Chronique Assurances et gestion des risques. sous la responsabilité de Gilles Bernier 1



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Transcription:

Chronique Assurances et gestion des risques sous la responsabilité de Gilles Bernier 1 Malgré le fait que les deux premiers numéros de l année 2004 de la Revue ont déjà été consacrés au thème de l assurance automobile, j ai choisi d utiliser l espace réservé à cette chronique trimestrielle de la Chaire en assurance L Industrielle-Alliance de l Université Laval pour traiter à nouveau de ce sujet d actualité. La raison est fort simple. La Chaire en assurance L Industrielle-Alliance organisait, le 25 mars dernier, un colloque portant sur l avenir du régime québécois d assurance automobile. Au total, 115 personnes y ont participé dont plusieurs dirigeants des principales sociétés d assurances IARD opérant au Québec, ainsi que des représentants du milieu gouvernemental (la SAAQ, l Autorité des marchés financiers), des juristes, des courtiers d assurances et des experts en sinistre. Les autres participants venaient du milieu académique (CEGEP et Universités) et de divers organismes représentant les accidentés de la route. En tant que responsable du comité organisateur, je tiens à remercier toutes les personnes de l Université Laval qui ont contribué directement à l organisation soit, M. Claude Belleau, professeur associé de la Faculté de droit, M. Daniel Gardner, professeur titulaire aussi de la Faculté de droit, M. Michel Giguère, directeur de l École d actuariat et Mme Lise Jacques, mon assistante à la Chaire en assurance. 2 J aimerais donc, dans les lignes qui suivent, vous présenter une synthèse du contenu des trois séances qui constituaient le programme de cette journée, laquelle semble avoir été très appréciée par les participants. 1 L auteur : Gilles Bernier est professeur au Département de finance et assurance de la Faculté des sciences de l administration et titulaire de la Chaire en assurance L Industrielle-Alliance de l Université Laval. 2 Outre la Chaire en assurance L Industrielle-Alliance, les autres commanditaires de ce colloque étaient le Bureau d assurance du Canada (section Québec), le Fonds Conrad Leblanc et la Chaire en actuariat de l Université Laval. Merci à nos quatre commanditaires.

L AVENIR DU RÉGIME QUÉBÉCOIS D ASSURANCE AUTOMOBILE 3 Séance 1 : Le régime québécois d assurance automobile sans égard à la responsabilité. Deux conférenciers ont pris la parole durant cette séance. En premier lieu, M. Jean-Louis Gauvin, actuaire et consultant, a discuté des origines et de l avenir de notre régime. Il a d abord rappelé les principales critiques du régime en vigueur au début des années 70, soit celui de la responsabilité selon la faute. Selon lui, un tel régime (1) empêche l indemnisation totale ou partielle de plusieurs victimes, (2) détermine arbitrairement les victimes qui ont droit à l indemnisation, (3) favorise souvent l octroi d un paiement final et libératoire au détriment des victimes avec dommages élevés et, (4) est lent à indemniser les victimes et ne facilite pas la réadaptation de celles-ci. M. Gauvin, le responsable du Comité d étude relatif à l assurance automobile dont le rapport fut à l origine de la réforme de 1978, a aussi mentionné qu à peine 50% des primes servaient, au début des années 70, à indemniser les victimes tant au niveau des dommages corporels que matériels, une situation qui serait encore aujourd hui jugée inacceptable. Par la suite, il a résumé les principales caractéristiques du nouveau régime introduit le 1 er février 1978 soit, l indemnisation des blessures corporelles sans égard à la faute sous la gouverne d un monopole étatique, l indemnisation directe des dommages matériels par les assureurs privés selon diverses options de couverture, une assurance responsabilité civile obligatoire, aucune subrogation et aucun recours envers les tiers et enfin, la libre concurrence entre les assureurs privés. Afin de relativiser la performance du système québécois, M. Gauvin s est appuyé sur les résultats d une étude récente de l Institut canadien des actuaires qui compare le coût des sinistres (dommages corporels et matériels, excluant les frais des assureurs) des différentes provinces canadiennes pour la période 1998-2002. Il ressort de cette comparaison que le Québec a le coût moyen le plus bas et aussi la plus faible augmentation sur les cinq années. Outre l effet bénéfique du régime «no-fault», M. Gauvin attribue aussi cette performance à la libre concurrence et à une réglementation minimale. Selon lui, les frais de gestion des assureurs opérant au Québec sont plus faibles qu ailleurs au pays, ce qui permet aux consommateurs 3 Les présentations rendues publiques par leurs auteurs sont accessibles sur le site Web de la Chaire en assurance à l adresse suivante : www.fsa.ulaval.ca/chaire-industriellealliance - 2 -

