GUIDE MÉTHODOLOGIQUE MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE ENTRE PME/PMI. Coécrit par Denis Viot et Caroline Viot



Documents pareils
Alignement stratégique du SI et gestion de portefeuille de projets

Introduction. Les articles de la presse spécialisée tendent à nous laisser penser que c est en effet le cas :

Novembre Regard sur service desk

Comment réussir son projet de Master Data Management?

La relation client constitue un axe progrès stratégique pour toutes les entreprises.

Ministère de l intérieur

Associations Dossiers pratiques

WHY CONSULTING. Performance Commerciale en B2B

Associations Dossiers pratiques

M2S. Formation Management. formation. Animer son équipe Le management de proximité. Manager ses équipes à distance Nouveau manager

Une étude sur : «La Supply Chain comme facteur clé de compétitivité» Jeudi 27 juin 2013 Au Grand Hôtel Opéra, Paris

Maîtriser les mutations

GUIDE DU BENEVOLE. Mai 2011

MAÎTRISE DES ACHATS D INVESTISSEMENTS

MESURER LA VALEUR ET LE ROI D UN PROJET DE RÉSEAU SOCIAL D ENTREPRISE

INTRODUCTION. Master Management des Ressources Humaines de l IAE de Toulouse Page 1

L INTELLIGENCE COLLECTIVE ORIENTÉE PROJET

CAHIER DES CHARGES DE L APPEL A PROJETS REGIONAL «INNOVATION» SESSION PLENIERE DES 19 ET 20 JUIN 2014

Externaliser le système d information : un gain d efficacité et de moyens. Frédéric ELIEN

CRM et GRC, la gestion de la relation client R A LLER PL US L OI

Les leviers de performance du pilotage du processus achats/fournisseurs

repères pour agir et mettre en place un projet de consolidation des compétences de Base des Apprentis

COMMANDE REF ADMIN-CS-540-CDD

LES CLES D UNE BONNE STRATEGIE A L EXPORT

Du marketing dans ma PME!

Position de l ASTEE sur l innovation en matière de services d eau et de déchets

Schéma du plan d affaires

Famille de métiers. achats. // Acheteur international. // Agent acheteur (market representative)

L évolution du travail en réseau : une nouvelle donne stratégique

Business Plan Social. Guide méthodologique

la pauvreté 33 ses lutte contre territorial. création.cette n ne doit pas d insertion. 1. UNE Accompagner la Participation travaux sont évidemment

ADhÉRer au RÉseaU AdomiS... le choix de la performance sociale comme moteur de la performance économique

Des consultants forment des consultants Comment créer ma boite de consultant

RENFORCE LA CHAÎNE DE VALEUR AJOUTÉE DE SES PARTENAIRES

Les enjeux et clés de succès des entreprises familiales. kpmg.fr

Comment réussir la mise en place d un ERP?

Petit guide pour choisir une solution CRM

Quels outils pour prévoir?

Communiquer efficacement : la stratégie du « »

REFERENTIEL Chef(fe) de Projets Marketing et Commercial Titre Bac+4 certifié Niveau II J.O du 09 Août code NSF 312

Optimiser la maintenance des applications informatiques nouvelles technologies. Les 11 facteurs clés de succès qui génèrent des économies

SYNERGIE Associés Confidentiel Reproduction interdite sans autorisation préalable Page 1 de 44

«Quelques concepts de l analyse stratégique & les grandes lignes de la démarche stratégique et comment les mettre en œuvre!...»

Le CRM en BFI : une approche du pilotage stratégique

Rapport d évaluation de la licence professionnelle

Des consultants forment des consultants Comment créer ma boite de consultant

NEGOCIER AVEC UN FONDS

Stratégies gagnantes pour les prestataires de services : le cloud computing vu par les dirigeants Dossier à l attention des dirigeants

Démarche Prospective Métier Pub/Com : Enquête en extension

Lean Management : une stratégie de long terme. Pourquoi l évolution des comportements est-elle essentielle à une réussite durable?

Agence pour la création d entreprises

La boite à outils du dirigeant, Dispositif packagé ou modularisable en fonction des besoins

LA CONDUITE DE L ACTION COMMERCIALE

Les chartes de France Investissement

STRATEGIE, GOUVERNANCE ET TRANSFORMATION DE LA DSI

LA PROFESSIONNALISATION DU COACHING EN ENTREPRISE :

Le point de vue de l UNSA

Le partenaire des directions financières

FICHE TECHNIQUE : METTRE EN PLACE UNE GPEC

Le dispositif de financement des jeunes entreprises de création

Formation de dirigeant de PME

Les projets d investissement en PME

Gestion du capital humain : savoir exploiter les big data

Groupe Eyrolles, 2006, ISBN :

Business Plan. Belfort 21 décembre Frédéric de Thezy / Laetitia B.

ÉVALUATION DES CONSEILS D ADMINISTRATION/SURVEILLANCE : UN RETOUR D EXPÉRIENCE TRÈS POSITIF DES ADMINISTRATEURS

PROGRAMME DETAILLE DU «STAGE MASTER DE REPRISE D ENTREPRISE»

ATELIERS THEMATIQUES COMMERCES UNIONS COMMERCIALES ATELIER CONDUITE DE REUNION DECIDER - CONVAINCRE MOBILISER

ETUDE FUSACQ / Octobre 2011 LE PROFIL DES REPRENEURS D ENTREPRISE

ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL

UE Marketing Stratégique

LE DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL

Introduction / En quoi consiste une veille commerciale? / Quel est son rôle? / Quels sont les bénéfices au niveau de l organisation

ECOLE SUPERIEURE DE L EDUCATION NATIONALE

MANIFESTE POUR UN PORTAGE SALARIAL OUVERT AU PLUS GRAND NOMBRE : EMPLOIS À LA CLÉ! DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DU PORTAGE SALARIAL

Atelier A7. Audit de la gestion globale des risques : efficacité ou conformité?

F RSE Plan d action A04 Bruxelles, le MH/JC/LC A V I S. sur

Convention. Entre. ci-après désignée «Bureau de Business France en Pologne» d une part,

Auditer son environnement Telecom Un des fondements du projet TEM

Plus de prospects, plus de clients, plus de chiffre d affaires DEVELOPPEMENT COMMERCIAL DES ENTREPRISES

Les nouveaux tableaux de bord des managers

Table des matières. Comment utiliser efficacement cet ouvrage pour en obtenir les meilleurs résultats?... 5

MODELE DE MATURITE SOCIAL MEDIA MARKETING

Principles Impératif Juillet Les principes de gestion et de «leadership» chez Nestlé

Evaluation des cursus «Information & Communication»

Ces formations se font uniquement «Sur mesure» - Nous contacter. II - Techniques de vente «Avancées» - 6 ou 7 modules selon le concept vente

e-business, EAI et Business Intelligence Le triptyque gagnant profondément les structures des organisations et par conséquence

72% des Français prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France. Mais pas à n importe quel prix!

