Bases physiologiques de la posture

Documents pareils
Fonction de conduction de la moelle épinière. Dr F. TOUMI

Ceinture Home Dépôt. Orthèse lombaire et abdominale. Mother-to-be (Medicus)

Neurologiques gq Centrales EMPR LE NORMANDY GRANVILLE

Chapitre 9 TONUS ET MOTRICITE

Marche normale et marche pathologique

Les postures, l appareillage Point de vue du médecin MPR. Dr. P. LUBLIN MOREL CMPR de COUBERT 2011

LES TROUBLES MUSCULO- SQUELETTIQUES

LES MARCHES HEMIPLEGIQUES

Etirements des chaînes musculaires postérieure et antérieure.

Examen neurologique de l enfant

& BONNES POSTURES TMS TROUBLES MUSCULO-SQUELETTIQUES. Le guide. Guide offert par la MNT

PLAN RÉÉDUCATION POUR LES UTILISATEURS DE L'ARTICULATION. Contrôle de la phase pendulaire. Par Jos DECKERS

LE RESSENTI SUBJECTIF DU PATIENT «VESTIBULAIRE» VS L ETUDE DE LA REFLECTIVITE VESTIBULAIRE

Athénée Royal d Evere

Exemple 1: Entorse cheville. ÉVALUATION INITIALE: entorse cheville

La mécanique sous le capot

Définition. Spasticité. physiopathologie. Le réflexe d étirement. Spastikos : étirer

Manuel de l ergonomie au bureau

Rééducation Posturale Globale

Allégez la charge! Dossier d enseignement: Soulever et porter des charges Exercices de consolidation niveau 2

Manutentions manuelles Statistique nationale / Ile de France 1992

LE TRAVAIL SUR ÉCRAN DANS LA BRANCHE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

«La gestion des douleurs», l après TMS

INSTITUT DE FORMATION EN MASSO KINESITHERAPIE CHU DE BORDEAUX. Jérémy Bodinier

en s entraînant avec le Stability Trainer Votre guide professionnel d entrainement journalier

Suva Sécurité durant les loisirs Case postale, 6002 Lucerne. Renseignements Tél

Solva Thérapie traitement de la douleur, de la mobilité réduite et de la distorsion posturale

L indépendance à chaque pas de la vie. Groupe. Votre meilleur allié. Visitez notre site :

REEDUCATION APRES RUPTURE DU LIGAMENT CROISE ANTERIEUR OPERE

C EST QUOI LE STRESS?

dos La qualité au service de votre santé Avenue Vinet Lausanne - Suisse p r e n d r e s o i n d e s o n

FICHE PRATIQUE DE SÉCURITÉ. À contrario, la position assise prolongée favorise la survenue de troubles musculosquelettiques

Préfaces Introduction... 8

Le mal de dos est décrit par de nombreux auteurs

Prenez soin de votre dos. Informations et astuces contre les douleurs lombaires

LES TROUBLES MUSCULOSQUELETTIQUES. Le 2 décembre 2008

Protocole de rééducation des syndromes fémoro-patellaires

LE RACHIS : UNE ENTITE COMPLEXE IMPORTANTE A PRESERVER

Risques liés à l'activité physique au travail Hyper sollicitation articulaire

PRISE EN COMPTE DES ASPECTS MUSCULAIRES DANS UN MODÈLE BIOMÉCANIQUE DU CORPS HUMAIN : MOBIUS, PREMIÈRE APPROCHE STATIQUE

Les mécanismes de la récupération neurologique. PPradat-Diehl DU de Rehabilitation neuropsychologique 2007

Claude Karger Anne Sophie Kesseler

Exemple de prise en charge psychomotrice d un trouble de la posture et de l équilibre chez une enfant atteinte de déficience mentale et d épilepsie

Prise en charge médico-technique d une hémiparesie spastique: Evaluation clinique et instrumentale

Plan de travail ERGONOMIE COUT DE L ERGONOMIE. Définitions. Définitions

LE LARYNX VUE ANTERIEURE DU LARYNX : Décembre 2007 Sources Étudiantes. Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes

ERGONOMIE au bureau lutter contre les TMS

Programme «DoSanté Lycée» Présentation et évaluation

Rééducation après accident vasculaire cérébral

I. EXERCICES POUR LA CERVICALGIE CHRONIQUE. Exercice 1 : Posture

INNOVATION De la rééducation au sport santé. LPG crée le Neuro

Apport de l AQM, en pratique clinique, dans les indications d appareillage chez l enfant Paralysé Cérébral (PC)

