AUDITION SUR LE CIR : LA REFORME PROFITE-T-ELLE AUX PME? Propositions de la CGPME Introduction : Nombre d adhérents à votre organisation : Avant propos : Compte tenu du niveau d information qui peut être incomplet en raison de la structure même de la CGPME d une part, et de la nécessaire réserve qu il convient d observer sur la transmission des chiffres d autre part, la Confédération ne peut vous fournir qu une estimation du nombre d adhérents. L estimation : La CGPME est composée d environ 200 branches professionnelles et de 123 unions territoriales, départementales et régionales. Elle représente à la fois les entreprises des secteurs de l industrie, du commerce, des services et de l artisanat. Ainsi, elle fait entendre la voix de plus de 1 650 000 PME et TPE françaises. Nombre de bénéficiaires du CIR 1 : En 2005, le nombre d entreprises bénéficiaires est de 4 090, dont 3 562 PME. En 2006, le nombre d entreprises bénéficiaires est de 5 537, dont 4 917 PME. En 2007, le nombre d entreprises bénéficiaires est de 6 022, dont 5 272 PME. En 2008, le nombre d entreprises bénéficiaires est de 6 771, dont 6 053 PME. Nombre de bénéficiaires du Crédit d Impôt Recherche (CIR) sur l ensemble de vos adhérents: L estimation : La Confédération n est pas en mesure de présenter une étude sur cette thématique. Par contre, elle peut aller au delà des chiffres et des enquêtes effectuées par l Etat, pour donner une perception globale et concrète de la vision des PME, utilisatrices ou non du CIR. 1 Source : Ministère de l Économie, des finances et de l emploi DAJF JB-JW 23.02.10 1
Le constat : Les points qui peuvent être relevés : - Mauvaise connaissance des modalités applicables au CIR (exemple : en ce qui concerne les nouvelles modalités de remboursement ) le CIR est un dispositif qui incite les entreprises à investir dans la recherche et développement, - Une application du dispositif qui profite en pratique aux grandes entreprises alors même que le CIR s adresse, à toutes les entreprises, quelque soit leur taille, - Un périmètre trop restreint, - La peur du contrôle fiscal qui est perçu comme systématique. Les évolutions : - Informer les PME sur les modalités applicables, - Encourager les PME à renforcer les dépenses de R & D en les accompagnants, - Demander l élargissement du périmètre des dépenses, - Pérenniser le remboursement immédiat des créances de CIR, Répartition par secteur des bénéficiaires du CIR 2 La répartition de la dépense fiscale entre les secteurs économiques montre que l industrie ne représente qu un tiers des bénéficiaires du CIR. Le principal bénéficiaire du CIR étant le secteur des services qui représente les deux tiers des créances avec 1 174 millions d euros en 2007. Répartition par taille 3 : Les résultats de cette analyse par taille montrent que les grandes entreprises sont les premiers bénéficiaires du CIR. En effet, alors qu environ 55 % des grandes entreprises (respectivement, environ 61 % pour les entreprises ayant plus de 500 salariés et 50 % pour la tranche appartenant au plus de 250 et au moins de 500) bénéficient du CIR, seulement 51 % des entreprises de plus petites tailles utilisent le CIR (avec environ 52 % pour les entreprises ayant moins de 20 salariés, environ 44 % pour la tranche appartenant au plus de 20 et au moins de 100 salariés et environ 54 % pour la tranche appartenant au plus de 99 et au moins de 250 salariés). 2 Source : Ministère de la Recherche 3 Enquête sur le crédit impôt recherche (CIR) organisée en 2008, présentée en 2009 DAJF JB-JW 23.02.10 2
concentré à près de 80 % 4 sur les entreprises de plus de 250 salariés et, à parmi celles-ci, à hauteur de 23,9 % sur les entreprises de plus de 5 000 salariés. A l inverse, les PME n obtiendront qu environ 20 % des gains de la réforme 5. Rappel : en 2007, les chiffres indiquent que les grandes entreprises (soit 10,6 % des bénéficiaires) ont capté 57 % de l'avantage fiscal contre 43 % pour les PME. Les raisons de ce constat. Dans l esprit d une PME, seuls les grands groupes peuvent bénéficier du CIR puisque celui-ci ne leur est ouvert que si elles développent une technologie. Par conséquent, pour les PME, la définition proposée est trop restrictive. Le CIR, de par nature ciblé sur la R&D, ne peut bénéficier majoritairement aux PME, dont le besoin en termes d innovation est pourtant fondamental pour se développer. Paradoxalement, son champ d application est trop restrictif pour les PME. Beaucoup d entre elles innovent dans leur production sans nécessairement recourir à des activités qualifiées de R&D. Par exemple, l emploi de jeunes docteurs ès sciences ou les travaux de normalisation réservés aux grandes entreprises. Pour les PME, l innovation ne passe pas systématiquement par ce type de dépenses mais se concentre bien souvent sur la phase avale exclue du périmètre du crédit d impôt recherche. Or, cette phase est indispensable pour que le processus d innovation soit réussi, c est-à-dire qu une idée nouvelle se transforme en succès commercial. 