La prévalence de l obésité, en particulier de l obésité infantile augmente. Définitions actuelles de l obésité de l enfant

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Mini-revue Sang Thrombose Vaisseaux 2004 ; 16, n 4 : 187 92 Définitions actuelles de l obésité de l enfant Marie-Françoise Rolland-Cachera Inserm U557, ISTNA Cnam, 2, rue Conté, 75003 Paris, France Le statut pondéral peut être évalué à partir de différentes mesures. L indice de corpulence ou indice de masse corporelle (IMC = Poids/Taille 2 ) est utilisé chez l enfant, mais cet indice variant avec l âge, des courbes de référence doivent être utilisées. Les premières courbes de corpulence ont été publiées en 1982 et depuis, de nombreux pays possèdent leurs références. En 2000, une définition internationale de l obésité de l enfant a été adoptée. Les seuils sont constitués par les centiles de l IMC atteignant les valeurs et 30 kg/m 2 à 18 ans. Ils définissent respectivement le surpoids et l obésité. Le choix des courbes dépend des objectifs. Les courbes de corpulence françaises présentent tous les rangs de centiles définissant les zones de déficit pondéral, de normalité et d excès pondéral. Elles sont utilisées par les cliniciens pour évaluer le statut pondéral d un enfant et en suivant son évolution, dépister les sujets à risque de devenir obèses. Les seuils de l International Obesity Task Force (IOTF) qui ne définissent que le surpoids et l obésité, sont recommandés pour les études de prévalence. Ce nouveau consensus permet de faire des comparaisons entre différents pays : on relève ainsi que selon les études, 10 à 20 % des enfants sont en surpoids dont 2 à 7 % sont obèses. En France, la prévalence des enfants en surpoids a plus que doublé ces vingt dernières années. Ces chiffres préoccupants montrent qu il est important de pouvoir dépister le risque d obésité et prévenir son évolution dès l enfance. Mots clés : obésité, enfant, prévalence, courbes de corpulence Correspondance et tirés à part : M.F. Rolland-Cachera cachera@cnam.fr La prévalence de l obésité, en particulier de l obésité infantile augmente rapidement depuis quelques dizaines d années. Cette tendance est observée dans la plupart des pays industrialisés et s étend désormais aussi aux pays en voie de développement. L augmentation est telle que l OMS considère, depuis 1998, l obésité comme un problème majeur de santé publique à l échelle mondiale. Il est donc nécessaire de s interroger sur ses causes pour tenter d en ralentir la progression. Pour évaluer plus précisément ce phénomène, les experts ont dû définir des seuils du surpoids et de l obésité aux différents âges. Un nouveau consensus a été adopté. Les différentes définitions, leurs avantages et leurs limites seront présentés. 187

Courbes permettant d évaluer le statut pondéral Le statut pondéral de l enfant peut être évalué à partir de plusieurs types de courbes : celles du poids selon l âge ou du poids selon la taille [1]. Cependant, la première méthode ne tient pas compte de la taille et la deuxième ne tient pas compte de l âge. Contrairement à la mesure du poids, l indice de corpulence (poids (kg) /Taille (m) 2 ) appelé indice de Quételet ou indice de masse corporelle (IMC) est indépendant de la taille et par conséquent reflète bien les proportions corporelles (ou corpulence). Les courbes de l IMC selon l âge [2] prennent en compte simultanément les trois variables : poids, taille et âge, et évaluent ainsi de façon plus précise le statut pondéral. Cependant, comme toutes les courbes établies à partir du poids et de la taille, elles présentent des limites. En particulier, l IMC ne distingue pas la part de masse grasse et de masse maigre comme le feraient des mesures plus élaborées. L utilisation des courbes de corpulence ne doit donc pas être considérée comme une nouvelle méthode d évaluation de la composition corporelle, mais comme une