Les options sont des outils financiers admissibles à un REER. On les présente également comme étant des instruments de protection et de couverture. Pourtant, le recours aux options dans les portefeuilles demeure marginalisé. Peu de conseillers osent s aventurer sur ce terrain par crainte de ne pas saisir et maîtriser les subtilités de ces produits dérivés. Cette réticence est d autant plus grande que la frontière qui les sépare d avec la spéculation peut être floue. S initier aux options... pour ses clients initiés Jean-François Boivin, conseiller, planificateur financier et représentant agréé en options du Groupe Option Retraite à Chicoutimi, fait partie de ceux qui ajoutent le volet options à leur offre de services. Il ne le fait toutefois pas à grande échelle. «J utilise les options avec peu de clients.» Il caricature à peine en soulignant que le conseiller en est encore très souvent à familiariser ses clients avec les fluctuations de leur fonds équilibré ou à les leur expliquer. La mécanique des options peut donc devenir complexe, voire ésotérique pour nombre d entre eux. «Je me limite aux investisseurs d expérience, autonomes ou dotés d une bonne formation en administration, par exemple les comptables agréés.» janvier 2008 21
Yves Érard : «Le recours aux options rend la gestion un peu plus compliquée. Il y a plus de suivi à faire. On ajoute une variable temps à l équation. Et il y a présence de contrepartie.» Pour un investisseur aguerri qui aurait besoin d «une dose d adrénaline», Jean-François Boivin verrait d un bon œil que les options soient utilisées à des fins spéculatives et viennent composer la portion à risque du portefeuille de ce client. «Mais ce sont des cas spécifiques», ajoute-t-il. Yves Érard comprend cette retenue. Le directeur général de Mirabaud Gestion, filiale d une banque privée suisse, se retrouve à la tête d une institution qui propose généralement à sa clientèle, constituée d investisseurs plus fortunés, une stratégie de couverture complète. «C est très souvent une question d infrastructure. Le recours aux options rend la gestion un peu plus compliquée. Il y a notamment plus de suivi à faire. Les contacts avec le conseiller sont également plus fréquents. On ajoute une variable temps à l équation. Et il y a présence d une contrepartie. Ce n est pas toujours évident de traiter avec l ensemble de ces composantes, d en saisir toutes les subtilités.» C est également une question de masse critique, de volume. «C est peut-être moins évident pour un conseiller qui a une cinquantaine de comptes.» Yves Érard donne l exemple des options et des contrats de devises. Un contrat s appuie généralement sur une valeur nominale de 50 000 $. Quant aux options ou aux opérations de vente de devises à terme, elles se négocient de gré à gré, au comptoir. Une autre limitation peut donc venir de la taille des portefeuilles. «Il faut un certain volume pour obtenir un prix de groupe.» Jean-François Boivin acquiesce. «Les options sur devises conviennent davantage aux investisseurs institutionnels qu aux particuliers. Et pour négocier des devises, il faut que la firme détienne un permis de contrat à terme.» Valeur ajoutée Ces précisions étant, le recours aux options représente une valeur ajoutée évidente pour les portefeuilles. Elles apportent une protection ou une couverture du type police d assurance, ou encore elles ajoutent à la rentabilité de certaines positions. Le spécialiste de Mirabaud pense notamment aux stratégies de couverture protégeant la portion actions étrangères du portefeuille contre les aléas des taux de change. Il donne l exemple du marché boursier américain, qui a offert un rendement moyen de 6 % cette année en devises locales. Une fois la devise convertie, en tenant compte d une dépréciation de 15 % du dollar américain face à sa contre- objectif conseiller 22
partie canadienne, le rendement de 6 % se transforme en une perte de 9 %. «Il ne fait pas de doute que le fait de protéger nos portefeuilles contre les fluctuations des taux de change a eu un impact très positif sur leur rentabilité cette année», résume Yves Érard, qui s attend à un défi de taille à ce chapitre en 2008. Dans un sens plus large, en excluant la dimension spéculative, l option peut proposer un rendement supérieur, une assurance contre les fluctuations ou les renversements de tendance, ou encore un effet de levier. Plus précisément, le conseiller va généralement l utiliser sous la forme d une vente couverte lorsque le marché est stable, y recourir telle une assurance dans un contexte de marché baissier, ou faire appel à l effet de levier de l option dans un marché haussier. REER Dans le cadre d un REER, toutes les stratégies ne sont pas admises. En fait, nous dit Gladys Karam, directrice, développement des affaires du marché des options à la Bourse de Montréal, les stratégies permises vont se limiter à l acquisition d une option d achat, à la vente d une option d achat couverte (les actions sous-jacentes étant détenues en portefeuille) et, depuis un peu plus d un an, à l achat d une option de vente. Les firmes de courtage sont cependant divisées ou plus frileuses lorsque vient le temps de recourir aux options de vente dans un portefeuille REER. «La réticence ne vient pas tant de l achat d une option de vente lorsque l investisseur détient l action qu il veut protéger que de l achat tout court, qui devient une stratégie plus spéculative pouvant s apparenter à une vente à découvert», explique M me Karam. On le voit, la frontière entre la protection ou la couverture et la spéculation peut être floue, ce qui n est pas sans faire sourciller les responsables de la conformité au sein des firmes. Jean-François Boivin résume : «Pour un REER, les stratégies d options admises portent essentiellement sur les positions couvertes». Formation plus pointue On le devine, le recours aux options est on ne peut plus supervisé dans les entreprises et les cabinets. Pour être représentant agréé en options, le conseiller doit ajouter deux cours à sa formation en valeurs mobilières, qu il ira chercher auprès de l ICVM (et non janvier 2008 23
