L emploi des travailleurs handicapés

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L emploi des travailleurs handicapés Collection «L essentiel pour agir»

L emploi des travailleurs handicapés Accès au statut - Contrat de travail Aides à l emploi - Discrimination Édition 2010 Ouvrage conçu et réalisé sous la direction de Catherine FOURMOND Auteur : Gwénaëlle LERAY Suivi éditorial, conception graphique : GERESO ÉDITION Photo de couverture : Alex Nikada/Istockphoto.com GERESO Édition 2010 26 rue Xavier Bichat 72018 Le Mans (France) Tél. 02 43 23 03 53 Fax 02 43 28 40 67 www.gereso.com/edition e-mail : edition@gereso.fr Reproduction, traduction, adaptation interdites Tous droits réservés pour tous pays Loi du 11 mars 1957 Dépôt légal : septembre 2010 ISBN : 978-2-915530-96-4 EAN 13 : 9782915530964 GERESO SAS au capital de 160 640 euros RCS B 311 975 577 Siège social : 28 rue Xavier Bichat 72018 Le Mans Cedex 2

Chapitre 1 La reconnaissance du statut de travailleur handicapé En premier lieu, on peut se poser la question de savoir qui est le «travailleur handicapé»? La notion de handicap est en effet appréhendée de différentes façons, en fonction du droit auquel la personne veut accéder : accès à un emploi salarié, à une formation, à une insertion sociale et professionnelle ou à une prestation de Sécurité sociale ou d aide sociale. Il s agit donc de définir dans ce premier chapitre qui peut prétendre au statut de travailleur handicapé, quelles sont les démarches à accomplir pour obtenir cette reconnaissance, quelle est l instance décisionnaire, et comment faire en cas de refus de l Administration. Définitions Le handicap : une notion juridique multidimensionnelle La notion de handicap recouvre plusieurs définitions, en fonction des droits et obligations invoqués : respect de l obligation d emploi de travailleurs handicapés, attribution de l AAH (allocation adulte handicapé), orientation vers une institution spécialisée... Ceci signifie qu une personne handicapée répondant aux critères de «travailleur handicapé» (droit du travail) peut ne pas remplir les conditions d ouverture à l allocation adulte handicapé (droit de la Sécurité sociale). Par contre, une procédure de reconnaissance de la qualité de 13

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS travailleur handicapé est engagée à l occasion de l instruction de toute demande d attribution ou de renouvellement de l allocation aux adultes handicapés 1. De la même façon, une personne handicapée peut travailler dans une institution spécialisée (service d aide par le travail, centre de rééducation professionnelle) sans toutefois être considérée comme travailleur handicapé, au sens du Code du travail. Celui-ci, en effet, et, en particulier, ses dispositions relatives à l obligation d emploi de travailleurs handicapés, s appliquent aux entreprises privées et à certaines entreprises publiques. Les institutions spécialisées quant à elles relèvent davantage du Code de l action sociale et des familles. De nombreuses personnes ne font pas la distinction entre handicap et invalidité. Bien qu il y ait la même idée d altération de la santé, les deux termes recouvrent des notions juridiques différentes. En particulier, elles n ouvrent pas nécessairement les mêmes droits en droit du travail et en droit de la Sécurité sociale. Et les employeurs ne supportent pas les mêmes obligations. Enfin, la personne handicapée peut successivement vivre plusieurs situations juridiques totalement distinctes, pour lesquelles elle devra faire appel à différents organismes appliquant chacun une réglementation spécifique. Il est alors difficile de comprendre que différentes législations s appliquent à une même situation de handicap, simultanément et successivement. Une personne peut être handicapée à la suite d un accident du travail ou d une maladie professionnelle. Pendant les arrêts de travail consécutifs à l accident du travail ou la maladie professionnelle, elle perçoit des indemnités journalières de Sécurité sociale, assorties d un régime particulier (pas de jours de carence notamment). En droit du travail, elle bénéficie d un régime protecteur contre le licenciement, est suivie par le médecin du travail qui peut, seul, décider de son aptitude ou de son inaptitude à un poste de travail ; l employeur a une obligation de reclassement très forte ; la relation de travail peut se terminer par un licenciement pour inaptitude, très encadré par le Code du travail et la législation sociale. Pour faire valoir ses droits, la personne doit s adresser à l inspection du travail, les représentants du personnel ou syndicaux et le conseil de prud hommes. 1. Article L. 821-7-3 du Code de la Sécurité sociale. 14