3. La réforme de 2008 a-t-elle produit un effet d aubaine pour certaines entreprises? Comment l éviter? Oui, même si le gouvernement ne s est pas réellement prononcé sur ce point, il semblerait que celuici n a pas pour seul but de créer des emplois. En effet, on constate que les modalités d application du CIR servent avant tout les intérêts des grands groupes. Sur ce nombre, certaines sont tentées de profiter du dispositif en externalisant leurs travaux de recherche dans les pays de l Union Européenne, via des holdings 6. Ainsi, on peut regretter que, compte tenu du coût budgétaire, le bénéfice de ce dispositif ne soit pas réservé aux seules entreprises françaises. 4. Est-ce que le CIR favorise réellement l innovation en France ou n est-il qu une subvention en faveur de la recherche privée? Même si la France est le pays de l OCDE qui finance le plus l effort public de recherche, elle souffre d un retard important en matière de dépenses privées de recherche. En effet, en France, la moitié de la R & D est financée par le secteur privé, contre 60 % pour l Allemagne et les Etats Unis, voire plus de 70 % pour le Japon. 4 La tranche des 250-5000 salariés obtenant un gain de 55.3 % et la tranche des plus de 5000 salariés obtenant un gain de 23.9 %. 5 La tranche des 0-19 salariés obtenant un gain de 4.3 % et la tranche des 20-250 salariés obtenant un gain de 16.5 %. 6 A cet effet, on constate un triplement du nombre des holdings sur les 10 dernières années. DAJF JB-JW 23.02.10 4
En outre, les coûts des opérations de recherche sous traitées à des organismes de recherches publics qui entrent dans les dépenses à prendre en compte dans le calcul du CIR sont limités à10 M d (avec une possibilité de majorations de 2 M d par an dans certains cas). Ainsi, on ne peut pas dire à l heure actuelle que le CIR favorise réellement l innovation en France puisqu il est concentré avant tout sur la recherche fondamentale et la recherche appliquée. 5. Selon vous, selon quels critères mesurer les effets du CIR sur : a. l effort de recherche? b. l innovation? Les critères pour mesurer les effets du CIR peuvent être : -en fonction du nombre de brevets, marques, dépôts, la propriété industrielle, -en fonction du nombre de demandes par taille d entreprise, -en fonction de l impact des mesures sur les comportements des entreprises, - en fonction des freins des entreprises (manque d information des PME ), - en fonction du nombre d embauches en France, - évolution des dépenses de recherche et de développement, - en fonction des pôles de compétitivités (savoir si les bénéficiaires du CIR appartiennent à un pôle de compétitivité ) 6. Existe-t-il des freins identifiés pour une PME à l accès au CIR (déficit d information sur les dépenses éligibles, crainte du contentieux, autre )? si oui, comment y remédier? La première difficulté pour les PME, c est l information. En effet, les petites entreprises n ont pas une connaissance approfondie de la réforme. 65,08 % des entreprises de 250 à 500 salariés et 68,83 % de celles de plus de 500 salariés déclarent connaitre l ensemble des dispositions de la réforme, contre seulement 1/3 des entreprises employant moins de 20 salariés. Comme précisé précédemment, les PME ont souvent le sentiment que le CIR est le privilège des grands groupes. Un plan d action large doit être institué sous la forme d un accompagnement individualisé des PME-PMI. L information reste un levier indispensable pour encourager les PME à investir dans la R&D. De plus, pour bénéficier du CIR, une PME doit faire de nombreuses démarches administratives. Ces démarches, qui sont très lourdes, entrainent nécessairement une augmentation des coûts indirects pour l entreprise. Ainsi, une entreprise peut hésiter à bénéficier d un avantage auquel elle a droit. DAJF JB-JW 23.02.10 5