A. BONNEFOND Maître de conférences en neuroscience cognitive Laboratoire d imagerie et de neuroscience cognitive Université de Strasbourg

L ERGONOMIE AU POSTE DE TRAVAIL INFORMATISÉ

Allégez la charge! Prévention des lombalgies dans le secteur des Soins de santé

FONCTION DU POUCE. Pr Gilbert VERSIER Service de chirurgie orthopédique HIA Begin ST-MANDE

Monsieur Renaudie Vincent

Prévenir les troubles musculosquelettiques (TMS) chez les technologues Derrière la prise d images Des solutions

Présence dans l entreprise. 14 mars - 28 mars avril - 30 avril 2013

Extraits et adaptations

Résumés développés Atelier 1 Synchronicité : la réorganisation neuro-fonctionnelle : la méthode Padovan ConférenceDr S. Padovan, Neuropsychiatre

A.V.C. Solutions aux séquelles neurologiques du membre inférieur et supérieur. d ATTELLES NEURO - ORTHOPÉDIQUES

Appareil Thérapeutique pour le Soin du Dos

Dans ce chapitre : Sommaire 93

3min. d exercices par jour pour ne pas, ne plus avoir mal au dos.

Articulations du coude et de l avant-bras

Le tremblement orthostatique primaire TOP

La musculation en période hivernaleeeee

DOMAINES MOTEUR ET SENSORIEL

Quel que soit le matériel d ostéosynthèse, un certain nombre de principes permettent de bien conduire le geste chirurgical

MOUVEMENTS DE BASE (global) EN MUSCULATION. bphiver2013 Hamrouni Samy 1

Les soins des douleurs chroniques dans les TMS Les échecs thérapeutiques

Le diagnostic de la sclérose en plaques

Le sens du goût. Une infinité de saveurs.

Livret participant. Prévention. Ouest. Kiné

IFAS 11 décembre janvier M. BLOT Ergothérapeute. CHU de NIMES

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

Année de campagne : 2015 N appel à candidatures : 1520 Publication : Publication prévue le : 21/04/2015

Programme de réhabilitation respiratoire

Le guide de la Santé du. Pied. 1 personne sur 5 a besoin de consulter un professionnel du pied.

MON DOS AU QUOTIDIEN COMPRENDRE, ÉVITER ET SOULAGER LE MAL DE DOS

w w w. m e d i c u s. c a

9e Colloque SST Sherbrooke, 14 mai ASFETM Ergonomie - TMS - Prévention des maux de dos

Bastien Guillebastre. To cite this version: HAL Id: tel

Protocole pour l évaluation des patients inclus dans l'étude

ERGONOMIE. Guide de formation. Travail de bureau avec écran de visualisation. 4 e édition révisée. Sylvie Montreuil

Muscles de l'avant-bras et de la main

REVUE DE LITTERATURE

Fonctionnement neural et troubles cognitifs chez le patient bipolaire: preuve ou surinterprétation

1ST2S Biophysiopathologie : Motricité et système nerveux La physiologie neuro-musculaire :

Les anomalies des pieds des bébés

TMS et travail sur écran : Que faire? Penser et Agir avec l'ergonomie

DÉFINITIONS. Motricité. Robert Rigal ÉDUCATION MOTRICE DE L ENFANT DE 4 À 11 ANS

Lève toi et marche! Pour le grand âge, une médecine debout

Table des matières. Remerciements...v. Préface... vii. Avant-propos... xi. Mode d utilisation du manuel et du DVD... xv

La préparation physique en basket- ball Gilles COMETTI (2002)

Activités de bureau. Travail avec l outil informatique. C.Chrétien - 09/12/2014 1

Cancers de l hypopharynx

GUIDE POUR AMÉLIORER LE CONFORT AU TRAVAIL Travail à l écran en imprimerie

Transcription:

