Garantir la pérennité des assurances sociales grâce à des mécanismes d intervention dossierpolitique



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Garantir la pérennité des assurances sociales grâce à des mécanismes d intervention dossierpolitique 11 septembre 2012 Numéro 19 Assurances sociales En introduisant le frein à l endettement, la Suisse a non seulement réussi à juguler la hausse de l endettement qui a marqué les années 1990, mais encore à réduire sa dette de quelque 20 mrd fr. depuis 2005. Le taux d endettement de notre pays figure parmi les plus bas du monde. Fondement d une politique financière durable, le frein à l endettement est largement reconnu au niveau international. Une source d endettement subsiste malgré tout au niveau de la Confédération : les assurances sociales. Compléter le frein à l endettement par un mécanisme analogue pour les assurances sociales est donc indispensable. Selon une enquête représentative, 63 % des personnes interrogées sont favorables à l extension du frein à l endettement aux assurances sociales. Une telle règle permettrait de prendre des mesures d assainissement à temps. La pérennité de nos assurances sociales passe par la garantie d un équilibre financier sur la durée. Position d economiesuisse 3Le frein à l endettement a fait ses preuves et doit être étendu aux assurances sociales. 3 Un mécanisme d intervention permet de garantir l équilibre financier des assurances sociales. 3 Si la politique ne prend pas les mesures d assainissement nécessaires à temps, il faut que des mesures immédiates soient automatiquement activées. 3 Un mécanisme d intervention doit être introduit dans l AI dans le cadre de la réforme en cours. Une réflexion est également de mise dans le domaine de l AVS.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 1 Situation à l étranger 3 Forte hausse de l endettement des États industrialisés Endettement croissant Depuis l éclatement de la crise financière et économique mondiale, l endettement public a considérablement augmenté dans la plupart des États industrialisés. Le graphique 1 montre le niveau de la dette et la variation de celle-ci dans les pays de l OCDE depuis fin 2007 : mesuré à la taille des différentes économies, c est-à-dire à leur produit intérieur brut (PIB), le taux d endettement est passé de 73 % à plus de 107 % entre 2007 et 2012. Graphique 1 3 Déjà considérablement endettés, de nombreux États ont vu leurs finances publiques se détériorer encore dans le sillage de la crise. Endettement brut des pays de l OCDE Taux d endettement et variation de celui-ci en % du PIB (2007-2012) 220 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 20 40 LUX NOR AUS KOR CHE SWE NZL CZR SLR FIN SLO POL DNK NED AUT CAN HUN ESP GER BEL GBR FRA OECD USA IRL ITA POR ISL GRC JPN Endettement public, en % du PIB (2007) Variation des dettes brutes, en % du PIB (2007-2012) Source : Perspectives économiques de l OCDE n 91 Aux dettes explicites accumulées à ce jour s ajoutent les engagements implicites (cf. encadré «Dettes implicites»). Suivant la source et l année et en postulant que, d ici à 2060, aucune réforme ne sera mise en œuvre, l endettement public implicite de nombre d États européens équivaut à un multiple de la performance économique annuelle (cf. graphique 2). Le Luxembourg, qui affiche actuellement un très faible taux d endettement, présentera, avec l Irlande, le déficit le plus important en termes de durabilité. S il tarde à engager des réformes, la dette publique atteindra, d ici à 2060, dix fois le produit intérieur brut. La raison de cette augmentation massive tient principalement au fait que ce pays, comme l Irlande et la Grèce, devra faire face à des hausses vertigineuses des dépenses consacrées aux retraites, à la santé et aux soins.