Revue des expériences Nigériennes Présentée par Mr SANI Mahamadou Economiste Consultant Indépendant en Microfinance au Niger
Plan de présentation Définition du warrantage Pourquoi le warrantage? Le cercle vicieux Historique et justification de l introduction du warrantage au Niger Comment cela fonctionne-t-il au Niger? Aspects du financement du warrantage Quelques fragilités de l approche
Définition Le warrantage est une opération de crédit de quelques mois dont la garantie est un stock de vivres liquidable par la banque ou l IMF en cas de défaillance. Traditionnellement, les producteurs déposent leurs vivres dans un entrepôt sécurisé et ils reçoivent un récépissé ou warrant en terme commercial leur permettant de solliciter un emprunt à la banque. Le paysan peut ainsi accéder à un crédit lui permettant de faire face à ses obligations financières à la récolte, et récupérer sa production après remboursement à une période de pénurie où les prix sont généralement hauts ; pour l IMF, la garantie est plus fiable. Le warrantage est aussi appelé : crédit stockage, crédit warranté ou crédit sur nantissement (sans dépossession)des stocks.
Pourquoi le warrantage? A la récolte, les besoins d argent poussent les paysans à céder la production au premier venu à bas prix (excès d offre), tandis que la nécessité de commencer une nouvelle saison agricole ou de se nourrir quelques mois plus tard les obligera à recourir au marché pour acheter vivres et semences à prix élevés (excès de demande).
Le paysan se retrouve dans un cercle vicieux Rendements faibles Soudure : Achat vivres et intrants à prix élevé Paysan Récoltes : Vente à bas prix Faibles revenus
Historique et justification de l introduction du warrantage au Niger En 1999, à son démarrage, le Projet Intrants Niger-FAO- Belgique, tout comme les nombreux projets de développement, a rencontré des difficultés pour le financement des intrants agricoles, dans le cadre de la mise en oeuvre de son mandat de «promotion de l utilisation des intrants agricoles par les organisations de producteurs». En effet si les solutions techniques culturales existent, elles ne peuvent cependant aboutir si l'accès aux intrants reste aléatoire avec une disponibilité à point nommé et un financement non assurés.
Comment cela fonctionne-t-il au Niger? A défaut de l entreposeur agréé, le choix, de la forme à donner au warrantage au Niger, a porté sur la «détention communautaire» à laquelle un certain nombre d adaptations ont été apportées :
Constitution du stock par l OP Les producteurs, réunis en Coopératives (appelées ici Organisations de producteurs ou «OP»), stockent une partie de leur production dans un magasin approprié qui leur appartient. Le producteur individuel n a pas accès directement au crédit warranté ; c est son OP qui emprunte auprès de l IFR et qui sous-distribue le crédit à ses membres.
Octroi du crédit par l IFR Ensuite, l IFR locale, vérifie la quantité, la qualité et le mode d entreposage des produits stockés par l OP et ses membres ainsi que les normes du magasin (capacité, santé et sûreté), consulte les prix sur le marché et octroie à l OP un crédit d un montant équivalant à 80 % de la valeur du stock.
Partage du crédit par l OP L OP partage alors le crédit ainsi reçu à ses membres en fonction de la contribution de chacun au stock mis en garantie. Chaque paysan reçoit donc l argent de sa récolte comme s il l avait vendue (-mais en réalité il ne l a pas vendu). L opération de crédit warranté est dite «nouée».
Utilisation du crédit Avec cet argent, le paysan peut financer une activité génératrice de revenu (à conseiller) ou faire face à des dépenses sociales. L intérêt du warrantage est justement de permettre de financer n importe quel objet (à éviter) pour le producteur puisque l IFR possède une garantie sous forme de stock de produits agricoles est offerte à l IFR par l OP.
Remboursement du crédit Quelques mois après, le producteur rembourse son crédit et l IFR libère le stock qui, entretemps, a augmenté de valeur. L opération est alors «dénouée». Le crédit est remboursé avec le produit de l AGR et non avec le produit de la vente du stock de garantie. Le recours à la garantie se fait uniquement en cas de difficulté de remboursement avec le produit de l AGR. Le crédit warranté se noue au moment où les prix sont au plus bas et se dénoue au moment où les prix ont augmenté significativement. L opération dure généralement quelques mois (3 à 6 mois) et se situe entre 2 cycles saisonniers de la production agricole.
Validation des principes du warrantage au Niger Les principes du warrantage, tels que adaptés au Niger, ont été éprouvés et validés avec l appui d une expertise internationale, au cours d un atelier national en 2005 ayant regroupé les Organisations des Producteurs, les professionnels de la micro-finance et les autres acteurs.
