IMAGERIE DES KYSTES BILIAIRES ATYPIQUES ET COMPLIQUES DES PIEGES A CONNAITRE P. GUEDIN (1), L. PLARD (2), V. LE PENNEC (1), E. SALAME (2), L. CHICHE (2) (1) Pôle d Imagerie Médicale et d Explorations Fonctionnelles (2) Pôle Viscéral CHU Caen
OBJECTIFS Décrire les caractéristiques radiologiques des kystes biliaires compliqués: kystes biliaires hémorragiques (KBH), compressifs (KBC), infectés (KBI) ou rompus (KBR) Identifier les aspects évocateurs de lésions potentiellement malignes (cystadénome, cystadénocarcinome), ou infectieuses (kyste hydatique) Identifier des critères permettant un diagnostic préopératoire
MATERIELS ET METHODES Entre 1997 et 2006, 35 patients présentaient des kystes hépatiques évocateurs de kyste compliqué, d un cystadénome ou d un kyste hydatique Ces lésions ont toutes été opérées avec un examen anatomopathologique systématique confirmant leur nature kystique biliaire
PRESENTATION CLINIQUE ET BIOLOGIQUE DE LA POPULATION ETUDIEE nombre total de patient 35 voussure clinique 8 âge moyen homme femme 58,7 4 31 fièvre hyperleucocytose 3 1 voyage à l'étranger signes fonctionnels douleurs épigastriques 18 anémie cytolyse 4 aigues choniques 15 2 2N 1 douleurs HCD 3N 1 aigues chroniques 9 2 cholestase 8 asymptomatique 3 hyperamylasémie 1 sérologie hydatique négative 16 autres (dyspnée, AEG) 4 CA 19-9 sanguin 2
TRAITEMENT ET EXAMEN ANATOMO- PATHOLOGIQUE
Contenu verdâtre, purulent et cloisonné d un kyste surinfecté aspect de liquide brun en per opératoire
IMAGERIE Le bilan morphologique comportait systématiquement une échographie et un scanner abdominal, une IRM complémentaire dans cinq cas
CRITERES MORPHOLOGIQUES RETENUS
RESULTATS Sur 35 kystes biliaires compliqués, on retrouve: 16 kystes biliaires hémorragiques 16 kystes biliaires compressifs 2 kystes biliaires infectés 1 kyste biliaire rompu
Les kystes sont multiples dans : 70% des KBH (11/16) 62% des KBC (10/16) dans tous les KBR (1/1) ou les KBI (2/2) Volumineux KBC du foie gauche associé à deux autres kystes simples
La taille des kyste biliaires dépasse : 7 cm dans 81% des KBH et 93% des KBC (15/16) 10 cm dans les deux cas de KBI 20 cm pour le KBR Scanner abdominal avec injection: volumineux kyste biliaire centrohépatique
Le renforcement postérieur des échos est présent dans 31% des KBH (5/16) 93% des KBC (15/16) 1 KBI L échographie retrouve une paroi irrégulière dans 37.5% des KBH (6/16) (contre 12.5% au scanner(2/16)) 12,5% des KBC (2/16) Échographie: KBH appendu à la face inférieure du segment III, à paroi irrégulière, contenu hétérogène et sédimenté Échographie: KBC du segment VI à paroi irrégulière. A noter la présence d une végétation au pôle inférieur
L échographie retrouve une paroi épaissie dans 25% des KBH (4/16) (contre 12.5% au scanner) 6% des KBC (1/16) (contre 6% au scanner et à l IRM) 100% des KBI (2/2) (contre 50% au scanner) KBH à paroi épaissie
Des calcifications sont retrouvées dans 12.5% des KBH (2/16) à l échographie ainsi qu au scanner Scanner sans injection: KBH du segment IV avec calcification punctiforme de la paroi postérieure
Le contenu est échogène dans 18.75% des KBH (3/16) 6% des KBC (1/16) 100% des KBR (1/1) 50% des KBI (1/2) 3 cas de KBH homogène, échogène
L échographie retrouve un contenu hétérogène dans : 62.5% des KBH (10/16) (contre 6% au scanner) 6% des KBC (1/16) (non retrouvé au scanner) 100% des KBI (2/2) (contre 50% au scanner) Échographie: lésion kystique à contenu hétérogène, cloisonné (KBH) Échographie: lésion bien limité à contenu hétérogène (KBI)