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 2 Dettes implicites Les dettes implicites sont des droits légaux à des prestations qui ne prendront naissance qu ultérieurement. Elles se composent pour l essentiel des versements de rentes futurs et des coûts, en hausse, de la santé. Bien que de tels calculs se fondent sur une multitude d hypothèses (évolution de l économie, de l immigration, des taux d intérêt et de l espérance de vie, par exemple) et qu une part d incertitude subsiste, ils permettent néanmoins de tirer des conclusions quant au caractère durable des systèmes d assurances sociales actuels. Graphique 2 3 Compte tenu des engagements futurs de rentes non financés, les dettes des nations industrialisées sont en réalité plus élevées que les chiffres présentés aujourd hui. Durabilité de la politique financière et sociale menacée en Europe D ici à 2060, en l absence de réformes (année de référence: 2010) 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0 1405 1097 872 487 28 109 147 226 255 266 330 432 118 83 48 72 82 93 96 63 61 145 19 92 ITA DEU FIN AUT FRA PRT BEL NLD ESP GRE LUX IRL Dettes explicites, en % du PIB Dettes implicites, en % du PIB Source : Stiftung Marktwirtschaft (2011) 3 La Suisse présente elle aussi un endettement implicite. En Suisse, tout comme en Norvège et en Suède, le taux d endettement est actuellement en recul. Cependant, si l on tient compte des dettes de l ensemble des collectivités publiques (y compris les assurances sociales), la Suisse affichera d ici à 2060 un taux d endettement estimé à 131 % du produit intérieur brut selon l Administration fédérale des finances. Contrairement aux communes et à la Confédération, où le niveau d endettement devrait rester plus ou moins stable durant toute cette période, on s attend pour les cantons et les assurances sociales à une augmentation supérieure à la moyenne. Les coûts de la santé et des soins de longue durée pèseront de plus en plus lourd dans les budgets cantonaux. La hausse est estimée à 28 points de PIB d ici à 2060. Pour les assurances sociales, les perspectives sont encore pires : si aucune réforme n est engagée, dans le domaine de la prévoyance vieillesse en particulier, il faut craindre une hausse de l endettement de l ordre de 60 points de PIB (cf. graphique 3).

dossierpolitique, 11 septembre 2012 3 Graphique 3 3 Si aucune mesure n est prise, la Suisse devra également faire face à une forte hausse de l endettement. Évolution de la dette de la Suisse 2009-2060 Taux d endettement, en % du PIB 140% 120% 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2009 2012 2015 2018 2021 2024 2027 2030 2033 2036 2039 2042 2045 2048 2051 2054 2057 2060 Cantons Communes Confédération Assurances sociales Source : AFF (2012). Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse, 2012 3 Forte croissance des dépenses des assurances sociales Situation des assurances sociales en matière d endettement Si l on considère uniquement les finances fédérales, le frein à l endettement a jusqu ici pleinement fait ses preuves 1. Ainsi, le taux d endettement et les charges d intérêt ont été considérablement réduits depuis 2005. Des mécanismes similaires font toutefois défaut pour les principales assurances sociales (AVS et AI). Étant donné l évolution démographique et l accroissement considérable des dépenses de sécurité sociale, il est grand temps d introduire un dispositif de stabilisation pour garantir la pérennité des assurances sociales. La forte croissance des dépenses sociales et de santé a considérablement modifié la structure des finances publiques depuis 1990. À l époque, la Confédération, les cantons, les communes et les assurances sociales consacraient 40 % environ de leurs ressources à la sécurité sociale et à la santé. À peine 20 ans plus tard, ce poste représente déjà plus de la moitié des dépenses publiques totales. Par rapport aux autres groupes de tâches, il augmente plus rapidement que la moyenne. Si la tendance observée devait se maintenir, les dépenses sociales et de santé absorberaient 70 % des budgets publics en 2030 (cf. graphique 4). En conséquence, ce poste de dépenses prend toujours plus de place au détriment de tâches importantes du point de vue de la politique de croissance (formation, transports). Sous l angle de la politique financière, il n est pas souhaitable que la part de la sécurité sociale augmente de façon démesurée et pèse d un tel poids sur les budgets publics, car il en résulte des déséquilibres structurels et une pression à l augmentation des recettes. De plus, cette dynamique ne favorise pas la croissance économique. Globalement, elle nuit à la position concurrentielle de la Suisse et à notre prospérité future. 1 Pour de plus amples informations, consultez le dossierpolitique n 18 «Frein à l endettement : un succès qui dure» (accessible sous www.economiesuisse.ch)