Situation actuel du warrantage paysan au Niger Système de double cadenas OP et IMF Paysans stockent et vendent à titre individuel Vente groupée dans le cas du souchet Volume de warrantage paysan (approximatif) Financement pour FCFA 593 millions Autour de 5,000 tonnes de produits Un peu plus de 0,1% de la production vivrière du pays Financement >70% par 3 IMF de crédit direct : TAANADI, SICR Kokaki et Asusu Ciigaba Refinancement de ces IMF par : Fonds internationaux : SIDI, Alterfin, Agridus, FAS, etc. Prêts, garanties et investissements Les banques de la place : ECOBANK, SONIBANK, BOA, Atlantique Reste par mutuelles, projets, ONG, OP Remboursement : Warrantage près de 100% Mais il y a des retards dû à la baisse des cours sur le marché
Produits warrantés Arachides, mil Riz, oseille, niébé Spécialités locaux : souchet à Maradi, poivron séché à Diffa, sésame à Zinder Autres : voandzou, fonio, mais, sorgho, gombo, feuilles de baobab, waraw Activités pas très développées avec des produits maraichers : oignon, l ail, pomme de terre, tomate séchés
EVOLUTION DU WARRANTAGE PAYSAN AU NIGER Jusqu à 2003/04 Début enthousiaste surtout avec fonds placés chez les mutuelles prêts de 100% de la valeur du stock seul exception : Crédit Rural du Niger Crises 2002/03, attribué à: «IMF prêtent trop facilement» Ne tiennent pas compte de la politique de crédit de l IMF Ne gère pas le risque de prix «crédits accordés parfois tard» «les OP ne pensent qu à racheter d autres produits agricoles avec l argent du warrantage» problème sous-jacent de la faiblesse des mutuelles
Réajustement Préconisations du Projet Intrants et partenaires: Aux IMF de ne prêter > 80% Aux OP de constituer les stocks le plus tôt possible Aux IMF de refuser les stocks mal faits ou en retard Ne jamais de libérer le stock avant remboursement Règlements intérieurs stricts et AGRs rentables L appui plus méthodique du PDSFR, surtout aux IMF Développement des IMF de crédit direct Lancement de la BRS, avec politique d appuyer le warrantage Fonds internationaux et autres banques refinancent IMF
Des contrastes très marqués Maradi: baisse de l activité et nombre d OP 2005/06: 6 IMF, prêts de FCFA 130 m à 115 OP 2008/09: 4 IMF, prêts de FCFA 79 m à 31 OP Partie ouest du pays : augmentation du volume d emprunts Union Alhéri de Konkorido : 2005/06 : prêts de FCFA 66 m, 25 magasins 2008/09 : prêts de FCFA 112 m, 35 magasins, 2,000 membres Par membre : FCFA 56,000 ou 48O kilos (estimation) Trois unions voisines ont commencé l activité Constat : concentration de l activité dans certaines communautés
Observations dans la région de Maradi En 2008/07 : Concentration de 40% de l activité dans un seul village Expérience d ASUSU CIIGABA 2007/08 : Prévisions de FCFA 200 millions Placement de FCFA 40 millions Recul en zones du souchet Retard des paysans de constituer leurs stocks Contraintes sous-jacentes de main d œuvre et finance pour la récolte Recul en zones non-souchet
Observations sur FUGPN Mooriben Jusqu à 2006/07 : les unions faisaient le warrantage individuellement surtout avec fonds «autogérés» placés par des projets Depuis 2007/08 : appuyé par FUGPN et Projet PASA (trois ans) Relié avec d autres dispositifs Mooriben : suivi des marchés et communications mélange de fonds de projets, caisses locales et IMF de crédit direct FUGPN négocie financement et fait suivi de l activité 2007/08 : 12 unions, avec 39 millions, financement externe de TAANADI 2008/09 : 14 unions, avec 89 millions, dont Kokari 53%, PASA 23%, mutuelles 17% et unions 7% 62% femmes Bilan de Mooriben : réussite partielle Quantité warranté en deux années = 46% de l objectif de PASA Retard dans la négociation du financement Capacité théorique de warranter > 10,000 tonnes
Rôles des différents acteurs Rôles du projet Rôles des OP Rôles des IMF Rôles des autres partenaires locaux Rôles des banques
Rôles du Projet Le Projet Intrants conçoit les modules de formation en tenant compte des adaptations nécessaires tout en respectant les principes fondamentaux du warrantage, assure les formations de formateurs pour les OP et les IMF, organise et cordonne le suivi-évaluation participatif, décèle les dérives éventuelles et proposes de nouvelles procédures/règles correctives qui tiennent compte des capacités des acteurs. Les voyages d études sur les expériences en cours, organisés par le Projet Intrants en collaboration ou non avec des projets partenaires, ont beaucoup facilité l effet «tâche d huile», concernant le développement du warrantage
Rôles des OP L OP constitue un groupement de membres désirant faire le warrantage, accepte les règles/principes du warrantage, élabore et adopte un règlement intérieur approprié, aménage (ou s engage à construire) un magasin répondant aux normes, constitue le stock en quantité suffisante dans le respect des normes de qualité, met en place un comité de gestion, s engage à gérer le stock, de parrainer la demande de crédit auprès de l IMF, de soumettre la demande crédit à la période appropriée, de sous-distribuer le crédit et de le recouvrer de manière professionnelle.
