Conduite à tenir devant un nodule splénique Gayet M, Calmels V, Lazure T*, Gayral F**, Vilgrain V***, Bellin MF Services de Radiologie adultes, *Anatomo-pathologie, **Chirurgie viscérale, CHU Bicêtre ***Service de Radiologie, CHU Beaujon
Conduite à tenir devant un nodule splénique Un défi: nombreuses causes et sémiologie radiologique réputée peu spécifique Importance du contexte++: cancer / hémopathie / infection/ traumatisme même ancien / maladie de surcharge But: Décrire en échographie, scanner et IRM les principales lésions spléniques (hors traumatisme) et proposer une approche diagnostique
Plan Principales causes de nodules de la rate Nodules kystiques / tissulaires Notre expérience Cas illustrés Place des prélèvements percutanés Points à retenir en pratique
Etiologies d un nodule splénique Congénitale ++ Traumatique Infectieuse Kyste épidermoïde, mésothéliaux Hématome, pseudo-kyste Abcès à pyogènes, BK, hydatique, fongique Inflammatoire Vasculaire Secondaire+++ Hémopathie +++ Sarcoïdose, Pseudotumeur inflammatoire (SANT) Hémangiome, angiosarcome, et hémangioendothéliome et «faux nodules»: infarctus, anévrysme et pseudoanévrysme Contexte de K primitif (K sein, ovaire, KBP, mélanome, digestif parfois sarcome) Lymphome Autre Hamartome
Nodules spléniques multiples Hypothèses à privilégier: Infection -> Abcès à pyogène, BK, Candida Inflammation -> Sarcoïdose Hémopathie -> Lymphome Métastases mais aussi hémangiomatose, hamartomatose
Nodule splénique: kystique ou tissulaire? «Les lésions kystiques de la rate sont toujours bénignes» Exemples: Kyste épidermoïde et kyste mésothélial «Pseudokystes» ( atcd hématome, abcès, pancréatite, infarctus) Kyste hydatique Lymphangiome kystique (rare) mais
Nodule splénique: kystique ou tissulaire?.. pièges possibles avec des métastases kystiques (nécrotiques ou mucineuses) contours mal limités, paroi épaisse irrégulière contenu hétérogène Métastase kystique d un cancer ovarien; hile splénique
Nodule splénique: kystique ou tissulaire? Les nodules tissulaires les plus fréquents (hors contexte de K connu) sont hypervasculaires et bénins: Hémangiome +++ Hamartome ++
Notre étude Série rétrospective de cas prouvés histologiquement ou suivis par imagerie aux CHU de Bicêtre et Beaujon, entre 2001 et 2010 47 patients, 47 nodules uniques 11 ponctions-biopsies, 39 splénectomies (partielles ou totales), 4 cas suivis par imagerie Âge : 8-81 ans (incluant 7 cas pédiatriques)
Résultats: Nodules kystiques de la rate (n=20) (N) Types de lésion Terrain 7 kystes mésothéliaux Age: 10-15 ans 7 kystes épidermoïdes Enfants et adultes jusqu à 40 ans 2 pseudokystes 1 post traumatique 1 post pancréatite aiguë 2 abcès chroniques Femme âgée immunodéprimée 1 kyste hydatique Origine maghrébine et 1 métastase de cystadénok ovarien
Résultats Nodules tissulaires de la rate (n=27) Hypervasculaires 6 hémangiomes capillaires 4 hamartomes 1 hémangioendothéliome épithélioïde Non hypervasculaires 8 lymphomes spléniques 3 leucémies (LLC ou LMC) micronodulaires 1 miliaire tuberculeuse 2 sarcomes 2 métastases (1 CHC, 1 côlon)
NODULES KYSTIQUES DE LA RATE Exemples illustrés
Nodules kystiques On distingue les kystes d origine parasitaire et nonparasitaire. Toujours éliminer un kyste hydatique avant un geste. Y penser surtout si patient méditerranéen ou si aspect évocateur. -> sérologie (mais pas toujours fiable). La classification de Gharbi s applique aussi aux kystes hydatiques de la rate: 1: kyste pur 2: membrane décollée 3: multivésiculaire 4: pseudotumoral 5: entièrement calcifié
Kyste hydatique Kyste hydatique hépatique stade V + kyste splénique surinfecté avec fistule colique
