Introduction Troubles des conduites alimentaires

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Transcription:

Introduction Troubles des conduites alimentaires Dr S Guillaume Service de Psychologie Médicale CHU Montpellier Un problème fréquent en pratique clinique Trois types de trouble authentifié : L anorexie La boulimie L hyperphagie boulimique Un traitement difficile mortalité de 5-20% chronicité des troubles dans 30% des cas Complications métaboliques et séquelles psychosociales Définitions Définitions (2) Anorexie mentale (anorexia nervosa) : conduite active de restriction alimentaire en raison de la recherche acharnée de la minceur et de la peur de devenir gros. Boulimie (bulimia nervosa) : épisodes de frénésie alimentaire (binge eating) accompagnés du sentiment de perte de contrôle et d efforts pour contrôler son poids (comportements compensateurs). Un point commun : la préoccupation pathologique pour le poids et la forme et le désir de présenter une image corporelle mince. Hyperphagie boulimique : épisodes de frénésie alimentaire (binge eating) sans préoccupations pour le poids, l apparence et sans comportements compensateurs Binge eating : épisode de frénésie alimentaire marqué par l ingestion de grandes quantités de nourriture en un temps limité avec la sentiment de perte de contrôle Comportements compensateurs : comportements visant à prévenir la prise de poids (ex : vomissements, prise de laxatifs, activité physique excessive) 1

Critère diagnostique (DSM IV) Anorexie mentale (anorexia nervosa) Refus de maintenir le poids corporel au dessus d un poids minimum pour l âge et la taille. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros. Altération de la perception du poids ou influence excessive du poids sur l estime de soi ou dénie de la gravité de la maigreur actuelle. Aménorrhée chez la femme post pubère 2 sous types : Restrictif Purging (avec boulimie / comportements compensateurs) A retenir: La triade Anorexie,Amaigrissement, Aménorrhée Épidémiologie Incidence annuelle de l anorexie : 1 à 15 / 100 000 (fille) et 1.8 / 100 000 (garçon) Prévalence : 0.5% des jeunes filles Début à l adolescence classique : 14-18 ans Sexe féminin dans plus de 90% des cas Étiologies (1) Facteurs socio-culturels stigmatisation sociale de l obésité rôle des femmes (performance, contrôle) : lien entre accomplissement personnel, réussite et minceur Facteurs familiaux Histoire familiale de dépression, alcool, obésité, TCA Facteurs génétiques évidents Attitudes familiales et valeur symbolique de l alimentation, du poids, de la forme 2

Étiologies (2) Facteurs individuels sentiments d incapacité, de peur de perdre le contrôle estime de soi dépendante de l opinion des autres mode de pensée tout ou rien histoire d abus dans l enfance (via facteurs précédents) obésité prémorbide (surtout dans l anorexie boulimie) Tableau clinique (1) Début par un régime typique d adolescente Apparition du syndrome : réévaluation répétée des buts (plus sévères) pesées répétées activité physique croissante diminution des contacts sociaux surinvestissement des activités trouble de la perception du schéma corporel (trop gros, dégoût, anhédonie) Apparition d un système obsessionnel concernant les activités quotidiennes et la nourriture Tableau clinique (2) Croyances magiques & interdictions / type d aliment Déficit de concentration Modes de pensée caractéristiques (prémorbides) pensée dichotomique tout ou rien manque de spontanéité et de l expressivité émotionnelle manque de confiance, incompétence, besoin de contrôle Le désir de minceur est égo-syntonique: demandes de soins paradoxales ou liée aux complications A Retenir: Classiquement: chez une adolescente «modèle», peu de demande de soins par la patiente Examen clinique Interrogatoire : poids de base, date dernière règle, modalité d apparition du trouble, comportement alimentaire pré morbide, recherche d épisodes de boulimie ou de comportements compensateurs. Examen Somatique : poids, taille, BMI, recherche de signes de dénutrition Examen Psychiatrique : recherche de comorbidités psychiatriques (dépression, trouble anxieux, abus de toxiques) 3

Bilan paraclinique NFS : leucopénie, anémie, rare thrombopénie Biochimie : déshydratation (urée ) enzymes hépatiques Amylase,Mg Ph et Zn Vomissements : alcalose métabolique, hypochlorémie, hypokaliémie Laxatifs : acidose métabolique cholestérol, hypothyroïdie,estrogènes/testostérone rythme de la LH prépubère ECG (bradycardie), hypotension artérielle A retenir bilan minimum : ECG, NFS, iono, urée, creat, protidémie, bilan hépatique, bilan thyroïdien, FSH, LH. Diagnostic différentiel Affection médicale Dépression, épisode délirant Somatisation Diagnostic de la perte de poids chez un sujet jeune Crohn, Addisson, Hyperthyroïdie, diabète Schizophrénie, vomissements psychogènes, dépression A retenir: toujours éliminer une anorexie secondaire Evolution & Pronostic 1/3 : guérison, 1/3 amélioration, 1/3 mauvais (mort 5 à20%) Bon pronostic : âge de début jeune peu de dénie, peu d immaturité, meilleure estime de soi Mauvais pronostic : conflit parental, boulimie, vomissements / laxatifs manifestations hystériques, dépressives, psychosomatique, obsessionnelles 30 à 50% sont anorexiques boulimiques (souvent dans les 18 mois) Prise en charge (1) La plus précoce possible Le plus souvent ambulatoire. Hospitalisation si désordre métabolique (risque de trouble du rythme), BMI trop faible ou échec de la prise en charge. Prise en charge de la patiente et de l entourage ++. A retenir: traitement long,compliqué 4