Bases physiologiques de la posture Philippe DUPUI et Richard MONTOYA - MCU-PH de Physiologie Laboratoire de Physiologie, Faculté de Médecine, 133 route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex et Service d Explorations Fonctionnelles Sensorielles et Motrices du CHU de Toulouse-Rangueil, 1 avenue Jean-Poulhès, 31403 Toulouse cedex 4 On peut définir la posture d un individu comme étant l agencement à un moment donné des différents segments corporels les uns par rapport aux autres. La posture orthostatique étant la station debout érigée, position fondamentale de l espèce humaine. L équilibre peut être défini comme étant un état stable de la posture à un moment donné. C est donc l aptitude au maintien de la posture en dépit des circonstances qui tendent à la perturber, celles -ci peuvent être : - des contraintes extérieures au sujet (subies), - des contraintes internes au sujet (locomotion). L équilibration est la fonction physiologique qui permet, par la mise en œuvre de différentes boucles de régulation, le maintien de la posture. La posturographie peut donc être définie comme l ensemble des techniques qui permettent l étude de la posture et de l équilibration d un individu. Nous nous intéressons à ces techniques depuis plus de vingt ans et nous préférons utiliser l expression analyse des activités posturo-cinétiques car elle nous permet de mieux regrouper sous cette appellation l ensemble des techniques qui vont permettre à l individu de maintenir sa posture, son équilibre et de se déplacer dans le milieu dans lequel il évolue. La régulation de la posture et donc des activités posturo-cinétiques entre dans le cadre général du contrôle moteur (régulation du tonus musculaire et du mouvement). Les explorations de posturographie statique sont effectuées à l aide de plates-formes de forces; les sujets examinés reposent sur des bases stables et ce sont surtout les mécanismes de régulation du tonus musculaire qui sont concernés. Los des examens de posturographie dynamique, les sujets sont placés sur des bases spontanément instables, par exemple sur un plateau mobile à bascule; tous les systèmes du contrôle moteur interviennent pour permettre au sujet de maintenir son équilibre. Ces mêmes systèmes de contrôle seront sollicités, avec bien sûr une finalité un peu différente, dans la locomotion de l individu qui est le mode de déplacement de celui-ci dans le milieu dans lequel il évolue. Pour l espèce humaine qui est bipède, la marche est le mode de locomotion le plus fréquent. C est un mode de locomotion dans lequel le corps ne quitte jamais le sol, comme la reptation et à l inverse de la course ou du saut. Etudier les bases physiologiques de la posture et des activités posturo-cinétiques revient donc à faire un rappel concernant les bases neurophysiologiques du contrôle moteur et mettre en place les différents systèmes impliqués dans cette régulation (les boucles réflexes et les étages d intégration). Le schéma qui permet d illustrer l ensemble des systèmes qui interviennent dans le contrôle moteur se trouve représenté sur la Figure 1. Si ce schéma présente l intérêt de montrer la hiérarchisation des systèmes de contrôle de la motricité somatique, il ne montre pas les différentes entrées sensorielles qui sont les premières structures impliquées dans ce contrôle. Figure 1 : les différents systèmes sensorio-moteurs impliqués dans le contrôle somatique et leur hiérarchisation Association pour le Développement de la Podologie 9