Rôles des IMF L IMF adapte sa politique de crédit (allègement/annulation de l épargne monétaire préalable au crédit, engagement pour le suivi des stocks en rapport avec l OP, élaboration des outils de gestion appropriés...) par rapport aux particularités du warrantage, mobilise les ressources financières nécessaire sur ses fonds propres ou sur les ressources affectées (lignes de crédit) au warrantage par un partenaire ou recherche des emprunts bancaires.
Rôles des autres partenaires locaux Les partenaires locaux, selon leurs capacités et leurs orientations, apportent des appuis soit à l OP (des contributions aux formations, à l aménagement du magasin, à la mise en relation avec l IMF, au suivi-évaluation) soit à l IMF (des contributions aux formations, en ligne de crédit, en équipement, à la prise en charge des dépenses de suivi des stocks pendant un temps déterminé, au suivi-évaluation). D autre part, certains partenaires aident dans la sensibilisation des ministères techniques (ministère du Développement Agricole, ministère de l Economie et des Finances, Ministère de l Aménagement du Territoire et du Développement Communautaire ) ainsi que les agences de coopération bi et multilatérale pour qu elles tiennent compte du warrantage dans l élaboration des stratégies et des projets.
Rôles des banques La banque vérifie, à la demande, l éligibilité au crédit de l IMF pour lui accorder les facilités de ligne de crédit ou de refinancement. Il arrive souvent que le banquier visite le magasin où les produits agricoles sont stockés. Cette visite permet au banquier au delà du papier du e stock produit vérifier l existence physique du stock. Il y a eu des banques qui ont retenu les clés du magasin où sont stockés les produits warrantés.
ASPECTS DU FINANCEMENT DU WARRANTAGE Situation des trois IMF leader Potentiel avec les mutuelles?
Situation des trois IMF leader Dirigeants issus des projets de financement Ont développé les portefeuilles, et ont gagné le respect des banques et des partenaires techniques et financiers Total des prêts pour 2008 : FCFA 6.4 milliards Activités financés : AGR, embouche, maraichage, crédits agricoles et warrantage Crédits aux institutions mutualistes, ONG, OP, commerce, salariés et retraités Un peu d équipements Warrantage autour de 6% du portefeuille Peu d épargne ; coût du capital autour de 12% Expansion très rapide Assusu Ciigaba : portefeuille de crédits x 7,8 en 3 ans (en US$) SICR Kokari : x 3,4 en 4 ans Fragilité institutionnelle? PAR à 90 jours >4% au 31 Déc 2008 pour tous les trois Niveau d endettement Niveaux de rentabilité assez faibles en deux cas Information assez limitée sur les produits financés Documentation assez variable
Potentiel avec les mutuelles? Réseaux MCPEC et UMEC : UMEC actuellement inactif comme réseau MCPEC n arrive pas à sortir des difficultés, malgré intervention de DID MECREF Intervient en milieu urbain, avec femmes micro-entrepreneurs Mais pourrait appuyer en zone rurale, dû à : son liquidité son appui aux groupements féminins Crédit Mutuel de Niger Axé sur la mobilisation de l épargne avant le crédit Intervient en milieu urbain et péri-urbain Pourrait financer le warrantage dans leurs zones d intervention Rayon de 30 km A condition que le Projet IARBIC fasse un travail de sensibilisation et formation auprès des OP Pourrait augmenter sa zone d intervention En ouvrant des «guichets périodiques» FCFA 5 million pour équiper un guichet
Enseignement tiré de la démarche de développement du warrantage au Niger Le rôle de «catalyseur», joué par le Projet Intrants, lui permet de disparaître sans compromettre le développement du warrantage qui pourrait se poursuivre grâce aux acquis, notamment : La capitalisation de 8 années d expérience par le Projet Intrants L existence d un guide de bonnes pratiques du warrantage, capitalisant l expérience de 8 années d exercice, élaboré par le Projet Intrants et ses partenaires L existence de nombreux formateurs formés par le Projet Intrants et ses partenaires L engouement des OP et des IMF à faire du warrantage Le soutien des banques, de plus en plus grand, qui trouvent au warrantage une porte d entrée pour le financement des ruraux qui représentent plus de 80 % de la population La reconnaissance du warrantage comme un instrument efficace de lutte contre la pauvreté en milieu rural par les projets de développement en cours, par l Etat et les bailleurs. L inscription du warrantage dans les politiques de développement du pays (SIAD, SDR, SNMF)
Pour les IMF Les IMF trouvent que le warrantage est actuellement le type de crédit le plus sûr en milieu rural. Il améliore simultanément leur encours de crédit, leur taux de recouvrement et leur taux de pénétration. Pour toutes ces raisons, les IMF qui intègrent le warrantage dans leurs produits sont les plus éligibles au refinancement bancaire, notamment au niveau de la Banque régionale solidarité-niger qui s est engagée à promouvoir les IMF comme partenaires financiers pour sousdistribuer le crédit en milieu rural, et le warrantage comme un moyen de sécurisation du crédit.
