CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE

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CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE PALIG KEVORKIAN, IADE DEPARTEMENT D ANESTHESIE HOPITAL HOTEL-DIEU PARIS 1) INTRODUCTION 2) CONSEQUENCES DES PERTURBATIONS NEURO-ENDOCRINIENNES a) RELATION AVEC LA DOULEUR b) CONSEQUENCES DES DESORDRES 3) CONSEQUENCES DES PERTURBATIONS RESPIRATOIRES DUES A LA CHIRURGIE 4) CONSEQUENCES DES COMPLICATIONS CARDIO-VASCULAIRES 5 ) CONCLUSION

1) INTRODUCTION : La douleur est un phénomène neuro-sensoriel physiologique dont la finalité serait la protection contre les agressions. Mais sa persistance et/ou son intensité peuvent être des facteurs qui interfèrent avec d autres fonctions physiologiques. Effectivement, en post-opératoire, d importantes perturbations existent et la douleur peut contribuer et empêcher la récupération de ces perturbations. La responsabilité de la douleur dans la survenue de modifications physiologiques est difficile à prouver mais il est certain que l efficacité de l analgésie sur ces mêmes perturbations est démontrée. Il existe deux grands systèmes : - le syndrome neuro-endocrinien - les perturbations cardio-vasculaires et respiratoires 2) CONSEQUENCES DES PERTURBATIONS NEURO ENDOCRINIENNES a) rappels La période péri-opératoire est caractérisée par des perturbations importantes de la régulation neuro-endocrinienne. Le phénomène le plus évident est une augmentation majeure et non spécifique du taux plasmatique d hormones d origine antehypophysaire : ACTH, GH, Bendorphine post-hypophysaire : ADH, Prolactine surrenalienne : CORTISOL, Adrénaline, Aldostérone mais aussi de l Insuline, du Glucagon,et des Catécholamines. Cette élévation est proportionnelle à l importance de l acte chirurgical et persiste pendant quelques jours (sans évoluer comme d habitude dans le cycle nycthémeral). Cette élévation n obéit plus aux conditions de régulation habituelles. Les valeurs mesurées dépassent largement les concentrations maximales observées lors de la régulation physiologique. (ex : ADH en per et post-opératoire = 30 a 100 microg /ml ADH maximal = 5 microg/ml) b) Relation avec la douleur Une relation directe a pu être établie sur le plan expérimental entre l induction d une douleur et l élévation du taux plasmatique des hormones. Par exemple une stimulation douloureuse peut provoquer une activation du système sympathique qui aura pour effet une libération d hormones type Cortisol, Aldostérone, Catécholamines

c) Conséquences de ces désordres - Perturbations hydroélectrolytiques La période post-opératoire suivant une chirurgie majeure thoracique abdominale ou pelvienne est marquée par une rétention hydrique et sodée qui persiste plusieurs jours. La cause en est partiellement l augmentation du taux d ADH (à savoir que l analgésie péridurale corrige les modifications de la fonction rénale!) - Perturbations métaboliques Métabolisme glucidique : Après une chirurgie majeure, il existe une hyperglycémie en relation avec l augmentation du Cortisol, de la GH, et de l Adrénaline ; elle résulte d une mobilisation du stock de glycogène hépatique, d une augmentation de la néoglucogénèse hépatique et d une diminution de l utilisation périphérique du glucose. (à savoir que l analgésie péridurale empêche la survenue de l hyperglycémie en permettant une diminution de la néoglucogénèse hépatique.) Métabolisme lipidique : En péri-opératoire, il existe une augmentation du taux des acides gras libres qui témoignent d une lipolyse accrue en relation avec une libération de Catécholamines. Métabolisme protéique : Il existe de multiples preuves d une majoration post-opératoire du catabolisme protéique, problème important conditionnant la convalescence des patients. La GH et le Cortisol sont à l origine de ces phénomènes. Réponse immunitaire : La libération d Interleukines est responsable d une protéolyse. L hypersécrétion de Cortisol joue, de plus, un rôle immuno suppresseur en créant une lymphopénie et une hyperleucocytose. Enfin les hormones de stress (Cortisol, Catécholamines et Glucagon) diminuent l activité neutrophile et lymphocytaire 3) CONSEQUENCES DES PERTURBATIONS RESPIRATOIRES DUES A LA CHIRURGIE La chirurgie thoracique et abdominale provoque des modifications profondes de la physiologie respiratoire qui perdurent plusieurs jours et sont impliquées dans la morbidité respiratoire post-opératoire.

Ces anomalies sont : - baisse des volumes respiratoires - réduction du volume courant - augmentation de la fréquence Elles sont en rapport avec une réduction de la course diaphragmatique, créant une baisse de la participation du diaphragme dans la génèse du volume courant. Il existe également une inhibition de la toux, des soupirs, et des inspirations profondes. IL n a jamais été démontré qu une bonne analgésie seule pouvait corriger ces anomalies. Mais un patient parfaitement analgésié qui ne bénéficierait pas d une kynésithérapie respiratoire active et d une mobilisation précoce a un risque de complications identique à un patient inefficacement analgésié!!!! De plus, un patient correctement analgésié pourra bénéficier d une kynésithérapie appropriée et efficace! 4) CONSEQUENCES DES COMPLICATIONS CARDIO VASCULAIRES La douleur provoque des actions directes et indirectes sur le système cardiovasculaire. Les modifications directes sont une hypertension et une augmentation de la fréquence cardiaque dues a l activation du système lymphatique. Les modifications indirectes sont : - la survenue de thromboses veineuses favorisées par l immobilisation, conséquente de la douleur post-opératoire - l agrégation plaquettaire favorisée par la libération d Adrénaline Il existe une incidence accrue de thromboses artérielles dues à une création de phénomènes d hypercoagulation ; ces derniers sont provoqués par l augmentation de la concentration plasmatique de fibrinogène et l agrégation plaquettaire. L ensemble provoqué par la libération d hormones de stress. Ces modifications hémodynamiques associées aux sensations douloureuses peuvent favoriser la survenue d ischémie myocardique chez les patients à risques. 5) CONCLUSION Les effets de l analgésie sur les modifications neuro-hormonales induites par la chirurgie sont incomplètes. Un des points le plus important pour la convalescence est la fatigue postopératoire. Cette sensation est en rapport avec la protéolyse ; et une prise en charge optimale de la douleur pourrait contribuer à réduire la fatigue post-opératoire

en permettant une ambulation précoce qui limiterait la création de cette protéolyse. Le traitement de la douleur fait partie d une approche de soins combinant l analgésie, la kynésithérapie, la mobilisation, la reprise précoce d une alimentation etc.. L amélioration de la morbidité post-opératoire repose probablement sur ce type d approche.