amélioration des méthodes classiques poids-âge et poids-taille. En effet, l évolution moyenne de l IMC reflète bien l évolution de la masse grasse évaluée par d autres méthodes telles que les plis cutanés par exemple [1]. La première année de la vie la valeur de l IMC, augmente puis diminue jusqu à l âge de 6 ans. À cet âge, la courbe augmente à nouveau jusqu à la fin de la puberté (figure 1). Définition du surpoids et de l obésité de l enfant La corpulence, évaluée par l indice de Quételet ou indice de masse corporelle, variant au cours de la croissance, l interprétation du caractère normal ou pathologique du niveau d adiposité doit se faire en tenant compte de l âge de l enfant. Il existe diverses courbes de référence de la corpulence. Courbes de corpulence françaises En 1982, à partir des données françaises de l étude internationale de la croissance, des courbes de référence de l IMC [2] révisées en 1991 [3] ont été publiées (figure 1). La France a été suivie par de nombreux pays en Europe, et par les États-Unis. L excès pondéral a pu ainsi être défini dans chaque pays à partir des centiles les plus élevés de la distribution (97 e centile par exemple). 32 31 30 29 28 27 26 24 23 22 21 20 19 18 17 16 14 13 12 11 IMC, Poids/Taille 2 (kg/m 2 ) Garçons Obésité (IOTF30) Surpoids (IOTF) 97 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 16 17 18 Âge (années) Figure 1. Courbes de corpulence françaises et seuils de l IOTF pour les garçons. Les centiles IOTF C- (centile atteignant kg/m 2 à 18 ans) et IOTF C-30 (centile atteignant 30 kg/m 2 à 18 ans) définissent respectivement le surpoids et l obésité. Le 97 e centile des valeurs de référence françaises définit le surpoids (d après [2, 5]). Courbes de l Organisation mondiale de la santé (OMS) Le comité OMS d experts sur l utilisation et l interprétation de l anthropométrie a proposé des définitions de l obésité chez l adulte et l enfant [4]. Pour l adulte, ce comité recommande l utilisation de l IMC, les valeurs de et 30 kg/m 2 définissant les degrés 1 et 2 de surpoids. Ces seuils ont été établis à partir de données statistiques reliant les valeurs de l IMC aux taux de mortalité. Pour les enfants, l OMS recommande d utiliser les courbes du poids selon la taille jusqu à 10 ans, puis les courbes de l IMC établies à partir des données de l étude NHANES I ainsi que les plis cutanés. References de l International Obesity Task Force (IOTF) En 2000, l IOTF a élaboré une nouvelle définition de l obésité chez l enfant utilisant des courbes de l IMC établies à partir de données recueillies dans six pays disposant de données représentatives [5]. Les seuils définissant le surpoids et l obésité sont constitués par les centiles IOTF C- et IOTF C-30, qui aboutissent respectivement aux valeurs de et 30 kg/m 2 à 18 ans (figure 1). 50 3 188

Tableau. Termes utilisés pour définir l excès de poids chez l enfant. Auteurs Termes utilisés Seuils Rolland-Cachera et al. 2002 [7] Surpoids 97 e centile des références françaises Cole et al. 2000 (IOTF) [5] Surpoids Centile IOTF C- Obésité Centile IOTF C-30 Courbes du PNNS adaptées à la pratique clinique* Obésité degré 1 97 e centile des références françaises Obésité degré 2 Centile IOTF C-30 * Courbes disponibles sur le site Internet du ministère de la santé www.sante.gouv.fr. Aller à «accès simplifié par thème» puis, cliquer sur «Nutrition», «Programme National Nutrition Santé», «Actions et réalisations du PNNS», «Outils créés par le PNNS à l attention des professionnels de santé», «Les outils d évaluation nutritionnelle : disques d IMC et courbes de corpulence». Les nouvelles courbes du Center for Disease Control (CDC) Le CDC a publié en 2000 les nouvelles courbes de référence américaines [6]. Elles ont été établies à partir d échantillons plus importants et plus récents (à l exception des courbes du poids et de l IMC, établies sur des données plus anciennes, en