Item 203 : Fièvre aiguë chez l'enfant et l'adulte Date de création du document
Table des matières * Introduction... 1 1 Abord diagnostique d'une fièvre aiguë... 1 2 Définitions des états infectieux...2 3 Identifier les critères de gravité d'un syndrome infectieux...3 4 Traitement d'une fièvre aiguë... 4 5 Fièvre aiguë chez la femme enceinte...5 ENC : OBJECTIFS Diagnostiquer une fièvre aiguë chez l'enfant et chez l'adulte. Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge. Identifier les critères de gravité d'un syndrome infectieux.
INTRODUCTION - La fièvre se définit comme une élévation de la température centrale, dépassant 38 C le matin et 38,3 C le soir. On parle habituellement de fièvre aiguë récente si elle existe depuis moins de 5 jours. - La fièvre, indépendamment de son étiologie, est potentiellement grave : o chez le nourrisson et l enfant de moins de 4 ans : déshydratation et/ou convulsions ; o chez le sujet âgé : de déshydratation et/ou troubles du comportement. - La fièvre peut être le signe inaugural d une infection risquant rapidement d engager le pronostic vital. - Il faut donc rechercher les signes de mauvaise tolérance et les signes associés à la fièvre orientant vers une infection. - Certaines circonstances ou terrains particuliers (femme enceinte, immunodéprimé notamment neutropénique, opéré récent, nourrisson, sujet âgé, retour de pays tropical) justifient des recherches étiologiques particulières. - Les syndromes septiques ont une incidence élevée en réanimation estimée à environ 15 %, la moitié des cas sont observés en dehors de la réanimation.
I ABORD DIAGNOSTIQUE D'UNE FIÈVRE AIGUË 1.1. Authentification de la fièvre Fièvre si la température centrale est supérieure à 37,5 C le matin, 37,8 C le soir. 1.2. Recherche de signes de gravité justifiant l hospitalisation - Syndrome Septique Sévère. - Purpura. - Troubles Neurologiques : syndrome méningé, troubles de conscience, crise convulsive, déficit neurologique. - Mauvaise Tolérance : convulsions chez le nourrisson, fièvre maligne T > 40,5 C, déshydratation, décompensation d une maladie sous-jacente. - Terrain sous-jacent à risque : neutropénie, splénectomie, immunodépression congénitale ou acquise, grossesse, porteur de matériel étranger. 1.3. Recherche d'éléments cliniques d'orientation - Caractéristiques de la fièvre et symptômes associés - Terrain (antécédents, voyages et contages récents) - Examen clinique sans oublier : o La totalité du revêtement cutané ; o Les muqueuses buccales et génitales ; o Les dents et la sphère Oto-rhino-laryngologie (tympans) ; o La recherche d une hépatosplénomégalie et d adénopathies ; o L auscultation cardiopulmonaire ; o Les touchers pelviens. 1.4. Examens complémentaires Certaines circonstances justifient la réalisation d examens à visée diagnostique. 1.4-1. Examens liés à la situation urgente - Syndrome méningé (cf. glossaire) ou coma fébrile : ponction lombaire ± examens neuroradiologiques. - Purpura fulminans (cf. glossaire) : ponction lombaire, hémocultures (qui ne doivent pas
retarder le traitement antibiotique d urgence). - Suspicion de paludisme (cf. glossaire) : frottis sanguin, goutte épaisse. - Syndrome septique avec ou sans signes d insuffisance circulatoire aiguë : hémocultures, recherche d une porte d entrée. - Dermohypodermite nécrosante (cf. glossaire) : hémocultures, prélèvements locaux - Colique néphrétique fébrile (pyélonéphrite sur obstacle) : hémocultures, Examens cytobactériologiques des urines, échographie ou scanner. - Douleurs abdominales fébriles : échographie ou scanner, avis chirurgical. 1.4-2. Examens orientés sur foyer infectieux Examens bactériologiques nécessaires avant l institution du traitement antibiotique : bactériémies, endocardite, méningites, pyélonéphrite, prostatite, abcès. 1.4-3. Examens liés à terrain particulier - Femme enceinte (voir encadré): hémocultures, ECBU, avis obstétrical. - Sujet porteur d une valvulopathie ou d une prothèse valvulaire : hémocultures (Cf. endocardite). 1.4-4. Examens liés à la persistance de la fièvre Au-delà de 2 à 5 jours de fièvre (permettant d écarter la plupart des viroses banales) et sans orientation : - hémogramme (cf. glossaire), C-Réactive Protéine, transaminases, ECBU, radiographie thoracique ; - recherche d une cause non infectieuse : maladie thromboembolique, hémopathie, maladie inflammatoire
II DÉFINITIONS DES ÉTATS INFECTIEUX 2.1. Syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) - C est la réponse inflammatoire systémique à certaines agressions cliniques graves. 2.2. Sepsis Syndrome de réponse inflammatoire systémique +processus infectieux en évolution, confirmé au moins cliniquement. La mortalité est estimée à 10-15 %. 2.3. Syndrome septique grave Sepsis + dysfonction d au moins un organe : hypotension (pression artérielle systolique < 90 mm Hg ou réduction d au moins 40 mm Hg des chiffres habituels en l absence d autres causes d hypotension), acidose lactique, oligurie, encéphalopathie aiguë, hypoxémie inexpliquée, coagulopathie. La mortalité est estimée à 20-30 %. 2.4. Choc septique Sepsis sévère et hypotension persistante malgré un remplissage vasculaire adéquat et/ou nécessité de drogues inotropes ou vaso-pressives. La mortalité est estimée à 40-50 %. En présence d un sepsis grave ou d un choc septique (cf. glossaire), l hospitalisation en unité de réanimation est la règle.