dossierpolitique, 11 septembre 2012 4 Graphique 4 3 Les dépenses sociales et de santé consolidées de la Confédération, des cantons, des communes et des assurances sociales croissent à un rythme supérieur à la moyenne. Dépenses de l État pour la prévoyance sociale et la santé De 1990 à 2030 1990 2007 2020* 2030* 57% 43% 47% 53% 37% 63% 28% 72% Prévoyance sociale et santé Autres groupes de tâches * Estimations d economiesuisse sur la base des tendances entre 1990 et 2007 Source : Administration fédérale des finances (2010), Office fédéral des assurances sociales (2010), calculs d economiesuisse 3 Résultat de répartition de l AVS vraisemblablement négatif dès 2013 La croissance des coûts de ces dernières années a laissé des traces dans les comptes des assurances sociales. Plusieurs d entre elles ont rencontré des difficultés financières et ont dû être aidées par des financements additionnels. Ainsi, l AI est déficitaire depuis 1993 et ses dettes accumulées auprès de l AVS avoisinent les 15 mrd fr. Les deux financements additionnels par les APG (en 1998 et 2003) n ont pas permis d assainir durablement sa situation financière. Quant aux APG, elles ont subi des pertes du fait de ces transferts de capitaux et de l introduction de l assurance maternité. L assurance chômage a connu une évolution financière similaire. Les taux de cotisation salariale ont été augmentés en 2011 dans l AC et les APG. Le défi majeur demeure toutefois la garantie de la pérennité de l AVS. Les dernières perspectives financières de l Office fédéral des assurances sociales prévoient, dans le scénario moyen, que l AVS se trouvera dans les chiffres rouges à partir de 2019, à moins que des réformes ne soient engagées d ici là. Cela étant, le résultat de répartition pourrait déjà être négatif en 2013. Selon le scénario moyen, en effet, les recettes de l AVS composées de cotisations salariales, d une part des recettes de la TVA et de contributions de la Confédération pourraient dès 2013 ne plus suffire à couvrir les rentes en cours (cf. graphique 5). S il est difficile d anticiper l évolution des recettes sur une durée de 20 ans, l estimation des dépenses est plus aisée en raison du nombre croissant de bénéficiaires de rentes. Concrètement, les dépenses de l AVS devraient augmenter de près de 60 % (+22 mrd fr.) par rapport à 2011. En 2030, le défaut de financement selon le scénario moyen s élèvera à 8,5 mrd fr., voire dépassera les 9 mrd fr. si l on inclut le produit des placements, qui sera négatif à partir de 2028 (intérêts débiteurs).

dossierpolitique, 11 septembre 2012 5 Graphique 5 3 Si l on ne tient pas compte du produit des placements, les recettes de l AVS ne couvriront plus les dépenses dès 2013. Résultat de répartition de l AVS en mio.fr. (hors rendement des placements) 1000 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000 10000 11000 12000 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Scénario moyen Scénario élevé Scénario bas 3 Le fonds AVS ne peut pas éponger durablement les éventuels déficits. 3 L extension du frein à l endettement aux assurances sociales bénéficie du soutien de la population. Source : Office fédéral des assurances sociales (2012) Ce n est que grâce au produit des placements du fonds AVS que les finances de l assurance-vieillesse devraient rester positives jusqu en 2019. L évolution du fonds AVS est donc étroitement liée à celle des marchés financiers. Or, vu les incertitudes sur ceux-ci et le bas niveau des intérêts, il est actuellement impossible de réaliser des rendements élevés. Dès l instant où le produit des placements ne couvre plus intégralement le défaut de financement, les déficits s accumulent et grèvent progressivement le fonds AVS. Et quand bien même celui-ci dispose aujourd hui d une réserve de plus de 40 mrd fr. (y compris les dettes de l AI), il n en restera plus rien en 2029 (selon les perspectives financières du scénario moyen). Les déficits de l AVS pèseront alors lourdement sur les finances de la Confédération. De toute évidence, la Suisse doit elle aussi relever un défi de taille dans le domaine