ATTAC 19-20 Introduction à l économie 2. Le partage de la valeur ajoutée: salaires et profits 1
Rappel : Les trois approches du PIB Approche production: Le PIB est égal à la valeur ajoutée brute créée par l ensemble des unités de production résidentes PIB = Somme des VAB Approche demande Le PIB augmenté des importations est égal à la demande totale PIB + Importations = Consommation + Investissement + Exportations + Variation des stocks Approche revenus Le PIB est égal à la somme des revenus PIB = Somme des revenus 2
L économie ne peut distribuer que ce qu elle a produit L équation PIB = Somme des revenus signifie en particulier que la masse totale des revenus distribuables au cours d une période, quelle que soit la nature de ces revenus (salaires, prestations sociales, intérêts, dividendes, recettes de l Etat, produit d activités spéculatives) ne peut être supérieure à la valeur créée au cours de cette période, c est-à-dire au PIB ou encore que l augmentation des revenus d une année à l autre ne peut être supérieure à la croissance du PIB entre ces deux dates Ou encore, que si certaines catégories de revenus augmentent entre deux années plus rapidement que le PIB, il en résulte inéluctablement que d autres revenus augmentent moins que le PIB ou diminuent à un détail près 3
PIB et Revenu National Brut En réalité le revenu distribuable est augmenté des revenus du travail et du capital reçus de l étranger par des agents économiques nationaux, et diminué des revenus du travail et du capital payés à des agents économiques étrangers Revenu National Brut = PIB + Revenus reçus de l étranger Revenus payés à l étranger En 2011 : RNB = 1996,6 + 166,8 129,2 = 2034,2 4
Le partage du PIB entre salaires et profits 5
Les revenus primaires en 2011 Mrd % (Impôts Subventions) sur les produits 207,6 10,4% (Impôts Subventions) sur la production 63,9 3,2% Revenus mixtes 121,1 6,1% Salaires et cotisations sociales 1 067,5 53,5% Excédent brut d exploitation 536,5 26,9% Total (PIB) 1 996,6 100,0% Source : INSEE 6
Les salaires 7
Croissance de la productivité du travail et croissance des salaires (1) La croissance du PIB a pour origine la croissance de la productivité du travail (voir séance 1) Si les salaires réels (déduction faite de la hausse des prix) augmentent au même rythme que la productivité du travail, le partage du PIB entre salaires et profits demeure inchangé Sous l hypothèse très simplificatrice que les salaires sont intégralement utilisés pour financer des dépenses de consommation, la consommation des ménages augmente au même rythme que le PIB. 8
Croissance de la productivité du travail et croissance des salaires (2) Si les salaires réels augmentent plus rapidement que la productivité du travail, la part des salaires dans le partage du PIB augmente au détriment des profits Dans ce cas, dans le cadre d hypothèses très simplifié retenu ici, l augmentation des salaires permet aux salariés d accroître leurs dépenses de consommation dans une proportion supérieure à l augmentation du PIB La question est alors: la masse des profits et le taux de profit (voir plus loin) resteront-ils suffisants pour que les entreprises réalisent les investissements nécessaires pour répondre à l augmentation de la demande? Si ce n est pas le cas (et s il y a déjà plein emploi des facteurs de production), il y a risque de surchauffe avec inflation et dégradation du commerce extérieur 9
Croissance de la productivité du travail et croissance des salaires (3) Si les salaires réels augmentent moins rapidement que la productivité du travail, la part des profits dans le partage du PIB augmente au détriment des salaires Dans ce cas, dans le cadre d hypothèses très simplifié retenu ici, l augmentation des salaires ne permet pas aux salariés d accroître leurs dépenses de consommation dans la même proportion que l augmentation du PIB La masse et le taux des profits permettent aux entreprises d accroître leurs investissements. Mais le feront-elles si la consommation composante principale de la demande intérieure est en faible croissance? Le risque est celui d une croissance anémique et d une montée du chômage. 10
Part des salaires dans la valeur ajoutée Sociétés non financières 77.0% 76.0% 75.0% 74.0% 73.0% 72.0% 71.0% 70.0% 69.0% 68.0% 67.0% 66.0% Source : INSEE 11
Evolution comparée de la productivité du travail et du salaire réel Ensemble de l économie 1300.0 1200.0 1100.0 1000.0 900.0 800.0 700.0 600.0 500.0 400.0 300.0 200.0 100.0 8.0% 7.0% 6.0% 5.0% 4.0% 3.0% 2.0% 1.0% 0.0% -1.0% -2.0% -3.0% -4.0% Source : INSEE Ecart Salaire - Productivité Productivité du travail Salaire horaire réel 12
Variations comparées de la productivité du travail et du salaire réel (en % par an) Productivité horaire du travail Salaire horaire réel moyen Ecart Salaire - Productivité 1950-1960 1960-1970 1970-1980 1980-1990 1990-2000 2000-2011 5,9% 7,3% 4,8% 3,3% 2,2% 1,2% 6,4% 7,5% 5,5% 2,1% 2,2% 1,5% 0,4% 0,2% 0,7% -1,2% 0,0% 0,3% Source : INSEE 13
Sociétés non financières Evolution comparée de la productivité du travail et du salaire réel 130.0 4.5% 125.0 3.5% 120.0 115.0 2.5% 110.0 1.5% 105.0 0.5% 100.0 95.0-0.5% 90.0-1.5% Ecart Salaire - Productivité Productivité du travail Salaire réel 14