En outre, selon nos propres sources, les entreprises qui ont bénéficiées de ce dispositif ce sont vues imposer un contrôle fiscal dans les mois suivants. Ainsi, la crainte fiscale peut être un frein à l utilisation de ce dispositif. Enfin, les PME ont besoin d un interlocuteur facilement identifiable. Or, aujourd hui, il existe deux intervenants potentiels soit la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) soit le Ministère de la recherche. Pour assurer une meilleure information aux PME, il est nécessaire de donner à chaque entreprise un interlocuteur facilement identifiable. 7. Une requête de certaines PME est d intégrer les avances remboursables dans l assiette du CIR alors que cela aboutirait, selon la Cour des Comptes, à la superposition de deux aides. Qu en pensez-vous? L avance remboursable dans l assiette du CIR n est pas une subvention puisqu elle apparait comme une dette sur les comptes de l entreprise. Ainsi, on ne peut pas parler de superposition de deux aides. De plus, le nouveau CIR semble moins avantageux en phase de démarrage, puisqu il ne prend plus en compte les subventions et avances remboursables dans leurs dépenses de R&D. Ce constat est également partagé par les sénateurs puisque le projet de loi de finances rectificatives pour 2010, adopté le 16 février 2010, intègre un article 8 quater (nouveau) prenant en compte les avances remboursables de l assiette du CIR. Cette mesure qui touche les PME innovantes, permettrait de faciliter l accès des petites entreprises au CIR. La CGPME considère que cet amendement serait un élément supplémentaire pour stimuler la recherche et l innovation des PME (et jeunes entreprises innovantes). Ce dispositif «tend à favoriser les petites et moyennes entreprises innovantes, celles qui bénéficient de l avance remboursable d OSEO et qui sont susceptibles de bénéficier du crédit d impôt recherche.» Cependant, alors que le gouvernement rappelle depuis plusieurs mois son intention de propulser la recherche de nos PME pour gagner en croissance et faire face à la crise, ce dispositif, favorable aux PME, a été annulé par la Commission Mixte Paritaire. 8. Le remboursement anticipé de créance du CIR majore considérablement le coût du CIR dans le budget de l Etat. Est-ce vraiment utile? Pour aider les entreprises à affronter la crise, un dispositif temporaire de remboursement anticipé des créances sur l Etat calculées au titre des trois années antérieures et non encore utilisées a été mis en place dans le cadre de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2008. Cette disposition n a cependant été reconduite que pour une année. Afin de continuer à soutenir la trésorerie des entreprises au-delà de la crise, cette mesure incitative ne doit pas seulement être prolongée mais doit être pérennisée. DAJF JB-JW 23.02.10 6
En effet, la première enquête 7 quantitative sur les effets du dispositif montre que si le crédit d impôt recherche est un «amortisseur pendant la crise, il est également un tremplin pour l après crise». De plus, d après le bilan fiscal du CIR, ce dispositif a permis d inciter les entreprises à augmenter leurs dépenses de recherche et développement 8, d encourager l embauche de jeunes docteurs 9, d inciter les entreprises à avoir «une stratégie innovation 10». Enfin, en raison de l importance des enjeux présents et à venir, ce dispositif doit être sécurisé dans le temps afin d accroître la capacité d'innovation nationale et de renforcer la compétitivité des entreprises. Par ailleurs, le rapport de l OCDE de juin 2009 souligne que l innovation est une condition essentielle de reprise économique durable. Or, alors que la Finlande ou la Corée ont toutes accru leurs dépenses d innovation et d éducation durant les périodes de crise, la France n a consacré que 46 millions d dans la recherche et le développement. A l inverse, elle a investi 4.7 milliards d euros pour les ponts et les routes. 