PROJET RÉGIONAL DE SANTÉ DIAGNOSTIC Organisation des soins de premier recours «L objectif doit être in fine de garantir l accès aux soins et d améliorer constamment la qualité des pratiques sur un bassin de santé et non de répondre au seul problème de démographie médicale» (Dr Pierre DE HAAS) La loi HPST définit le service rendu dans le premier recours et les acteurs. Le panier de soins reste encore à définir. Si le médecin généraliste en est clairement le pivot, il n en est pas le point de passage obligé. D autres médecins, les infirmiers libéraux et les pharmaciens notamment, y trouve aussi leur rôle. Pour répondre aux aspirations des jeunes médecins qui ne veulent plus travailler de façon isolée et pour concilier qualité des soins et qualité de vie des professionnels, on cherche à favoriser des modes d exercice regroupés et coordonnés sur un projet de santé commun, porté par les professionnels de santé eux-mêmes, dans un territoire donné : pôles de santé, maisons de santé pluridisciplinaires, cabinets de groupe, centres de santé... Enfin, pour libérer du temps soignant mais aussi permettre aux professionnels volontaires de diversifier leur pratique en s ouvrant sur de nouvelles activités (éducation thérapeutique par exemple), de nouveaux modes de rémunération forfaitaires sont à l étude et parfois pour certaines en expérimentation (forfait de coordination), ainsi que des possibilités de coopération entre professionnels de santé (délégation de tâches). 1. DEFINITION DES SOINS DE PREMIER RECOURS : Lors des États Généraux de l Offre de Soins, la notion de «soins de premier recours» a été préférée à celle de «soins primaires», parfois perçue de façon péjorative en français. Deux images les caractérisent : - Celle de «gate-keeper», c'est-à-dire de régulateur de l accès vers les autres professionnels de santé ; - Celle de «managed care», c est-à-dire de coordonateur des soins et de l équipe soignante. 1
Ils recouvrent : - La prévention : vaccinations conseils brefs participation aux campagnes nationales.. - Le dépistage : organisé (cancer du sein et du colon) - individuel (vis à vis des patients à risque). - La prise en charge des symptômes courants : douleur, fièvre, fatigue. - Le suivi et la prise en charge des pathologies chroniques avec notamment : > L éducation thérapeutique > Le maintien à domicile et les soins palliatifs - La continuité et la permanence des soins > Question : Comment améliorer l organisation des soins de premier recours pour permettre l accès de tous à des soins de qualité? 2. OBJECTIFS - Identifier la problématique démographique régionale. - Connaître les conditions de vie et d exercice des professionnels de santé. - Repérer les points forts/faibles et les gisements Qualité sur lesquels une stratégie de regroupement et de coordination peut s appuyer. - Proposer une approche territoriale (méthode et base de données) pour l organisation des soins de premier recours qui peut servir de base de travail pour le volet ambulatoire du Schéma Régional d Organisation des Soins - Proposer une méthode d analyse territoriale pour identifier des zones fragiles 3. METHODOLOGIE - Analyse quantitative «socio-médico-démographique», basée sur les secteurs de permanence des soins. - Analyse qualitative par interview de professionnels de santé (Focus group). 4. RESULTATS > 1. Les défis sanitaires de la région : (État de Sante Régional - Déc. 2009 - ORS Midi-Pyrénées) Les professionnels du premier recours sont confrontés : - Au fort vieillissement de la population en Midi-Pyrénées, particulièrement accentué dans les départements les plus ruraux (10% de la population >= 75 ans en Midi- Pyrénées - 8,3% en France). - Au poids important des maladies chroniques (asthme et maladies cardio-vasculaires) : > Avec une augmentation de la prévalence de l obésité et du diabète; > et une incidence croissante du nombre de cancers. - A l importance et l augmentation prévisible de la maladie d Alzheimer et maladies apparentées (plus de 46 000 malades de 75 ans et plus). - Aux comportements à risque chez les adolescents (ivresse/alcool) et les morts violentes (suicides) en particulier chez les femmes dans certains départements. > 2
