Physiopathologie et Sémiologie de la dénutrition

Documents pareils
L APS ET LE DIABETE. Le diabète se caractérise par un taux de glucose ( sucre ) trop élevé dans le sang : c est l hyperglycémie.

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

Utilisation des substrats énergétiques

Chapitre II La régulation de la glycémie

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Le soin diététique réalisé par un diététicien en établissement de santé

LE GRAND LIVRE Du. Pr Jean-Jacques Altman Dr Roxane Ducloux Dr Laurence Lévy-Dutel. Prévenir les complications. et surveiller la maladie

DIABETE ET SPORT. Dominique HUET Hopital Saint Joseph PARIS

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

DOSSIER DE SOINS INFIRMIERS

Les Jeudis de l'europe

epm > nutrition Formation & Conseil

L obésité et le diabète de type 2 en France : un défi pour la prochaine décennie. DANIEL RIGAUD CHU de Dijon

Le traitement en effet est, au début, une épreuve pour tout le monde : la malade d abord, les parents ensuite et même les thérapeutes.

Surpoids et obésité de l adulte : prise en charge médicale de premier recours

Observation. Merci à l équipe de pharmaciens FormUtip iatro pour ce cas

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 19 octobre 2011

DENUTRITION : UN RISQUE MAJEUR EN INSTITUTION. Un exemple de prise en charge réussie sur 2009 au sein d un EHPAD de 63 lits

Titre : «CYCLISME ET DIABETE DE TYPE 1» Auteur(s) : Docteur Karim BELAID. Catégorie : Médecine du Sport - Diaporama, 20 vues.

L eau dans le corps. Fig. 6 L eau dans le corps. Cerveau 85 % Dents 10 % Cœur 77 % Poumons 80 % Foie 73 % Reins 80 % Peau 71 % Muscles 73 %

Besoins Nutritionnel. Besoins. ANC / Besoin. 3 niveaux : Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes

«Peut-on jeûner sans risque pour la santé?»

Charte nutritionnelle

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

LA QUESTION DE LA PRISE DE POIDS CHEZ LE FUMEUR EN SEVRAGE TABAGIQUE

Rentrée 2014 Francine Eichenberger Diététicienne

Le Régime Alimentaire. LR Health & Beauty Systems

epm > nutrition Formation & Conseil

Le diabète de type 1 UNSPF. Ségolène Gurnot

Composition corporelle

LE PSORIASIS ET SES CO-MORBIDITES PARTICULIEREMENT LE DIABETE

Maternité et activités sportives

INSULINOTHERAPIE FONCTIONNELLE

prise en charge paramédicale dans une unité de soins

Leucémies de l enfant et de l adolescent

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

Tableau récapitulatif : composition nutritionnelle de la spiruline

Complément à la circulaire DH/EO 2 n du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

Le VIH et votre cœur

TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX DU DIABETE DE TYPE 2 (Hors Insuline) MAREDIA Dr Marc DURAND

Logiciels d éducation à la Nutrition et à l activité physique

ANNEXE IIIB NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR

Caisse Primaire d Assurance Maladie de La Charente

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Le Modèle Conceptuel de Virginia Henderson. P. Bordieu (2007)

Carte de soins et d urgence

Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée

En savoir plus sur le diabète

La prise en charge de votre insuffisance cardiaque

Diabète Type 2. Épidémiologie Aspects physiques Aspects physiologiques

LA DEMARCHE DE SOINS INFIRMIERE N.LANNEE CADRE FORMATEUR IFSI CHU ROUEN

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

Insulinothérapie et diabète de type 1

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

EXEMPLE DE METHODOLOGIE POUR L ELABORATION D UN PROTOCOLE DOULEUR Marie AUBRY Infirmière référente douleur Hôpital TENON AP-HP Paris XX e SOMMAIRE

L équilibre alimentaire.

