Colloque pluridisciplinaire Souffrance et maltraitance Souffrance et performance sportive Fred Grappe Laboratoire C3S (EA 4660) Jeudi 29 et vendredi 30 mars 2012
Moins de 10 sec d effort maximal Souffre t-il?
Concentration sur une longue durée Souffre t-il?
Plusieurs heures d effort intense Souffrent t-ils?
«Tous les soirs, je suis épuisé C est surhumain» La longue marche de Joe Kals Il a quitté Le Havre pour rejoindre, 1325 km plus loin, sa destination finale : Menton 10 km / jour : 5 km le matin + 5 km l après midi en marche pendulaire, à la force des bras et des abdominaux. Levé à 5h du matin, il se livre d abord à une séance d électrostimulation d 1h15, avant de s étirer les abdominaux. A 9h30, il est sur le goudron pour son premier "marathon", les jambes enserrées dans des orthèses, les bras sur les béquilles. Pause déjeuner-repos puis second "marathon" l après-midi. «C est surhumain», concède-t-il. Surtout qu à la douleur physique, s ajoute la fatigue nerveuse. «Je dois rester concentré en permanence pour conserver l équilibre et ne pas tomber. Je vis dans l angoisse de la chute.»
Performance sportive souffrance? Souffrance Performance sportive? Les expressions «se faire mal» et «se dépasser» évoquent les valeurs cardinales de l effort sportif. La forte implication du sportif dans sa discipline peut s apparenter à une forme de violence sur soi. Le dépassement de soi conduit-il à la performance sportive? Est-il le seul garant de la réussite? Importance : - du modèle du sport pratiqué. - des objectifs fixés en terme de performance sportive. - de la nature de la souffrance.
Record du monde du km sur piste François Pervis (dec 2011) «Je n avais même pas mal aux jambes lorsque je suis descendu de vélo! Je ne m attendais pas à faire une telle performance» L un des efforts le plus violent au niveau psycho-physiologique et pourtant, l estimation de ne pas avoir tout donné! Régulation complexe psycho-physiologique des mécanismes liés au ressenti de la douleur
Cycliste professionnel (vainqueur de classiques World Tour) C est la deuxième fois de ma vie que j atteins un niveau de douleur aussi élevé! As-tu une idée pourquoi cela arrive si rarement? Capacité à classifier et étalonner le niveau de douleur!
David Douillet Sport Intensif : Douleur et performance, 2 ème journées de psychopathologie du sport, université de Bordeaux (5-6 juin 2008) Souffrir faisait partie de mon boulot J ai passé toute ma carrière à souffrir. Cela faisait partie du boulot. On n y pensait même pas. C était normal. On ne se plaignait jamais. La blessure faisait partie du jeu, c était une éducation. On ne s arrêtait pas de travailler à cause d une blessure. On contournait le problème physique en changeant la séance d entraînement pour contourner la blessure. Et pour la compétition idem.
Thomas Voeckler (l Equipe 27 février 2012) Notion de résilience???
Niveau de force mentale et résilience Le sportif espère toujours bénéficier des meilleurs conditions pour se préparer Ce qui est justifié!! Les conditions espérées ne sont jamais optimales Il existe toujours des contraintes Comment réagit-il? Il adopte une attitude de victime Il profite des conditions difficiles pour développer un mental d acier et une motivation pour atteindre ses objectifs Grande difficulté pour se construire Résilience - - - +++ Capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l adversité et des traumatismes extérieurs
Les différents types de douleur La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle. Sportif Douleur aigüe C'est un signal d'alarme qui permet de rechercher la cause, elle a un rôle protecteur. Elle est souvent intense, transitoire et finit par céder rapidement. Douleur chronique Dès que la douleur subsiste (>3 mois) elle devient chronique. Douleur par excès de nociception Elles sont dues à une stimulation excessive des récepteurs périphériques ce qui entraîne une douleur intense liée à des phénomènes mécaniques, inflammatoires, thermiques et chimiques. Ces douleurs sont continues ou intermittentes et varient en intensité. Douleur neurogène Elle est due à un dysfonctionnement au niveau des voies de la douleur car elle ne résultent pas de lésions tissulaires. La douleur est chronique et permanente. Douleur psychogène Ce sont des douleurs qui n'ont aucune cause somatique. Les douleurs proviennent d'un retentissement psychologique (hypocondrie).