L échographie retrouve un contenu sédimenté dans 12.5% des KBH (2/16) (également retrouvés au scanner) 6% des KBC (1/16) (non retrouvé au scanner) Lésion kystique du segment III à contenu sédimenté vu au scanner et à l échographie (KBH)
L échographie retrouve des cloisons endokystiques dans 12.5% des KBH (2/16) (contre 12.5% au scanner) 6% des KBC (1/16) (non retrouvé au scanner) échographie: cloisons intrakystiques
Une dilatation des VBIH est retrouvée dans 6% des KBH (1/16) 31.25% des KBC (5/16) 50% des KBI (1/2) 100% des KBR (1/1) scanner : dilatation des VBIH du foie gauche en aval d une lésion kystique (KBH) scanner sans injection: lésion centrohépatique avec dilatation des VBIH périphérique (KBI)
Dans 12.5% des KBH (2/16) L IRM retrouve un hypersignal en pondération T1 et T2 scanner sans injection: lésion spontanément hyperdense du VII IRM: lésion en hypersignal T1 hypersignal T2
Dans 6% des KBH (1/16) on retrouve le sédiment hématique à l IRM KBH du foie gauche avec sédiment en pondération T1 puis T2
DISCUSSION KYSTE BILIAIRE GENERALITES Lésion fréquente touchant 2 à 7 % de la population, avec une prédominance féminine. Unique ou multiples, de quelques millimètres à plus de vingt centimètres Leur origine est probablement congénitale, en rapport avec des reliquats congénitaux de l épithélium biliaire ou complexes de Von Meyenbourg. Ils peuvent grandir avec l age HISTOLOGIE Lésion à contenu séreux pur ne communiquant pas avec les voies biliaires, bordée par un épithélium cuboïde de type biliaire reposant sur un fin stroma fibreux ECHOGRAPHIE Lésion anéchogène, homogène sans structure interne, sphérique ou ovale, à bords nets, avec renforcement postérieur des échos. Les parois sont invisibles ou fines, il n y a pas de calcifications et le parenchyme avoisinant est sain vue per opératoire d un kyste simple kyste biliaire vu en échographie
SCANNER Lésion homogène, bien limitée, hypodense, de densité liquidienne (0 à 20 UH) sans rehaussement significatif (inférieur à 10 UH) après injection IV de produit de contraste scanner sans et avec injection de produit de contraste
IRM Lésion homogène, en hyposignal T1, important hypersignal T2. Du fait de leur signal identique à celui de l eau, les kystes simples apparaissent très intense sur les séquences fortement pondérées T2, ce qui permet de les différencier des lésions métastatiques kyste biliaire en séquence axial T1 et T2)
ECHOGRAPHIE Lésion kystique multi cloisonnée, aux contours réguliers. Les nodules muraux ainsi que les cloisons internes sont mieux visualisés en échographie CYSTADENOME ET CYSTADENOCARCINOME GENERALITES : Lésion tumorale bénigne kystique du foie, rare, d évolution lente, de la femme d age moyen. La principale complication est la cancérisation (cystadénocarcinome). HISTOLOGIE Cystadénome : couche monostratifiée de cellule mucosécrétante tapissant la paroi du kyste. Le liquide intra tumorale peut être protidique, mucineux, gélatineux, purulent ou hémorragique. Cystadénocarcinome : épithélium tubulopapillaire invasif avec coexistence d éléments cystadénomateux bénins. Le type rencontré chez la femme est à stroma pseudo ovarien alors celui de l homme est plus agressif échographie d un cystadénome.