Leçons pour l OP Les OP et les producteurs agricoles, bénéficiaires des crédits warrantés constituent leurs garanties généralement avec des stocks de vivres pour la «période de soudure alimentaire» (20 %, soit environ 10 000 tonnes), de semences pour la campagne prochaine (30 %, soit environ 15 000 tonnes préservées) et de produits destinés à la vente à un bon prix (50 % des stocks), ce qui concoure significativement (avec une épargne de plus de 50 000 tonnes de vivres) à l amélioration de la sécurité alimentaire, surtout dans un pays à déficit céréalier récurrent comme le Niger. Les OP utilisent une partie des crédits (12 %) et une partie des bénéfices (20 %) dans l achat des intrants agricoles susceptibles de créer une augmentation des productions d environ 7 000 tonnes supplémentaires par an. Les activités génératrices de revenus entreprises par les producteurs grâce aux crédits warrantés font gagner plus de 100 millions CFA par an, faisant vivre environ 2 000 personnes.
Pour les banques Les banques commerciales commencent à s intéresser au warrantage compte tenu de la garantie offerte à travers le stock de produits agricoles entreposés. Cette forme de garantie malgré sa fiabilité reste encore faible dans le portefeuille des banques.
Pour l Etat Le warrantage peut constituer un bon moyen pour améliorer le financement de l agriculture, à condition qu il soit accompagné d autres mesures pouvant réduire les coûts des intrants agricoles, Augmentation des moyens de garantie aux IMF et améliore les rapports entre les OP et les institutions financières
Leçons d ensemble Les banques commencent à s intéresser d avantage au warrantage à travers le refinancement de plus en plus important des IMF. Il y a nécessité de tenir compte des femmes dans les opérations du warrantage en étudiant d une manière beaucoup plus spécifique leurs besoins. Les résultats concrets du warrantage ont créé un tel engouement que la demande des OP dépasse de loin l offre des IMF. Cet intérêt pour le warrantage a aujourd hui dépassé les frontières du Niger, avec les visites des expériences nigériennes par certaines OP, IMF et des projets de développement des pays voisins, comme le Nigéria, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali.
CONCLUSIONS GENERALES Impact 1 Impact 2 Impact 3 femmes et warrantage
Impact 1 Impact très positif, indiqué par : L évolution positive de l adoption L engouement très fort dans certaines communautés Le remboursement à 100% Notre analyse financière confirme la rentabilité pour mil et niébé Impact favorable sur l adoption de nouvelles technologies agricoles, constaté par Enquête de Boubacar et Issaka, 2006 Autres études Nos interviews tendent à confirmer cette conclusion Plus performant que les B C dans la partie sud du pays
Impact 2 Impact à travers les AGRs : Paysans affirment Wampfler et al., 2008 restent sceptique Il facilite le processus de coopération entre paysans Rapproche les paysans aux OP et aux IMF Mais le niveau d adoption est encore modeste On ne voit pas la courbe S Problèmes : Approche de 80% dans un marché volatile Manque de prise en charge par certains OP Manque d adaptation mutuelle entre OP et IMF Stocks souvent constitué en retard par rapport aux échéances convenus avec IMF Absence de services de proximité des IMF Aspects techniques pas toujours maitrisés
Impact 3 Femmes et warrantage au Niger Quelle est la place des femmes dans le système de warrantage au Niger? Quel est l apport des femmes? Quel avantage pour les femmes? Perspectives de l intervention des femmes dans le warrantage?
Je vous remercie de votre aimable attention