Intensité de la douleur Intensité de la douleur Relation douleur - souffrance La douleur est ce qui nous fait dire : «j ai mal» Elle désigne une localisation dans le corps physique La souffrance est ce qui fait dire : "je suis mal". La répétition périodique d une douleur d une ± intensité peut conduire à une ± souffrance
Intensité de la douleur Souffrance = répétition périodique d une douleur ± importante période Souffrance - Temps période Souffrance ++ Souffrance ±
Évaluation de la douleur On utilise le corps comme outil de mesure Perception de l effort Evaluation de la difficulté de l exercice
Avec la perception de l effort On utilise le corps comme outil de mesure Sensibilité mécanique musculaire et articulaire "Proprioception " qui permet de connaître la position du corps dans l'espace et des membres par rapport au corps. Sensibilité à la position Sensibilité au mouvement Sensibilité à la force Les récepteurs sont des mécanorécepteurs localisés dans les muscles, les tendons et les articulations Mécanorécepteurs musculaires Fuseaux neuromusculaires Mécanorécepteurs tendineux 0rganes tendineux de Golgi Mécanorécepteurs articulaires Récepteurs de Ruffini des capsules articulaires Assurent le contrôle du tonus musculaire Réflexe myotatique Renseigne le SNC sur les variations de force Renseignent sur la position de l articulation
Avec la perception de l effort On utilise le corps comme outil de mesure Sensibilité physiologique Lactatémie - ph Sensibilité à la ventilation Sensibilité aux conditions atmosphériques Sensibilité au terrain - l altitude, - la température ambiante, - la musique, - le bruit, - la vitesse du vent, - l humidité - la qualité de l air ambiant. - Volume courant - Fréquence respiratoire Plat, montée, descente Sensibilité / niveau d expertise Expérience + niveau de pratique
Echelle de perception de l intensité de l effort «adaptée» Borg G, Holmgren, Lindblad I. Quantitative evaluation of chest pain. Acta Medica Scandinavica, 644 (suppl.): 43-45, 1981. [La] Intensité
Relation Souffrance - Plaisir - Performance Plaisir La notion de plaisir a été proposée par Kilpatrick et coll en 2007. Kilpatrick M, Kraemer R, Bartholomew J, Acevedo E, Jarreau D. Affective responses to exercise are dependent on intensity rather than total work. Med Sci Sports Exerc, 39(8) : 1417-1422, 2007. sensations agréables charge affective sensations désagréables Souffrance Douleur?
Mesure de la charge affective Baron B, Moullan F, Deruelle F, Noakes TD. The role of emotions on pacing strategies and performance in middle and long duration sport events. Br J Sports Med, 2011 May ;45(6):511-7. Epub 2009 Jun 23. Charge Affective = Effort - Plaisir Effort Plaisir Charge Affective = 10 Maximal 9 8 7 Très fort 6 5 Fort 4 3 Modéré 2,5 2 Moyen 1,5 1 Faible 0,5 Extrêmement faible 0,3 0 Aucun _ 10 Maximal 9 8 7 Très fort 6 5 Fort 4 3 Modéré 2,5 2 Moyen 1,5 1 Faible 0,5 Extrêmement faible 0,3 0 Aucun
Mécanismes de sélection de l intensité de l exercice Baron B, Moullan F, Deruelle F, Noakes TD. The role of emotions on pacing strategies and performance in middle and long duration sport events. Br J Sports Med. 2009.