I - LES SYSTEMES SENSORIELS MIS EN JEU DANS LE CONTROLE DES ACTIVITES POSTURO-CINETIQUES : Les informations nécessaires au maintien de l équilibre dans des conditions statiques et dynamiques ainsi que dans la locomotion sont amenées au système nerveux central par plusieurs canaux sensoriels essentiels. La vision : Les photorécepteurs de la rétine sont constitués par les cônes et les bâtonnets qui captent les informations visuelles. Ces dernières passent par les voies optiques et se projettent sur le cortex cérébral occipital. Elles permettent l orientation dans l espace en donnant des repères visuels de verticalité. Grâce au flux visuel (déplacement de la scène visuelle sur la rétine), la rétine périphérique permet la perception du mouvement de l individu dans l espace tridimensionnel. Ce flux visuel peut être dû à un déplacement de l individu dans l environnement (sensation égocentrique de déplacement) ou bien à un déplacement de l environnement autour d un individu immobile (sensation exocentrique de déplacement). La vision seule n est pas capable de distinguer les 2 sources de déplacement, cette incapacité peut être à l origine de conflit sensoriel et donc de malaise. L appareil vestibulaire : Le système labyrinthique constitue le propriocepteur céphalique sensible aux accélérations linéaires et angulaires de la tête dans l espace; il constitue un référentiel extrêmement précis de l orientation spatiale par rapport au vecteur gravitationnel.. Les organes otolithiques (utricule et saccule) sont capables de coder les changements d inclinaison de la tête (seuil : 1,5 ) et les accélérations linéaires (seuil 0,06m/s-2 ou 0,06G). Ces seuils varient avec le temps d application du stimulus. Ce sont des indicateurs de verticalité et des accéléromètres linéaires pour les mouvements de translation rapide.. Les canaux semi-circulaires (horizontal, vertical antérieur et vertical postérieur) sont branchés sur l utricule et occupent les 3 plans de notre référentiel galiléen (oxyz). Chaque canal contient du liquide endolymphatique et présente un arc et une ampoule qui contient le récepteur sensoriel ou crête ampullaire. La crête est formée d une assise de cellules ciliées dont les cils sont emprisonnés dans un volet mobile, la cupule, qui obture complètement la lumière du canal. Les mouvements de l endolymphe, provoqués par les mouvements de rotation de la tête dans le plan de son canal, modifient la position de la cupule dans l ampoule et modifient la fréquence de décharge des afférences reliées aux cellules ciliées. Ces récepteurs sont sensibles aux accélérations angulaires dans le plan de 2 canaux, les canaux horizontaux sont les plus sensibles (seuil : 0,14.s -2 ) les autres ont un seuil moyen de 0,5. s -2. En phase d accélération, le sujet perçoit une sensation de rotation dans le sens de l accélération, alors qu en phase de décélération, il ressent une sensation de rotation en sens inverse. Il faut noter que ces récepteurs ne fournissent aucune indication lors des rotations à vitesse constante et sont incapables de faire la différence entre une accélération dans un sens de rotation donnée et une décélération dans le sens de rotation contraire. Les récepteurs somesthésiques cutanés et myoarticulaires : Les récepteurs cutanés sont de différents types et sont situés plus ou moins profonds dans l épiderme et le derme. Leur densité dépend du territoire considéré. Les récepteurs cutanés (à l exception des terminaisons libres qui sont impliquées dans la douleur, la thermoréception et la sensibilité grossière) sont en relation avec des grosses fibres afférentes myéliniques (Aa) qui remontent par le cordon postérieur homolatéral de la moelle jusqu au bulbe (noyaux de Goll et Burdach). Les axones des neurones bulbaires croisent la ligne médiane et remontent, par le lemnisque médian, jusqu au thalamus. De celui-ci, un troisième neurone se projette sur les aires du cortex somesthésique. Certaines fibres de la sensibilité lemniscale mettent des collatérales vers la substance grise de la moelle, sur la formation réticulée ou dans des noyaux du tronc cérébral (y compris les noyaux vestibulaires.lorsque le sujet est debout, la force de pesanteur fait naître des sensations de pression et de contact sur les soles plantaires. Les pressocepteurs cutanés plantaires (notamment les récepteurs de Pacini) donnent des renseignements sur la position du corps par rapport à son support et donc par rapport au champ de pesanteur; ils permettent aussi de percevoir les irrégularités du sol et d adapter les réflexes d équilibration en conséquence. Les propriocepteurs myoarticulaires sont en relation avec des afférences de gros calibre qui cheminent aussi par les cordons postérieurs de la moelle. Les informations, dont ensuite véhiculées, après relais synaptiques, jusqu au cortex somesthésique qui est ainsi renseigné sur la position des différents segments corporels les uns par rapport aux autres; ces afférences envoient aussi des collatérales qui se terminent à l étage, au niveau du tronc cérébral et du cervelet. Ces récepteurs jouent un rôle prépondérant dans l entretien et la régulation du tonus musculaire. Parmi les récepteurs concernés, on trouve : - les fuseaux neuro-musculaires sensibles à l allongement des muscles qui sont à l origine du réflexe myotatique dont le rôle est déterminant dans le maintien du tonus des muscles posturaux. 10 Association pour le Développement de la Podologie

