VILLE-EVRARD Etablissement Public de Santé N FINESS 930140025 Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale FACULTE DE MEDECINE PARIS-SUD EVALUATION ET PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR DES PATIENTS SOUFFRANT DE PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUES Colloque 30 novembre 2010 Dr Djea SARAVANE Chef de Service Service des Spécialités. Pôle Cristales Président de l ANP3SM Directeur de l Enseignement Faculté de Médecine Membre Associé CHU de Sherbrooke Canada
DEFINIR LA DOULEUR Quel que soit son mécanisme initiateur, la douleur : est une expérience subjective Un phénomène central modulé par des apprentissages antérieurs des motivations actuelles, des anticipations. L IASP propose de définir la douleur comme : «une expérience sensorielle et émotionnelle, désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrite en termes d un tel dommage». Rend compte de l ensemble des mécanismes générateurs qui peuvent être d origine physique ou psychique. DS
DEFINITION DE LA DOULEUR L intérêt de cette définition : rend légitime les douleurs sans lésion de mettre sur un même plan les dimensions sensorielles et affectives. Donc, c est un phénomène multidimensionnel et multifactoriel et la prise en charge est nécessairement pluridisciplinaire DS
LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Pourquoi en parler?
LA DOULEUR EN SANTE MENTALE:? Charte du patient : La prise en compte de la dimension douloureuse, physique et psychologique, des usagers en santé mentale doit être une préoccupation constante de tous les intervenants Certification V2010: PEP: Pratiques exigibles prioritaires: PEP Critères 12a: Prise en charge de la douleur, IND : recueil obligatoire et traçabilité de l évaluation de la douleur
DOULEUR EN SANTE MENTALE HISTORIQUE DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE
PERCEPTION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE INSENSIBILITE A LA DOULEUR et les hypothèses évoquées: 1) Incidence des psychotropes sur la perception douloureuse 2) Perte du sens de la douleur liée à l évolution de la schizophrénie 3) Augmentation de l insensibilité à la douleur chez les schizophrènes les plus âgés 4) Introduction de l halopéridol : liaison de cette molécule aux récepteurs endorphiniques 5) Taux des opioïdes endogènes..
Hypoalgésie et schizophrénie La schizophrénie serait associée à une sensibilité réduite à la douleur (hypoalgésie): Anecdotes cliniques : (peu douleurs post-op, ) Faible prévalence de syndromes douloureux dans la schizophrénie Faible prévalence de la schizophrénie parmi les patients souffrant de douleurs chroniques Études expérimentales Hypothèses neurobiologiques impliquant les opioïdes, la dopamine, la sérotonine ou encore le glutamate: Augmentation des mécanismes inhibiteurs (CIDN) ou Diminution de l activité nociceptive spinal et supra-spinale?
PERCEPTION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Certaines pathologies psychiatriques s expriment par une expression douloureuse particulière D autres par un déni de la douleur MAIS LES PATIENTS: ressentent la douleur, mais ne réagissent pas, ne l expriment pas et l expression de cette douleur se fait dans un langage ou dans un comportement qu il faut savoir décoder
EVALUATION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Évaluation difficile et rencontre des obstacles : Sensation exprimée par le patient : nature et devenir de ce message? Volonté d écoute du patient souffrant Volonté d observer le patient L identification d une situation complexe des signes qui vont alerter Pas de verbalisation de la douleur, associées à des altérations des perceptions et du schéma corporel Liés à la reconnaissance de la douleur par l équipe soignante insuffisamment formée dans ce domaine
EVALUATION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Abord clinique basé sur une évaluation globale du malade et pas uniquement de la maladie. Interrogatoire : - Aléatoire dans un contexte de délire ou d hallucinations. Examen clinique - Procéder à un examen des patients en plaçant ses mains tour à tour sur toutes les parties du corps et en demandant au patient si ça lui fait mal. - Prêter une attention particulière aux changements de comportements et d habitudes.
Evaluation de la douleur en santé mentale Examen clinique à la recherche d une classification ( lésionnelle, périphérique,centrale ) et bilan comportemental: - ce qui se voit ( expression faciale, position, mouvements) - ce qui s entend( vocalisation, verbalisation) - ce qui se touche ( réaction de crispation) - ce qui se mesure ( FC, TA, FR )
EVALUATION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE L évaluation de la douleur n est pas limitée à celle de son intensité mais implique l analyse de son étiologie, de son ou de ses mécanismes physiopathologiques supposés, de sa place dans l histoire et la culture du patient mais aussi de l impact de cette douleur sur la qualité de vie, le comportement, la vie relationnelle. Pas d échelle d évaluation spécifique de la douleur en Santé Mentale.
EVALUATION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Les instruments d évaluations : POUR LES COMMUNICANTS Auto-évaluation Schémas topographiques Échelles unidimensionnelles : EVA Échelle verbale simple Échelle numérique
Schémas topographiques : Diagnostic de localisation En demandant au patient de repérer la zone douloureuse (en montrant du doigt ou de la main)
-EVA -Échelle Verbale Simple EVA : EVS : Est-ce que vous avez mal? 0 pas de douleur NON 1 douleur modérée UN PEU 2 douleur importante BEAUCOUP 3 douleur très intense ENORMEMENT
- Faces Pain Scale Cette échelle est classiquement utilisée chez l enfant mais peut permettre une auto-évaluation de la douleur en psychiatrie ; ne pas utiliser le mot triste et heureux. 0 2 4 6 8 10
EVALUATION DE LA DOULEUR EN SANTE MENTALE Les instruments d évaluations: DIFFICULTES DE COMMUNICATION OU NON COMMUNICANTS Hétéro-évaluation : - L échelle DOLOPLUS 2 - L échelle ECPA - L échelle EDAAP
Évaluation de la douleur adolescent ou adulte polyhandicapé: EDAAP
Évaluation douleur adolescent ou adulte polyhandicapé
Douleur et autisme L autisme ne semble pas souffrir lorsqu il se blesse, lorsqu il se mutile. Ne sait-il pas manifester? Ne perçoit-il pas la douleur? N en a-t-il pas l expérience? Ses perceptions, ses sensations sont différentes des nôtres.