III IDENTIFIER LES CRITÈRES DE GRAVITÉ D'UN SYNDROME INFECTIEUX Cf. Item n 200 et Chap. 13, E. PILLY 2008.
IV TRAITEMENT D'UNE FIÈVRE AIGUË 4.1. Traitement symptomatique 4.1-1. Traitement antipyrétique pour une fièvre mal tolérée ou supérieure à 40 C (38,5 C chez le nourrisson ) 4.1-1-1. Médicament antipyrétique : - paracétamol : 60 mg/kg/j en 4 prises soit 15 mg/kg toutes les 6 heures ; - aspirine (non recommandé chez l enfant en première intention compte tenu du risque de survenue de syndrome de Reye (cf. glossaire) en particulier en cas de virose) : 60 mg/ kg/j en 4 à 6 prises. 4.1-1-2. Mesures physiques : - hydratation suffisante ; - baisse du chauffage, rejet des couvertures, ; - balnéation douce (eau à 2 C de moins que la température de l enfant) pour le nourrisson et le jeune enfant (intérêt discuté car inconfort et efficacité supplémentaire limitée si antipyrétique co-administré). 4.1-2. Traitement d'une crise convulsive hyperthermique chez le nourrisson et le jeune enfant de 2 à 5 ans: Diazépam (Valium) : 0,5 à 1 mg/kg/j à répartir en 4 prises per os (solution buvable) ou en administration intra rectale (solution injectable) à l aide d une canule adaptée à la seringue. 4.2. Antibiothérapie - non systématique (la majorité des infections étant chez le nourrisson et le jeune enfant d origine virale). - adaptée à l étiologie suspectée ou documentée. (Recommandation : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Prise en charge de la fièvre chez l'enfant [en ligne]. 15/12/2004.)
V FIÈVRE AIGUË CHEZ LA FEMME ENCEINTE 5.1. Gravité potentielle - La fièvre élevée peut, en elle-même, être cause d avortement ou d accouchement prématuré. - Certaines pathologies infectieuses bénignes pour la mère peuvent avoir un retentissement très néfaste pour l enfant : embryopathie avec malformations lorsque l infection survient au premier trimestre, foetopathie avec atteintes viscérales ou retard de croissance, avortement précoce ou tardif (mort fœtale), accouchement prématuré, infection néonatale. 5.2. Limitations de prescriptions pour certains antibiotiques (Cf. Chapitre spécifique) - Antibiotiques autorisés pendant toute la grossesse : Pénicillines, céphalosporines, macrolides (sauf clarithromycine), pristinamycine. 5.3. Principales infections à risques 5.3-1. Pyelonephrite aiguë - 1 à 2 % des grossesses (2e ou 3e trimestre), risque d accouchement prématuré et de récidives. - Antibiothérapie initialement IV (Céphalosporine de 3e génération). (Recommandation : European Association of Urology. Guidelines on The Management of Urinary and Male Genital Tract Infections [en ligne]. 2007.) (Recommandation : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires chez l'adulte - recommandations [en ligne]. 23/06/2008. ) (Recommandation : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Médicaments et grossesse. Outils d'aide à la préparation. Livret Infectiologie [en ligne]. 03/10/2005. )
5.3-2. Chorio-amnionite - Infection de la cavité amniotique survenant dans 1 % des grossesses, le plus souvent après rupture des membranes, rarement par voie hématogène transplacentaire, parfois iatrogène (cerclage, amniocentèse). - Fièvre, tachycardie maternelle, utérus douloureux à la palpation, hyperleucocytose, CRP élevée, tachycardie foetale, oligo-amnios (échographie), liquide amniotique fétide, amnioculture positive. - Pas de tocolyse, antibiothérapie, discussion césarienne. 5.3-3. Listériose (cf. glossaire) - Bactériémie favorisée par gestation, surtout après le 5e mois, risque d avortement, d accouchement prématuré et d infection néonatale grave. - Tableau pseudogrippal, diagnostic par hémoculture, amoxicilline (6 g/j pendant 2 semaines puis 4 g per os jusqu à l accouchement). 