- les organes tendineux de Golgi sensibles à la traction exercée sur le tendon par le muscle qui se contracte ou qui est étiré. Ils sont à l origine du réflexe myotatique inverse, réflexe inhibiteur des motoneurones a. - les récepteurs articulaires situés dans les capsules et les ligaments sont sensibles à la position, à la vitesse, à la direction et aux accélérations des mouvements des articulations. Il existe d importants propriocepteurs myoarticulaires au niveau du rachis cervical (notamment de C0 à C4). Les informations provenant de ces récepteurs jouent un rôle important dans la mise en jeu des réflexes régulant la motilité conjuguée yeux-têtecou et le tonus musculaire du tronc et des membres lors des changements d inclinaison du cou. Les muscles oculaires contiennent aussi des récepteurs musculaires et tendineux dont les fibres afférentes se projettent sur des aires corticales somatosensorielles afin d informer le cortex sur la direction du regard. Des collatérales des afférences projetteraient aussi sur les noyaux vestibulaires et le cervelet. Ainsi, ces récepteurs jouent eux aussi un rôle important dans la motilité conjuguée yeux-tête-cou et participent à la régulation du tonus musculaire du cou, des membres et du tronc. On a pu montrer que dans des cas de strabisme ou d exo ou d ésophorie, il pouvait exister de véritables troubles de la posture. II -INTEGRATION ET CONTROLE CENTRAUX : Les informations sensorielles reçues par les différentes entrées décrites ci-dessus vont être intégrées à différents niveaux du système nerveux central. Ce dernier va donc exercer un contrôle hiérarchisé de la contraction des muscles striés. Par leur activité tonique, les muscles contribuent au maintien d une posture choisie et à la consolidation de la position des différents segments articulaires. Ceci est un préalable absolument nécessaire pour que, grâce à l activité phasique des muscles, la réalisation de mouvements soit correctement effectuée. Le tonus musculaire est une contraction permanente du muscle due à la mise en jeu de motoneurones a toniques. Le réflexe myotatique constitue le maillon déterminant de la genèse de ce tonus; le tonus musculaire disparaît après section du nerf moteur ou des racines postérieures correspondantes. Le maintien du tonus postural et la réalisation de tout mouvement doivent nécessairement être contrôlés en retour par le système nerveux central lui même afin d en assurer à tout moment la correction et l ajustement. Ce feed-back est fondé sur des informations proprioceptives (articulaires, tendineuses, vestibulaires...), extéroceptives (cutanées, visuelles...) et sur des informations du programme moteur tel qu il vient d être établi par le cortex (copie d efférence). Le rôle du cervelet serait d effectuer la comparaison entre la commande initialement créée et l acte moteur effectivement réalisé. - Intégration et contrôle segmentaires (réflexes à boucle courte) : A chaque étage médullaire, le corps cellulaire des motoneurones destinés aux muscles posturaux reçoivent des influences des collatérales de neurones afférents primaires. Il existe plusieurs types de boucles réflexes courtes, segmentaires qui sont capables de modifier l activation des motoneurones des muscles posturaux et donc de faire varier le tonus musculaire. Figure 2 : organisation du réflexe myotatique La boucle myotatique : il s agit du réflexe fondamental (figure 2) permettant la conservation de la posture érigée en maintenant le tonus des muscles antigravitaires (muscles extenseurs : figure 3). La force de gravité tend en permanence à allonger les muscles extenseurs de l organisme et donc à activer les fuseaux neuro-musculaires de ces muscles. Ces fuseaux vont exercer une décharge permanente de leurs afférences (Ia et II) ; ces dernières, grâce à des collatérales d étage, vont activer les corps cellulaires des motoneurones des muscles extenseurs. Grâce à l innervation fusimotrice g, le système nerveux central peut adapter la sensibilité statique et dynamique des fuseaux neuromusculaires et l adapter aux besoins de la posture ou du mouvement. La boucle g agit donc comme un modulateur du réflexe myotatique sous l influence d actions supra-spinales elle permet également une servo-assistance mouvement. du Figure 3 : les principaux muscles antigravitaires de l organisme Le réflexe myotatique inverse : lors de la mise en jeu des organes tendineux de Golgi, des collatérales d étage de leurs afférences (Ib) vont, par l intermédiaire d un interneurone inhibiteur, provoquer une diminution de la décharge des motoneurones a et donc un relâchement musculaire. Il s agit en fait Association pour le Développement de la Podologie 11