1. QU'EST-CE QUE L'INNOVATION

RAPPORT DU CONSEIL D ADMINISTRATION A L ASSEMBLEE GENERALE

Développer une culture d efficience

Réussir l externalisation de sa consolidation

360 feedback «Benchmarks»

Considérations sur la crise et le marché intérieur 1

L évaluation des activités de la fonction commerciale

Gestion des risques liés aux systèmes d'information, dispositif global de gestion des risques, audit. Quelles synergies?

Réaliser son projet de reprise avec un partenaire financier. Note de présentation à l attention des Repreneurs

ETRE OBSEDE PAR LA PSYCHOLOGIE DE L ACHETEUR

création oseo.fr Pour financer et accompagner les PME

«Identifier et définir le besoin en recrutement»

Transcription:

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE ENTRE PME/PMI Coécrit par Denis Viot et Caroline Viot

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE 1. OBJET DU GUIDE La stratégie d alliance est une des clés du développement de l entreprise. Elle est de plus en plus recherchée, surtout lorsque le contexte économique se durcit. Le présent guide a pour objectif d aider les entreprises à structurer la constitution de leurs alliances ou de leurs groupements. Il propose une démarche opérationnelle quant à la mise en place d alliances commerciales entre PME/PMI nationales. Le contenu de ce guide est le résultat de la compilation d expériences d accompagnement de ce type de projet, de lectures et d échanges avec des confrères eux aussi spécialisés dans ces démarches. Il ne s agit pas de proposer une présentation théorique sur l intérêt et la typologie des alliances, ou de réécrire un ouvrage de stratégie et de marketing. Pour autant, un projet d alliance commerciale met en œuvre les concepts fondamentaux si bien décrits notamment par I. ANSOFF, PORTER, KOTLER, G HAMEL, C.K. PRAHALAD et bien d autres grands auteurs et conseils en stratégie. Certains d entre eux sont donc cités et repris ici. Avant d entrer dans la méthodologie proprement dite, il paraît utile de préciser quelques définitions, à qui ce guide est proposé, et de poser les partis-pris de l auteur, car ils structurent aussi bien la méthodologie que les recommandations formulées. Coécrit par Denis VIOT et Caroline VIOT de GLOBAL VALUE SAS en collaboration avec Bernard FONTANEL et Luc DOR, ce guide méthodologique a été conçu dans le cadre de l action collective «Groupement et mutualisation, ressources de développement de la PME» et édité dans le cadre de l action collective «CASCIOPEE». Ces programmes pilotés par la Chambre de commerce et d industrie de région Nord de France sont soutenus financièrement par l Union européenne, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l emploi et le Conseil régional Nord Pas de Calais dans le cadre de J innove en Nord Pas de Calais. 3

1. OBJET DU GUIDE 3 1. Définitions 6 1.1. Principe et définitions générales 6 1.1. Le cas spécifique de l alliance commerciale 7 1.2. Le cas particulier de la relation fabricant - agent commercial ou fabricant - distributeur 7 2. À qui s adresse ce guide 7 3. Les partis pris de l auteur 10 3.1. L alliance commerciale est l avenir de nombreuses PME/PMI 10 3.2. L alliance commerciale est résolument offensive 12 3.3. Construire une alliance commerciale est un projet 13 4. Mission et objet d une alliance commerciale. 13 4.2. L alliance commerciale, créatrice de valeur. 14 4.3. Une alliance commerciale porte souvent une diversification et toujours le risque associé 14 4.4. Quelques exemples d objets d alliance commerciale 16 2. Phase 1 - Définir le projet d alliance commerciale et les attentes réciproques des parties prenantes 19 Enjeux 19 1. Les partenaires, ressources clés de l alliance commerciale 20 1.1. La relation entre les partenaires : des métiers et des visions qui doivent être claires et complémentaires 20 Recommandations méthodologiques 20 1.2. Le positionnement et les attentes de chaque partenaire vis-à-vis du projet : des éléments dont l alignement est nécessaire 21 Recommandations méthodologiques 22 1.3. De l engagement et de la réversibilité théorique de l alliance 22 2. Synthèse et 4 fiches-outils associées 23 3. Phase 2 - Définir l offre commerciale portée par l alliance et son positionnement marché 28 Enjeux 28 1. Le positionnement de l offre portée par l alliance commerciale 28 1.1. Quel est le Problème auquel apporter une solution? 28 Recommandations méthodologiques 29 1.2. Quel est le cœur de cible visé? 30 Recommandations méthodologiques 30 4

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE 1.3. Quel environnement et quelle vigueur concurrentielle? 31 Recommandations méthodologiques 31 1.4. Quels leviers de différenciation et quels les facteurs clé de succès? 33 Recommandations méthodologiques 34 2. Synthèse et les 5 fiches-outils associées 34 4. Phase 3 - Structurer et déployer l action commerciale 40 Enjeux 49 1. Formaliser les finalités de l action commerciale 41 2. Définir les priorités dans les actions à conduire sur le terrain 41 Recommandations méthodologiques : 42 3. Préparer les argumentaires : les «petits plus» qui font la grande différence 43 Recommandations méthodologiques : 44 4. Formuler les objectifs commerciaux de l alliance 46 Recommandations méthodologiques 46 5. Le déploiement de l action commerciale et le devenir de la relation clients 47 5. Phase 4 - Élaborer le modèle économique de l alliance commerciale 49 Enjeux 49 1. Énoncer les règles de partage des coûts et des marges 50 2. Piloter la gestion du groupement et les charges associées 51 Recommandations méthodologiques 54 3. Passer du compte de résultat prévisionnel au plan de financement 55 6. Phase 5 Acter un dispositif de gouvernance et de pilotage de l alliance commerciale 57 Enjeux 57 1. Piloter le groupement par des indicateurs de performance globale 57 Recommandations méthodologiques 59 2. La gouvernance active et évolutive de l alliance 61 Recommandations méthodologiques 62 5

