LE SYNDROME DU CANAL CARPIEN : UN SIGNAL Dr Denis LECLERC Médecin du travail 10
LE SYNDROME DU CANAL CARPIEN : UN SIGNAL 11
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont une question préoccupante en santé au travail par : leurs conséquences individuelles réduction d aptitude au travail rupture de carrière professionnelle leurs conséquences sur : le fonctionnement des entreprises leur coût. leur nombre multiplié par 5 en 10 ans en France pour les TMS des membres supérieurs 12
Selon l InVS et son programme de surveillance épidémiologique des TMS en 2000 en collaboration avec l Université d Angers : la prévalence clinique du syndrome du canal carpien (SCC) dans la population salariée est de 4 % chez les femmes et 2,4 % chez les hommes (respectivement 7,8 % et 3,7 % pour les salariés de plus de 50 ans) la fraction de risque attribuable au travail est de 34,3 % les ouvriers et 14,6 % ouvrières 13
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION 14
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION ELÉMENTS ANATOMIQUES CONSTITUANT LE CANAL CARPIEN : Le canal carpien est un défilé ostéoligamentaire inextensible situé à la face antérieure de la paume de la main Le canal carpien est formé dorsalement et latéralement par les os du carpe. Il est recouvert par le ligament annulaire antérieur. Le nerf médian et neuf tendons fléchisseurs passent par ce canal. La pression intérieure du canal varie selon les mouvements du poignet. 15
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Les fibres sensitives du nerf médian innervent : les I, II, III, la moitié du IV à la palmaire face les extrémités de ces doigts à la face dorsale 16
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Les fibres motrices du nerf médian concerne essentiellement trois muscles de l'éminence thénar 17
DÉFINITION DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Le syndrome du canal carpien résulte de la compression ou de l irritation du nerf médian dans le canal. Selon le degré et la durée de la compression, on décrit des lésions de démyélinisation focale (neuropraxiques) ou par dégénérescence axonale (axonotmésis ou destruction du nerf) La récupération est généralement rapide et complète en cas de neuropraxie, en revanche, la lésion par perte axonale est plus sévère et la récupération est longue (repousse nerveuse) et parfois incomplète. 18
ETIOLOGIES DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Dans certains cas, le syndrome du canal carpien est idiopathique, sans aucune cause identifiée. Les étiologies des formes non professionnelles sont : Les déformations post-traumatiques du squelette carpien les causes tumorales intracanalaires (kyste synovial, lipome) 19
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION ETIOLOGIES suite les causes endocriniennes (hypothyroïdie, diabète) les synovites spécifiques (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, goutte) les maladies de surcharge (amylose, patients hémodialysés) 20
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION FACTEURS DE RISQUE DU SYNDROME DU CANAL CARPIEN ATTRIBUABLES AU TRAVAIL Les gestes professionnels incriminés sont : - L hyperextension du poignet - L hyperflexion du poignet associée à la flexion des doigts - La compression par appui répété sur le talon de la main (directe ou par un manche d outil entrainant une synovite) 21
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION FACTEURS DE RISQUE DU SYNDROME DU CANAL CARPIEN ATTRIBUABLES AU TRAVAIL : suite - Mouvements répétés cadencés du poignet et de l avantbras durant des périodes prolongées - l utilisation répétée de la pince pouce-index - le travail en force des membres supérieurs D autres facteurs, peuvent être aggravants comme : - La manipulation d outils qui vibrent. - Les situations de travail accompagnées de stresseurs (facteurs psychosociaux de risque mal vécus) 22
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Le SCC se rencontre le plus souvent dans les secteurs professionnels suivants: - le bâtiment et les travaux publiques - l industrie et le travail en ligne - la logistique avec le conditionnement et les préparations de commandes - entreprises de nettoyage - le commerce (hypermarchés) - les employés dans l industrie agroalimentaire (les bouchers, boulangers) - la restauration (services, plonge) 23