Le traitement du paludisme d importation de l enfant est une urgence

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

CLINIMIX AVIS DE LA COMMISSION DE LA TRANSPARENCE

ntred 2007 Résultats de l étude Description des personnes diabétiques

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Infirmieres libérales

La consultation diététique réalisée par un diététicien

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

Après chirurgie bariatrique, quel type de tissu adipeux est perdu? Dr Emilie Montastier Hôpital Larrey, Toulouse

ÉVALUATION DE LA PERSONNE ATTEINTE D HYPERTENSION ARTÉRIELLE

Enfants et adolescents diabétiques Problématiques courantes en médecine générale

Anémie et maladie rénale chronique. Phases 1-4

SOINS DE PRATIQUE COURANTE. Prélèvement aseptique cutané ou de sécrétions muqueuses, prélèvement de selles

URGENCES MEDICO- CHIRURGICALES. Dr Aline SANTIN S.A.U. Henri Mondor

Mieux informé sur la maladie de reflux

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Compliance (syn. Adhérence - Observance) IFMT-MS-Sémin.Médict.Nov.05 1

Le VIH et votre apparence physique

La constipation occasionnelle chez l adulte

Accidents des anticoagulants

DISTRIBUTION DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR VOIE ORALE PAR L INFIRMIERE : RISQUE DE NON PRISE DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR LE PATIENT

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

Suivi ADOM. Claude Boiron Oncologie Médicale

Prise en charge de l embolie pulmonaire

APRES VOTRE CHIRURGIE THORACIQUE OU VOTRE PNEUMOTHORAX

Développement d une application pilote

Professeur Diane GODIN-RIBUOT

MARS rapport d analyse. étude de la situation nutritionnelle des enfants vus par Médecins du Monde à Mayotte

«Cette action contribue au PNNS». À CHÂTEAU THIERRY

Don d organes et mort cérébrale. Drs JL Frances & F Hervé Praticiens hospitaliers en réanimation polyvalente Hôpital Laennec, Quimper

Activité 38 : Découvrir comment certains déchets issus de fonctionnement des organes sont éliminés de l organisme

Diabète de type 1: Informations destinées aux enseignants

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

Le diabète en France L épidémie silencieuse du XXI ème siècle. Optimiser la prise en charge du diabète afin de limiter son expansion et son coût

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

REPOUSSER LES LIMITES DE LA CHIRURGIE BARIATRIQUE DANS LES OBESITES MASSIVES AVEC COMORBIDITES

Migraine et Abus de Médicaments

APS résumé partie III

Bonne lecture!! et si vous souhaitez consulter le document de l AFEF dans son intégralité, c est ici

SADIR assistance, Prestataire de Santé à Domicile (PSAD)

Cancers de l hypopharynx

Boughanmi Hajer. JAOUA Noureddine. Membre du bureau exécutif de l OTEF

Transcription:

28/02/2014 MOHAMMEDI Neyla L2 Nutrition Pr Darmon 16 pages Relecteur 5 Physiopathologie et Sémiologie de la dénutrition Plan A. Définition B. Pourquoi ne s'occupe-t-on pas de la dénutrition? C. Les causes de la dénutrition I. La dénutrition s installe et/ou s aggrave au cours du séjour II. Les causes de la dénutrition D. Dénutrition : bases physiopathologiques E. Conséquences médicales de la dénutrition F. Dépistage et diagnostic I. Dépistage II. Diagnostic G. Stratégie de prise en charge nutritionnelle A. Définition La dénutrition est un état pathologique provoqué par l inadéquation persistante entre les besoins métaboliques de l organisme et les apports et/ou l utilisation de ces apports, en énergie et/ou protéines et/ou micronutriments. Elle peut être liée à une diminution des apports ou à une augmentation des besoins métaboliques. Elle se caractérise par une perte de masse maigre (c est ce qui définit sa gravité) et souvent de masse grasse en particulier chez l enfant et chez l adulte. Elle induit des changements mesurables des fonctions corporelles physiologiques responsables d une aggravation du pronostic des maladies. Remarque : La dénutrition est une problématique que l on retrouve à l hôpital mais aussi en extérieur. On retrouve une dénutrition chez les patients atteints de cancer, du SIDA, en insuffisance rénale ou respiratoire Les patients en insuffisance respiratoire peuvent être obèses et dénutris 1/16

Composition corporelle Prévalence de la dénutrition (les chiffres ne sont pas à retenir) Il y a des preuves qui soutiennent que soigner la dénutrition améliore le pronostic et la qualité de vie des patients dénutris, pourtant il y a peu de dépistage et de prise en charge : 50 à 100% des patients dénutris ne sont pas dépistés! 2/16