1. Définitions 1.1. Principe et définitions générales De nombreux auteurs ont décrit, analysé et conceptualisé les différentes alliances entre entreprises, en les classant selon différentes typologies : tactiques ou stratégiques, défensives ou offensives 1 Dans la littérature existante, désormais bien fournie sur le sujet des alliances, on peut lire notamment : «L alliance ou la coopération met en jeu des acteurs qui restent IN- DÉPENDANTS, mais qui combinent leur expertise et des ressources pour délivrer une proposition de valeur commune sur le marché». «lorsque deux entités ou plus décident de travailler de concert, sur un PRO- JET COMMUN, sans fondamentalement altérer leur identité, à moins qu elles le décident». De manière concrète, une alliance implique non seulement de partager des points de vue et des positions communes (analyse, vision, valeurs, finalité, confiance) mais aussi leurs conséquences (gains, risques, identité et pouvoirs). Sa dynamique est donc sous-tendue par un double principe : «Mutualisation des décisions, association dans l action» Proposition de définitions 2 Stratégie d alliance : Conduite conjointe d un projet de développement (partage des objectifs, des décisions, des moyens, des risques et des résultats) par deux entreprises ou plus. Fondée sur l engagement et la coopération de tous les partenaires, l alliance respecte l indépendance juridique de chacun. Chaque alliance se définit par un objet, son projet, et par une forme, sa gouvernance, c est-à-dire son organisation, notamment juridique, et son mode de fonctionnement. Groupement : Ensemble d entreprises engagées dans une stratégie d alliance. L évolution culturelle majeure pour chaque partenaire de l alliance est de passer de l indépendance à l inter-dépendance. 1 - Lire à ce sujet les différents ouvrages publiés par Anys BOUAYAD 2 - p. 6 : GROUPEMENTS ENTRE PME PMI, septembre 2009, guide réalisé par Data Master Michel BERTHE- LIER - pour le compte de la DRIRE Franche-Comté, guide téléchargeable sur le site ftp://ftp.rdt-auvergne.org/ Guidenews19.pdf 6

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE Une alliance ne se construit et se développe que dans le cadre d une volonté, une envie et une conviction toute aussi forte de la part de chacun des membres - partenaires. Il n est pas d alliance sans engagement. 1.1. Le cas spécifique de l alliance commerciale Une alliance peut porter sur toutes les composantes d une entreprise (conception, R&D, fabrication, services supports, etc ) dans la mesure où elle permet de briguer des ambitions et des objectifs que chacun, isolément, ne peut prétendre atteindre. L alliance commerciale, quant à elle, consiste à travailler en commun sur la structuration d une offre pertinente (à partir des ressources apportées par les membres qui pourront être complétées ensuite) et d en assurer la promotion et la commercialisation sur un marché, un territoire, un «terrain de jeu», préalablement identifiés. 1.2. Le cas particulier de la relation fabricant - agent commercial ou fabricant - distributeur Ce type de relation, très classique et gérée par un contrat commercial, ne fait pas à proprement parler l objet de ce guide dans la mesure où il ne s agit pas dans ce cas de la «structuration et commercialisation d une offre pertinente à partir des ressources apportées par les membres» comme indiqué précédemment. Pour autant, la relation entre les partenaires et une co-entreprise porteuse de l alliance commerciale pourra être gérée selon ces principes. 2. À qui s adresse ce guide Ce guide méthodologique est une proposition de démarche, à l usage de dirigeants de PME/PMI qui souhaitent structurer et déployer un projet opérationnel d alliance commerciale. Au moins 2 dirigeants «propriétaires 3» de PME/PMI qui ont envie de «réaliser quelque chose ensemble» Ce guide s adresse à des dirigeants qui sont acteurs directs, fortement et personnellement impliqués dans l initiation, la construction et le déploiement du projet 4. 3 - Ou à minima «actionnaire de référence» ou majoritaire. 4 - Une alliance commerciale déployée par des salariés cadres au sein d une grande entreprise ou de la filiale d un groupe n est pas gérée et pilotée de la même manière : les territoires, le poids relatif du projet par rapport à la globalité de l entreprise, les arbitrages de projets et d allocation de ressources, les niveaux des prises de décisions sont différents. 7

Le projet étudié représente souvent une voie de développement - diversification très importante voire cruciale pour le devenir de l entreprise de chaque partenaire. Une véritable alliance commerciale touche directement tout ou partie du fonds de commerce (cf. phase 4 du déroulé méthodologique) et de la relation clients de chaque membre, ce qui n est pas neutre. Ce guide est donc écrit pour des dirigeants et pour ceux qui les accompagnent dans cette démarche. Les dirigeants sont déjà au moins deux à avoir convenu qu il y «a quelque chose à faire ensemble». Ont déjà été esquissés une idée, une intention de structurer «quelque chose», un projet, pour conquérir de nouveaux marchés. Ce guide n est donc pas structuré pour un dirigeant qui serait en réflexion isolée en amont sur la stratégie de sa propre PME/PMI et qui serait seul à envisager une alliance. mais pas trop nombreux non plus attention à «l auberge espagnole»! Mettre en place et conduire une alliance commerciale demande un relationnel très étroit entre les partenaires. Les projets qui réunissent plus de 4-5 partenaires sont plus délicats à conduire, avec le risque de faire naître des comportements de «consommateurs» de certains partenaires, en retrait par rapport à d autres, en posture de suiveur, voire d observateur. Pour se prémunir du syndrome de «l auberge espagnole», il sera recommandé de cadrer très tôt les attentes, apports et motivations de chacun. qui s engagent Il n y a pas d alliance réussie sans engagement de chaque partenaire. Il y aura des divergences à gérer, des ajustements à réaliser pendant la vie de l alliance. L engagement du dirigeant et de ses équipes permettra au partenaire de décider et mettre en œuvre les changements souhaitables au sein de sa propre structure ; ceci afin de maintenir une cohérence entre les orientations prises par le groupement d une part, la stratégie et l organisation de chaque entreprise partie prenante d autre part. des PME/PMI françaises Ce guide ne traite délibérément que des alliances commerciales entre partenaires de même nationalité. Mettre en place une alliance commerciale internationale requiert en effet des prédispositions interculturelles et des ressources supplémentaires (notamment en temps et en flexibilité) qu il ne faut pas sous-estimer 5. 5 - Cf.expérience de l auteur en RPC 8

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE dont les caractéristiques sont suffisamment proches Une alliance entre entreprises fortes et fragiles fonctionne très rarement (J Bleeke & D. Ernst 1991), ne serait-ce que parce que les compétences nécessaires à la croissance ne sont pas suffisamment présentes. L observation montre que des écarts trop importants de taille, de modèle économique, d ambition, de valeurs et de stratégie sont des facteurs d échec dans la mise en place d une alliance commerciale. pour construire une alliance commerciale assez durable dans le temps L horizon temporel de chaque partenaire est également une donnée cruciale, il peut parfois être fortement contraint par des déterminants externes au projet d alliance proprement dit. Par exemple : Une PMI familiale indépendante s interroge sur la pertinence d un projet (d alliance) collaboratif pourtant bien avancé sur les aspects opérationnels. Elle doit reconsidérer ses choix parce que l un des partenaires du groupement potentiel est quatre fois plus gros que lui, mais surtout parce que la majorité de son capital est détenue par des fonds d investissement qui vont très certainement «sortir» dans les 3 années à venir. De nombreuses formes «ponctuelles» d alliances commerciales existent par ailleurs. La constitution d un GME (Groupement Momentané d Entreprises) permet à plusieurs entreprises de s allier et faire masse pour répondre à un marché public ou un appel d offres international qui exige une taille minimale. Ce type d alliance «de circonstance» ne sera pas traité dans ce guide, car il est au contraire centré sur la mise en place d une offre et d une action commerciale plus consistantes. 9