de la prévoyance vieillesse. L avenir financier de notre principale assurance sociale est plus incertain que jamais. Un constat qui est fait par un nombre croissant de citoyens suisses, comme en témoigne le moniteur financier 2012 publié par economiesuisse : pour la première fois, la majorité des sondés (63 %) souhaite que les assurances sociales soient elles aussi soumises au frein à l endettement. L application d un tel mécanisme permettrait d éviter une dérive telle que l a connue l AI. Les réformes nécessaires seraient, en cas de besoin, automatiquement engagées, et les évolutions financières négatives pourraient être désamorcées à temps.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 6 Graphique 6 3 63 % des personnes interrogées sont favorables à une extension du frein à l endettement aux assurances sociales. Frein à l endettement pour les assurances sociales En % des personnes interrogées 17 21 38 28 8 17 12 Pas du tout judicieux Plutôt pas judicieux Ne sait pas/ pas de réponse Plutôt judicieux 6 8 43 Très judicieux 29 36 10 7 20 2010 2011 2012 Source : gfs.bern, Moniteur financier, avril/mai 2012 (N=1000 personnes env.) Dispositifs d intervention pour les assurances sociales 3 Prévenir la spirale de l endettement Éléments d une règle contraignante Les mécanismes de frein à l endettement connus aujourd hui en Suisse pour les assurances sociales sont des règles d intervention. Ils déterminent à quel moment les processus de stabilisation ou de réforme se déclenchent et fixent les mesures corrigeant les développements inopportuns dans la phase de transition. Chaque assurance sociale ayant une structure distincte, les mécanismes d intervention sont taillés sur mesure. Sur le plan conceptuel, ces dispositifs sont proches et comportent les éléments suivants : 3 Une règle fondamentale définissant l objectif (l équilibre financier, par exemple). 3 Une règle de gestion définissant des exigences minimales à respecter (le niveau du fonds, la hauteur des déficits ou le degré d endettement, par exemple). 3 Une sanction définissant des mesures à prendre si la règle de gestion n est pas respectée. Celle-ci renferme typiquement les éléments suivants : a) L obligation faite au Conseil fédéral d élaborer un projet d assainissement dans un délai donné et de le soumettre au Parlement. b) Des mesures immédiates évitant une détérioration de la situation financière durant la phase de transition. 3 Obligation d assainissement et mesures immédiates à garantir Les mesures immédiates s appliquent aussi longtemps que les exigences minimales de la règle de gestion ne sont pas respectées. Elles ne visent donc pas à assainir l assurance sociale, mais à prévenir une dégradation supplémentaire et à garantir son fonctionnement jusqu à ce qu une réforme déploie ses effets (cf. graphique 7).

dossierpolitique, 11 septembre 2012 7 Graphique 7 3 Les mesures immédiates sont déclenchées uniquement lorsque, par exemple, le compte de capital de l assurance passe au-dessous d un seuil préalablement défini. Fonctionnement d un mécanisme d intervention fictif Actifs de l assurance sociale, en % des dépenses annuelles 110% 100% 90% 80% 1. La mesure immédiate est ac vée. 4. Désac va on de la mesure immédiate 70% 60% 2. La mesure immédiate freine la dégrada on. 50% 40% 30% 3. Entrée en vigueur de la révision 20% 10% 0% 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030 2032 Sans mécanisme d intervention Seuil Source : economiesuisse Les avantages d une règle d intervention Les règles d intervention présentent des avantages essentiels : 3 Elles obligent à agir rapidement et évitent l accumulation de problèmes, autrement dit le développement de déséquilibres financiers graves et coûteux. 3 Elles ne sont activées qu en cas de problème (ou juste avant), ce qui permet d éviter des discussions stériles sur la réalité des faits ou la nécessité d agir. La confiance dans les assurances sociales est renforcée. Le mécanisme légal garantit que l assurance ne peut pas s endetter à l excès et reste en mesure d offrir une palette de prestations essentielles. 