SYMPTÔMES : DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION Ce syndrome correspond : - soit à des épisodes d ischémie transitoire liée à l apparition d un trouble microvasculaire, - soit à une ischémie par compression prolongée du nerf à la suite du rétrécissement du canal ou à l augmentation en volume de son contenu. La forme la plus fréquente est la forme progressive Une forme aigue peut faire suite à un traumatisme ou à une sollicitation forte et inhabituelle du poignet 24
SYMPTÔMES : suite DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION I) Premier stade : paresthésies (fourmillements) dans le territoire d'innervation du nerf médian, épisodiques. (ischémie épineurale transitoire créant des problèmes de transmission nerveuse qui disparaissent par réactivation de la circulation ou par une manoeuvre de décompression comme secouer le poignet: signe de Flick). Ces symptômes apparaissent de façon typique la nuit ou à la suite d'activités particulières (par exemple: tenir un livre) C EST UN SIGNAL. L électromyographie peut être normale, limitant alors la symptomatologie aux phénomènes subjectifs. 25
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION II) Deuxième stade : paresthésies et engourdissements par périodes plus longues et fréquentes. Le processus pathologique correspond à un trouble de la microcirculation intra-neurale et épineurale avec oedème des faisceaux nerveux. A ce stade, les tests électrodiagnostiques montrent habituellement des anomalies de la conduction sensitive dans le territoire du médian, et particulièrement au niveau de la pulpe des trois premiers doigts. 26
DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION III) Troisième stade : symptômes quasi constants par atteinte permanente des fonctions sensitives et motrices avec possible atrophie de l'éminence thénar (perte de la masse musculaire du pouce) Les tests électrodiagnostiques sont anormaux par oedème endoneural prolongé causant une démyélinisation et une dégénérescence axonale définitive. On retrouve des troubles moteurs au niveau de l'opposant du pouce. 27
REMARQUE DÉFINITION ET PROCESSUS D APPARITION des troubles vasomoteurs sont fréquents, avec hypersudation ou œdème de la main les formes bilatérales sont fréquentes avec alors, nette prédominance d'un côté Le diagnostic positif se fait par l'examen clinique (manœuvres de Tinel et Phalen) confirmé par l'électromyographie (EMG). 28
EVOLUTION ET PREVENTION DE LA DESINSERTION PROFESSIONNELLE 29
EVOLUTION ET PDP L évolution naturelle du syndrome du canal carpien est mal connue. Elle peut se faire vers une disparition spontanée (34 % dans certaines séries) au mieux, souvent après retrait de l exposition. Le plus souvent, évolution relativement lente vers l aggravation : passage d un symptôme anodin (paresthésies) véritable signal d alerte, vers la pathologie sérieuse parfois irréversible, la neuropathie périphérique du nerf médian avec amyotrophie de l éminence thénar et perte de la force musculaire. 30
TRAITEMENTS EVOLUTION ET PDP - Infiltrations locales de corticoïdes. Il n'est guère raisonnable de réaliser plus de trois infiltrations. - La chirurgie par section complète du ligament annulaire antérieur du carpe (neurolyse parfois) Elle se fait de façon classique à ciel ouvert ou sous endoscopie. La bénignité et l'efficacité sont remarquables (80%) à condition que la souffrance du nerf n'ait pas été trop longue (chirurgie trop tardive) 31
EVOLUTION ET PDP Si le traitement est précoce on peut espérer une guérison totale sans séquelles. Il persiste une faiblesse de la préhension de 1 mois (traitement endoscopique) à 3 mois (chirurgie à «ciel ouvert») La reprise du travail est généralement possible de 3 semaines à 3 mois selon les métiers. Cependant dans les formes évoluées la guérison est partielle avec des séquelles sensitives et motrices et risque éventuel de désinsertion professionnelle. 32
EVOLUTION ET PDP Références CPAM Sources : Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008. Official Disability Guidelines, 2007. Royal College of Surgeons, Royaume-Uni. (1) ANAES, Chirurgie du syndrome du canal carpien idiopathique : étude comparative des techniques à ciel ouvert et des techniques endoscopiques, décembre 2000. 33
EVOLUTION ET PDP Prévenir la désinsertion professionnelle c est anticiper la perte de l activité professionnelle pour des raisons de santé ou de situation de handicap. Quelques chiffres : (ref INVS) - Les patients n ayant pas repris leur activité sont significativement plus âgés que ceux ayant repris leur activité (47,9 ans vs 45,1 ans, p<0,001) - Ils souffrent plus souvent d obésité (29,2 vs 15,1%, p<0,001) - Ils présentent plusieurs TMS (68 % vs 49 %, p<0,001) 34