3. Les partis pris de l auteur 3.1. L alliance commerciale est l avenir de nombreuses PME/PMI L environnement économique des PME-PMI est en profond bouleversement et impose un ajustement des méthodes. La crise financière, économique, sociale et politique dans laquelle nous sommes entrés depuis 2007 ne fait qu accélérer ce qui était déjà bien engagé : désindustrialisation, déséquilibres majeurs dans la relation donneurs d ordre PME sous-traitantes, pénurie de certaines compétences, mutations non anticipées, ajustements des coûts du travail, etc. Ces crises mettent en cause très violemment les «équilibres» et les historiques, et doivent stimuler la recherche de solutions pour faire mieux, pour faire autrement 6. La conséquence opérationnelle immédiate est que toute PME/PMI est - encore plus qu avant - face à un besoin impérieux de pérenniser son existence autour de trois priorités : trouver du business, piloter ses ressources financières et capitaliser ses compétences. Une enquête récente 7 montre que 85 % des PME ont pour priorité N 1 le développement de leur chiffre d affaires, mais que 87 % d entre elles ont des difficultés à atteindre cet objectif. Le déficit en actions commerciales des PME/PMI est très fréquent : beaucoup d entre elles ont un déficit avéré en méthodes et moyens marketing et commerciaux, et ce, principalement pour deux raisons : Une PME est toujours en ressources contraintes : sa taille et ses équilibres économiques ne permettent pas toujours au dirigeant d avoir les moyens de s entourer des compétences souhaitées, La réelle compétence commerciale de terrain est en train de devenir une denrée rare. 6 - Recommandations issues des états généraux de l industrie 7 - Enquête téléchargeable : http://portail-des-pme.fr/enquetes-etudes/88-enquete-sur-le-developpement-commercial-des-pme 10

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE L alliance commerciale est une voie d avenir qui mérite d être empruntée, même si ce n est ni naturel ni simple C est dans ce contexte que se positionnent les alliances en général et l alliance commerciale en particulier : se grouper pour développer le chiffre d affaires, pour mutualiser des ressources et des compétences, pour atteindre des tailles critiques, développer une autre chaîne de valeur plus efficiente Le principe clé dans tous les cas d alliance, est que l on peut maîtriser sans posséder. pour éviter la «panacée» des tailles critiques standardisées et modélisées À ceux qui prônent que la seule solution est la «fabrication» d ETI : Selon le baromètre La Tribune-LCL réalisé par Ipsos en mars 2011, les perspectives de développement des PME sont très faibles : seules 7 % des entrepreneurs estiment que leur PME deviendra un jour une entreprise de taille intermédiaire (ETI) de plus de 250 salariés. Ils sont 92 % à exclure cette possibilité. Selon la Banque de France, le nombre d ETI serait passé de 4 507 à 4 195 entre 2008 et fin 2009. Une quarantaine d entre elles auraient disparu en 2010, selon le Cabinet ALTARES mais éviter la «mode» des alliances à tout va Notons un paradoxe remarquable : des études 8 montrent que le nombre d alliances augmente de quelque 25 % par an, et que ces alliances représentent près d un tiers des profits et de la création de valeur de nombreuses entreprises au niveau mondial. Le taux d échec des alliances oscille entre 60 % et 70 %! Et malgré une abondance de recommandations sur comment faire fonctionner les alliances, ce triste record ne s est pas amélioré dans la dernière décennie! Nous sommes toutefois convaincus que le taux de succès de ces alliances peut être sensiblement amélioré pour les PME/PMI, car, certes, elles ont assurément moins de ressources, mais elles présentent généralement plus d agilité et de capacité de décisions en prise directe pour un tel projet. 8 - Harvard Business Review 11

3.2. L alliance commerciale est résolument offensive La dynamique d une l alliance commerciale est de facto offensive car elle est assise sur une volonté de conquête (part de marché, territoire, références ), de développement, de croissance (chiffre d affaires, marge), d amélioration de performances (création de valeur(s)). L approche inhérente à ce type d alliance est résolument tournée vers un marché qui paraît attractif, sur lequel l intention des partenaires est de générer de la croissance selon des critères de performance globale sur lesquels ils se seront accordés au préalable. Il est indéniable que la plupart des PME/PMI se doivent de renforcer la qualité de leur action commerciale et leur relation clients : il s agit là actuellement du levier majeur de performance globale et de productivité de toute entreprise. Actuellement, 70 % 9 des facteurs d une baisse structurelle de chiffre d affaires des PME/PMI sont d origine commerciale, les principaux étant : Le manque de références client, L inexistence d une image de marque, La carence d actions de prospection ciblée, Les argumentations inadaptées dans l approche des clients, L insuffisance de flux d affaires récurrents, alors qu ils sont indispensables pour la croissance à moyen terme, L insuffisance de présence sur le terrain, La remontée inexistante d informations vitales pour le marketing, Le défaut de relation client, L insuffisance de motivation commerciale. 9 - APCE 12

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE 3.3. Construire une alliance commerciale est un projet La constitution d une alliance commerciale doit être envisagée par chaque membre partenaire comme un projet, soit une démarche : Structurante, Extraordinaire, dans le sens où elle s ajoute au quotidien de chacun, Qui est circonscrite (périmètre, contours, activités, ressources, objectifs, facteurs clé de succès), Qui s inscrit dans une certaine durée et mobilise des ressources et du temps. Elle doit par conséquent être pilotée avec une méthode structurée. Le constat est qu une alliance demande dans la pratique davantage de temps et d énergie qu une classique fusion-acquisition. 4. Mission et objet d une alliance commerciale. «Celui qui a un pourquoi qui lui tient lieu de but, de finalité, peut affronter tous les comment» - Friedrich Nietzsche 4.1. L alliance commerciale, un vecteur de croissance La raison d être d une alliance commerciale est de faire connaître, de commercialiser une offre pertinente de produits et/ou de services sur un marché donné et caractérisé en termes de cible(s), de territoire géographique et d environnement (concurrence, règles, usages ). Cette alliance doit donc constituer un véhicule de croissance et générer un profit durable qui lui permet non seulement de s autosuffire mais de générer un bénéfice pour elle-même et pour (tous) les partenaires. Ce profit récompense l espoir et les attentes de ceux qui ont fait l effort de construire et de faire vivre leur alliance. Se préparer pour une alliance commerciale, c est donc prendre conscience de ce que l on est face à une idée, un projet d une certaine envergure voire d une envergure certaine qui va permettre certes de partager des risques et des coûts mais qui autorise à viser des gains substantiels. 13