B. Pourquoi ne s occupe-t-on pas de la dénutrition? Nutrition Physiopathologie et sémiologie de la dénutrition Absence de responsabilités définies pour la planification des soins nutritionnels Insuffisance de la formation en nutrition, toutes catégories de personnel confondues Absence d influence et ignorance des patients Absence de coopération entre les différentes catégories de personnel Absence d implication des administrateurs de l hôpital. Les premières raisons sont le manque de connaissance et le manque de recommandations claires. C. Les causes de la dénutrition I. La dénutrition s installe et/ou s aggrave au cours du séjour a. Les causes liées au patient et à sa pathologie : La maladie Les traitements La douleur Le jeûne partiel ou total L augmentation des besoins énergétiques et protéiques (stress lié à la maladie, ex : fièvre) b. Les causes organisationnelles Pas d ANC par pathologie (ANC = apport nutritionnels conseillés) La qualité de l alimentation L organisation des soins La non identification du risque nutritionnel L absence fréquente de prise en charge Tout ceci entraîne une consommation alimentaire inférieure aux besoins de l organisme. 3/16

II. Les causes de la dénutrition Nutrition Physiopathologie et sémiologie de la dénutrition Réduction des apports nutritionnels Et/ou Perte excessive et/ou défaut d absorption Et/ou Augmentation des besoins métaboliques (hypercatabolisme) Ces situations sont souvent intriquées dans des proportions variables. a. Réduction des apports Carences d apport liées à des pathologies : Iatrogène, en milieu hospitalier par mauvaise couverture des besoins, insuffisance d apports protéiques et/ou énergétique Régimes «aberrants» parfois prescrits chez l adulte et chez l enfant (allergie-exclusions multiples) Perturbation de l ingestion des aliments (anorexie, troubles de la déglutition, régurgitations, vomissements) Situations à risque : Inappétence chez les patients alités, polymédiqués, ou qui ont des régimes restrictifs Douleur Handicap : tétraplégie, insuffisants moteurs cérébraux, maladies psychiatriques Trouble de déglutition : fausse route, toux, suffocation Détérioration de l état buccal : - L édentation, qui conduit à une diminution des capacités masticatoires - Les mycoses qui entraînent des douleurs à la mastication et à la déglutition Modes alimentaires restrictifs : - Rites idéologiques (ex : végétalisme) - Rites religieux (difficile à respecter en restauration collective) - Tabou ou peur alimentaire Problèmes socio-économiques (beaucoup chez les sujets âgés) Alcoolisme Négligence, maltraitance (qu on peut voir en institution de personnes âgées ) Refus alimentaire (anorexie mentale, grève de la faim ) Cas particulier des personnes âgées Causes sociales Diminution des capacités liées au vieillissement - Perte d autonomie - Mauvais état bucco-dentaire - Troubles de la déglutition - Troubles de la marche - Troubles des membres supérieurs - Détérioration des fonctions cognitives - Déficits sensoriels (perte de goût entre autre) - Modification de l appareil digestif - Anorexie 4/16

Du domicile à l hôpital, il existe plusieurs facteurs de diminution des apports en nourriture avec : Un changement d environnement, horaires de repas (repas du soir très tôt ce qui va faire un espacement avec le petit déjeuner très important ce qui est extrêmement mauvais d'un point de vu métabolique), des habitudes alimentaires, un choix alimentaire limité, un menu peu explicite des couverts mal adaptés, peu ou pas d aide au repas une multiplicité des acteurs et des difficultés de coordination une dispersion des responsabilités En fonction des services, 11 à 35% des patients consomment moins que leurs besoins énergétiques. Diminutions des ingesta Les outils essentiels de dépistage : Observation de la consommation du plateau repas : dès le premier repas, consigner les éléments observés dans le dossier individualisé de la personne soignée. Feuille de surveillance des ingesta : sur prescription médicale, à mettre en place dès les premiers jours d hospitalisation. b. Pertes excessives et/ou défaut d absorption ou d utilisation des apports Concernent surtout les maladies de l appareil digestif : Diarrhées chronique par malabsorption de nutriments (insuffisance de digestion) Insuffisance intestinale : après résection importante de l intestin par exemple. La longueur intestinale se réduit mauvaise absorption des apports. L insuffisance intestinale s accompagne soit de syndrome d obstruction (occlusion intestinale, cancer, entérite radique, pseudo-obstruction intestinale chronique), soit de syndrome de malabsorption avec diarrhée (résection intestinale, inflammation dans la maladie de Crohn, maladie cœliaque, SIDA). Le syndrome néphrotique entraîne une protéinurie très importante qui peut entraîner une baisse de l albuminémie. La dénutrition est liée à la fuite protéique prolongée. Lors d un diabète déséquilibré, la carence insulinique est très importante, le patient urine du sucre et donc perd du poids (se sont donc des calories perdues, de plus l'insuline est une hormone de mise en réserve et sa carence va aggraver le phénomène de perte de poids) Chirurgie digestive (by-pass, gastrectomie) 5/16