5.3-4. Infections responsables d'embryofoetopathie ou de transmission verticale avec infection néonatale : rubéole, herpès, varicelle, primo-infection à Cytomégalovirus, primo-infection Virus de l'immunodéficience humaine, toxoplasmose, syphilis 5.4. Conduite à tenir en cas de fièvre en cours de grossesse - Conduite à tenir générale en l absence de cause infectieuse évidente : hospitalisation, examen obstétrical, prélèvements microbiologiques : ECBU, hémocultures, et selon contexte (sérologies, frottis sanguin), traitement antipyrétique par paracétamol. - Si fièvre isolée ou syndrome pseudogrippal : suspicion de listériose, antibiothérapie par amoxicilline, à adapter secondairement. - Si manifestations urinaires : suspicion de pyélonéphrite, antibiothérapie par C3G. - Si éruption : suspicion de syphilis, rubéole, varicelle (Recommandation : Société Française de Médecine d'urgence. Consensus, Recommandations, Textes d'expert. Infections. Groupe Transversal Sepsis - Prise en charge initiale des états septiques graves de l'adulte et de l'enfant [en ligne]. 2006.)
VI ANNEXES GLOSSAIRE choc septique : Le choc septique est une défaillance circulatoire aiguë, entraînant des désordres hémodynamiques, métaboliques et viscéraux, déclenché par un agent infectieux. C'est une cause de collapsus cardio-vasculaire. Il est défini par l'apparition ou la persistance d'une hypotension ou de signes francs d'hypoperfusion périphérique malgré un remplissage vasculaire adéquat, au cours d'un sepsis grave, ou d'emblée chez un malade ayant des signes d'infection. Le choc septique est une urgence médicale qui requiert des soins visant à hausser rapidement la pression artérielle systémique (en augmentant le volume sanguin et en administrant des vasopresseurs tels que les catécholamines) ainsi que des antibiotiques par voie intraveineuse.le choc septique reste une pathologie grave et reste associé à un fort taux de mortalité. Dermohypodermite nécrosante : C'est une infection grave atteignant de façon variable le derme, l'hypoderme, les fascias et les muscles. Le streptocoque du groupe A est le germe le plus fréquemment isolé même s'il existe souvent une infection pluri-microbienne. L'évolution peut être fatale par extension locale et septicémie. Le traitement est médico-chirurgical, associant réanimation, antibiothérapie et mise à plat chirurgicale des zones nécrosées et infectées. hémogramme : L'hémogramme, numération formule sanguine (NFS), examen hématologique complet ou hémato complet est l'analyse quantitative (numération) et qualitative (formule) des éléments figurés du sang : globules rouges, globules blancs et plaquettes. Listériose : La listériose est une maladie bactérienne qui affecte de nombreuses espèces animales et qui est causée par la Listeria monocytogenes. La transmission de cette maladie se fait essentiellement par l'alimentation. On retrouve pour la plupart des espèces des formes septicémiques, des formes nerveuses et des formes génitales. La prévention repose sur un respect strict de l'hygiène.la listériose se manifeste entre autres par une septicémie, une méningite (ou méningo-encéphalite), une encéphalite, et des infections intra-utérines ou cervicales chez la femme enceinte, ce qui peut entraîner un avortement spontané (au cours des second et troisième trimestres). paludisme : Le paludisme (du latin paludis, marais[1]), appelé aussi malaria (de l'italien mal'aria, mauvais air[2]), est une parasitose due à un protozoaire transmis
par la piqûre de la femelle d'un moustique, l'anophèle, provoquant des fièvres intermittentes. Avec 300 à 500 millions de malades et 1,5 à 2,7 millions de décès par an, le paludisme demeure la parasitose tropicale la plus importante. 