4.2. L alliance commerciale, créatrice de valeur. L alliance commerciale doit permettre d atteindre des objectifs pour lesquels tous les partenaires s accordent à dire qu ils seraient raisonnablement non-atteignables si chacun les visait seul (ressources individuelles insuffisantes, coût d accès trop lourd ou projet d envergure trop importante pour chaque membre seul). Elle va en ce sens permettre d accélérer l accès à des buts tels qu une meilleure visibilité, une plus grande crédibilité, voire une plus forte légitimité, et de créer de la valeur par le développement plus que par la réduction des coûts. Une alliance commerciale pourrait être structurée dans le but de réduire des coûts par mutualisation des moyens ou partage des tickets d entrée sur un marché donné. Mais cette approche par les coûts n est pas l essence même d un développement commercial en tant que tel, qui, lui, repose davantage sur une logique d accroissement des gains. C est dans cet objectif de croissance offensive que réside la réelle création de valeur par l alliance commerciale. La valeur créée sera le résultat de verbes d action tels que améliorer la performance globale, viser une croissance, gagner des parts de marché, élargir le territoire, réaliser de la marge (en volume, en valeur) Créer de la valeur pour les partenaires est une chose, mais cette création de valeur, pour être durable, ne peut être nourrie que par la valeur de l offre perçue par les clients eux-mêmes (phase 2 du déroulé méthodologique). 4.3. Une alliance commerciale porte souvent une diversification et toujours le risque associé La diversification ne se limite pas à la seule diversification produit, elle peut aussi concerner les marchés. Plusieurs axes peuvent être identifiés : Diversification Produits/services Diversification marché --Nouveaux types de clients, --Nouveaux modes commercialisation --Nouveaux territoires géographiques Une alliance commerciale est donc par essence un projet de diversification 14

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE pour chacun des membres, cette diversification étant engagée via un groupement, parce que chaque partenaire individuel n est pas en capacité de la porter seul. La matrice d Ansoff appliquée au cas des alliances Segments de marchés actuels Segments de marché nouveaux Produits/ Services actuels Spécialisation Diversification marché Produits/ Services nouveaux Diversification produit Diversification totale Il existe bien des alliances pour gérer la situation de «spécialisation» telle que mentionnée dans la matrice ci-dessus. Par exemple, il peut s agir d une mutualisation de moyens commerciaux dans un souci de réduction de frais commerciaux ou de l addition pure et simple des offres existantes des partenaires pour franchir des barrières de taille (cf. exemples ci-après). Dans tous les cas, tout comme une diversification, la mise en place d une alliance commerciale doit être motivée par des raisons précises parmi lesquelles une opportunité de croissance, de profit et d accessibilité. La décision de faire est en effet marquée par la prise de risques multiples et souvent par des déficits d exploitation initiaux. Il ne suffit pas de lancer sur le marché une offre de qualité sur un marché nouveau. Il faudra aussi construire une marque, un label, un positionnement et d autres signes distinctifs. 15

Acquérir des compétences complémentaires génère des «coûts d accession au marché» dont il ne faut pas négliger l importance. Une alliance commerciale doit faire l objet d une évaluation coûts-avantages au regard des risques qu elle implique. Les bénéfices effectifs de l alliance commerciale sont à évaluer au regard de trois facteurs : Risques dans l évaluation des résultats, à court et moyen termes, Risques dans les prévisions générales sur l évolution du marché, Risques dans l appréciation des réactions des concurrents. Considérant qu une expansion/diversification est à la fois coûteuse et risquée 10, il est primordial de déterminer si elle est absolument nécessaire à l atteinte des objectifs de performance que s est fixés chaque entreprise. Si elle peut s en passer, il est sage d écarter l option de l alliance. Cette approche résolument sélective est un gage de succès, d implication et de pérennité pour le partenariat à construire. L offre de l alliance commerciale doit en conséquence être rapidement précisée quant à son périmètre en termes de couple(s) produits - services/marchés pour qu elle soit intégrée par rapport à l existant de chaque partenaire. Toutes les possibilités offertes par l alliance doivent être étudiées en amont. Les champs de diversification qui répondent aux critères suivants doivent être identifiés : Ils sont mieux adaptés financièrement aux objectifs du partenaire qu un investissement supplémentaire dans son portefeuille d activités existantes, La part individuelle d investissement requis est minime et entre dans les limites des ressources qu il peut mobiliser pour une diversification, Le coût d accès est raisonnable eu égard aux bénéfices que chacun et le groupement peuvent attendre, Ils offrent des synergies réelles et intéressantes pour plusieurs partenaires - idéalement tous -, tant au niveau de la gestion que du fonctionnement. 4.4. Quelques exemples d objets d alliance commerciale Une alliance commerciale va induire des évolutions par rapport à ce qui existe et permettre d exprimer des synergies. Les exemples, non exhaustifs, de finalités d une alliance commerciale telle que décrite ici, peuvent être regroupés selon deux axes : 10 - Il y a toujours un risque même si on croit le minimiser en se fédérant à plusieurs 16

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE La diversification marché (accéder à de nouveaux segments de marché, à de nouveaux territoires, s ouvrir à l international) Ouvrir de nouvelles opportunités de marché pour les produits ou savoir-faire existants des partenaires (ex: créer une co-entreprise de commercialisation à l étranger ou, autre modalité, mettre en place un «consortium d exportation). Par exemple : Les consortiums d exportation multisectoriels des micro-entreprises en Italie 11. Contourner les barrières à l entrée (comme l effet taille) pour un accès plus rapide à de nouvelles opportunités (comme accéder au référencement pour entrer dans le panel de grands donneurs d ordre qui, de leur côté, souhaitent concentrer leur effectif de fournisseurs ). Par exemple : Consortiums pour répondre à un appel d offres dans le nucléaire, dans le bâtiment ou l alliance entre la Brasserie Duyck et les Eaux de Saint-Amand qui ont regroupé leurs forces de vente pour mieux traiter avec les centrales d achat de la GMS. La diversification produit ou d offre (promotion d une offre purement nouvelle, d une offre plus globale ou plus intégrée pour réduire les coûts ou les délais, mieux «packagée») Développer des synergies commerciales avec des offres étendues (horizontales ou verticales) pour démarrer une politique de diversification produits, Par exemple : Ambiose SAS propose la fourniture et la pose de rideaux et stores en tissus imprimés et façonnés sur mesure par combinaison du savoir-faire : 1) d impression numérique sur tissus, avec le savoir-faire; 2) de façonnage, le savoir-faire; 3) de fourniture/négoce d accessoires et le savoir-faire; 4) de commercialisation sur le marché. 11 - «( ) Un consortium d exportation est l alliance volontaire d entreprises dont l objectif est de faciliter l accès aux marchés étrangers. Les entreprises gardent non seulement leur indépendance financière, légale et leur autonomie de gestion, mais également leur indépendance dans la commercialisation de leurs produits. En mettant en commun leurs connaissances, leurs ressources financières et leurs réseaux de contact, les PME peuvent améliorer de façon significative leurs potentiels à l export. En Italie, 95 % des entreprises sont des micro-entreprises avec moins de 9 employés, ce qui n empêche pas le pays d avoir davantage d entreprises exportatrices qu en France (189 000 en Italie contre 90 585 en France). Le pays compte aujourd hui 500 consortiums d exportation multisectoriels contribuant à hauteur de 10 % à l export italien. Ces consortiums comprennent au total 12 500 entreprises et plus de la moitié d entre elles n emploient qu entre 10 et 49 personnes» source : Institut Montaigne rapport juin 2011 : «De la naissance à la croissance : comment développer nos PME», Lire aussi : Federexport, «L expérience italienne de Federexport», mai 2010 17

