Louis Jolin, LL.D Professeur retraité et associé Département d études urbaines et touristiques ESG UQAM Colloque: Le tourisme social est-il récupérable? Bruxelles, le 4 décembre 2015
Ce qu il n est pas -Tourisme des pauvres, tourisme subventionné, tourisme pour bénéficier des droits ou avantages sociaux, déplacements des migrants Ce qu il fut et ce qu il est actuellement Quatre grandes périodes: - Avant la création du BITS - De 1963 à 1985 (Statuts du BITS, Charte de Vienne) - De 1985 à 2006 (Déclaration de Montréal, Addendum d Aubagne) - De 2006 à nos jours (Nouveaux statuts du BITS devenu OITS)
Avant la création du BITS - 1936: Reconnaissance légale des congés payés - Premières offres de vacances aux travailleurs (camping, auberges de jeunesse, tourisme de nature, premiers centres (villages, maisons) de vacances) - Après la guerre, reconstruction des pays et du tissu social - Premiers balbutiements du tourisme social sur le plan des propositions concrètes et du concept (tourisme/vacances des travailleurs)
De 1963 à 1985 Le tourisme social, un concept en évolution Définition internationale du tourisme dans les statuts du BITS, créé en 1963 - «Par tourisme social, le BITS entend l ensemble des rapports et des phénomènes résultant de la participation au tourisme et en particulier de la participation des couches sociales aux revenus modestes. Cette participation est rendue possible, ou facilitée, par des mesures d un caractère social bien défini.
- L apport de la Charte de Vienne (en 1972) * Tourisme: fait social de notre temps, moyen d épanouissement qui doit être accessible à tous * Connotation militante qui ancrait le tourisme social dans le monde du travail * Affirmation du rôle des syndicats et des associations * Importance de l animation et de l éducation populaire * Nécessité d une politique sociale du tourisme - Importance des établissements de tourisme social (offre)
De 1985 à 2006 Le tourisme social, un concept en évolution - Situation de crise des finances publiques, baisse des subventions, néolibéralisme - Nouvelles attentes des «clientèles» plus diversifiées - Prise de consciences dans les organisations de revoir les méthodes de gestion, l offre de services - Préoccupations environnementales - Internationalisation du tourisme (chute du Mur de Berlin, essor des pays en développement ) - Nécessité d adopter au plan international un nouveau texte: La Déclaration de Montréal Pour une vision humaniste et sociale du tourisme
- La Déclaration de Montréal (1996) complétée par l Addendum d Aubagne (2006) * En continuité avec la Charte de Vienne concernant l objectif d accessibilité mais de nouvelles valeurs Exigence de qualité Insistance sur la protection de l environnement et le développement durable Préoccupation des bénéfices sociaux, économiques et culturels pour les populations d accueil
Article 14 de la Déclaration de Montréal «Cette appartenance (au tourisme social) n est effective qu aux conditions vérifiables cidessous : Les activités proposées intègrent des objectifs humanistes, culturels de respect et d épanouissement des personnes. Les publics sont clairement identifiés sans discrimination raciale, culturelle, religieuse, politique, philosophique, sociale Une valeur ajoutée non économique fait partie intégrante du produit proposé. Une volonté d insertion non perturbatrice dans le milieu local est clairement exprimée. Les caractéristiques de l activité et du prix sont clairement identifiés dans des documents contractuels. Les prix sont compatibles avec les objectifs sociaux visés. Les excédents d exercices sont, pour tout ou partie, réinvestis dans l amélioration des prestations offertes au public. La gestion du personnel respecte les lois sociales, est valorisante et intègre une formation continue adaptée.»
Article 4 de l Addendum d Aubagne «les populations d accueil doivent avoir accès à leurs propres ressources touristiques comme aux bénéfices du tourisme et ( ) les visiteurs doivent être accueillis sans discrimination en privilégiant des groupes dont la dimension est adaptée pour éviter les impacts négatifs sur les environnements naturel et culturel.»
De 2006 à nos jours - À la faveur de la réorganisation du BITS, qui devient l OITS, la définition du tourisme social dans les nouveaux statuts de l OITS est enrichie et se lit comme suit: «Par tourisme social, l'o.i.t.s. entend l'ensemble des rapports et des phénomènes concernant la participation, tant au sein des populations des pays visités qu'au sein de celles qui partent en vacances, des couches sociales aux revenus modestes ou présentant certaines caractéristiques pouvant restreindre leur accessibilité au tourisme, aux vacances et à leurs bénéfices. Cette participation est rendue possible ou facilitée par la combinaison de politiques et mesures sociales bien définies, et de l'engagement des acteurs de la société civile. Pour mener son action, l'o.i.t.s. s'appuie sur les principes définis et contenus dans la Déclaration de Montréal adoptée en septembre 1996 et son addendum d'aubagne adoptéenmai2006.»