2. Les professionnels : la problématique démographique : (ONDPS - CNOM : Atlas de la démographie médicale en France. Situation au premier janvier 2009) - Après une période de sureffectif où les professionnels du premier recours travaillaient «en concurrence», la région reste à un niveau de densité supérieur à la moyenne nationale : > Médecins généralistes : 103,7 en MP versus 90,7 en France pour 100 000 habitants. > Infirmiers : 164,2 en MP versus 90 en France pour 100 000 habitants. - 50% des médecins généralistes de la région Midi-Pyrénées travaillent en groupe (CROM). Ce pourcentage est passé en France de 43 % en 1998 à 54 % en 2009 (IRDES). Cette augmentation est particulièrement marquée chez les médecins de moins de 40 ans qui sont près de huit sur dix à travailler en groupe (IRDES). - Les problèmes se situent : > au niveau de la répartition territoriale où une importante disparité est constatée ; > à l installation : seuls 11.6 % des jeunes médecins-généralistes sortant s installent en libéral ; > au renouvellement : d ici 2015, on estime que 800 médecins généralistes seront en cessation d activité et seulement 250 s installeraient en Midi-Pyrénées (CROM, CNOM, ONDPS) ; > au manque d attractivité (en particulier pour l exercice libéral). > 3. L équilibre de vie et les conditions d exercice des professionnels de santé : - Le temps de travail : > Un médecin généraliste travaille 55 heures par semaine (50.8 heures en Midi- Pyrénées pour ceux qui exercent à temps plein et à 38.2 heures pour ceux qui exercent à temps partiel) (DREES et CROM). > 80% de son temps est consacré aux consultations et aux visites - 8% à la formation - 12% aux tâches administratives (IRDES). - L état de santé : > 47% d entre eux ressentent les symptômes d épuisement professionnel (URML). - Les revenus du médecin généraliste : > Il est rémunéré essentiellement à l activité (paiement à l acte). Il perçoit par ailleurs des rémunérations forfaitaires (forfaits affection de longue durée, forfaits d astreinte). > Ceux qui sont éligibles et qui le souhaitent peuvent passer avec l assurance maladie un contrat sur des objectifs (Contrat d Amélioration des Pratiques Individuelles) et bénéficier d un paiement à la performance. > En Midi-Pyrénées, le nombre moyen d actes est de 4 686 par an et par médecin (moyenne nationale = 6.084/an). - La sécurité du patient, appréciée sur les données assurantielles (J Brami, R Amalberti. La sécurité du patient en médecine générale. Springer, Paris 2010) : > 70 à 80 % des erreurs médicales en médecine générale sont dus à un manque d organisation (et non de compétence) > 30 à 35 % des événements indésirables graves seraient évitables par une meilleure gestion professionnelle (aussi bien à l échelon individuel que collectif). - Les changements de paradigme proposés nécessitent pour les professionnels de santé une modification importante de leur façon de travailler et d organiser leur travail : > L individualisme et l exercice coordonné ; ce dernier n est possible que quand il n existe plus de concurrence. > Les professionnels libéraux travaillent sur une patientèle («façonnée et éduquée à leur image», disent-ils) et sont invités à se mobiliser sur des projets collectifs de santé publique. > L intégration d une médecine préventive et éducative à une médecine curative et prescriptive. 3 >
4. Les attentes des professionnels de santé et en particulier des jeunes générations : L essentiel de leurs souhaits est : - Libérer du temps soignant pour se recentrer sur leur métier. - Diversifier leurs modes d exercices. - Travailler à proximité d un environnement technique (notion de «plateau technique généraliste» : service d accueil des urgences, service d accueil de jour, laboratoire, imagerie médicale, spécialités le plus souvent sollicitées) pour garder la maîtrise et garantir l efficience et la cohérence du parcours de santé du patient. 5. POINTS FAIBLES / POINTS FORTS > Points faibles : - La coordination des soins autour du patient est insuffisamment organisée. - La PDSA n est pas optimisée, sur le plan territorial (nombre de secteurs) et sur le plan fonctionnel (dispositifs de régulation à mieux articuler, adhésion limitée, faible activité ) > Points forts : - Les services des urgences : où que l on soit dans la région, le temps d accès dépasse rarement ¾ d heure. - Forte mobilisation potentielle des professionnels (autour des thèmes d exercice de groupe, de projet médical ) > Les gisements qualité : - Les 108 enseignants cliniciens ambulatoires ; - Les coordonateurs des 160 groupes locaux de formation médicale continue et les groupes Qualité ; - Les coordonateurs des 246 groupes de permanence des soins. ; - Les expériences d exercice regroupé et coordonné : > Les pôles et maisons de santé pluridisciplinaires, > Les maisons médicales de garde > Les réseaux de santé, > Les hospitalisations à domicile, > Les projets de coopération. 