Développer des combinaisons de savoir-faire (complémentarité technique) pour mettre en place une relation client étroite et renforcée Par exemple : Combinaison du savoir-faire 1 d ingénierie bureau d études pour les travaux neufs avec le savoir-faire 2 de maintenance réparation pour l entretien du parc existant de machines robotisées de montage. 5. Déroulé méthodologique La démarche proposée ci-après constitue un appui à la structuration d une alliance commerciale, soit une offre pertinente, sa promotion et sa commercialisation selon une stratégie co-construite et une gouvernance coréalisée par plusieurs partenaires qui ont décidé de fonctionner ensemble sur un périmètre identifié. Elle est découpée en cinq phases opérationnelles clés, qui constituent autant de pré-requis pour maximiser les chances de succès durable de l alliance commerciale envisagée. Chaque phase est articulée autour : d une présentation de ses enjeux et de son déroulement, de fiches-outil permettant de structurer et de formaliser la réflexion, de recommandations pratiques. Il est recommandé de procéder systématiquement de la façon suivante : une réflexion préalable individuelle de chaque dirigeant, appuyé le cas échéant par son équipe rapprochée ; des réunions entre dirigeants de chaque partie prenante du groupement, pour confronter le résultat de cette réflexion individuelle aux autres perceptions existantes. Ces deux temps permettront une meilleure identification des convergences et divergences, et faciliteront de ce fait l alignement indispensable des points de vue sur les éléments structurants du projet d alliance et de sa mise en œuvre. Cet exercice de distanciation et de rapprochement des différents points de vue n étant ni simple, ni naturel, il est généralement conseillé de s appuyer sur les compétences d un conseil extérieur, spécialisé en stratégie commerciale auprès de PME/PMI, pour assurer son orchestration. «le temps de la réflexion est une économie de temps» 18

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE 2. Phase 1 - Définir le projet d alliance commerciale et les attentes réciproques des parties prenantes Enjeux Mettre en place une alliance est avant tout une aventure humaine. Ce guide s adresse à des dirigeants de PME/PMI qui ont leurs egos, leur indépendance, leurs ressentis, leurs intuitions et leurs schémas propres de décision. La construction d une alliance spécifiquement commerciale est par ailleurs encore plus sensible dans la mesure où elle concerne la relation clients et donc le devenir des entreprises partenaires. L interdépendance et les contributions importantes de la part de tous les partenaires pour assurer la réussite exigent un niveau de transparence et de franchise assez fort. Elle nécessite également un état d esprit fondamentalement différent du être seul maître chez soi : Être humble, à l écoute de l autre, accepter les idées des partenaires, développer un sens de la réciprocité et du bénéfice pour toutes les parties prenantes. Aussi, nous incitons chacun, dès le départ, à exprimer ses perceptions, ses ressentis sur l autre, dans le but de stimuler les échanges, les explications complémentaires, et l effet miroir. Faire cet exercice, certes non naturel, entre pairs et dans le respect mutuel, apprend chacun à formuler ses incompréhensions et à relever ce qu il voit utile chez l autre pour le projet, tel qu il l imagine à ce stade. 19

1. Les partenaires, ressources clés de l alliance commerciale 1.1. La relation entre les partenaires : des métiers et des visions qui doivent être claires et complémentaires Dans la méthodologie proposée, l alliance commerciale est le cœur du sujet, les partenaires sont des vecteurs «ressources». Ils apportent eux-mêmes ou via leurs propres relations, ce qui est utile au projet d alliance en termes de ressources, en échange de quoi ils bénéficient de flux d affaires et de gains multiples et notamment financiers (marge, économies indirectes via synergies, dividendes, ). Principe clé : Les partenaires sont des ressources RESSOURCES GROUPEMENT ALLIANCE COMMERCIALE = PROJET COLLABORATIF Ressources moyens, compétences... Bénéfices flux, marge, revenus... Partenaire 1 Partenaire 2 Partenaire n Il est donc indispensable que chaque stratégie individuelle soit claire, communiquée et que la «vision croisée» qu en a chacun des autres partenaires soit partagée. Recommandations méthodologiques «tout ce qui se conçoit bien s énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément». Il est recommandé dans un premier temps, à chaque dirigeant partie prenante du projet d alliance, de mener une réflexion personnelle, le cas échéant appuyé de son équipe rapprochée, sur les caractéristiques de son entreprise ainsi que sur sa perception de ses partenaires potentiels. Ce préalable est très important, dans la mesure où il s agit là d un facteur clé de succès et de pérennité de l alliance entre entreprises indépendantes. Bien entendu, le dirigeant présentera son entreprise à ses partenaires avec ses supports habituels : plaquette, diaporama 20

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE Toutefois, avant cette séance, nous recommandons à chacun de dépasser ce niveau «standard» et de faire l effort de renseigner la fiche outil n 1 pour aussi la présenter aux autres. Il apparaît en effet essentiel d être en capacité de résumer en quelques phrases et avec quelques mots clés son métier 12, les événements qui façonnent la culture et la manière de faire de son entreprise. Il y a lieu aussi de bien exposer le point de vue de chaque partenaire en particulier sur le «faire avec d autres», ses expériences passées dans le domaine (ses réussites ou échecs et déception) qui guideront ses réactions et ses approches pour le projet. Dès ce stade préliminaire, chaque partenaire se devra d exprimer clairement et sincèrement ses valeurs et ses objectifs 13. La clarté et la fluidité dans la présentation de cette fiche fournissent un premier indicateur sur les volontés, les ambitions et les fondamentaux de chaque dirigeant-partenaire qui se lance dans l aventure. Il est conseillé, dans un deuxième temps et au cours d une session de travail associant tous les partenaires potentiels, de confronter ces travaux individuels au «jeu des perceptions croisées», afin que et aussi dans son propre intérêt chaque partenaire questionne largement sur la stratégie des autres. La fiche outil n 2 permettra de documenter cet «effet miroir» et doit tendre à dissiper toute interrogation quant aux caractéristiques de chacune des entreprises pressenties pour être partenaire de l alliance commerciale. Lors de cette phase de présentation des activités et d identification des ressources de chacun des partenaires qui disaient se connaître, des réflexions sont régulièrement entendues telles que «ah, c est intéressant, je ne savais pas que vous faisiez ceci, que vous aviez une telle expérience dans cela». Comme dans toute relation, il y a lieu de faire connaissance et les différences feront la complémentarité et la richesse. Caractériser ce qui existe a davantage pour but de renforcer la connaissance mutuelle des partenaires réunis. Attention toutefois, il ne s agit pas de limiter le «champ des possibles» de l alliance commerciale aux seules ressources préexistantes apportées par les partenaires comme exposé par la suite. Tous ces points essentiels forgeront la connaissance et la confiance mutuelles, qui guideront les réactions lorsqu il y aura lieu de trouver des compromis face aux difficultés inhérentes à la vie de l alliance. 12 - Un métier peut se définir comme l ensemble cohérent des activités actuelles et à venir, dans lesquelles une entreprise alloue prioritairement ses ressources technologiques, humaines et financières. Il est la matérialisation d une vision commune et partagée, d une mission, d une vocation, d un positionnement, d une raison d être de l entité, d une finalité. 13 - L importance majeure du management par objectif pour piloter l alliance commerciale sera détaillée par la suite. Dans un souci de cohérence, il est donc nécessaire que ces objectifs soient intégrés dans un contexte identique au sein de chaque structure partenaire 21