3 L augmentation automatique des recettes pénalise les employeurs et les employés. Éléments constitutifs des mesures immédiates Les mesures immédiates sont axées sur les recettes ou sur les dépenses. Les mesures immédiates axées sur les recettes peuvent se composer de hausses d impôt ou d augmentations des taux de cotisation, comme c est le cas dans l AC ou les APG. Les deux formules ont des inconvénients. Dans la plupart des entreprises, les salaires constituent le plus gros facteur de coûts. Un relèvement des taux de cotisation alourdit les coûts salariaux et tend à impacter négativement l emploi, ce qui se répercute à nouveau sur les recettes et les prestations. Si la situation financière d une assurance sociale se détériore et évolue vers un niveau critique, il faudrait plutôt que les mesures immédiates stoppent l évolution des coûts. Au contraire, la mise à disposition de recettes supplémentaires tend à masquer les problèmes structurels de l assurance et à retarder son assainissement durable. Les mesures immédiates axées sur les recettes réduisent donc l incitation à procéder à des réformes de fond.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 8 Volonté faiblissante de réformer l AI La révision 6b de l AI est en passe de devenir un exemple patent de la manière dont des mesures transitoires réduisent la pression politique en faveur de réformes pourtant nécessaires. Et le fait que les recettes supplémentaires pour l AI découlent d une votation populaire et non d un automatisme n y change rien. Le financement additionnel temporaire à travers l augmentation de la TVA génère des recettes supplémentaires de plus d un milliard de francs par an et réduisent d autant son déficit. La volonté politique d assainir durablement l AI via des mesures axées sur les dépenses a faibli depuis l annonce d un déficit modeste en 2011. Des économies à hauteur de 700 mio.fr. prévues initialement par le Conseil fédéral, il ne restait plus que 250 mio.fr. à l issue des délibérations parlementaires. L examen du projet n est certes pas encore achevé, mais l exemple montre à quel point l incitation à engager des programmes d assainissement durable baisse lorsque l on commence par augmenter les recettes. 3 La symétrie des sacrifices est possible aussi pour les mesures immédiates axées sur les dépenses. Mesures immédiates axées sur les dépenses À l inverse des mesures axées sur les recettes, les mesures immédiates qui agissent sur les dépenses incitent le monde politique à rechercher des solutions durables. Le monde politique n est toutefois nullement empêché, dans le cadre des réformes structurelles nécessaires pour rétablir l équilibre financier, d examiner non seulement des mesures de baisse des coûts, mais aussi des augmentations de recettes. L idée de la symétrie des sacrifices, en d autres termes l examen de mesures axées à la fois sur les dépenses et les recettes, peut aussi être prise en compte dès l élaboration de mesures immédiates. Quoi qu il en soit, la marge de manœuvre politique en vue d élaborer un projet d assainissement n est donc aucunement limitée. Dispositifs d intervention en place dans l AC et les APG Il existe déjà des dispositifs d intervention pour l assurance chômage et les allocations pour perte de gain. Ils se distinguent quant aux mécanismes de gestion et aux mesures de sanction : AC : Le mécanisme de stabilisation ancré dans la loi sur l assurance chômage doit empêcher l accumulation de dettes dans le fonds AC. Les comptes de l AC doivent être équilibrés sur un cycle conjoncturel. La règle de gestion se fonde sur le niveau d endettement par rapport à la somme des salaires enregistrés. À la fin de l année, la dette du fonds de compensation ne doit pas atteindre ou dépasser 2,5 % de la somme des salaires soumis à cotisation. Si cette limite est franchie, le Conseil fédéral doit présenter, dans un délai d un an, une révision de la loi. En attendant la réforme, il peut augmenter le taux de cotisation de 0,5 % au plus et relever le salaire soumis à cotisation à 2,5 fois le salaire assuré au maximum (cotisation de solidarité). L objectif est de contenir ainsi l endettement jusqu à l entrée en vigueur de la révision de loi.