c. Augmentation des besoins métaboliques Au cours des états d agressions aigus ou subaigus, la dépense énergétique et le catabolisme protéique augmentent, entraînant une majoration des besoins énergétiques et/ou protéiques. C est le cas lors de : Chirurgies Etat de choc Polytraumatismes Maladies infectieuses ou inflammatoires Cancers Traumatismes crâniens Pancréatites aiguë Brûlures du 2 e ou 3 e degré ++ Besoins énergétiques : rappel Ils sont très variables d un individu à l autre. Besoins = DER (Dépense Énergétique au Repos) +/- besoins spécifiques Ils dépendent du sexe, de l âge, de la taille, de la composition corporelle, de l activité physique, des maladie et d'éventuels traitements La calorimétrie indirecte est la référence pour calculer la DER. On évalue les échanges respiratoires (en O2 er CO2) et à partir de là on détermine la dépense énergétique de repos et le quotient respiratoire. Le patient est au repos, allongé, à jeûn, respire dans le masque pendant une demi-heure. Mais il faut moduler la DER : si le est patient sportif ou agressé, les valeurs ne seront pas les mêmes. L estimation des besoins énergétiques se fonde sur des équations prédictives. Formule la plus connue : la Formule de Harris et Benedict qui prend en compte l âge, le poids, la taille et le sexe. Pour renourir un individu on est entre 20 et 35 Kcal/kg/jour (en dehors du cas particulier de l obèse). D. Dénutrition : bases physiopathologiques Trois mécanismes sont impliqués dans la survenue de la dénutrition : La mobilisation des réserves énergétiques La constitution du déficit protéique (si le jeûne se prolonge) Le déficit en micronutriments (Vit et éléments trace) Adaptation métabolique au jeûne (normal) La glycémie reste relativement stable, des mécanismes se mettent en place pour que le cerveau soit toujours alimenté notamment. L insulinémie baisse donc alors que le glucagon augmente. Deux moyens importants de production d énergie : la néoglucogenèse se met en place afin de maintenir la glycémie normale on puise dans le tissu adipeux avec libération importante d acides gras libres oxydés en corps cétoniques pour alimenter les muscles, le myocarde et plus tard le cerveau. L organisme essaie de protéger le muscle («la masse noble») au maximum et d éviter la protéolyse qui va finir par se stabiliser dans le temps. 6/16

Adaptation métabolique lors de l agression Lors d'une infection par exemple. On observe un phénomène d insulino-résistance (hormones de stress, cytokines inflammatoires...). Les adipocytes libèrent des acides gras libres et du glycérol (qui va être impliqué dans la néogulogenèse au niveau hépatique) mais dans ce cas le muscle va être sollicité, il va y avoir libération d AA : Glutamine utilisée pour le renouvellement des lymphocytes, des macrophages et des cellules intestinales Alanine utilisée au niveau du foie pour la néoglucogenèse (cerveau et érythrocytes ++) Les différences majeurs par rapport au jeûne normal sont une cétogenèse qui va être peu importante du fait d'un hyperinsulinsime et un catabolisme musculaire compensatoire. On va avoir une diminution importante de la masse maigre. Le déficit protéique se constitue vite : Augmentation de la synthèse hépatique des protéines de la phase aiguë (CRP, fibrinogène...) Augmentation de la protéolyse musculaire +++ Augmentation de l excrétion urinaire d azote (urée) La balance azotée est fortement négative. Déficit en micronutriments Les déficits en micronutriments sont fréquents chez les malades dénutris mais il est difficile d en quantifier l ampleur. Les stocks sont rapidement épuisés : Zinc : cicatrisation, anabolisme, fonction thyroïdienne, défense immunitaire Sélénium : défense anti-oxydante, immunité Vitamines du groupe B : la carence expose aux neuropathies, aux anémies (folates B9, B12) et à l encéphalopathie carentielle. 7/16