d un réflexe qui n agit que dans des conditions extrêmes. Les réflexes segmentaires d origine cutanée : l excitation des mécanorécepteurs cutanés entraîne, suivant les cas, un réflexe ipsilatéral de flexion (cas d un stimulus nociceptif), mais surtout le plus souvent des réflexes d extension ipsi et controlatéraux lors de stimulations des soles plantaires. Il s agit de réflexes pluri-segmentaires faisant intervenir les collatérales de neurones afférents primaires de petit calibre (fibres de la douleur ou de la sensibilité protopathique) qui vont activer à différents étages de la moelle des trains d interneurones excitateurs et/ou inhibiteurs. - Intégration et contrôle supra-segmentaires (réflexes à boucle longue). Des collatérales des afférences primaires, en relation avec les récepteurs sensoriels impliqués dans le contrôle des activités posturo-cinétiques, peuvent se projeter sur des structures du tronc cérébral qui elles mêmes sont capables, par l intermédiaire de faisceaux descendants, de contrôler l activité des motoneurones des muscles striés. Parmi ces structures, le complexe nucléaire vestibulaire joue un rôle particulier; la formation réticulée peut elle aussi, mais de manière nettement moins spécifique que les noyaux vestibulaires, influencer la motricité somatique. Rôle intégratif des noyaux vestibulaires et contrôle vestibulo-spinal de la motricité (Figure 4) : Figure 4 : rôle intégratif des noyaux vestibulaires et contrôle vestibulo-spinal de la motricité Les noyaux vestibulaires sont une formation paire du tronc cérébral; de chaque côté, un complexe nucléaire vestibulaire est formé de 4 noyaux principaux (supérieur, médian, latéral et descendant ou noyau de Deiters) et de groupes cellulaires adjacents. Chaque groupe a une fonction plus ou moins spécialisée selon l origine de leurs afférences respectives. Les afférences labyrinthiques projettent sur tous les noyaux de manière strictement ipsilatérale. Les noyaux vestibulaires sont aussi informés par les stimulations visuelles rétiniennes via le système optique accessoire et les noyaux du tractus optique. Les noyaux latéral, médian et descendant reçoivent aussi des projections spinovestibulaires directes ou indirectes par l intermédiaire de collatérales des voies spino-cérébelleuses. Ces informations proviennent de propriocepteurs myoarticulaires des régions cervicales dorsales et lombaires et même des propriocepteurs des muscles extra-oculaires homolatéraux. Des informations provenant de collatérales des branches inférieures du V (V2 et V3) se projettent aussi sur le groupe vestibulaire descendant. Les efférences des noyaux vestibulaires à destinée spinale se projettent sur les motoneurones a et g de la corne antérieure de la moelle en empruntant 2 voies différentes : Le faisceau vestibulospinal latéral, principalement originaire du noyau vestibulaire latéral et à un degré moindre du noyau descendant, se distribue de manière homolatérale aux étages médullaires thoraco-lombaires; les fibres de cette voie se terminent directement sur les motoneurones a des extenseurs ou le plus souvent sur des interneurones excitateurs pour les motoneurones a et g des muscles extenseurs et sur des interneurones inhibiteurs pour les motoneurones a et g des muscles fléchisseurs. La boucle g des extenseurs ainsi mise en jeu fonctionne comme un dispositif sensibilisant assurant un contrôle continu et doux, tandis que le système a produit une contraction rapide et puissante. Ce contrôle supraspinal vestibulaire de la boucle g joue un rôle très important dans la régulation de la posture et de l équilibre somatique. Le faisceau vestibulospinal médian naît des noyaux vestibulaires médians et descendants et se distribue bilatéralement aux motoneurones et interneurones de la moelle cervicale. Il joue un rôle important dans les interactions cervico-vestibulo-oculaires. Rôle de la formation réticulée du tronc cérébral : elle reçoit surtout des informations multi-sensorielles non spécifiques à partir des voies de la sensibilité inconsciente. Elle reçoit aussi des collatérales du lemnisque médian (deuxième relais neuronal des voies de la somesthésie). Enfin, elle reçoit des fibres en provenance des noyaux vestibulaires. Par l intermédiaire des faisceaux réticulo-spinaux (faisceaux directs et croisés), elle a un effet excitateur pour les motoneurones et interneurones favorisant l extension. Ces faisceaux, en se distribuant à tous les étages de la moelle, facilitent les réponses des motoneurones extenseurs aux influences segmentaires et supra-segmentaires. 12 Association pour le Développement de la Podologie