québécois de réaliser des économies considérables en matière de primes. 4 Discutant ensuite de l avenir du régime actuel, M. Gauvin a beaucoup insisté sur le fait que les Québécois ont eu raison d abandonner le droit de poursuite pour migrer vers un droit à l indemnisation, le second étant de beaucoup préférable et efficace pour la société. Par contre, il déplore le fait que la SAAQ soit un monopole étatique, redevable à un ministre plutôt qu à la population. Il croît que le régime actuel pourrait néanmoins être amélioré, pour le bénéfice des assurés et des victimes, en favorisant la concurrence et en permettant un élargissement du niveau de la couverture pour blessures corporelles. Bien sûr, des primes ou cotisations additionnelles seraient requises autant par le monopole que par le secteur privé pour de telles couvertures excédentaires. Il aimerait aussi que l indemnisation de la perte économique soit revue dans le cas des personnes sans emploi, des étudiants et des mineurs. Enfin, l offre de différentes couvertures serait aussi appropriée pour faciliter la compensation des pertes non économiques, en se rappelant toutefois que le niveau de la prime dépend des couvertures et qu il y a une limite à imposer à tous ce que seulement certains désirent. Il a conclu sa présentation en insistant sur le fait que seul le contrôle des indemnités permet de maintenir les coûts d un régime d assurance automobile à un niveau acceptable et qu à cet égard, le Québec devrait continuer de faire bénéficier les automobilistes de son statut distinct. En deuxième lieu, le professeur Daniel Gardner a présenté un tour d horizon des divers régimes d indemnisation en matière d accidents d automobile que nous retrouvons dans le monde et ce, en prenant la victime comme point de repère. Durant sa présentation, M. Gardner a fait ressortir que le système traditionnel de la responsabilité civile (régime de droit commun) est celui qui prend le moins en compte les intérêts de la victime. C est que ce système ne prévoit aucune indemnité en l absence d un responsable identifié. Ce système est en vigueur dans 27 États américains et dans plusieurs pays européens. Selon M. Gardner, c est le système de type no-fault complet 4 Le fait que les assureurs privés ne soient pas contraints en matière de classification et de tarification des risques automobiles (sauf le dépôt annuel de leur manuel auprès de l AMF, sans approbation préalable) a permis une forte concurrence, laquelle est confirmée par la croissance importante, depuis 1978, de la part de marché des assureurs directs basés au Québec. - 3 -