Kystes épidermoïde et mésothélial Seuls «vrais kystes» de la rate Fréquents, d origine congénitale Hypothèse anatomopathologique actuelle: il s agirait d une seule et même entité: Inclusion mésothéliale sous-capsulaire lors de l embryogenèse -> kyste mésothélial Puis possible métaplasie locale ou diffuse en épithélium malpighien ->kyste épidermoïde. L épithélium malpighien peut à son tour se desquamer dans le kyste et donner des cristaux de cholestérol intrakystiques (aspect échographique évocateur). Remaniements inflammatoires possibles -> cloisons fibreuses prenant discrètement le contraste, +/- calcif. pariétales Bürrig KF., Am J Surg Pathol. 1988
Kyste épidermoïde Le plus fréquent des kystes spléniques non parasitaires dans la littérature (25 %) Anapath: épithélium malpighien Terrain: classiquement sujet jeune <20 ans (mais jusqu à 40 ans dans notre série) Souvent volumineux car longtemps asymptomatique
Kyste épidermoïde Echographie: Fins échos mobiles au sein d un kyste (paillettes de cholestérol) +++ Cloisons fines possibles Paroi +/- calcifiée
Kyste épidermoïde Scanner: Spontanément iso ou hyperdense +/- cloisons fines (2/3 cas) avec discrète prise de contraste possible Paroi calcifiée (1/3 cas) *
Kyste épidermoïde IRM Kystique : hypersignal T2 franc Iso ou hypersignal T1 (hémorragie, protéines) Rehaussement de la paroi +/- des cloisons (> scanner) T2 T1 gado
Kyste épidermoïde Complications Rupture dans la cavité péritonéale (si >8cm) Hémorragie intra-kystique douleur brutale à l origine d aspects atypiques en imagerie: végétations intrakystiques de fibrine, prenant pas ou peu le contraste
Kyste épidermoïde compliqué Hémorragie intra-kystique avec caillots Pas de PDC du matériel intrakystique Ax T2 Ax T1 Ax T1 Gado
Kyste épidermoïde ou mésothélial? Dans notre série, et contrairement à la littérature, les kystes épidermoïdes et mésothéliaux étaient de présentation similaire en échographie et au scanner (fin piqueté interne); seules les calcifications pariétales étaient évocatrices de kyste épidermoïde. égaux en fréquence Mais en pratique, leur distinction importe peu dans la prise en charge. Anapath: Kyste mésothélial
Kyste mésothelial compliqué Hémorragie intra-kystique Tout kyste splénique peut se compliquer d hémorragie et prendre un aspect atypique. Membranes de fibrine. Aspect trompeur Ax T2 Ax T1 Gado: Pas de PDC intrakystique
Nodules kystiques (suite) Pseudokyste Post traumatique ou post pancréatite En imagerie: non distinguable d un kyste vrai; image kystique simple, paroi+/- calcifiée H 40 ans, volumineux pseudokyste posttraumatique, opéré; anapath: paroi fibreuse sans revêtement épithélial
Nodules kystiques (suite) Abcès à pyogènes Aigu ou chronique, parfois latent Coque épaisse, PDC+ Survenue spontanée sur terrain fragilisé ou par septicémie (endocardite..) ou par surinfection de pseudokyste F 81 ans, asthénie, syndrome inflammatoire Abcès -> splénectomie
Nodules kystiques Lymphangiome kystique (rare) Enfant ou sujet jeune kyste cloisonné Micronodules muraux IRM: hypersignal T1 (riche en protéines) et fort hypert2; ne se réhausse pas Autres localisations possibles (lymphangiomatose) Dr Legendre, Mignon, Feuillets Radiol 2005
Prise en charge des kystes spléniques non parasitaires Si asymptomatique et <5 cm -> surveillance simple par imagerie Si symptomatique ou > 5cm -> traitement car risque de complications (rupture, infection): Traitement chirurgical: Splénectomie, si possible partielle Marsupialisation avec omentopexie Drainage percutané +/- alcoolisation (controversé) Karfis, Surgical management of non parasitic splenic cysts. JSLS 2009
NODULES TISSULAIRES DE LA RATE Exemples illustrés
Nodules tissulaires de la rate 1ere question à se poser: Contexte de néoplasie ou hémopathie ou granulomatose? 2 e question: Hypervasculaire ou non? (examen en coupes indispensable, incluant un temps artériel portal - tardif)
1) Nodules tissulaires hypervasculaires La plupart sont bénins: Hémangiome+++ Hamartome++ Les autres sont rarissimes: Hémangioendothéliome Angiosarcome
Hémangiome de la rate Lésion tissulaire la plus fréquente Découverte souvent fortuite Parfois multiples (hémangiomatose) Complications rares Rupture spontanée : surtout si grossesse! Pas de dégénérescence maligne