9. Une modulation des critères d attribution vous semble-t-elle souhaitable en fonction : a. des secteurs (ex : biotechnologies)? b. de la taille de l entreprise CG/PME)? c. ou conditionner le CIR à l embauche de chercheurs ou aux projets de collaboration publique/privée? a. En matière fiscale, la simplicité doit rester la règle. Faire une modulation des critères d attribution par secteurs ne semble pas judicieux. b. Par contre, cibler le CIR sur les entreprises de PME semble pertinent. En effet, bien que le dispositif fût à l origine tourné vers les PME, on constate que la réforme de 2008 a réorienté le CIR vers les grandes entreprises. Le Conseil des Prélèvements 11 envisage d ailleurs qu à terme plus de 80 % de ce dispositif profitera aux grands groupes. Ainsi, ce dispositif censé impulser l innovation des entreprises ayant une capacité plus faible à investir devrait être loin d atteindre son objectif. A terme, ce système nuira fortement aux PME et donc à leur capacité à innover. Ainsi, la Confédération propose d élargir le taux du CIR en modifiant les conditions de taille pour faciliter l accès du CIR aux PME. 7 Source : ministère de l Enseignement supérieur et de la Recherche 8 58 % des entreprises considèrent que le nouveau dispositif incite particulièrement à augmenter leur projet de R&D» 9 29 % des dirigeants considèrent que ce dispositif à encourager leur recrutement 10 53 % des entreprises interrogées précisent qu elles augmentent leurs dépenses R & D grâce au levier du CIR 11 Conseil Des Prélèvements Obligatoires Cour des Comptes - Octobre 2009 DAJF JB-JW 23.02.10 7
10. Faut-il compléter le dispositif de soutien à la recherche et au développement par la création d un crédit d impôt recherche innovation? Extension du CIR ou nouvel outil (CII)? La Confédération considère qu il est nécessaire de compléter le dispositif de soutien à la recherche et au développement en s orientant vers un crédit d impôt recherche innovation. Le CIR, de par nature ciblé sur la R&D, ne peut bénéficier majoritairement aux PME, dont le besoin en termes d innovation est pourtant fondamental pour se développer. Selon l article 244 quater B du CGI, ouvrent droit au crédit d impôt les dépenses affectées à la réalisation d opérations de recherche scientifique et technique, qu il s agisse de recherche fondamentale, de recherche appliquée ou d opérations de développement expérimental (y compris la réalisation de prototypes ou d installations pilotes). Comme le souligne le Manuel de Frascati (OCDE/Eurostat, 2002), la R&D ainsi définie, seule éligible au CIR, ne correspond qu à une variable de l innovation. Sont exclues de cette définition certaines actions qui, elles aussi, sont à l origine d innovations non négligeables. Elles sont de nature différente de celle de la mise au point d un objet technique, se produisent en des lieux de l entreprise autres que le laboratoire de R&D et sont le fait de personnes ne faisant pas partie de l équipe de chercheurs. Par exemple, la pertinence commerciale d un produit, procédé ou service d une PME ou le simple fait que cette contribution soit nouvelle ou novatrice ne suffit pas à rendre les opérations de création éligibles au CIR alors que cela constitue bel et bien de l innovation. Enfin, aujourd hui, seul le prototype qui a pour but de vérifier expérimentalement des hypothèses de recherche, de lever des doutes et des incertitudes scientifiques et techniques, sans la préoccupation de représenter le produit dans son état industriel final, est éligible au CIR. Sur tous ces points, le crédit d impôt recherche doit être remodelé pour être appréhendé plus aisément par les PME innovantes, au besoin en déterminant un plafond de dépenses éligibles pour ces dernières. La CGPME propose que le champ d application du crédit d impôt recherche soit étendu aux dépenses exposées non seulement en matière de brevet mais aussi pour les autres titres de propriété intellectuelle tels que les dessins et modèles ou encore les concessions de licences ou bien encore aux dépenses relatives au produit ou au procédé relevant de fonctions d études ou d ingénierie et dont l'objectif principal est de trouver des débouchés, aux dépenses relatives aux prototypes de validation de conception 11. Dans cette hypothèse, quelle définition retenir de la notion d «innovation»? L innovation ne doit pas se restreindre à un aspect technique en lien avec la R&D mais doit se concevoir dans une approche globalisante. Comme le souligne le Manuel de Frascati (OCDE/Eurostat, 2002), la R&D ainsi définie, seule éligible au CIR, ne correspond qu à une variable de l innovation. Ainsi, Il faut entendre par «innovation» à la fois l innovation technologique et l innovation non technologique. DAJF JB-JW 23.02.10 8