Étiologie multifactorielle de la dénutrition au cours du cancer Les apports nutritionnels sont souvent inefficaces, en effet : La dénutrition du patient cancéreux est fréquente +++ (20-60% lors du diagnostic) Elle est toujours corrélée à l extension de la maladie Il y a une valeur pronostic propre (la dénutrition compte dans le pronostic). 2 points clefs : le diagnostic précoce et l intervention active. Pourquoi les gens ayant un cancer mangent moins? L'hypophagie est le résultat des nausées, vomissements, dysfonctions digestives, aversions alimentaires, modifications du goût et de l odorat, anorexie, satiété précoce, dépression, anxiété, douleurs et effets secondaires des traitements (la chimio et la radiothérapie peuvent entraîner des inflammations de la bouche, diarrhées, nausées ). La cachexie est une interaction complexe entre l'hôte et la tumeur. La tumeur va être responsable de conséquences métaboliques et nutritionnelles. Dans le syndrome cachexique (syndrome paranéoplasique multifactoriel) on observe : une perte de poids, des nausées une inflammation et des dysfonctions digestives des aversions alimentaires des modifications du goût et de l odorat une dépression, de l anxiété des douleurs 20% des décès en oncologie ont pour seule cause la cachexie. La tumeur peut sécréter des substances pro-cachexisantes, qui vont majorer la protéolyse et la lipolyse et donc entraîner une perte de poids majeure. Implications métaboliques Grande différence entre cachexie et jeûne : le patient cachexique perd beaucoup plus de muscle, la dégradation des protéines est très forte (elle n existe pas chez le patient qui jeûne car son organisme S ADAPTE). C est ce qui fait la gravité de la maladie. 8/16

E. Conséquences médicales de la dénutrition Nutrition Physiopathologie et sémiologie de la dénutrition Facteur de risque indépendant de morbi-mortalité (infections, anémie, complications post-op, retard de cicatrisation, escarres, chutes, fractures ) Aggravation du pronostic de la pathologie sous-jacente Prolongation de la durée de séjour (et donc coûte plus cher) Hospitalisation itératives Toxicité accrue des traitements (on doit diminuer alors les doses de chimio et donc l efficacité du traitement) Asthénie, apathie, dépression Diminution de la qualité de vie Coûts élevés Il y a 5 fois plus de risques d attraper une infection nosocomiale quand on est dénutri. Il y a une diminution de la réponse à la chimiothérapie et augmentation des risques de toxicité induits par la chimiothérapie. Chez des malades ayant bénéficié d une chimiothérapie pour une LAL (leucémie aiguë lymphoblastique), on observe une diminution de la survie de 5 ans. Chez le sujet âgé : la mortalité est multipliée de 2 à 4 (susceptibilité aux chutes, fractures, infections, baisse de l'autonomie et des difficultés de cicatrisation) Sur une étude sur 850 patients, toutes spécialités, dont 20% de dénutris, on a remarqué que les dénutris restaient en moyenne 3 jours hospitalisés et font beaucoup plus d infections. Détermination du poids ; il faut : peser le patient (ne pas se contenter du poids déclaratif) et interroger la personne et son entourage rechercher une perte de poids récente (dans les 6 derniers mois) la pesée doit être systématique à l arrivée! (balance tarée, sans chaussures, pas de vêtements lourds...) Pour peser les personnes qui ne peuvent se mettre debout, il existe : des chaises-pèse-personne, des lèvepersonne, et pour les patients en réanimation il existe des lits avec balance intégrée. 9/16