Douleur et autisme Apparente insensibilité à la douleur dans l autisme Observations cliniques: - absence de réflexe de retrait nociceptif face à des situations aversives, comme par exemple l absence de réflexe lors d une brûlure, pouvant traduire des troubles quand à la perception de la douleur
Douleur et autisme: Observations Conduites hétéro-agressives d apparition brutale dirigées vers les personnes( mord, frappe son entourage ) ou les objets ( jette les objets, les casse ) immédiatement après ou dans les minutes qui suivent une stimulation douloureuse survenant de façon fortuite ( brûlure, coupure )
Douleur et autisme: Observations L enfant alarme son entourage par son changement de comportement : gémissement, pleurs ou devient anormalement prostrée. Parents confrontés à des situations ou l enfant parait souffrir ( cris répétés, geignements ) et ou ils sont obligés de passer en revue toutes les causes possibles de cet état de détresse ( douleurs dentaires, abdominales, otites ) au point de donner dans le doute des antalgiques qui calment l enfant
Douleur et autisme: Observations L enfant exprime sa douleur ( hurlement, pleurs ) face à un stimulus douloureux ( comme par exemple une douche brûlante ) mais subit ce stimulus sans même tenter d intervenir sur la situation algique ou sur l agent causal
PERCEPTION DE LA DOULEUR La perception de la douleur est perturbée, avec parfois des présentations atypiques : Cris sans problème d inconfort Troubles du sommeil Agressivité Automutilation Explosion violente inexpliquée
AUTO-MUTILATION Les hypothèses : Tentative de stimuler la libération d endorphines Réponse à la frustration Réponse à la douleur avec une incapacité d expression typique de la douleur Causes multi factionnelles provoquant un dysfonctionnement dans le traitement des signes environnementaux sensations incompréhensibles : seul langage de l autiste.
PERCEPTION DE LA DOULEUR HYPOTHESES: - Dissociation paradoxale dans l autisme: absence de réponses comportementales de réactivité à la douleur absence d expression émotionnelle absence de réflexe de retrait ( ex de l avant bras à la piqure) réponses neuro- végétatives importantes: tachycardie réactionnelle à la piqure, augmentation du taux de noradrénaline plasmatique par rapport au témoin L absence de composante d expression de la douleur ne signifie pas qu il ne ressent pas la douleur
PERCEPTION DE LA DOULEUR HYPOTHESES: - l apparente analgésie observée est moins en rapport avec une réelle analgésie endogène qu en rapport avec les troubles autistes: trouble de la communication verbale et non verbale trouble de l image du corps trouble de la symbolisation
PROBLEMATIQUE Nombre restreint d études sur la sensibilité à la douleur des personnes autistes Peu d études sur la prévalence de la douleur dans cette population Mais ces personnes ont très souvent des pathologies somatiques associées qui augmentent les risques de douleur Ex: douleur associée à l épilepsie ( Breau et al, 2004), taux élevé de troubles gastro-intestinaux (Horvath et Perman, 2002), prévalence élevée de douleur abdominale ( 40%) Nécessité de mener des études sur la nature et la fréquence des douleurs, afin de proposer des méthodes d évaluation adaptées à leur spécificité De plus, des études sur les mécanismes endogènes excitateurs et inhibiteurs ( Marchand, 2008) impliqués dans la réponse à la douleur s avèrent nécessaire pour comprendre le vécu douloureux des ces personnes ainsi que leur mode d expression
PROJET DE RECHERCHE Volet 1: Nature et fréquence des douleurs dans le quotidien- modes d expression ou de réactions face à ces expériences: On propose de faire remplir une série de questionnaires aux familles et familiers des personnes autistes: - Dalhousie Everyday Pain Scale: expériences de douleurs quotidiennes - Pediatric Pain and Coping Inventory: comportement typique de la douleur observée - Illness Behavior Encouragement Scale: réponse des parents à la douleur de l enfant
PROJET DE RECHERCHE Volet 2: Adéquation des items des hétéroquestionnaires en fonction du contexte douloureux et du mode d expression de l enfant: On propose une série de questionnaires et seront demandés à classer les items selon qu ils sont applicables ou non dans diverses situations douloureuses: - Non-communicating children s pain checklist revised - Pediatric Pain Profile - Face Legs Activity Cry Consolability ( FLACC)
PROJET DE RECHERCHE Volet 3: Mécanismes endogènes- systèmes nerveux central et autonome et hypothalamo-hypophysairesurrénalien: - Mesure psychophysique de la perception des composantes de la douleur - Mesure des mécanismes excitateurs et inhibiteurs de la douleur - Mesure de l activité du système nerveux autonome - Mesure du cortisol salivaire
CONCLUSION DOULEUR EN SANTE MENTALE : UN DEFI? Comment parler de la douleur au moment où l on souffre? Comment transmettre la souffrance en le mettant en mots? Comment comprendre ce patient douloureux qui reste silencieux?