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 9 APG : Le dispositif d intervention prévoit des mesures immédiates axées exclusivement sur les recettes. Si les avoirs du fonds en liquidités et en placements sont inférieurs à 50 % des dépenses annuelles, le Conseil fédéral peut augmenter les cotisations à 0,5 % du salaire au maximum. Avant l introduction du congé de maternité, les APG dégageaient régulièrement des excédents. Depuis, ce fonds est déficitaire et les avoirs sont tombés sous le seuil de 50 % des dépenses annuelles. Le Conseil fédéral a donc décidé de relever le taux de cotisation de 0,2 point de pourcentage début 2011. S agissant de leur fonctionnement et de leur importance, les assurances sociales présentent de grandes différences. Ainsi, les coûts de l AC dépendent avant tout de la situation économique. Le tableau est tout autre pour l AVS, où l évolution des coûts est davantage fonction de la structure démographique que de la conjoncture. Le défaut de financement qui les menace est également différent. Ce risque est nettement plus élevé pour l AVS que pour l AC ou les APG. Ces différences doivent être prises en compte non seulement dans les réformes, mais aussi lors de la conception des mécanismes d intervention. Extension du frein à l endettement à l AVS et à l AI Règle de stabilisation de la 11 e révision de l AVS Dans le cadre de la 11 e révision de l AVS, le Conseil fédéral avait soumis la règle de stabilisation suivante au Parlement : Art. 33 ter Adaptation des rentes à l évolution des salaires et des prix 3 L adaptation des rentes prend effet au début d une année civile et intervient : a. tant que le niveau du Fonds de compensation de l AVS au sens de l art. 107, al. 3, n est pas inférieur à 70 % : tous les deux ans ; b. si le niveau du Fonds de compensation est inférieur à 70 % mais encore supérieur ou égal à 45 % : dès que l indice suisse des prix à la consommation a augmenté de plus de 4 % par rapport au niveau de l indice déterminant pour la dernière adaptation des rentes. 4 Si le niveau du Fonds de compensation n atteint plus 45 %, l adaptation des rentes est suspendue. 5 Lorsqu il paraît vraisemblable que le niveau du Fonds de compensation descendra au-dessous de 45 %, le Conseil fédéral propose immédiatement les mesures d assainissement financier nécessaires. 3 Le Parlement veut des règles budgétaires pour l AVS et l AI. Après des années de débats parlementaires, la 11 e révision de l AVS, qui prévoyait notamment l introduction d un frein à l endettement (cf. encadré «Règle de stabilisation de la 11 e révision de l AVS») a été rejetée par le Conseil national lors du vote final en septembre 2010. À ce jour, on ignore quand un projet de 12 e révision de l AVS sera présenté au Parlement. Plusieurs motions ont été déposées pour accélérer le processus devant aboutir à l introduction d un frein à l endettement dans l AVS. Elles exigent l introduction d un mécanisme d intervention. La motion Luginbühl (11.3113. AVS et AI. Adoption de règles budgétaires) a été adoptée par le Parlement. Elle charge le Conseil fédéral d élaborer un projet en ce sens. L un des objectifs du Conseil fédéral pour 2012 était d examiner l introduction anticipée d une règle budgétaire dans l AVS. Anticipée parce que, de l avis du gouvernement, la mise en œuvre d une

dossierpolitique, 11 septembre 2012 10 nouvelle révision de l AVS pourra prendre un certain temps. Comme on l a appris lors de la séance de questions du Conseil national début juin 2012, le Conseil fédéral veut maintenant temporiser. L introduction d une règle avant ou avec une réforme structurelle est une question politique. Une autre question éminemment politique est celle du choix d une règle sous la forme d un «pilote automatique» (en vertu duquel des mesures immédiates concrètes seraient déclenchées automatiquement lorsque des seuils préalablement définis sont franchis) ou d une aide à la navigation (en vertu de laquelle des mesures, telles que celles décrites plus haut, ne sont prévues que pour le cas où le législateur n adapte pas le dispositif suffisamment tôt). En tout état de cause, du point de vue macroéconomique, il est essentiel que des règles soient implémentées et les réformes mises en œuvre à temps. Règle de stabilisation pour l AI L introduction d une règle de stabilisation est prévue dans le cadre de la révision 6b de l AI. Elle doit garantir l équilibre financier de cette assurance sociale à long