Détermination de la taille : interroger la personne, ou son entourage utiliser une toise consulter la carte nationale d identité estimer la taille par la distance talon-genou Puis on calcule l IMC (poids en kg / taille² en m) Nutrition Physiopathologie et sémiologie de la dénutrition Formules données à titre purement indicatif Évaluation clinique Cheveux rares, fins, secs, décolorés, présentant un défaut de résistance à l arrachage Visage amaigri, globes oculaires saillants Pâleur cutanéo-muqueuse Lèvres fissurées, chéilite Langue lisse, atrophiée, dépapillée Caries, hypoplasie de l émail Atrophie cutanée, dermatoses diverses Oedèmes des chevilles Recherche d une fonte adipo-musculaire (jambes fines ++) Hypotension, bradychardie, parfois hypothermie Formes cliniques intermédiaires Le marasme C'est une forme de dénutrition chronique, progressive, le patient mange peu Albuminémie normale MPE équilibré, adaptation physiologique MPE = Malnutrition Protéino-énergétique. F. Dépistage et diagnostic I. Dépistage Continuum physiologique entre ces 2 formes. Le Kwashiorkor On le trouvait principalement chez des enfants africains qui n'étaient plus nourris au sein Hypoalbuminémie, oedèmes Carence progressive, agression secondaire à la maladie, cachexie Il n existe pas actuellement de méthode simple et précise réalisable en pratique clinique courante dont la mise en œuvre pourrait être recommandée chez tout malade hospitalisé. Chaque marqueur nutritionnel pris isolément manque de sensibilité et de spécificité et seul le recours à des combinaisons de marqueurs permet de repérer le maximum de patients dénutris ou à risque de dénutrition. Dans l'idéale, il faudrait que les outils de dépistage de la dénutrition et du risque nutritionnel soient simples et pratiques à mettre en œuvre, rapides à réaliser, sensibles, spécifiques, utilisables par le personnel du service, faciles à interpréter, peu onéreux et qu'ils soient validés, c est à dire que leur intérêt de leur utilisation ait été démontré. Critères anthropométriques : Plis cutanés La mesure des plis cutanés reflète la masse grasse. Elle est très opérateur-dépendante. On utilise un compas de Harpenden. Elle est mesurée au niveau : du biceps, triceps, fosse sous-scapulaire, en supra iliaque. Cette mesure a de bonnes indications pour les insuffisants rénaux dialysés, les insuffisants hépatocellulaires. Il existe des valeurs normales (pour le Pli Cutané Tricipital : 11,5 ± 1, 5 mm pour les hommes et 17,5 ± 1,5 mm pour les femmes) Il y a épuisement de la masse grasse quand les valeurs sont diminuées de 50%. 10/16

Circonférence musculaire brachiale (CMB) elle est mesurée à l aide d un mètre à ruban (en cm) à mi-distance entre l acromion et l olécrane. Les valeurs sont pathologiques quand elles diminuées de 50%. La CMB trouve une bonne indication au cours de l insuffisance hépatocellulaire (protéines nutritionnelles difficiles à interpréter). À titre informatif : CMB en cm = CB en cm (π x PCT en mm) VN : Hommes = 25 ± 1cm ; Femmes = 21,5 ± 1,5cm Intérêt de la CMB et du PCT ces données sont peu contributives dans le dépistage d une dénutrition débutante car elles ne deviennent pathologiques que pour des états de carence protéino-énergétique avancés. L albumine L albumine a beaucoup d intérêt pour une utilisation chronique, mais pas d intérêt à court terme. Elle a un grand intérêt pronostic. La concentration plasmatique normale est de 35 à 50 g/l Son taux varie lentement (elle a une demie-vie de 21 jours). L albumine est le seul marqueur retenu par les conférences de consensus. Le taux d albumine dépend de la synthèse, de la dégradation et de la distribution-extravasation. Il faut faire très attention quand on interprète un taux d albumine : Un patient hyperhydraté peut avoir une baisse artificielle de sa concentration plasmatique en albumine par dilution alors qu'en réalité son taux est normal, ou un syndrome inflammatoire (production de CRP +++ et le foie diminue sa production d albumine) ou les pertes glomérulaires (syndrome néphrotique) ou l insuffisance hépato-cellulaire. La préalbumine (=transthyrétine) C est une protéine de PM égal à 55 kda, formée de 4 sous-unités. ½ vie : 2 Jours Elle est vectrice de la Vitamine A, des hormones thyroïdiennes. Elle est synthétisée par le foie principalement et un peu par le pancréas. C'est un marqueur très sensible qui permet notamment le dépistage d'une dénutrtion récente et doit être corrélée aux autres marqueurs. Sa spécificité est influencée par l inflammation, l insuffisance rénale et les hépatopathies. Sa sensibilité est très importante : elle dépiste la dénutrition récente, mais elle doit être corrélée à d autres marqueurs. Elle a un grand intérêt pronostic. Comme c est un indicateur rapide (car a une demie vie courte) des variations en apports protéinoénergétiques, elle a une grande utilité lors de la renutrition. Sa concentration dépend de l'âge et du sexe et varie de 250 à 350 mg/l quand elle est comprise entre 100 et 200 mg/l on à faire à une dénutrition modérée quand elle est < 100 mg/l, on a une dénutrition sévère Autres marqueurs biologiques pour dépister la dénutrition D autres protéines sont nettement moins utilisées : Rétinol binding-protéines, IGF1 On peut aussi faire une NFS et un bilan martial : on regarde les GB (baisse si dénutrition), anémie... On recherche une immuno-dépression (si on faisait des tests cutanés on constaterait une anergie de la réponse aux Ag) et on regarde la numération lymphocytaire (grave si <3000 éléments/m 3 ) Vitamines et oligoélements 11/16