raison de l augmentation trop importante de l obésité ces dernières années). De nouvelles méthodes statistiques ont été utilisées, et pour la première fois, des courbes d IMC ont été ajoutées à l ensemble des courbes de référence. Quelles courbes utiliser? Les courbes de l IMC sont maintenant largement utilisées. Cet index présente de nombreux avantages. En particulier, il est établi à partir de mesures simples (le poids et la taille), recueillies en pratique courante. En France, il est préférable d utiliser les courbes de référence françaises de l IMC, car elles ont été établies à partir de la même population que celle qui a permis de tracer les courbes du poids et de la taille des carnets de santé [1, 2]. Elles se trouvent également dans les carnets de santé depuis 1995. Contrairement aux seuils de l IOTF qui ne définissent que l excès pondéral, les courbes françaises et celles du CDC comportent des rangs de centiles, allant du 3 e au 97 e centile, ce qui permet d évaluer la zone de déficit pondéral, de normalité et d excès pondéral. Les courbes de l IMC publiées par le CDC peuvent être utilisées dans les pays ne disposant pas de données nationales. Les seuils IOTF sont destinés essentiellement à évaluer la prévalence de l obésité dans les études épidémiologiques. L utilisation de cette définition internationale permet de faire des comparaisons entre différentes études et différents pays. Lorsque l on compare les différents seuils, on observe que le centile définissant le surpoids établi par l IOTF est proche du 97 e centile des références françaises (figure 1). C est pourquoi on doit utiliser le terme «surpoids» lorsque l on utilise le 97 e centile des références françaises [7]. Dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), le ministère de la Santé a coordonné un groupe d experts afin de proposer une nouvelle présentation des courbes de corpulence, adaptées à la pratique clinique. Ces courbes intègrent les deux méthodes : les courbes françaises complétées par le centile IOTF C-30. En effet, le seuil du 97 e centile des références françaises ne permettait pas de distinguer un enfant situé légèrement au-dessus de ce centile d un autre enfant présentant une importante surcharge pondérale. Pour cela, la zone de surpoids a été scindée en deux zones (obésité degré 1 et obésité degré 2), qui permettront de situer plus précisément le niveau d excès pondéral d un enfant. Selon les auteurs et l usage (cliniciens ou épidémiologistes), il existe plusieurs terminologies (cf. tableau) : Utilisation des courbes de l IMC dans le dépistage de l obésité Le tracé individuel des courbes de corpulence permet de prédire le risque d obésité à l âge adulte. La figure 1 montre que la courbe augmente jusqu à un an, puis diminue. La remontée de la courbe qui survient en moyenne à partir de 6 ans est appelée rebond d adiposité [8]. L âge du rebond d adiposité est corrélé à l adiposité à l âge adulte : plus il est précoce, plus le risque de devenir obèse est élevé. En outre, plus le rebond est précoce, plus l âge osseux est avancé. Le rebond d adiposité précoce des enfants obèses reflète l accélération de leur croissance. L intérêt du rebond d adiposité comme marqueur prédictif du risque d obésité 189

31 29 Poids (kg)/taille 2 (m) Filles Zone d excès pondéral Cas 1 Intérêt particulier des courbes de corpulence dans certains cas Chez le jeune enfant 27 23 21 19 17 13 11 9 Mois 1369 1 3 5 Zone d'insuffisance pondérale 7 9 Cas 3 50 Cas 2 10 Cas 4 3 a été confirmé par différentes études réalisées dans divers pays [9]. La figure 2 permet de comprendre les différents types d évolution. Un enfant gros à l âge de un an restera gros après un rebond précoce ou rejoindra la moyenne après un rebond tardif. Un enfant mince à un an pourra développer une obésité après un rebond précoce ou rester mince s il a un rebond tardif. L évolution vers l obésité peut être