terme. Le projet du Conseil fédéral prévoit des mesures immédiates axées sur les dépenses et les recettes. Il s articule de la manière suivante : si les liquidités et placements de l AI passent en dessous du seuil de 50 % des dépenses annuelles, le remboursement des dettes envers le fonds AVS est suspendu. S il y a un risque que le fonds AI poursuive sa dégringolade et qu il reste en dessous du seuil de 40 % deux années consécutives sur les trois années suivantes, alors un mécanisme en deux temps est activé : dans une première étape, le Conseil fédéral est chargé de présenter dans les douze mois un programme visant à stabiliser financièrement l AI. Si le fonds AI tombe effectivement en dessous du seuil de 40 % à la fin d un exercice et reste en dessous l année suivante, d une part, le taux des cotisations salariales est relevé, et, d autre part, l adaptation des rentes à l évolution des salaires et des prix est suspendue 2. 3 L économie soumet un projet de règle d intervention qui prévoit des mesures immédiates axées sur les dépenses. Proposition de l économie pour une règle d intervention dans l AI En ce qui concerne l AI, l économie soutient une règle d intervention, mais rejette une augmentation automatique des cotisations dans le cadre des mesures immédiates. L Union patronale suisse, economiesuisse et l Union suisse des arts et métiers ont élaboré conjointement un projet de règle d intervention assortie de mesures immédiates, fondées exclusivement sur les moyens disponibles, et évitant une surimposition. Dès lors que les mesures immédiates sont activées, le législateur est tenu d élaborer rapidement un projet visant à restaurer durablement l équilibre financier. L économie souhaite que, le cas échéant, des hausses de cotisation soient possibles à ce stade seulement 3. 2 Loi fédérale sur l assurance invalidité (LAI) (6e révision de l AI, deuxième volet) (projet), art. 80, al. 2-4 (nouveau) 3 Le projet des milieux économiques est accessible sous http://www.economiesuisse.ch/ de/pdf Download Files/VNL_IV-Revision_101015.pdf.

dossierpolitique, 11 septembre 2012 11 3 L économie mondiale fait face à des défis de taille. 3 Les règles d intervention consolident les assurances sociales. 3 Le frein à l endettement ne peut remplir son rôle à long terme que s il prend en compte les assurances sociales. Conclusion Des dispositifs de frein à l endettement sont en place au niveau fédéral et dans presque tous les cantons afin de préserver la stabilité financière des budgets publics, mais ce n est pas le cas dans les principales assurances sociales étatiques, en particulier l AVS et l AI. L AI a d ores et déjà accumulé des milliards de dettes. En ce qui concerne l AVS, le risque d endettement est considérable au vu de l évolution démographique actuelle. À moins de rectifier le tir à temps, le risque d une débâcle financière planera sur cette assurance sociale. Stopper l évolution et corriger le dispositif sera très coûteux. Une règle d intervention peut être d un secours précieux dans une telle situation : elle peut obliger les pouvoirs publics à agir à un stade précoce et à corriger des évolutions financières non souhaitables. Les craintes qu une règle d intervention réduise comme peau de chagrin les prestations des assurances sociales sont injustifiées. Dans la mesure où les finances des assurances sociales sont équilibrées, la règle d intervention reste simplement inactive. Elle n est mise en route que si un seuil défini au préalable est atteint. Dans le cas de l AI et de l AVS, des mesures visant à atténuer les coûts ont l effet positif d alléger le budget de la Confédération, qui subit de plein fouet la hausse des coûts des assurances sociales. Un mécanisme de stabilisation est donc aussi nécessaire dans les assurances sociales pour garantir des finances fédérales équilibrées sur la durée. À cela s ajoute que le frein à l endettement ne remplirait pas vraiment son rôle à long terme s il ne prenait pas en compte les assurances sociales. Pour toutes questions : urs.furrer@economiesuisse.ch frederic.pittet@economiesuisse.ch vincent.simon@economiesuisse.ch economiesuisse, Fédération des entreprises suisses 1, carrefour de Rive, Boîte postale 3684, 1211 Genève 3 www.economiesuisse.ch