EVOLUTION ET PDP Quelques chiffres (suite) - Près de la moitié des personnes (48,5%) n ayant pas repris leur activité professionnelle considère que leur activité nécessite des tâches exigeantes pour les poignets. - 91% déclarent subir l une au moins une des six principales contraintes biomécaniques du poignet responsables de SCC. L ancienneté dans le dernier emploi et le nombre d emplois occupés au cours de la vie professionnelle ne diffèrent pas selon que les patients ont repris ou non une activité professionnelle après l intervention. 35
EVOLUTION ET PDP Quelques chiffres (suite) -Au total, 6,3 % des patients ont bénéficié d une reprise à mi- temps thérapeutique pendant une durée moyenne de 3 mois environ. - La reprise à mi-temps thérapeutique est plus fréquente en cas de déclaration en MP (13,5% vs 1,7 %, p<0,001) et en cas de TMS des membres supérieurs associés (8,5% vs 4,5 %, p<0,02) - Les catégories socioprofessionnelles pour lesquelles le mi-temps après l opération est le plus fréquent sont les ouvriers non qualifiés de type industriel (17%), les ouvriers agricoles (12 %), ouvriers qualifiés Dr de Denis type Leclerc industriel AST-LOR N (12 %) et les employés de commerce (10 %). les 36
EVOLUTION ET PDP Quelques chiffres (suite) - d une manière générale, peu d aménagements des conditions de travail ont été réalisés après l intervention. - Plus de 80 % des patients déclarent ne pas avoir eu de modification des conditions de travail lors de leur retour au travail, quels que soient l âge et le genre. - Les contraintes sont jugées moins importantes dans seulement 7,2% des cas et, au contraire, plus importantes dans 4,5% des cas. 37
EVOLUTION ET PDP Ces résultats sur le devenir professionnel des patients opérés d un SCC montrent que le pronostic professionnel du SCC est globalement bon, puisque près de 90 % des patients actifs avant l intervention le restent après l intervention. Le pronostic semble plus péjoratif lorsqu il existe des co-morbidités et chez les sujets plus âgés. Ces données soulignent l importance du repérage précoce des patients les plus à risque de rupture professionnelle afin de mettre en place des interventions ergonomiques et des actions pluridisciplinaires Dr de Denis maintien Leclerc AST-LOR N en emploi pour prévenir la désinsertion professionnelle. 38
EVOLUTION ET PDP OUTILS MOBILISABLES pour la Prévention de la Désinsertion Professionnelle - la cellule locale de la PDP - Le temps partiel thérapeutique, l invalidité (sous réserve de conditions médicales et administratives) - Les fonds d Action sanitaire et sociale de la Cpam - Le contrat de rééducation en entreprise - La rééducation professionnelle de l Assurance Maladie Et surtout les actions de remobilisation pendant l arrêt de travail : - Bilan de compétence 39
EVOLUTION ET PDP LA CELLULE LOCALE DE PRÉVENTION DE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE Elle crée les conditions d une coordination nécessaire. Les différents services de l'assurance Maladie, dans le cadre des " Cellules locales PDP ", recherchent ensemble des solutions, permettant le maintien dans l'emploi et proposent des accompagnements favorisant la mobilisation de l'assuré sur son projet de retour au travail. Sa principale mission est de permettre au salarié de conserver une dynamique professionnelle et de garder un emploi compatible avec son état de santé. 40
EVOLUTION ET PDP Sont représentés à la cellule locale : - le Service médical de la CPAM (médecin conseil) - les Services administratifs de la CPAM - l'assurance des Risques Professionnels et le Service Social de la CARSAT - les services de santé au travail (c est le cas en Alsace-Moselle) - Les SAMETH Ils travaillent en concertation pour faciliter et simplifier les démarches de l'assuré et de l'employeur 41
EVOLUTION ET PDP UN OUTIL FONDAMENTAL D'AIDE À LA REPRISE DU TRAVAIL : La visite de pré-reprise - pour les salariés en arrêt de travail de plus de 3 mois systématiquement ou avant selon avis du médecin conseil de la CPAM - organisée à l'initiative du salarié, du médecin conseil d'un organisme de sécurité sociale, ou du médecin traitant (art R 4624-20 du Code du travail). - par le médecin du travail - pour recommander des aménagements du poste de travail, faire des préconisations de reclassement, en vue de faciliter le maintien dans l'entreprise. 42