Hémangiome de la rate Imagerie Pas de cinétique de rehaussement spécifique comme l angiome hépatique; JAMAIS de «mottes» périphériques 3 types de réhaussement: précoce et homogène, persistant au temps tardif précoce annulaire, remplissage centripète, homogène au temps tardif Idem mais persistance d une zone centrale avasculaire au temps tardif En IRM: hypersignal T2 modéré (< à celui de l angiome hépatique)
T1 Gado Art T1 Gado Port T1 Gado Tardif T2 Remplissage progressif, centripète, incomplet Hypersignal T2 modéré, hétérogène Anapath: hémangiome
Hémangiome: 2 formes en imagerie/anapath Hémangiome capillaire Aspect SOLIDE en écho; hyperéchogène, parfois hypo Souvent de petit diamètre <2cm Prise de contraste intense et homogène dès la phase artérielle (35s) puis diminue progressivement Isodense à la phase tardive
Hémangiome: 2 formes en imagerie/anapath Volumineux hémangiome capillaire chez une femme au 2 e trimestre de grossesse: Risque rupture++ -> Splénectomie Coro T2 ax T2 ax T1 IRM sans injection Dr Merlin A, CHU Fort-de-France
Hémangiome: 2 formes en imagerie/anapath Hémangiome caverneux: Souvent volumineux solide et kystique (portions «kystiques» = lacs veineux dilatés) Thrombose, hémorragie, fibrose Portion solide prenant le contraste Abbott, Radiographics 2004
Hamartome splénique Tissu splénique normal organisé de façon anarchique, au sein d une rate normale Aspect de «rate dans la rate» Congénital, découvert à tout âge, H=F H 52 ans, CHC sur cirrhose et hamartome splénique
Hamartome splénique Nodule bien limité IRM: hypert2 hétérogène Rehaussement intense au temps artériel, d aspect «tigré» comme la rate adjacente, hétérogène isosignal homogène à la phase portale et tardive hyperéchogène Artériel: nodule peu hypervasculaire portal Anapath: hamartome remanié
Hémangioendothéliome Rare. Adulte jeune Tumeur hypervasculaire bénigne à potentiel malin: dégénérescence possible en angiosarcome Formes nécrotico-hémorragiques Rétraction capsulaire (contingent fibreux) Diagnostic difficile en imagerie Ax T2 Ax T1 Gado Portal TDM injectée Artériel Hémangioendothéliome épithelioïde, biopsié puis opéré (H 60 ans, découverte fortuite)
Angiosarcome Rare Imagerie non spécifique: hétérogène, hypert2, mal limité; ressemble à un hémangioendothéliome mais + infiltrant et sans rétraction capsulaire T1 T1 art T1 portal T2
2) Nodules tissulaires non hypervasculaires Orientation selon le contexte d un cancer ou hémopathie connue.. Ce sont les causes les plus fréquentes de nodules splénique, même s ils sont non spécifiques Métastases ++ Lymphome ++ Tuberculose Sarcoïdose Micro ou macronodules spléniques hypovasculaires + SMG, ADP Lymphome B
3) Pièges Infarctus sous-capsulaires Malformations vasculaires, anévrysmes Nodules sur drépanocytose et nodules de voisinage, para spléniques
Pièges: Infarctus sous-capsulaires Faciles à reconnaître (triangulaires); favorisés par la splénomégalie, par une thrombose vasculaire..
Pièges: nodules sur drépanocytose Crises vaso occlusives répétées -> hémolyse intrasplénique Anémie hémolytique -> transfusions Autres signes de la drépanocytose: -atrophie splénique -infarctus -> calcifications surcharge ferro- calcique: Rate en hypo T1 et hypot2 épargnant des «nodules» de rate saine (de régénération?)
Pièges: Nodules sur drépanocytose Hyposignal T1 et T2 global T1 T2 Îlots de rate saine art portal Rehaussement artériel et portal
Pièges d origine vasculaire BAR. Ceci n est pas un nodule hypervasculaire de la rate! Anévrysme mycotique intrasplénique (partiellement thrombosé) bien visible sur les reconstructions MIP
Pièges: lésions de voisinage Tumeurs de la queue du pancréas, de l estomac (GIST...) du péritoine Distinction difficile si organes accolés Tumeur endocrine de la queue du pancréas envahissant la rate
NODULES SPLENIQUES: ET LES PRELEVEMENTS PERCUTANES?