6. PRECONISATIONS > Préconisations pour un aménagement territorial de l organisation des soins de premier recours : Pour le premier recours, un territoire ne doit pas être envisagé comme un périmètre administratif d application «d indices d équipement», mais comme une zone d organisation fonctionnelle de l offre de soins de premier recours, un espace fonctionnel de coordination ouvert. Cet espace doit : - Permettre de répondre aux besoins de la population tant sur le plan des soins que sur celui de la prévention, de la réinsertion et de la réadaptation ; - Correspondre à un exercice collectif et interprofessionnel sur lequel s organise la permanence des soins ; - Permettre d assurer des services polyvalents et coordonnés et faciliter une continuité de la prise en charge, luttant ainsi contre l isolement de certains praticiens. 4
La coordination des acteurs de santé entre eux sur un territoire donné doit favoriser un projet médical de territoire avec une utilisation optimale des ressources (matérielles et humaines). Cet espace doit être articulé autour d un «plateau technique généraliste» : service d accueil des urgences, service d accueil de jour, laboratoire, imagerie médicale, spécialités le plus souvent sollicités. Il doit aussi être conçu comme un espace de concertation, d échange, de collaboration et de coordination entre les acteurs du champ de la santé, bien sûr, au sens large: professionnels médicaux et sociaux (en ambulatoire et en établissement de santé), mais aussi élus et usagers. Enfin il doit être un lieu d accueil et de formation des professionnels de santé en formation (étudiants en médecins en stage de 2eme cycle, internes ) mais aussi de recherche en soins primaires. > Préconisations pour identifier des zones fragiles : Selon la définition donnée, les critères retenus, les projets de soutien ou de renforcement prévus, l origine et les moyens financiers accordés, plusieurs types de zones peuvent être identifiés : - Les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles. - En 2005, 25 zones déficitaires en médecins généralistes ont été identifiées. Elles nécessitent une actualisation. - Le critère, «densité médicale < 30% de la moyenne nationale dans les cinq ans à venir du fait de départs en retraite ou de cessation d activité», permet d identifier 4 bassins de vie : St Cere (46), Lacaune (81), Labruguière (81), Séverac Le Château (12) ; Au cours des travaux du Schémas Régional d Organisation des Soins (SROS), dans chaque bassin de santé, l analyse des besoins sanitaires réalisée, permettra d identifier plus finement les zones, les spécialités, les domaines et donc les actions où un accompagnement, une expérimentation, une aide ou un renforcement devront être mis en place en partenariat avec les professionnels de santé qui doivent être considérés comme des «partenaires actifs». 7. CONCLUSION La région Midi-Pyrénées n est pas confrontée à un manque de professionnels des soins de premier recours mais à une mauvaise répartition et utilisation des ressources humaines. Le risque de déficit risque de se poser lors du renouvellement du corps professionnel. Dans un objectif d amélioration du niveau sanitaire et de l efficience des soins, les pistes repérées sont : - apporter une meilleure réponse en termes de continuité des soins (et pas uniquement de permanence) et de qualité des prises en charges des patients ; - répondre à la désaffection des jeunes médecins pour l exercice libéral de la médecine générale ; - favoriser les coordinations autour de projets médicaux locaux. La mise en place d une organisation territoriale des soins de premier recours nécessite par ailleurs une coordination (animation, management santé/qualité, ). Dans ce domaine, les questions qui se posent concernent son périmètre, son organisation, sa structuration et son financement. Des expérimentations pourraient être proposées dans certains bassins de santé. 5