- Autres structures impliquées dans l intégration et le contrôle centraux : Le cervelet reçoit de nombreuses afférences, vestibulaires, spinales, corticales et envoie de très nombreuses efférences : vestibulaires, corticales, thalamiques, réticulaires. Il joue un rôle en comparant les informations sensorielles proprioceptives qui lui parviennent et les informations centrales sur l acte moteur tel qu il vient d être programmé. Il peut donc modifier le message moteur avant même le début du mouvement et coordonner ainsi le jeu des groupes musculaires agonistes et antagonistes. Les noyaux gris sont impliqués des boucles neuronales qui les réunissent avec le thalamus d une part et avec le cortex moteur et prémoteur d autre part. Des expériences chirurgicales ou pharmacologiques de destruction ou de stimulation de ces formations ont montré leur rôle important dans la bonne répartition du tonus musculaire entre agonistes et antagonistes, dans la régulation de certains automatismes moteurs (choix, initiation...) et dans l activation corticale et notamment dans l activation du cortex frontal et préfrontal. Le cortex cérébral : le cortex cérébral moteur, par l intermédiaire de la voie corticospinale (voie pyramidale), joue un rôle important dans la réalisation de l acte moteur volontaire. Les aires somesthésiques et visuelles permettent la connaissance du schéma corporel et l analyse de l image rétinienne. Grâce à des connexions directes (pariéto-frontales ou occipitofrontales) ou indirectes, (par l intermédiaire du cortex associatif ou par relais au niveau des formations sous-corticales), ces aires sont essentielles dans l organisation du mouvement et dans le contrôle visuomoteur. D autre part, plusieurs zones corticales éparses reçoivent des informations en provenance des noyaux vestibulaires après un relais neuronal dans le thalamus spécifique. C est la région pariétoinsulaire qui représente la région corticale la plus intéressante au titre de cortex vestibulaire, mais d autres régions corticales sont aussi activées par des projections vestibulo-corticales : les aires pariétales 3a et 2V et le cortex préfrontal. Ce réseau cortical vestibulaire apparaît comme un point de convergence d informations issues des capteurs vestibulaires mais aussi d autres capteurs proprioceptifs et visuels; il contribue plus particulièrement à la détermination d une référence égocentrique et donc d une verticale subjective. Le noyau rouge : il est à l origine du faisceau rubrospinal. Par l intermédiaire de sa partie magnocellulaire, il reçoit des fibres nerveuses provenant des aires motrices principales, médullaires et cérébelleuses et il projette dans le bulbe et la moelle surtout à l étage cervical. Il participe au contrôle de la motricité de la face et des membres en assurant une régularité précise des mouvements. Par l intermédiaire de sa partie parvocellulaire, il est en relation avec le cervelet et participe à l initiation motrice et à l apprentissage interne du mouvement. CONCLUSION : Le but de cet article est d attirer l attention du lecteur sur le fait que l interprétation des résultats des examens posturographiques présuppose une bonne connaissance de la physiologie du contrôle moteur et du dossier clinique du patient examiné. Cette connaissance doit permettre d aller au-delà du simple fait de dire si un sujet se trouve ou non dans des normes et de la simple quantification d un trouble à un moment donné. La combinaison de l étude de la posture statique, de l équilibre dynamique et l analyse des spectres fréquentiels doivent maintenant faire réfléchir le posturologue sur les différentes tactiques d équilibration mises en jeu par un sujet sain lors de modifications environnementales par exemple, sur les altérations des entrées sensorielles, des niveaux d intégration ou des stratégies chez les sujets pathologiques. Le développement des analyses posturographiques dans différents centres hyperspécialisés devrait permettre de collecter suffisamment de données pour étayer toutes ces hypothèses et affiner ainsi l exploitation des analyses fréquentielles. Bibliographie 1 - E. K. Kandel, J. H. Schwartz, T. M. Jessel. Principles of neural sciences, 4 Ed., Mc Graw Hill, 2000. 2 - J. Massion. Fonctions motrices. Editions Techniques. Encycl. Méd. Chir. (Paris-France), 17-002-D- 10, 1994. 3 - Handbook of sensory physiology, Vestibular system. Part I : Basic mechanisms.ed. H. H. Kornhuber, Springer-Verlag, 1974. 4 - A. Berthoz et P. P. Vidal. Noyaux vestibulaires et vertiges. Eds. Arnette, 1993. 5 - D. Orsal et D. Richard. Neurophysiologie. Eds. Dunod, 2002. Association pour le Développement de la Podologie 13