visible sur la courbe alors que l enfant est encore mince (cas 3). Cette figure illustre le fait qu avant l âge de 8 ans, les enfants changent souvent de niveau de corpulence, tandis qu après cet âge, la majorité des enfants suivra le même rang de centile. En effet, de nombreuses études s accordent à montrer que la majorité des enfants obèses au début de la vie ne le restera pas [10]. Le caractère transitoire des obésités au début de la vie est un élément important à prendre en compte lorsque l on s intéresse à l obésité des jeunes enfants. Un rebond d adiposité précoce est retrouvé chez pratiquement tous les enfants obèses. L âge moyen au moment de leur rebond est de 3 ans environ au lieu de 6 ans chez des enfants de corpulence normale [9]. Ceci montre que le développement de l obésité est un processus qui démarre tôt dans la vie. 11 13 17 19 97 90 75 Âge, années Figure 2. Représentation graphique de 4 types d évolution de la corpulence de la naissance à l âge adulte. Lecas1,grosà 1 an restera gros après un rebond précoce (2 ans), le cas 2, gros à 1 an, rejoindra la moyenne après un rebond tardif (8 ans). Le cas 3, mince à 1 an, grossira après un rebond précoce (4, 5 ans). Le cas 4, mince à 1 an, restera mince après un rebond tardif (8 ans) (d après [8]). 21 Du fait du caractère transitoire de la corpulence au début de la vie, l utilisation des courbes est particulièrement importante avant 6 ans. En effet, la majorité des jeunes enfants gros ne le restera pas et des enfants minces peuvent grossir (figure 2). Par exemple, 60 % des enfants gros à 1 an ne le seront plus à l âge adulte. Les courbes permettent de quantifier le niveau du surpoids et de suivre l évolution des enfants. Chez les enfants à risque (un surpoids qui se maintient, un croisement des courbes vers le haut), de simples conseils nutritionnels, corrigeant les erreurs manifestes et un encouragement à se dépenser plus peuvent améliorer l évolution de la corpulence. Vers l âge de 6 ans À cet âge, du fait des variations physiologiques de la corpulence, l impression clinique peut parfois être trompeuse, car les enfants de corpulence normale paraissent minces. Un enfant dont l IMC se situe autour du 97 e centile peut sembler avoir une corpulence normale. Tracer la courbe d IMC permet de détecter la présence éventuelle d un excès pondéral et d observer son évolution. Si la courbe augmente, pour prévenir l installation d une surcharge pondérale importante qui deviendrait difficile à corriger, des mesures simples de prévention concernant l activité physique et l alimentation peuvent être proposées. Caractéristiques des enfants obèses En plus d un excès de masse grasse, les enfants obèses présentent d autres caractéristiques. En particulier, ils ont une croissance en taille plus rapide et une répartition plus androïde du tissu adipeux (accumulation au niveau de l abdomen). Ces différentes caractéristiques sont associées à des facteurs de risque, en particulier cardiovasculaires. De façon générale, les enfants obèses présentent une avance de maturation et une puberté survenant plus précocement. L avance staturale de l enfant obèse n est pas toujours maintenue jusqu à l âge adulte sa croissance pouvant s arrêter plus tôt. Obésité et risques pour la santé chez l enfant Depuis longtemps chez l adulte, il a été montré que l IMC était lié à divers facteurs de risques de maladies métaboli- 190