SCANNER Masse solitaire kystique, avec une capsule fibreuse épaisse, bien limitée, des nodules muraux, des cloisons internes et rarement des calcifications capsulaires. Des excroissances polypoides ou pédonculés sont retrouvés plus fréquemment dans les cystadénocarcinomes biliaires mais peuvent également être retrouvés (moins fréquemment) dans le cystadénome. IRM Masse multi cloisonnée, à contenu liquidien, présentant un signal homogène hypot1 et hypert2. L intensité du signal varie en fonction du contenu protéique, hémorragique ainsi que de la présence de composants solides. scanner sans puis avec injection : cystadénome
KYSTE HYDATIQUE GENERALITES Infection parasitaire à Echinococcus Granulosus. Le contexte de voyage en pays endémique, l hyperéosinophilie ainsi que les sérologies hydatiques aident au diagnostic HISTOLOGIE Le kyste hydatique est composé de trois parties : Le périkyste (tissue hépatique comprimé), l endokyste (membrane germinale), et l exokyste ECHOGRAPHIE Classification de Gharbi : Type I: kyste liquidien, anéchogène Type II: décollement de la membrane interne visualisée sous la forme d échos centraux rubanés, flottants Type III: apparition de vésicules filles placées en couronne, responsables d une image de cloisonnement en «nid d abeille» Type IV: masse solide Type V: masse solide aux contours calcifiés (le taux de calcification étant un marqueur de l age lésionnel) SCANNER Lésion hypodense bien limitée avec une paroi. Calcifications pariétales dans 50% des cas, et vésicules filles dans 75% des cas Permet de faire le bilan lésionnel. A noter que le type IV ne se rehausse pas IRM Le périkyste apparaît en hyposignal T1 et T2 du fait du fait de sa composition fibreuse Meilleure visualisation des décollements de la membrane interne qui apparaît en hyposignal T2 La matrice hydatique apparaît en hyposignal T1, hypersignal T2,les vésicules filles sont plus hypointenses en pondération T2 que le reste de la matrice
COMPLICATIONS DES KYSTES Par ordre de fréquence : BILIAIRES HEMORRAGIE INTRAKYSTIQUE Lésion à contenu hétérogène, mobile en échographie, hyperdense au scanner et hyperintense en T1, pouvant être sédimentée. Ces lésions peuvent présenter des épaississements pariétaux, des cloisons internes ainsi que des végétations intra kystiques COMPRESSION Plus fréquemment au dépend des VBIH, elle peut également être digestive ou vasculaire atteignant le tronc porte ou la VCI SURINFECTION BACTERIENNE Affirmée par la présence de germe dans le liquide. La lésion se comporte comme un abcès. L aspect habituel est celui d une lésion à paroi épaissie, à contenu homogène, hypodense, en hyposignal T1 et hypersignal T2. La paroi se rehausse après injection IV de produit de contraste. Il existe un rehaussement du parenchyme péri lésionnel en rapport ave l hyperhémie réalisant l aspect en cible. La présence d œdème péri lésionnel est retrouvée dans 50 % des cas à l IRM. La présence d air (-1000 à 100 UH) peut être un élément important en l absence d effraction de la lésion RUPTURE Elle est classiquement le fait de volumineux kystes La torsion et la dégénérescence sont des éventualités exceptionnelles
35 cas de kystes biliaires compliqués répertoriés au CHU de Caen sur 9 ans: LESIONS RARES
Les complications les plus fréquentes sont: Kystes biliaires hémorragiques: 16/35 Kystes biliaires compressifs: 16/35
Dans 70% des cas de kystes compliqués il existe d autres kystes simples associés Une lésion associée à de multiples kystes simples est probablement un kyste Une lésion unique est suspecte+++
Calcifications = kystes hydatiques??? Les calcifications ne sont pas spécifiques des kystes hydatiques et sont retrouvées en cas de kyste hémorragique La séméiologie de ces calcifications est très différente de celle rencontrée en cas de kyste hydatique Les calcifications rencontrées en cas de kyste hémorragique sont le plus souvent punctiformes alors que celles des kystes hydatiques sont les plus souvent en arc de cercle d une part, et d autre part étant un marqueur de l ancienneté de la lésion elles sont rarement associées à une lésion strictement homogène sans vésicule fille ou membrane proligère visible
Il n y a pas que les gros kystes qui se compliquent!!! Des lésions inférieures à 5 cm peuvent se compliquer d hémorragie ou être à l origine d une dilatation des voies biliaires intra hépatiques!!!