Les index et questionnaires Le Nutritional Risk Index Le plus connu des index est le Nutritionnal Risk Index (index de Buzby). On tient compte l albuminémie, le poids actuel et le poids habituel du patient. Il est validé chez l adulte agressé en chirurgie mais il est relativement répandu. Il existe également le GNRI chez les personnes âgées. Le MNA (Mini Nutrtional Assessment) C est un questionnaire, il est spécifique de la personne âgée. Il contient des items sur la perte d appétit, les problèmes neuro-psychomoteurs, l IMC, la perte de poids récente. On va regarder la circonférence du bras et du mollet. Il en existe une version courte, de plus en plus utilisée. Important à connaître. II. Diagnostic de la dénutrition Une dénutrition doit être évoquée sur la présence d un ou plusieurs des critères cliniques ou biologiques suivants (2 catégories : les plus et moins de 70 ans) : NDCR : Ce tableau représente la définition de la dénutrition selon la HAS et il est à connaître! Pour chaque cas, 1 seul critère suffi à faire le diagnostic. Par exemple si on a seulement une perte de poids > 5% en 1 mois chez une personne de moins de 70 alors que IMC et albumine sont normals, on a une dénutrition modérée. On voit que le score MNA entre dans la définition de la HAS de la dénutrition. /!\ Il faut tenir compte des œdèmes, de l inflammation et un patient obèse peut être dénutri! Recueil d information Il se réalise auprès de la personne soignée et/ou de son entourage. Il concerne les habitudes alimentaires de la personne : Goûts et aversions alimentaires Textures alimentaires Régimes spécifiques Allergies et intolérances Nombre et répartition des repas Equilibre des repas et quantité Qui prépare les repas 12/16

Observation : Des changements des fonctions corporelles De l état buccal (mauvaise dentition, appareil dentaire non adapté, présence de mycose, d aphtes, de sécheresse ) Du comportement de la personne au moment du repas (attitude, aspect relationnel ) De la consommation du plateau repas Des ingesta sur 3 jours (sur prescription médicale) G. Stratégie de prise en charge nutritionnelle Corriger les facteurs de risque identifiés - Aide technique ou humaine pour l alimentation - Soins bucco-dentaires - Réévaluation de la pertinence des médicaments ou régimes - Prise en charge des pathologies sous-jacentes Définir un objectif nutritionnel - 20 à 40 kcal/kg/jour - 1, 2 à 1,5g de protéines/kg/jour Modalités pratiques de la prise en charge nutritionnelle Orale Conseils nutritionnels : - Rappeler les repères du PNNS - Augmenter la fréquence des repas - Eviter un jeûne supérieur à 12h (entretient un catabolisme pas bon du tout! essayer de ne pas trop espacer les repas du soir avec le petit déjeuner) - Privilégier les aliments riches en énergie et protéines - Adapter l alimentation aux goûts, adapter texture - Aide technique et/ou humaine - Proposer repas dans un environnement agréable Enrichissement de l alimentation Poudre de lait, lait concentré sucré, fromage râpé, crème fraîche, poudre de protéines industrielles. 13/16