1.2. Le positionnement et les attentes de chaque partenaire vis-àvis du projet : des éléments dont l alignement est nécessaire L apport de chacun dans l alliance commerciale doit être exprimé dès le départ et en cohérence avec sa propre stratégie. Chacun doit apporter ce qu il a de mieux (les autres ne règlent pas ses problèmes) et pour autant il ne doit pas se «démunir». Chaque partenaire doit apporter une contribution spécifique, le but étant de mettre en commun suffisamment de points forts pour créer un avantage concurrentiel sur les sociétés qui ne sont pas partenaires. Bien entendu, l alliance ne doit pas nuire aux intérêts individuels de chaque membre. Ce point sera repris notamment dans la partie traitant de la notion de fonds de commerce et de l évolution - voire externalisation - de la relation clients. Au-delà de l apport, qui ne manquera pas d évoluer au fur et à mesure de l avancement des échanges, chacun devra exprimer ses attentes et inquiétudes sur le projet collaboratif. À ce stade, puis ultérieurement, chacun se posera la question : quelle «part du gâteau» espère-t-on obtenir de l alliance? (quel gâteau, quelle taille, une nouvelle opportunité de marché, ou des améliorations qui se traduisent par une meilleure compétitivité / performance)? Recommandations méthodologiques Les fiches outil N 3 et 4 permettent de structurer et de synthétiser le travail de réflexion sur l apport et les perceptions initiales de chacun des partenaires. Comme pour les deux premières fiches-outil, il est recommandé aux dirigeants de renseigner ces documents individuellement, puis d en présenter les principaux éléments à ses partenaires au cours d une séance plénière dédiée. Dans la mesure où la cohérence entre objectifs et moyens sera travaillée ultérieurement, ces éléments constituent autant de points de départ pour provoquer les échanges qui permettront au fur et à mesure de converger vers un triptyque objectifs moyens performance que tout le monde puisse s approprier. Un surprenant et important écart de vision sur la taille et l ambition du projet (parfois de 1 à 10!) peut apparaître lorsque les dirigeants sont réunis. Une attente est par ailleurs à bannir : croire que les autres vont régler ses erreurs, ses dysfonctionnements, ou l incohérence de son modèle économique! 1.3. De l engagement et de la réversibilité théorique de l alliance Chaque partenaire étant essentiel dans la réussite opérationnelle de l alliance commerciale, devra s engager à ne pas mettre les autres en danger. Il est ainsi, et plus généralement, très important que chaque partenaire réponde sérieusement 22

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE et sincèrement à la question : «que signifie pour moi le mot coopérer?», dans le cadre particulier de cette alliance commerciale qu il va construire avec les autres. 60% des collaborations / alliances stratégiques n aboutissent pas aux résultats attendus à cause d une mauvaise structuration de la relation et non de ses aspects «techniques» 14. Compte tenu du principe même de réversibilité de l alliance, chaque partenaire a le droit de conclure d autres alliances avec d autres et de se retirer de l alliance lorsque celle-ci n a plus d utilité. Mais dans certains cas d alliance commerciale, l engagement peut aller jusqu à externaliser l action commerciale. Le groupement n est alors plus une force de vente supplétive mais devient la force de vente du partenaire. Il s agit dans ce cas d un engagement lourd difficilement réversible, qui modifie l organisation, le management de la relation client, la structure des coûts et des marges L une des réponses à ce cas de figure peut consister en une promesse d exclusivité. Comme pour les clauses de confidentialité, ces clauses doivent engager les membres de l alliance 15. Elles ne sont pas à rédiger à ce stade, mais ce sujet doit être signalé dès maintenant comme un point à traiter. Il faut être vigilant sur ce risque d un engagement «superficiel» pour soi-même et pour les autres. 2. Synthèse et 4 fiches-outils associées Il est essentiel de prendre le temps d écouter, d échanger, de confronter des appréciations et des attentes. C est la meilleure manière pour se connaître, se découvrir. Mettre en place et faire vivre une alliance commerciale est une aventure humaine, dans laquelle les dirigeants ici réunis seront largement sollicités pour échanger, confronter, décider voire trancher ensemble. Il est courant de constater lors d accompagnements que les dirigeants réunis en première plénière peut-être aussi par pudeur ont des difficultés à s inscrire dans cette étape, pensant que le périmètre technique de l offre (voire même dans certains cas la structure juridique de l alliance!) est le sujet à traiter tout de suite. Comme montré précédemment, ce raccourci est risqué. Le jeu de l oie en est une parfaite illustration, où souvent avancer trop vite fait reculer de plus de cases que celles franchies 14 - Source : PAD Book de Partners & Alliances Development 15 - Lire le guide pratique sur les aspects juridiques d une alliance de T. Du Manoir et J.G. Blondel de la même édition. 23

Fiche outil n 1 PRÉSENtAtION DE L ENtREPRISE-PARtENAIRE, par son DIRIGEANt OBJECtIF : Être en capacité de replacer le projet d alliance dans la cohérence de la trajectoire de l entreprise Nom : Date : Notre métier (une phrase) : Nos domaines d activités : Points clé de l histoire de notre entreprise qui ont impacté les orientations Événements voulus Événements subis (origine externe) Événements positifs Événements Négatifs Quels points de rupture pourraient apparaître à terme pour notre entreprise? Nos réels points d appui (forces) : Nos points faibles (qui nous limitent) : Les valeurs clé développées et portées par notre entreprise en 3 mots : 1 : 2 : 3 : Les objectifs que notre entreprise s est préparée à atteindre d ici 2 ans : 1. - 2. - 3. -

Fiche outil n 2 MA PERCEPtION DU PARtENAIRE & INtÉRÊt CROISÉ OBJECtIF : Être en capacité d exprimer sa perception de la complémentarité de chaque partenaire Nom : Date : Entreprise-partenaire : Ce que je connais des activités de ce partenaire, et mon appréciation (forces - faiblesses) La culture de cette entreprise-partenaire, les valeurs que je perçois et mon appréciation. Le dirigeant de cette entreprise : comment je le perçois, ce que j apprécie chez lui : Le positionnement que je perçois, la stratégie de marché, ce que je trouve positif : Leurs «points forts» : ce qui «m intéresse» chez eux pour nourrir notre projet : Ce que je trouve plutôt limitant chez eux pour notre projet commun et pour lequel je souhaite un éclaircissement :