Fluctuations de l activité, emploi et productivité du travail : un schéma explicatif Hypothèse: le remplacement des équipements usagés par de plus performants et la formation du personnel assurent une croissance potentielle de la productivité du travail de 2% par an Années 1 2 3 4 5 Taux de croissance de l activité 2,00% -1,00% 0,00% 5,00% VAB 1 000 000 1 020 000 1 009 800 1 009 800 1 060 290 Sans aucune flexibilité de l emploi Emploi 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 Productivité du travail 10 000 10 200 10 098 10 098 10 603 Variation 2,00% -1,00% 0,00% 5,00% Avec totale flexibilité de l emploi Emploi 100,0 100,0 97,06 95,16 97,96 Productivité du travail 10 000 10 200 10 404 10 612 10 824 Variation 2,00% 2,00% 2,00% 2,00% 15
Les profits (Excédent Brut d Exploitation) 16
Les profits sont un revenu résiduel Production Consommations intermédiaires = Valeur Ajoutée Brute Valeur Ajoutée Brute Salaires et cotisations sociales Impôts sur la production nets des subventions = Excédent Brut d Exploitation 17
Part de l EBE dans la valeur ajoutée des sociétés non financières 34.0% 32.0% 30.0% 28.0% 26.0% 24.0% 22.0% Source : INSEE 18
Marx et la baisse tendancielle du taux de profit Pour l entreprise capitaliste, l important n est pas tant le montant de ses profits que la rentabilité du capital engagé, c est-à-dire le rapport entre le montant des profits et la valeur du capital engagé Taux de profit = Profits / Capital engagé Marx observe que le capital total engagé augmente plus rapidement que la fraction du capital engagée dans l achat de la force de travail. Or, selon lui, seule cette dernière génère de la plus-value Marx en conclut que le capitalisme fait face à une difficulté permanente pour extraire de la force de travail assez de plus-value pour rentabiliser une masse croissante de capital C est, selon Marx, l origine des crises périodiques au cours desquelles une fraction du capital est détruite ou dévalorisée. 19
Le taux de profit Sur base des données de la comptabilité nationale, on peut estimer le taux de profit (avant impôt sur les bénéfices) par le ratio: Taux de profit = Excédent Brut d Exploitation / Valeur du capital fixe engagé Taux de profit = EBE / K (où K représente le stock de capital investi en bâtiments et équipements) 20
Taux de profit des entreprises non-financières 12.00% 11.00% 10.00% 9.00% 8.00% 7.00% 6.00% Source : INSEE 21
Les déterminants du taux de profit Taux de profit = EBE / K On peut décomposer cette formule de la manière suivante: EBE / K = (EBE / VAB) * (VAB / N) * (N / K) (avec N = Nombre de salariés employés exprimé en équivalent plein-temps) Le taux de profit apparaît ainsi comme le produit de : EBE / VAB : Part des profits dans le partage de la VAB VAB / N : Productivité annuelle du travail N / K : Rapport entre le nombre de travailleurs employés et le stock de capital (Inverse de l intensité capitalistique) 22
Evolution des composantes du taux de profit des sociétés non financières (indice 100 en 1978) 590.0 540.0 490.0 440.0 390.0 340.0 290.0 240.0 190.0 140.0 90.0 Source : INSEE K/N VAB/N EBE/VAB 23
Evolution des composantes du taux de profit des sociétés non financières (variations annuelles moyennes) Part des profits (EBE/VAB) Productivité du travail (VAB/N) Inverse de l intensité capitalistique (N/K) 1978-1988 1988-1998 1998-2008 2008-2011 3.4% 0.3% -0.3% -3.6% 2.3% 1.1% 0.6% 0.0% -2.7% -2.6% -1.8% -3.4% Taux de profit (EBE/K) 3.0% -1.2% -1.5% -7,0% Source : INSEE 24
Conclusions d étape Le ralentissement des gains de productivité du travail, et par suite du PIB, depuis le milieu des années 1970 (Cf. séance 1) entraîne une croissance ralentie de la masse des revenus. Cela affecte notamment les salaires réels dont la progression très ralentie, conjuguée à une stagnation de l emploi, a pour conséquence une faible progression de la masse salariale réelle et par suite de la consommation. En outre, depuis la fin des années 1990, et plus particulièrement depuis l éclatement de la crise en 2008, les gains de productivité ne suffisent plus à rentabiliser le stock de capital. Il en résulte une détérioration du taux de profit des entreprises. Ce dernier aspect caractérise la crise actuelle comme crise de suraccumulation au sens de Marx. 25
Comment sortir d une crise de suraccumulation (1)? Dévalorisation d une fraction du capital Liquidation d entreprises Délocalisations Baisse des taux d intérêt Sans effet sur le taux de profit mais redistribution de la masse des profits entre les entreprises et leurs actionnaires d une part, les prêteurs (banques et marchés financiers) d autre part + allègement de la charge d intérêt de l Etat Reprise des investissements (?) 26
Comment sortir d une crise de suraccumulation (2)? Baisse de 20 Mrd de l impôt sur les entreprises financée à parts égales par une hausse de la TVA et une réduction des dépenses publiques (CICE) La logique de la mesure: Les entreprises baissent leurs prix Croissance des exportations + augmentation du pouvoir d achat des salaires malgré la hausse de la TVA Croissance du PIB malgré la contraction de la demande publique Gains de productivité Redressement du taux de profit Reprise de l investissement et de l embauche Que risque-t-il de se passer? 27
Comment sortir d une crise de suraccumulation (3)? Augmentation des bas salaires La logique de la mesure: Baisse du taux de profit mais croissance de la consommation des ménages et des recettes de l Etat Croissance du PIB Gains de productivité du travail Relèvement du taux de profit Reprise de l investissement Que risque-t-il de se passer? 28