier HERMINE L étude qui est en cours de lancement n est pas une étude fermée. Je suis entièrement d accord pour intégrer dans cette étude d autres sports. Je pense que nous avons tout intérêt à travailler en commun afin d établir la physiopathologie du métabolisme du fer chez le sportif. Ces surcharges en fer chez ces sportifs n ont pas le même profil que celles que l on peut rencontrer chez les malades qui ont une mutation de l hémochromatose. Je suis certain que les mutations HFE et les surcharges en fer chez certains sportifs sont les mêmes que chez les patients qui ne pratiquent pas de sport. Ainsi, si l activité sportive est suspendue et interdite, le fer ira de nouveau se répartir de façon pathologique dans les tissus chez ces sportifs. Ceuxci développeront peut-être des pathologies d hémochromatose dix à quinze ans après l arrêt de leur activité sportive. Il faut donc les encourager à poursuivre leur entraînement.