Niveau d acceptation de la charge (motivation) David Douillet : La douleur était une unité de mesure par rapport à ce que je faisais. Dans ma discipline lactique, violente, l entraînement consistait à faire reculer la barrière de la douleur. C était celui qui acceptait le mieux la douleur, qui pouvait réfléchir avec qui arrivait à gagner. Dans la pratique ça se passe comme cela. Gagner par la douleur. Faire reculer le seuil de la souffrance tout en étant efficace. C est la culture de la souffrance. Charge affective Effort 10 Maximal 9 8 7 Très fort 6 5 Fort 4 3 Modéré 2,5 2 Moyen 1,5 1 Faible 0,5 Extrêmement faible 0,3 0 Aucun Performance +++ Plaisir 10 Maximal 9 8 7 Très fort 6 5 Fort 4 3 Modéré 2,5 2 Moyen 1,5 1 Faible 0,5 Extrêmement faible 0,3 0 Aucun
Energie qui : Niveau d acceptation de la charge (motivation) - fait avancer positivement - qui pousse à agir dans une direction et une intensité données - qui pousse à maintenir une action Mental Cerveau Mark Renshaw (l Equipe 16 février 2012) «On a vu comment contrôler cette petite voix dans la tête qui parfois crie stop, alors que tu peux aller à peine plus loin encore dans l effort ou le danger» Machine complexe de régulation du mouvement Hypothèse de processus centraux qui permettent d adapter le curseur du niveau de douleur ressenti en fonction de chaque sportif
Relation souffrance et plaisir? Est-il possible de prendre du plaisir dans la souffrance lors d un effort intense? Il semblerait que oui lorsque l athlète sent sa supériorité face aux autres où face à luimême. Effort intense consenti et maîtrisé Le sportif se sent performant Plaisir Effort intense subi et non maîtrisé Le sportif ne se sent pas performant Plaisir
Intensité de la douleur Intensité de la douleur Y aurait-il du plaisir juste après la souffrance? Plaisir Modèle de la haute performance Plaisir
Laure Manaudou, après son titre de championne de France sur 100 m dos (l Equipe 21 mars 2012) Il y a eu un peu de douleur, mais ça ne fait pas de mal car on en a besoin On sait pourquoi on fait ce sport. On se fait mal mais, quand on arrête, il est difficile de retrouver les mêmes sensations. Relation douleur - plaisir J ai pris du plaisir : - avant la compète, - dans la chambre d appel, - sur le plot. - avec le public qui m a si bien encouragée.
Expérience de David Douillet Sport Intensif : Douleur et performance, 2 ème journées de psychopathologie du sport, université de Bordeaux (5-6 juin 2008) La douleur est liée au mental La douleur est subjective, une habitude ou pas, une acceptation. Elle est extrêmement liée au mental. On aurait une forme de mental qui accepte plus ou moins bien la douleur. La douleur est psychologique et physique La douleur et la peur de la douleur psychologique et physique ont été tout de suite étroitement liés. On a la peur au ventre, du mal à s endormir le soir, peur du lendemain mais, le matin au lever, on doit être prêt. Tout ce vécu difficile aide pour la suite de la carrière car on voit les autres craquer et pas soi-même. J aime la difficulté et la douleur Je suis rapidement passé d une pratique plaisir à une pratique très difficile. Mais je m aperçois rapidement que j aime ça. J aime la difficulté et la douleur qui valident une carrière de haut niveau.
Mémorisation de la souffrance Il existe des moments difficiles de souffrance physique et psychologique qui restent marqués profondément dans la mémoire. Je souffre, donc je m entraîne bien Culturellement, dans le judo, à partir du moment où on ne souffre pas dans une séance, on pouvait considérer qu on n avait rien fait. On se sentait coupable de n avoir rien fait. Il fallait obligatoirement souffrir à l entraînement pour avoir l impression de s être bien entraîné. Un bon entraînement est celui dans lequel on a beaucoup souffert. L habituation rapide du corps à la douleur Quotidiennement, on prend des «coups» et on ne les sent plus, on s y habitue. Le corps s habitue très vite à la douleur. Il suffisait qu on s arrête 15-20 jours pour qu à la reprise de l entraînement on sente une souffrance, une douleur physique plus intense.
On souffre mais il y a un tel plaisir lorsqu on arrête de souffrir Mais à un moment, on arrête la carrière car cela devient trop dur on ne veut plus et on ne peu plus endurer la souffrance.