Dans notre série un kyste biliaire hémorragique présente: irrégulière 37.5% Une paroi épaissie 25% calcifiée 12.5% Des cloisons endokystiques sont retrouvées dans 12.5% Un rehaussement pariétal après injection IV de produit de contraste était retrouvé dans 12.5% des KBH. Comparativement à la littérature tous ces signes peuvent faire évoquer une lésion tumorale (cystadénome ou cystadénocarcinome) et il n existe pas de critères discriminant
Le scanner est moins performant pour analyser le contenu des kystes D autre part il faut garder à l esprit qu un cystadénome est à même de se compliquer d une hémorragie intra tumorale et présenter dès lors les mêmes anomalies de signal à l IRM qu un kyste biliaire hémorragique Il n existe pas de critères formels pour distinguer un kyste simple d un kyste hydatique de type I, ou bien un kyste hémorragique avec des cloisons endokystiques d un type II ou III Le CA 19-9 intrakystique s avère élevé de manière significative dans 11 % des cas. Son intérêt comme élément diagnostic d'une lésion tumorale reste à préciser.
CONCLUSION Les progrès de l imagerie permettent aujourd hui de distinguer aisément un kyste biliaire simple des autres lésions kystiques bénignes ou malignes. En revanche pour les kystes biliaires compliqués il arrive qu il n y ait pas de critère discriminant pour les distinguer d une lésion tumorale (cystadénome, cystadénocarcinome) Pour autant il existe des arguments qui plaident en faveur d une lésion bénigne : de multiples kystes associés, des calcifications punctiformes Il ne faut pas négliger ces arguments afin de ne pas orienter par excès vers des lésions potentiellement malignes ou infectieuses
BIBLIOGRAPHIE 1.Mortelé K, Ros P. Cystic focal liver lesions in the adult : differential CT and MR imaging features. Radiographics 2001; 21: 895-910 2.Le Borgne J, Lehur P.A et al. Complications des kystes biliaires. Chirurgie 1994-1995 ;120 : 181-186 3.Vuillemin-Bodaghi V, Zins M et al. Imagerie des kystes atypiques du foie. Gastroenterol Clin Biol 1997 ; 21, 394-399 4.Hanasaki K, Wakabayashi M et al. Hemorrhage into a simple liver cyst : diagnostic implications of a recent case. Journal of gastroenterology 1997; 32:848-851 5.Cherqui D. Les tumeurs bénignes du foie. J Chir2001;138:19-26 6.Guivarc h M, Sbai-Idrissi MS et al. 37 kystes dits biliaires du foie de l adulte. Chirurgie 1997 ; 122 :333-337 7.Anthony YBT, Simon SM et al. Biliary cystadenoma and other complicated cystic lesions of the liver : diagnostic and therapeutics challenges. World J Surg 2006; 30:1560-1566
IMAGERIE DES KYSTES BILIAIRES ATYPIQUES ET COMPLIQUES DES PIEGES A CONNAITRE P. GUEDIN (1), L. PLARD (2), V. LE PENNEC (1), E. SALAME (2), L. CHICHE (2) (1) Pôle d Imagerie Médicale et d Explorations Fonctionnelles (2) Pôle Viscéral CHU Caen