Parfois on n arrive pas à corriger la dénutrition avec les aliments, donc on prescrit des compléments nutritionnels oraux. On favorise les produits hyperénergétiques (> 1,5 kcal/ml ou g) et/ou hyper protidiques (>7g/100mL ou g ou < 20% des AET). Il faut qu ils apportent au moins 400Kcal ou 30g en plus. Ils doivent être pris EN PLUS et non à la place des repas ou en collation. La prescription initiale doit être d une durée d un mois maximum. Il est très important d opérer des réévaluations. Ce peut être des jus de fruits, boissons lactés, crèmes desserts, potages, repas mixés, mélanges polymériques, hypercaloriques. Avec ou sans lactose, enrichis en fibres ou non Une bonne adhésion conduira à une amélioration du statut nutritionnel. Il faut faire attention car ces compléments peuvent très souvent donner lieu à une lassitude qui peut être causée par des troubles du goût, des aversions spontanées ou induites Comment améliorer l observance? Prescrire comme un médicament Eviter les phases les plus agressives du traitement En dehors des repas Jouer sur les températures, parfums Si ça ne marche pas, on passe alors à la nutrition artificielle. Nutrition entérale : sonde naso-gastrique, toujours la privilégier si le tube digestif est fonctionnel. On l utilise en cas d échec de la PEC orale ou en première intention si le patient déglutit mal ou si la dénutrition est très sévère. Elle est parfois poursuivie à domicile Nutrition parentérale : coûteuse et qui a des complications, en dernier recours Si un jeûne total ou partiel de plus d une semaine est prévisible, il faut mettre en place une assistance nutritionnelle, de préférence par voie entérale. La nutrition entérale doit si possible être adaptée à la poursuite d une alimentation orale (elle est donc plutôt nocturne). Dans tous les cas, l assistance nutritionnelle pourra être totale ou partielle, temporaire ou définitive. On peut associer nutrition entérale et parentérale. La nutrition parentérale exclusive doit être réservée aux seuls cas de contre-indication absolue de la voie digestive. Si la nutrition entérale est prolongée au-delà d un mois, on met en place une stomie (sonde transcutanée directement dans l estomac ou le jejunum). La nutrition entérale est privilégiée car elle est plus physiologique et elle protège la trophicité de l intestin. Sa mise en œuvre et sa surveillance est plus facile, moins invasive. Elle est également moins risquée sur le plan infectieux, moins coûteuse et aussi efficace sur le plan métabolique. Nutrition entérale : indications Alimentation orale à risque : fistules digestives, chirurgies ORL ou digestives hautes, troubles de la déglutition ou fausses routes, certaines dysphagies hautes Alimentation orale nulle ou insuffisante : troubles de déglutition, dysphagie, dénutrition, anorexie en particulier chez le sujet âgé, pathologie en phase palliative Optimisation de la prise en charge des patients : dans un cadre préventive chez les patients à haut risque de dénutrition lié à la maladie ou aux traitements (cancérologie) : importance de la mise en place d une nutrition entérale de support en amont de toute thérapeutique. En péri-opératoire : En préopératoire chez le patient dénutri En post-opératoire, si la reprise de l alimentation orale est impossible dans les sept jours. 14/16

Nutrition parentérale : indications Impossibilité d alimentation orale ou entérale. Contre-indications à la nutrition entérale : - TD non-fonctionnel : ischémie intestinale, fistule entéro-cutanée, péri-opératoire - Malabsorption : maladies intestinales inflammatoire, grêle court (<1m), grêle radique - Risque accru de broncho-aspiration : vomissements, troubles de la conscience, état de choc sévère - Pancréatite aiguë sévère («life threatening») Contre-indications relatives à la nutrition entérale - Distension abdominale, diarrhées sévères Nutrition parentérale en complément : En complément de la nutrition entérale pour atteindre la cible calorique Lors de mises à jeûn répétées : chimio, attente de chirurgie ou d investigations Complications de la NP : Dues à la voie veineuse : - Mécaniques - Septiques - Thrombotiques Dues à la NP Diagnostiquer la dénutrition précocement pour un traitement efficace Critères objectifs de l efficacité nutritionnelle Anthropométrie (poids, BMI, plis cutanés ) Composition corporelle (bioimpédancemétrie, DEXA) Signes cliniques (oedème, fonte musculaire) Protéines plasmatiques (albumine, préalbumine ) Fonction musculaire (force de serrement ) 15/16

La bioimpédance électrique (BIA) : elle permet la détermination de l eau corporelle totale, de la masse non grasse sèche et de la masse grasse. On étudie la résistance des tissus biologiques au passage d un courant alternatif de faible intensité. Technique simple, rapide, précise, non invasive et peu coûteuse. Absorptiométrie biphotonique (DEXA : Dual X ray Absorptiométry) : permet d évaluer avec précision la masse osseuse, maigre et grasse. Faible irradiation. C'est de la densitométrie. 16/16