EVOLUTION ET PDP LA DEMARCHE DE PREVENTION L entreprise se situe au cœur du dispositif de maintien dans l emploi. La pénurie de postes adaptés est la conséquence de l absence d action de correction précoce et représente un fort risque de rupture professionnelle pour les salariés affligés de TMS Une démarche de prévention des TMS dans l entreprise est nécessaire lorsqu il existe une forte incidence des cas de SCC et/ou s il devient difficile pour l entreprise de proposer des aménagements de poste. 43
EVOLUTION ET PDP LA DEMARCHE DE PREVENTION suite Les responsables peuvent faire appel à des acteurs externes : équipe pluridisciplinaire des Services de Santé au Travail, IPRP (Intervenant en Prévention des Risques Professionnels), ergonome, CARSAT, ARACT etc. pour leur démarche de prévention et ainsi prévenir la désinsertion professionnelle. 44
DEPISTAGE PRECOCE 45
DEPISTAGE PRECOCE Pour une prévention efficace, la prévention primaire reste la meilleure des méthodes. Mais, en toute logique, il est impossible d étudier en amont toutes les situations de travail avec les outils ergonomiques actuels de diagnostic. La prévention secondaire avec le dépistage précoce permet, dans le cadre du SCC, d intervenir précocement et d obtenir une guérison complète. Le dispositif SALTSA1 s est imposé comme une excellente méthode de dépistage clinique précoce des TMS du membre supérieur (TMSms) et donc du SCC. 46
DEPISTAGE PRECOCE SALTSA en quelques mots : Outil de repérage précoce des TMSms dans des populations de travailleurs Validé et utilisable en routine en milieu de travail Protocole standardisé permettant des comparaisons géographiques (plusieurs examinateurs) et temporelles (évaluations) 47
DEPISTAGE PRECOCE C est en pratique une recherche des signes infra cliniques et cliniques précoces après administration du questionnaire Nordique* Les critères diagnostiques du consensus SALTSA se rapportent à la présence de symptômes et aux résultats de manoeuvres cliniques codifiées (dont signes de Tinel, de Phalen) et parfaitement reproductibles. Des critères temporels établissent trois niveaux : Pathologies latente, symptomatique ou avérée * Kuorinka I., Jonsson B., Kilbom A., Vinterberg H., Biering-Sorensen F., Andersson G., Jorgensen K., Questionnaire scandinave. DMT INRS, 1994, 58, 167-179 48
Présence ou non de fourmillements dans les doigts et/ou douleurs dans les poignets en 12 mois? non = arrêt examen Si oui, dans un décours temporel précis (4j pendant 7 jours)? non = forme latente Si oui, présence 4j les 7derniers jours? non = forme symptomatique Si oui, manœuvres positives? non = forme symptomatique oui, forme avérée 49
DEPISTAGE PRECOCE Manoeuvre de Tinel Sensibilité : 0,45-0,63 Spécificité : 0,47 Manoeuvre de Phalen Sensibilité : 0,73-0,77 Spécificité : 0,36-0,80 CNAM 2012/2013 module infirmier Dr Denis Leclerc 50
DEPISTAGE PRECOCE Les 2 premiers degrés sont des formes très précoces de dépistage. Appliqué systématiquement ou à des populations définies comme à risque (co-morbidité, exposition aux facteurs à risque), le dispositif permet d intervenir tôt en terme de traitement avec une bonne récupération. En outre, il permet d identifier les secteurs ou entreprises prioritaires nécessitant des études de poste en croisant les données recueillies par plusieurs acteurs de la santé au travail (médecins et infirmières en santé au travail) du fait de la parfaite standardisation du protocole (scores de pathologies et d exposition) 51
DEPISTAGE PRECOCE 35 score exposition 30 25 20 15 fm kl de as vb sc yu bn tu eg 10 5 0 0 5 10 15 20 25 30 35 score syndrome canal carpien latent 52
CONCLUSION Les signes cliniques du SCC sont d apparence anodine. Ils sont cependant un signal d alerte à prendre en compte précocement pour éviter toute aggravation qui pourrait entrainer une difficulté pour le maintien dans l emploi. En outre le SCC est une pathologie «traceuse» : si elle est présente dans une entreprise, il y a une forte probabilité de trouver d autres TMSms à plus forte potentialité de gravité qui l accompagne. C est donc aussi à ce niveau un signal d alerte pour les préventeurs en santé au travail, pour les chefs d entreprises quant aux actions à entreprendre rapidement pour prévenir la désinsertion professionnelle. 53
MERCI 54