80 % des cas sont enregistrés en Afrique subsaharienne, où ils concernent majoritairement les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes (OMS, 2005) (voir les régions à risques).la cause de la maladie a été découverte le 6 novembre 1880 à l'hôpital militaire de Constantine (Algérie) par un médecin de l'armée française, Alphonse Laveran, qui reçut le prix Nobel de médecine et de physiologie en 1907. C'est en 1897 que le médecin anglais Ronald Ross (prix Nobel 1902) prouva que les moustiques (Anopheles) étaient les vecteurs de la malaria (jusqu'à cette date, le mauvais air émanant des marécages était tenu responsable de la propagation de la maladie).les parasites Plasmodium (surtout P. falciparum - anciennement dénommé praecox -, P. vivax, plus rarement P. ovale et P. malariae) sont transmis par la piqûre de la femelle d'un moustique appelé anophèle (genre Anopheles). Le parasite sévit à l'état endémique, infecte les cellules hépatiques de la victime puis circule dans le sang, en colonisant les hématies (globules rouges) et en les détruisant. Purpura fulminans : Le purpura fulminans est une forme grave, parfois mortelle, de septicémie, touchant plus fréquemment les enfants et les adolescents. Il est du le plus souvent à une infection bactérienne à méningocoque et plus rarement à pneumocoque. Le purpura fulminans infectieux est défini comme l'association d'un syndrome infectieux, de lésions purpuriques vasculaires ne s'effaçant pas à la vitropression, d'un choc endotoxinique et de signes de CIVD. Le pronostic vital est en jeu et la prise en charge est urgente et hospitalière. syndrome de Reye : Le syndrome de Reye est une maladie rare et potentiellement fatale qui entraîne de nombreux effets nocifs à divers organes, en particulier le cerveau et le foie.le syndrome doit son nom au Dr R. Douglas Reye, qui co-publia en 1963 (avec le Dr George Johnson) la première étude sur le syndrome, mais la maladie fut pour la première fois décrite en tant que telle en 1929. Syndrome méningé : Le syndrome méningé est dû à une inflammation de la duremère ou de l'arachnoïde, consécutivement à une infection d'origine virale ou bactérienne, ou à la rupture d'un vaisseau sanguin (traumatisme crânien ou rupture d'anévrysme). L'anglicisme «méningisme», souvent utilisé au Québec, a le même sens.
BIBLIOGRAPHIE Collège des Universitaires de Maladies Infectieuses et Tropicales : PILLY E. Maladies infectieuses et tropicales [texte imprimé]. 21e édition 2008. Paris : Vivactis Plus. DL 2007. Chapitres 12, 13. Collège des Universitaires de Maladies Infectieuses et Tropicales : EMIT 2008 : Item 200 RECOMMANDATION Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires chez l'adulte - recommandations [en ligne]. 23/06/2008. : http://www.afssaps.fr/infos-desecurite/recommandations-de-bonne-pratique/diagnostic-et-antibiotherapie-desinfections-urinaires-bacteriennes-communautaires-de-l-adulte Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Médicaments et grossesse. Outils d'aide à la préparation. Livret Infectiologie [en ligne]. 03/10/2005. : http://www.afssaps.fr/dossiers-thematiques/medicaments-etgrossesse/medicaments-et-grossesse/(offset)/0 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Prise en charge de la fièvre chez l'enfant [en ligne]. 15/12/2004. : http://www.afssaps.fr/infos-de- securite/mises-au-point/prise-en-charge-de-la-fievre-chez-l-enfant/(language)/fre- FR European Association of Urology. Guidelines on The Management of Urinary and Male Genital Tract Infections [en ligne]. 2007. : http://www.urosource.com/diseases/infections-inurology/view/article/guidelines-on-the-management-of-urinary-and-male-genitaltract-infections/?tx_ttnews[backpid]=158&chash=a5e3bdc603 Société Française de Médecine d'urgence. Consensus, Recommandations, Textes d'expert. Infections. Groupe Transversal Sepsis - Prise en charge initiale des états septiques graves de l'adulte et de l'enfant [en ligne]. 2006. : http://www.sfmu.org/fr/formation/consensus
ABRÉVIATIONS C3G : Céphalosporine de 3e génération CAT : Conduite à tenir CMV : Cytomégalovirus CRP : C-Réactive Protéine ECBU : Examens cytobactériologiques des urines ORL : Oto-rhino-laryngologie SRIS : Syndrome de réponse inflammatoire systémique VIH : Virus de l'immunodéficience humaine