Quand faire un prélèvement percutané de la rate? Dans un contexte de cancer Forte suspicion de métastase splénique, modifiant le staging et/ou la prise en charge du patient Suspicion de lésion bénigne (hémangiome..) permettant d éliminer toute arrière-pensée et d éviter une splénectomie Hors contexte oncologique: lésion d aspect atypique Si bénin, arrêt de la surveillance Si malin, diagnostic permettant de planifier le geste opératoire Suspicion de granulomatose (BK, sarcoidose)
Quand NE PAS faire un prélèvement percutané de la rate? Contre-indications absolues Trouble de l hémostase Suspicion d hydatidose (risque de dissémination péritonéale) Non-indications Non-indications Kyste splénique (cytoponction non rentable) Lymphome Splénectomie programmée Présence d une autre cible
Ponction ou biopsie de rate? Technique cytoponction à l aiguille fine 22 Gauge ou biopsie avec aiguille 18 ou 20 Gauge Dans les 2 cas, au maximum 2 passages Intérêt de la cytoponction à l aiguille fine +++ recherche de métastase (cellules malignes?) tuberculose ou sarcoïdose (granulomes?) mais non contributive pour un hémangiome, un hamartome ou même un kyste..
Complications -Hémorragiques (2-8% si biopsie): pas plus fréquentes que pour une PBH si l hémostase est normale Les risques augmentent avec la taille de l aiguille et le nombre de passages -Pneumothorax (culs de sacs pleuraux à éviter) -Epanchement pleural Keogan, AJR 1999
Etude multicentrique, 62 nodules 62 prélèvements de rate chez 52 patients (37 ponctions à l aiguille fine + 27 biopsies) Précision diagnostique biopsie 100%, cytoponction 80% (un peu moins contributive en cas de lymphome) Complications Aucune après cytoponction 2 patients (3,8%) ont présenté une hémorragie post biopsie dont 1 nécessitant une splénectomie. Gomez-Rubio, J Clin Ultrasound 2009
Apport de l échographie de contraste Aide à la différence abcès / tumeurs tissulaires: oui Aide à la différenciation bénin / malin: discuté Après injection: absence totale de réhaussement ou caractère isoéchogène à tous les temps = nodule bénin (VPP= 100%)* caractère progressivement hypoéchogène par rapport au parenchyme adjacent = «nodule plutôt malin» (VPP=87%)* Hémangiome capillaire: non spécifique (à la différence des hémangiomes du foie) Le nodule peut rester iso par rapport à la rate, ou être hypervasculaire au temps artériel avec ou sans cinétique centripète, avec un réhaussement parfois hétérogène mais jamais avec «mottes périphériques». *Stang, AJR 2009; étude sur 147 nodules
Points à retenir Orientation en faveur de la bénignité: Nodule hyperéchogène / spontanément hyperdense / hyper T1 Kyste simple en écho ou en IRM; pas de réhaussement intrakystique (ou alors discret, sur les cloisons fibreuses) Nodules tissulaires hypervasculaires: en général bénins
Points à retenir conduite à tenir devant un nodule kystique isolé de la rate Eliminer un kyste hydatique IRM +/- injection Kyste simple (épidermoide ou mésothélial) Abcès Pseudokyste Asymptomatique et <5cm Symptomatique ou >5cm Traitement médical ou ponction ou chirurgie Surveillance de la taille par écho ou IRM Chirurgie
Points à retenir conduite à tenir devant un nodule tissulaire isolé de la rate IRM injectée 4 phases (sinon TDM) Hypervasculaire Non hypervasculaire Hémangiome ou Hamartome typique Stop Atypique Ponction ou biopsie à discuter selon risque hémorragique Contexte néoplasique Lymphome, Tuberculose Ponction ou biopsie
CONCLUSION L orientation diagnostique reste difficile en imagerie hors contexte particulier Quelques nodules fréquents sont d aspect évocateur dans leur présentation typique et non compliquée: kyste congénital, hémangiome, hamartome IRM utile pour nodules kystiques Echo de contraste: quelques indications potentielles Cytoponction ou biopsie pour les lésions atypiques: sans risque si prérequis respectés. But: éviter les splénectomies inutiles et préserver la fonction immunitaire de la rate