-Réaffirmation du rôle nécessaire et souhaitable des associations, des coopératives des pouvoirs publics, des collectivités locales et des entreprises privées dans le développement du tourisme social (responsabilité partagée), on lit ce qui suit dans les statuts de l OITS (préambule): «Tout en oeuvrant pour que davantage de pays, de collectivités, d'entreprises publiques, associatives, coopératives ou privées s'engagent en faveur du tourisme social, l'o.i.t.s. tient à réaffirmer combien elle fonde son action en s'inspirant des valeurs et des objectifs de l'économie sociale et solidaire.»
Caractéristiques Tourisme social Économie sociale Statut juridique 2 2,5 Production de biens et services Distribution interdite ou limitée des surplus Finalité sociale (mesures sociales) 3 3 2 3 3 3 Accessibilité 3 1,5 Autonomie gestion Décision démocratique Gestion respectueuse du personnel Épanouissement des personnes de 2 3 2 3 3 3 3 2
Il faut enfin distinguer le tourisme social en économie sociale de l économie sociale en tourisme, même si les deux affirmations se recoupent sur plusieurs points. L économie sociale en tourisme ne vise pas nécessairement un objectif d accessibilité; c est le contraire pour le tourisme social en économie sociale, dont c est l objectif principal Des attraits touristiques (parc thématiques, centre d interprétation, musées, théâtres d été ) peuvent relever de l économie sociale par leur statut juridique et les critères propres à l économie sociale sans nécessairement viser des objectifs d accessibilité ou de participation des usagers.
Un tourisme pour Le tourisme social, un concept en évolution -Tous (accessible) (familles, jeunes, séniors, personnes handicapées, revenus modestes ) Voir le Code mondial d éthique de l OMT. -Durable (les 3 piliers : économique, environnemental, social) -Solidaire ( référence aux valeurs de l économie sociale et solidaire, soutien aux communautés locales)
Il importe cependant de traduire pratiquement cette définition. Dans ce cas, le tourisme social est un concept qui réfère aux programmes, aux réalisations et aux actions visant à rendre effectifs le droit aux vacances et l accessibilité au tourisme à tous les groupes de la population, notamment les jeunes, les familles, les retraités, les handicapés, les personnes aux revenus modestes, etc., mais qui visent aussi la qualité de la relation entre les visiteurs et les communautés d accueil. On pense, entre autres, aux centres de vacances (colonies de vacances, camps familiaux), aux villages-vacances pour les familles, aux auberges de jeunesse, aux gîtes ruraux, aux voyages éducatifs pour les jeunes ou pour les aînés, aux séjours linguistiques, etc. On pense aussi aux réalisations qui contribuent à rendre accessible la pratique d activités de plein air (pistes cyclables, sentiers de randonnée pédestre, etc.) et à accroître la démocratisation du territoire pour des fins récréotouristiques. On inclut aussi dans le tourisme social les mesures mises en œuvre par les gouvernements de divers pays pour encourager le départ en vacances et qui sont le résultat de luttes menées par des syndicats, des associations, des groupes communautaires : programmes d aide à la pierre (investissements pour appuyer les établissements et les infrastructures) et programmes d aide à la personne (pécules de vacances, bons-vacances, chèques-vacances, bourses de solidarité vacances, etc.).
Plus récemment, les questions d équité et de solidarité avec les communautés d accueil, qui étaient depuis toujours implicitement liées au concept du tourisme social, ont été officiellement intégrées dans sa définition. L accessibilité au tourisme ne concerne plus uniquement les visiteurs (même s il y a encore beaucoup à faire), mais aussi les visités qui doivent avoir accès à leurs ressources touristiques ainsi qu aux bénéfices du tourisme, tout en voyant à ne pas dilapider les ressources. En introduisant une relation de solidarité entre les touristes et les populations d accueil et ayant comme objectif «le développement durable», le tourisme social est tout le contraire d un tourisme de masse envahisseur et spoliateur des ressources.»
- BUREAU INTERNATIONAL DU TOURISME SOCIAL(1963), Statuts, Bruxelles, BITS. - BUREAU INTERNATIONAL DU TOURISME SOCIAL (1972), Charte de Vienne, Bruxelles, BITS. -BUREAU INTERNATIONAL DU TOURISME SOCIAL (1996), La Déclaration de Montréal Pour une vision : humaniste et sociale du tourisme, Bruxelles, BITS. - BUREAU INTERNATIONAL DU TOURISME SOCIAL (2006), L Addendum d Aubagne, Bruxelles, BITS. -FROIDURE, Jean (1997), Du tourisme social au tourisme associatif, Paris, L Harmattan, 190 p. -JOLIN, Louis (2003),«Le tourisme social, un concept riche de ses évolutions», Le tourisme social dans le monde, no 141, 3 e trimestre, p. 6-8. -JOLIN, Louis et Luce PROULX, «L ambition du tourisme social: un tourisme pour tous, durable et solidaire» dans la Revue Interventions économiques, 32/2005 - ORGANISATION INTERNATIONALE DU TOURISME SOCIAL (2010), Statuts, Bruxelles, OITS.