plus à l Institut canadien des courtiers en valeurs mobilières). Le premier cours propose une initiation aux produits dérivés et l autre porte sur la négociation d options. En plus, au service de conformité du cabinet ou de l entreprise doit se greffer une surveillance spécifiquement vouée aux options. «C est très encadré car les options offrent un levier très puissant. Et on ajoute le facteur temps, qui vient jouer contre nous», précise Jean-François Boivin. Cette valeur temps et la valeur intrinsèque (soit l écart entre le cours de l action sous-jacente et le prix de levée de l option) composent l essentiel de la prime. Cette prime est donc très influencée par le temps restant avant l échéance de l option. D autant que la décroissance de la valeur temps n est pas linéaire. Elle se veut beaucoup plus rapide dans le dernier droit, puisqu on estime qu une option peut perdre les deux tiers de sa valeur temps dans le dernier tiers de sa durée. L option apporte une plus-value au portefeuille, ne serait-ce que pour la protection qu elle confère dans une politique de gestion de risque, et le rendement additionnel qu elle peut générer. De façon plus large, la Bourse de Montréal offre en complément des cours en ligne sur son site proposant un large éventail allant des notions de base aux connaissances plus poussées. Mais on va déplorer au passage le trop petit nombre de courtiers qui ont leur licence d options. «Les options peuvent vraiment s adresser à monsieur et madame Tout-le-Monde, si l on sait ce qu elles sont», estime Gladys Karam. Elle n est pas sans rappeler que nombre de produits structurés qu offrent les institutions financières aux petits investisseurs reposent sur des produits dérivés. La spécialiste de la Bourse de Montréal revient sur la valeur ajoutée de l instrument. L option apporte une plus-value au portefeuille, ne serait-ce que pour la protection qu elle confère dans une politique de gestion de risque, et le rendement additionnel qu elle peut générer. «Par exemple, si l on veut protéger un gain en capital, l achat d une option de vente va permettre de cristalliser ce gain, la prime versée devenant l équivalent d une prime d assurance. Si l on veut un revenu continu, on va regarder du côté de la vente d une option d achat couverte. Pour l effet de levier, on s en remettra à l acquisition d une option d achat.» S ajoute l accès facilité à une action qui pourrait, par exemple, s échanger à un cours très élevé. L option permet de miser sur le potentiel de cette action à une fraction du prix. Stratégies populaires Dans cet éventail, la vente d options d achat couvertes reste la stratégie la plus populaire parmi les conseillers actifs dans l univers des options, affirme M me Karam. En résumé, cette opération consiste à vendre la volatilité de l action sous-jacente. Le rendement devient prévisible et un revenu supplémentaire est obtenu sous la forme de la prime reçue. Une prime dont le traitement fiscal est associé à celui sur le gain en capital. objectif conseiller 24
Pour sa part, Jean-François Boivin s en tient essentiellement aux stratégies de base, dans le respect du profil de risque de ses clients. Par stratégies de base, on entend la vente, ou l achat d options d achat ou de vente. Dans le premier cas (achat d une option d achat), on mise sur une tendance haussière du cours de l action sous-jacente. Parmi les objectifs visés, on peut noter la volonté de bénéficier du mouvement haussier de l action à une fraction du prix, celle de vouloir fixer un prix d achat futur, ou celui de dégager des liquidités en réalisant une partie de ses gains tout en misant sur le potentiel haussier. Dans le deuxième cas (vente d une option d achat), on s attend à ce que la tendance du cours de l action sous-jacente soit baissière ou, à la limite, stable. On voudra alors ajouter au rendement en obtenant un revenu additionnel sous la forme de la prime reçue. Dans le troisième cas (achat d une option de vente), on pense que le mouvement du cours sous-jacent sera baissier. On voudra alors soit protéger la valeur du titre, soit spéculer sur la baisse du cours à moindre coût. Dans le dernier cas (vente d une option de vente), on pense que le mouvement de base est haussier, ce qui permettrait de conserver la prime reçue. Cette stratégie est également un moyen d acheter des actions à un cours inférieur au prix du marché. Enfin, dans tous les cas, il faut retenir que pour l acheteur d une option, le gain est théoriquement illimité alors que la perte est limitée à la prime versée. Pour le vendeur d une option, le gain est limité à la prime reçue alors que la perte potentielle est théoriquement illimitée. On peut combiner des stratégies d options, mais la rentabilité de tels montages n est pas toujours évidente, renchérit M. Boivin. Objectif conseiller 26