qui considère le plus les intérêts de la victime. Outre au Québec, nous retrouvons aussi ce type de régime dans d autres juridictions comme la Nouvelle-Zélande, la Suède, Israël, les Territoires du Nord de l Australie et le Manitoba. M. Gardner a conclu sa présentation en insistant sur la nature des compromis que l on retrouve dans les autres régimes de type no-fault mis en place dans diverses juridictions. Ces régimes prévoient des indemnités moins importantes que le no-fault complet mais, en revanche, permettent un droit de poursuite excédentaire. En fonction de l ampleur des indemnités versées sur la base du no-fault, ces divers régimes sont dans l ordre : (1) les systèmes avec indemnités minimales («add-on plans»), (2) les systèmes avec seuil monétaire (monetary threshold), (3) les systèmes avec seuil qualitatif (verbal threshold), (4) les systèmes à deux vitesses et, (5) les régimes avec choix. Séance 2 : L assurance des dommages matériels au Québec. Quatre conférenciers ont discuté, à tour de rôle, des principaux aspects propres à ce volet important de notre régime, dont les modalités sont confiées principalement aux assureurs privés. Dans un premier temps, le professeur Claude Belleau s est penché sur les effets du principe de l indemnisation directe. Il a fait ressortir que l indemnisation directe n est pas une assurance sans égard à la responsabilité et qu elle ne doit donc pas être traitée comme telle. Il se demande aussi s il n y a pas lieu de rétablir la clause de la conduite en état d ébriété dans l assurance collision, selon les règles de droit commun, puisque l indemnisation des dommages matériels n est pas une assurance sans égard à la responsabilité. Il a aussi fait remarquer que le caractère légitime de l utilisation des facteurs de détermination du risque, basés sur des variables comme l âge, le sexe et l`état civil, reste à démontrer du point de vue actuariel. En deuxième lieu, M. André Racine, actuaire chez Eckler Associés Ltée, a discuté de l évolution des pratiques, surtout actuarielles, des assureurs sous le nouveau régime de 1978. Selon lui, cette réforme a fait en sorte d obliger les actuaires à (1) déplacer leur attention des réserves vers la tarification, (2) établir la prime sur la base du risque et non sur la base de la faute, (3) réviser la tarification plus souvent, car le coût final des réclamations est connu très rapidement. Tout comme M. Gauvin, M. Racine est d avis que la liberté tarifaire est bénéfique car elle favorise l initiative et la segmentation - 4 -

du risque par les assureurs. Au niveau des sinistres, les délais de règlement sont extrêmement courts, ce qui permet d en minimiser les frais. Il conclut à l effet que l assurance n est plus perçue comme un outil de sanction, mais comme un service de réparation des dommages. En troisième lieu, Mme Brigitte Corbeil s est penchée sur le rôle du Groupement des assureurs automobiles, organisme dont elle est directrice générale. Elle a passé en revue les mandats, les pouvoirs et les initiatives du GAA qui fut instauré en mars 1978. Elle en a aussi profité pour discuter des modalités de la convention d indemnisation directe à laquelle tous les assureurs automobiles opérant au Québec doivent adhérer, ainsi que les aspects propres à la gestion du fichier central des sinistres créé le 1 er juillet 1990. En conclusion, elle a fait remarquer que l expertise développée et les initiatives du GAA visent à «permettre aux assureurs d offrir aux assurés québécois le meilleur service possible au moindre coût!». En dernier lieu, le professeur Jean-François Guimond de l Université Laval a présenté une analyse critique des pratiques des assureurs privés opérant au Québec. Il en a profité pour revenir sur la pratique des assureurs en ce qui a trait au traitement des accidents non responsables dans la tarification. Selon lui, cette problématique est reliée à l importance et au rôle joué par l expérience globale de réclamations dans la tarification. La source du problème, qui est reconnue par les autorités réglementaires depuis près de dix ans, est la considération d une fréquence de réclamations dans la tarification, peu importe la nature de celles-ci. À son avis, plusieurs pratiques des assureurs continuent, malgré certaines modifications au fil des années, de constituer presque des incitations à ne pas réclamer, ce qui n est pas souhaitable. Il a conclu en insistant sur le fait que les assureurs auraient intérêt à fournir une information qui soit plus complète et ce, concernant l ensemble de leurs pratiques. Cela permettrait d influencer favorablement les perceptions des consommateurs et donc, l atteinte d un meilleur équilibre des forces du marché. Durant le repas du midi, les participants ont eu la chance d entendre M. Yassin Choukri, sous-ministre de la justice et procureur général adjoint du Nouveau Brunswick. Cette province est confrontée, depuis quelques années, à une - 5 -