30 20 % d'enfants obèses % d'enfants ayant un excès de poids 30 20 Garçons Filles 10 5 10 5 0 États-Unis Royaume-Uni Écosse 6-8 ans (1988-94) 7-8 ans (1994) 7-8 ans (1994) Espagne 6-14 ans (1995) Allemagne 6 ans (1997) Chypre 6-17 ans France 7-9 ans 0 États-Unis Royaume-Uni Écosse 6-8 ans 7-8 ans 7-8 ans (1988-94) (1994) (1994) Espagne 6-14 ans (1995) Allemagne 6 ans (1997) Chypre 6-17 ans France 7-9 ans Figure 3. Prévalence de l excès pondéral, incluant l obésité (IMC > centile IOTF C-) et de l obésité (IMC > centile IOTF C-30) dans différents pays selon la définition internationale. ques (diabète, maladies cardiovasculaires). Plus récemment chez l enfant, ce même type d association a été démontré [11]. Le phénomène de l augmentation rapide de l obésité infantile est inquiétant et l on observe parallèlement une tendance vers une répartition de type androïde de la masse grasse [12]. Cette répartition androïde est, dès l enfance, associée à des risques cardiovasculaires [13]. En outre, le diabète de type II, jusqu à maintenant limité aux adultes, a récemment été identifié chez les adolescents obèses [14]. Le lien entre la définition de l obésité de l adulte basée sur des données statistiques liant l IMC aux taux de mortalité et celle de l enfant définie par l IOTF (centiles atteignant Ies valeurs et 30 kg/m 2 à 18 ans) vise à associer les seuils définis chez l enfant à des taux de mortalité plus élevés quand ils seront adultes, mais ceci doit être confirmé. Prévalence de l obésité infantile et évolution L obésité touche une proportion croissante d enfants et d adultes []. La définition française du surpoids (> 97 e centile des références françaises) existant depuis de nombreuses années, il a été possible de comparer des études réalisées antérieurement. Ainsi, vers l âge de 7-10 ans, dans le Centre-Ouest de la France la prévalence du surpoids est passée de 5,1 à 12,5 % entre 1980 et 1996 [16] et atteint 16,3 % en 2000 [7]. On a pu, de même, observer que la prévalence des obésités massives augmentait beaucoup plus rapidement que la prévalence des obésités modérées [16]. Par ailleurs, l augmentation chez l enfant (passant de 5 % à 13 % entre 1980 et 1996), est plus rapide que chez l adulte (6 à 9 %), ce qui laisse prévoir une aggravation de cette épidémie chez l adulte dans les années à venir. L absence de définition homogène de l obésité de l enfant rendait jusqu à présent difficile l analyse des données disponibles. La nouvelle définition internationale établie par l IOTF permet maintenant de mieux comparer les différentes études et les différents pays [17]. En France, selon la définition de l IOTF, 18,1 % des enfants âgés de 7 à 9 ans en 2000 présentaient un surpoids et parmi eux, 3,8 % étaient obèses [7]. La figure 3 présente des données sur la prévalence de l obésité et du surpoids d enfants européens et américains, selon la définition de l IOTF. La prévalence de l obésité est nettement plus élevée aux États-Unis qu en Europe, par contre le pourcentage d enfants présentant un surpoids est peu différent entre les deux continents. Il faut noter toutefois que les données américaines sont plus anciennes, pouvant expliquer en partie cette faible différence entre les deux continents. Conclusion L obésité augmente rapidement dans de nombreux pays, et cela concerne particulièrement l obésité infantile. Cette évolution est inquiétante car elle paraît s accélérer ces dernières années. Elle concerne en particulier les obésités massives et paraît maintenant associée dès l enfance à des pathologies qui, jusqu à présent, n apparaissaient qu à l âge adulte. Si l augmentation de l obésité est bien établie, ses causes ne sont pas clairement identifiées. Pour les rechercher, ils faut d abord bien évaluer ce phénomène. Il existe actuellement de nouveaux outils, en particulier une définition internationale de l obésité chez l enfant. L utilisation de ces outils devrait améliorer l analyse des différentes données disponibles et permettre ainsi de mieux identifier les facteurs de risque de cette épidémie. 191