Fiche outil n 3 POSITIONNEMENT INDIvIDUEL SUR LE PARTENARIAT ENvISAGE OBJECtIF : Être en capacité d exprimer sa vision et ses attentes quant au fonctionnement de l alliance Nom : Date : Ce que mon entreprise envisage apporter dans le projet : Mes lacunes/manques que le partenariat devra combler pour le projet envisagé : Ce que j attends d un partenaire Ce que je n attends pas d un partenaire Ce que j accepte d un partenaire Ce que je n accepte pas d un partenaire Mes zones de flou, d inconfort, d incompréhension à ce jour - sur le projet : Mes zones de flou, d inconfort, d incompréhension à ce jour - sur les partenaires :

Fiche outil n 4 MA vision DU PROJET D ALLIANCE COMMERCIALE OBJECtIF : Être en capacité de formaliser des éléments prospectifs quant aux contours et aux bénéfices escomptés de l alliance. Nom : Date : Le(s) métier(s) et les domaines d activités de la future alliance : Les segments de marché et types de clients visés par l alliance : Zones géographiques : Les produits/prestations avec lesquels l alliance va se développer : Ma vision chiffrée du projet (à ce jour) : An+1 An+2 An+3 An+4 CA (fourchette) - - - - Nombre de clients actifs. RCAI (%) Effectif commercial (ETP) Les synergies (et inversement les zones de recoupement ou d arbitrage nécessaires) que je pressens entre mon entreprise et le groupement :

3. Phase 2 - Définir l offre commerciale portée par l alliance et son positionnement marché Enjeux Pour que le groupement porteur de l alliance commerciale existe durablement, il doit porter une offre pertinente, utile, nécessaire et reconnue en tant que solution adaptée pour résoudre un problème clients dans la durée, cette offre étant relativement plus attractive que celle des concurrents. Cette étape de la démarche va donc consister à prendre le temps de construire collégialement le contenu et le positionnement de l offre de l alliance, face à une vision partagée des besoins et évolutions du marché visé, à court et moyen terme. À ce stade, il est recommandé, peut-être d avoir une vision générale, mais d être surtout centré sur les échéances accessibles, surtout lorsque la connaissance du marché est incomplète. 1. Le positionnement de l offre portée par l alliance commerciale Le «triangle d or» du positionnement Problèmes et attentes du marché visé Atouts de la solution proposée Positionnement relatif des concurrents 28

GUIDE MÉTHODOLOGIQUE / MISE EN PLACE D UNE ALLIANCE COMMERCIALE 1.1. Quel est le Problème auquel apporter une solution? La toute première question à traiter dans un projet d alliance commerciale est : Quel est le problème à résoudre? Le piège à éviter est celui dans lequel tombent beaucoup de créateurs d entreprise : l enthousiasme et les considérations générales qui aveuglent et précipitent au point de ne pas valider suffisamment les intérêts pratiques et opérationnels de la solution telle que perçue par l utilisateur. Mettre en place l offre d une alliance commerciale, c est donc bien sûr mettre en œuvre les bases des techniques de marketing-vente : écouter, comprendre le problème avant de présenter une offre. Le défaut fréquent du vendeur est de ne pas écouter suffisamment. Vendre = comprendre le problème qualifié pour apporter la bonne solution SOLUTION Situation actuelle des clients visés ECART Malaise Situation souhaitée donc connaître l actuel, le désir, l écart et surtout les vraies causes du problème client Recommandations méthodologiques Considérer et comprendre le problème à résoudre avant la solution à y apporter. Il est impératif de prendre le temps nécessaire pour identifier les problèmes et les besoins des clients visés. En séminaires de formation de forces de vente, il est sans cesse répété : «si on ne pose pas la question on n a pas la réponse!» Les problèmes de la cible ne sont jamais suffisamment connus! La fiche outil n 6 est proposée à titre de base de travail individuel. Elle doit être remplie spontanément. Si au contraire elle ne l est pas, ceci montrera que l entreprise est uniquement centrée sur son offre, voire son processus de fabrication. Les conclusions de ce travail devront être confrontées en séance(s) plénière(s) avec l ensemble des partenaires, de manière à ce que tous s approprient les futurs enjeux de l alliance commerciale et de l offre à élaborer. Par ces questionnements, l offre sera construite et ajustée ensemble. Les arguments de vente pour le futur seront d ores et déjà préparés et surtout, la pertinence du projet commun sera validée. 29

L étude de marché sectorielle «macro» - quand elle existe - peut être intéressante, mais rien de mieux que le questionnement terrain direct : Pour le réaliser, il est nécessaire d identifier une dizaine de prospects et donc, de poser la question sur les problèmes (en lien avec le projet) qu ils rencontrent, en quoi en sont-ils vraiment gênés, comment font-ils pour l instant, avec quelle solution actuelle, combien çà leur coûte et alors seulement après, présentez la solution envisagée pour écouter leurs commentaires et suggestions. 1.2. Quel est le cœur de cible visé? Pour un projet d alliance commerciale, l application des principes de la segmentation marketing 16 amène à valider le positionnement de l offre et à identifier précisément le cœur de cible : le type de clients, le fonctionnement de ce(s) segment(s) de marché (les prescripteurs, décideurs, utilisateurs). Le potentiel de succès sera d autant plus élevé que vous connaissez bien le problème qui occupe le client et que votre offre est réellement adaptée (atout majeur) : quels sont les clients les plus concernés? Que le territoire visé comporte déjà des clients actifs (chez les partenaires) ou qu il soit vierge dans le cas du lancement de la nouvelle offre, il y a lieu de recenser : Les utilisateurs des produits ou services ou de ceux de des concurrents directs, ce qui constitue le marché actuel de l alliance. Les utilisateurs de procédés différents remplissant la même fonction. Il s agit du marché potentiel. Par exemple : Pour une entreprise vendant des colles industrielles de marque X, ce seront les entreprises qui assemblent par agrafage, clouage, rivetage, adhésif double face Il existe enfin un «potentiel absolu» de prospects qui n utilisent aucun des procédés ci-dessus, mais à qui un nouveau procédé de collage suggérerait une activité nouvelle, une fabrication nouvelle, pour eux. À ce stade, il convient de renseigner les fiche outil n 6 et n 7 en veillant à utiliser une fiche par segment de marché. Recommandations méthodologiques Cibler fin et élargir/regrouper ensuite, plutôt que l inverse. L intérêt d une segmentation n est plus à démontrer mais une certaine difficulté reste pour identifier les critères de segmentation des marchés. 16 - Définition d un segment de marché : Ensemble homogène de clients par rapport à leurs problèmes à traiter, de leurs attentes (notion de produits et services) et leurs attitudes d achat. 30