grave problématique d offre limitée et de primes élevées, à un point tel que ce fut d ailleurs un enjeu électoral important lors des dernières élections provinciales. M. Choukri a décrit le régime actuel et ses lacunes, puis il a brièvement commenté sur le fait que le gouvernement de M. Lord était en attente du rapport du Comité auquel il avait confié, en septembre 2003, le mandat d analyser le pour et le contre d instaurer un régime public d assurance automobile au Nouveau-Brunswick. Ce rapport, qui fut déposé au début d avril 2004, propose la mise sur pied d un régime d assurance sans égard à la faute, dont la gestion serait confiée à une agence gouvernementale. Le dossier au Nouveau-Brunswick est donc à suivre! Séance 3 : Le projet de réforme du gouvernement québécois : les principes et les propositions. C est le professeur Claude Fluet de l UQAM qui a ouvert cette séance en discutant des aspects économiques de la responsabilité. Durant sa présentation, il nous a rappelé que la régulation des comportements des individus (par exemple, les automobilistes) peut se faire tantôt par le biais des lois et règlements, mais aussi par le biais des systèmes de responsabilité civile et pénale. L analyse économique du système de la responsabilité civile doit se faire en comparant les avantages de l effet dissuasif de ce régime aux coûts privés et publics qu il engendre. Sous certaines conditions, les poursuites peuvent être socialement utiles. Puis, il a argué que l assurance est avant tout un mécanisme de mutualisation du risque visant l indemnisation des pertes accidentelles. Par contre, l assurance peut engendrer des effets désincitatifs, connus sous le nom de risque moral. Puisque les règles de responsabilité civile permettent le transfert du risque des victimes vers les responsables, cela a pour effet de générer une demande d assurance responsabilité. Selon M. Fluet, cette demande est susceptible de venir surtout des individus ayant décidé d avoir un comportement fautif. En conclusion, il a ajouté qu il est reconnu que la responsabilité civile est un système inefficace d indemnisation. Puis, nous sommes passés à la deuxième partie, soit le débat portant sur les principes et les propositions mises de l avant par le gouvernement Charest concernant la réforme du no-fault québécois, en particulier le volet prévoyant de lever l immunité judiciaire envers les criminels de la route pour permettre à leurs victimes ou - 6 -

à leurs familles de les poursuivre au civil afin d obtenir une juste réparation pour les indemnités qui excèdent les indemnités versées par la SAAQ. Le débat fut habilement modéré par le professeur Harold Bhérer de l Université Laval. Du côté des personnes favorables à la réforme proposée, nous retrouvions Me Janick Perreault et Me Michel Charrette, tous deux avocats en pratique privée, et M. Éric Sicotte, porte-parole de la Fondation des accidentés de la route. Du côté des personnes contre la réforme, nous retrouvions les professeurs Daniel Gardner de l Université Laval et Robert Tétrault de l Université de Sherbrooke, ainsi que M. Jacques Valotaire, président du BAC-Québec. À tour de rôle, les intervenants ont eu la chance d exprimer leur position individuelle en cinq minutes. Puis, le modérateur a invité les personnes favorables à la réforme à questionner directement celles qui lui sont défavorables, et vice-versa. Enfin, une période de questions avait été prévue pour les participants au colloque. Le clan du contre a beaucoup insisté sur l importance de ne pas réintroduire le droit de poursuite, mais aussi sur la nécessité de prévoir et/ou d appliquer des sanctions plus sévères à l égard des criminels de la route. Ce clan a aussi plaidé en faveur d une augmentation des indemnités versées par la SAAQ aux accidentés de la route, particulièrement en ce qui concerne le paiement des frais funéraires et des frais de thérapie pour les parents qui ont subi des traumatismes psychologiques suite à la perte d un être cher. Selon eux, il faudrait aussi prévoir un mécanisme dans la loi de l assurance automobile pour revoir de manière régulière les indemnités versées, ce qui pourrait aider à apaiser la douleur des victimes et de leurs proches. De son côté, le clan du pour a réitéré son opposition au versement d indemnités à ces mêmes chauffards une fois incarcérés. Ce clan a aussi argué que la possibilité pour les proches d une victime de s adresser à un tribunal avait en soi un effet apaisant et réparateur. Il nous reste maintenant à attendre le dépôt du document de réflexion promis par le gouvernement libéral, lequel devrait faciliter la tenue d une éventuelle commission parlementaire. Le dossier de l assurance automobile au Québec est donc aussi à suivre! - 7 -