Prise en charge (2) Multidisciplinaire Endocrinienne : renutrition, conseil diététique, correction des troubles métaboliques, surveillance du poids Psychiatrique : psychothérapie d inspiration psycho dynamique ou cognitivo-comportementale, prévention des comorbidités psychiatriques Traitement psychotrope si dépression ou trouble anxieux marqué La boulimie (bulimia nervosa) Critères diagnostiques (DSM IV) Frénésies alimentaires, pulsions irrépressibles quantité de nourriture > normale dans un temps limité sentiment de perte de contrôle améliore l humeur dysphorique, suivi de mal être Fréquence minimale de survenue Comportements compensateurs : vomissements provoqués & abus de laxatifs L estime de soi est influencée de manière excessive par le poids Épidémiologie Prévalence : Boulimie : 1.5% des jeunes filles Formes mineures : 5-10% jeunes femmes Sp occasionnels > 40% des collégiennes Début à l adolescence classique : 14-18 ans Sexe féminin dans plus de 90% des cas Le terrain et les facteur étiologiques sont les même que dans l anorexie La boulimie peut être : un symptôme d une affection médicale une composante de l anorexie mentale un syndrome autonome ( bulimia nervosa ) A retenir: pulsion irrépressible avec comportements compensateurs 5

Tableau clinique Début après obésité, anorexie, abus de substances La peur morbide de devenir gros est la préoccupation psychologique principale Dégoût de soi ou de son corps plus grand que dans l anorexie Binge eating : déclenché par colère, anxiété, dépression, solitude frénésie alimentaire hyper calorique suivi de dysphorie et de culpabilité (rarement apaisant) typiquement suivi par efforts pour prévenir la prise de poids, restriction alimentaire extrême fluctuations pondérales importantes Tableau clinique (2) La boulimie englobe une large psychopathologie peut être un trouble isolé ou un trouble du contrôle des impulsions large parfois vols d argent ou de nourriture secret et honte conduisent à l isolement social recherche d aide plus fréquente que dans l anorexie Souvent : dépression majeure, troubles anxieux, abus de substances Examen clinique / bilan paraclinique Interrogatoire : modalité d apparition du trouble, comportement alimentaire pré morbide, fréquence des crises, quantifier les prises de nourriture et le type de comportements compensateurs, recherche d antécédent d anorexie. Examen clinique : à la recherche de complications liées aux vomissements, BMI Examen psychiatrique : évaluer les comorbidités (notamment la dépression, les prises de toxiques et les troubles de la personnalité) Examen paraclinique : Iono (éliminer une hypok liée aux vomissements) Diagnostic différentiel Le diagnostic n est pas porté quand les épisodes binge / purge existent uniquement pendant un épisode d anorexie Anorexie type purging Épilepsie, Tumeur SNC Syndrome de Klüver-Bucy agnosie visuelle léchage & morsures compulsives, reconnaissance des objets avec la bouche hyperstimulation, hypersexualité, hyperphagie Syndrome de Kleine-Levin hypersomnie périodique et hyperphagie A retenir : bien différencier la boulimie de l anorexie type purging 6

Évolution & Pronostic Début fréquemment après un régime alimentaire restrictif 1/2 guérison, 1/4 s améliorent, 1/4 inchangés Pronostic médical dépend des comorbidités psychiatriques éventuelles, de l insight, de la qualité de l entourage Parfois rémissions spontanées, avec rechutes ultérieures lors de stress Prise en charge En ambulatoire sauf si comorbidité aiguë (ex : risque suicidaire). Multidisciplinaire Endocrinienne: conseil diététique, correction des troubles métaboliques, surveillance du poids. Psychiatrique: psychothérapie cognitivo-comportementale, prévention des comorbidités psychiatriques. Médicament : ISRS à forte dose (ex : prozac) L hyperphagie boulimique Crises de boulimie mais absence de préoccupations pour le poids et l apparence par rapport à l estime de soi Absence de comportements compensateurs obésité Trouble fréquent dans la population : 1,5-2% en population générale 30% chez les obèses en traitement 7