Summary New international definitions of childhood obesity Nutritional status can be assessed using different measurements. The Body Mass Index (BMI) corresponding to weight/height 2 can be used in children, but as it varies with age, reference curves must be used. The first curves were published in 1982 and subsequently, many other countries built their own references. In 2000, the international obesity task force (IOTF) proposed a new international definition for children. Cutoffs to define overweight and obesity were respectively the centiles passing through values and 30 kg/m 2 at the age of 18 years. The choice of the reference used depend on the objective. The French reference curves present centiles defining thinness, normal range and overweight. They are used by paediatricians to assess nutritional status and help to identify children at risk of becoming overweight. IOTF cut-offs define overweight and obesity only. They are recommended to assess the prevalence of obesity in epidemiologic studies. The new international consensus allows international comparisons. According to the studies, 10 to 20% of children are overweight, including 2 to 7% who are obese. In France, the prevalence of overweight children has doubled over the last 20 years. These figures show that it is important to identify the causes of obesity, to identify children at risk and to prevent its development. Key words: obesity, childhood, prevalence, BMI curves Références 1. Sempé M, Pédron G, Roy-Pernot MP. Auxologie, méthode et séquences. Paris : Théraplix, 1979 ; 205 p. 2. Rolland-Cachera MF, Sempé M, Guilloud-Bataille M, Patois E, Péquignot-Guggenbuhl F, Fautrad V. Adiposity indices in children. Am J Clin Nutr 1982 ; 36 : 178-84. 3. Rolland-Cachera MF, Cole TJ, Sempé M, Tichet J, Rossignol C, CharraudA.Variation of the Wt/Ht 2 index from birth to age 87 years. Eur J Clin Nutr 1991 ; 45 : 13-21. 4. WHO expert Commitee. Physical status: the use and interpretation of anthropometry. WHO Technical Report Series n 854, Geneva: WHO, 1995 : 452 p. 5. Cole TJ, Bellizi MC, Flegal KM, Dietz WH. Establishing a standard definition for child overweight and obesity worldwide: international survey. BMJ 2000 ; 320 : 1240-3. 6. Kuczmarski RJ, Ogden CL, Grummer-Strawn LM, et al. CDC growth charts: United States. Adv Data 2000 ; 314 : 1-27. 7. Rolland-Cachera MF, Castetbon K, Arnault N, et al. Body Mass Index in 7 to 9 year-old French children: frequency of obesity, overweight, and thinness. Int J Obesity 2002 ; 26 : 1610-16. 8. Rolland-Cachera MF, Deheeger M, Bellisle F, Sempé M, Guilloud- Bataille M, Patois E. Adiposity rebound in children: a simple indicator for predicting obesity. Am J Clin Nutr 1984 ; 39 : 129-35. 9. Rolland-Cachera MF, Deheeger M, Bellisle F. The Adiposity Rebound: its contribution to obesity in children and adults. In Obesity in childhood and adolescence, Chunming Chen & WH Dietz, Editors Nestlé Nutrition Workshop Series, Pediatric Program, 2001 ; vol 49 : 99-118. 10. Power C, Lake JK, Cole TJ. Measurements and long-term health risks of child and adolescent fatness. Int J Obesity 1997 ; 21 : 507-26. 11. Dietz WH, Robinson TN. Use of the body mass index (BMI) as a measure of overweight in children and adolescents. J Pediatr 1998; 132: 191-3. 12. Rolland-Cachera MF, Deheeger M, Bellisle F. Nutritional changes between 1978 and 1995 in 10 year-old French children. Int J Obesity 1996 ; 20 : 53. 13. Freedman DS, Srinivan SR, Harsha DW, Webber LS, Berenson GS. Relation of body fat patterning to lipid and lipoprotein concentration in children and adolescents: the Bogalusa Heart Study. Am J Clin Nutr 1989 ; 50 : 930-9. 14. Pinhas-Hamiel O, Dolan LM, Daniels SR, Standiford D, Khouri PR, Zeitler P. Increased incidence of non insulin-dependent diabetes mellitus among adolescents. J Pediatr 1996 ; 128 : 608-.. Expertise Collective INSERM, Obésité, Dépistage et prévention chez l enfant. Les Editions INSERM 2000, Paris France, 3 p. 16. Vol S, Tichet J, Rolland-Cachera MF. Trends in the prevalence of obesity between 1980 and 1996 among French adults and children. Int J Obesity 1998 ; 22 : S210. 17. Lobstein T, Frelut ML. Prevalence of overweight among children in Europe. Obes Rev 2003 ; 4 : 195-200. 192