LA RECONNAISSANCE DU STATUT DE TRAVAILLEUR HANDICAPÉ À la suite de son licenciement, elle peut solliciter auprès de la CPAM soit une rente accident du travail, soit une allocation pour adulte handicapé (régime de solidarité), soit une prestation de l assurance invalidité (pension d invalidité), sans oublier les prestations connexes susceptibles d être versées par des régimes complémentaires de retraite, ou des régimes de prévoyance. Cette décision des organismes de protection sociale est prise en particulier en fonction du taux d incapacité de travail de la personne. Selon la situation, la personne peut cumuler ces prestations avec une allocation de chômage versée par Pôle Emploi ou le RSA (si elle n a pas ouvert assez de droits à l allocation de chômage). En matière d accès à l emploi, la personne ainsi handicapée peut être à la recherche d un emploi «en milieu ordinaire», ou en «milieu protégé» (centre de rééducation professionnelle). Dans le 1 er cas, le droit du travail, et notamment l obligation d emploi de travailleurs handicapés s applique, la personne peut retrouver un travail salarié ; dans le 2 e cas, la personne peut être usager d un établissement public ou associatif, qui perçoit pour elle des financements publics au titre de la réinsertion sociale et professionnelle. Si elle est plus autonome, elle peut bénéficier pour vivre de prestations sociales dépendant d un régime d assurance, si elle a assez cotisé ou occupé un emploi salarié assez longtemps, ou de solidarité, etc. En droit du travail, quelle est la définition du «travailleur handicapé»? De façon générale, en droit du travail, est considérée comme travailleur handicapé «toute personne dont les possibilités d obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l altération d une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques 2». En d autres termes, c est la réduction de la capacité à trouver ou conserver un emploi qui prévaut, peu importe l origine ou le type de handicap vécu par la personne. Et, il n est pas nécessaire que l intéressé soit sans emploi au moment de sa demande 3. Par ailleurs, sans que le handicap soit définitif, il est nécessaire que celui-ci réduise les capacités de la personne à obtenir ou conserver 2. Article L. 5213-1 du Code du travail. 3. Conseil d État, 30 juin 2000 n o 196673. 15

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS un emploi de façon durable. Il a, en particulier, été décidé par les juges du Conseil d État qu une personne victime d une fracture du talon 6 mois avant sa demande, ne pouvait prétendre à la qualité de travailleur handicapé 4. Enfin, pour prétendre à la qualité de travailleur handicapé, il faut remplir la condition d âge d admission au travail, c est-à-dire avoir 16 ans ou plus 5. Au regard de l obligation d emploi de travailleurs handicapés, le Code du travail élargit son bénéfice 6 : - aux victimes d accidents du travail, ayant entraîné une incapacité de travail d au moins 10 % ou titulaires d une rente versée dans le cadre d un régime de protection sociale obligatoire ; - aux titulaires d une pension d invalidité attribuée au titre du régime général de Sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain ; - aux victimes de guerre et bénéficiaires d une pension militaire d invalidité ; - aux titulaires d une allocation ou d une rente d invalidité attribuée dans le cadre de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires, en cas d accident survenu ou de maladie contractée en service ; - aux titulaires de la carte d invalidité définie à l article L. 241-3 du Code de l action sociale et des familles ; - aux titulaires de l allocation adulte handicapé (AAH). Le droit du travail étend donc la définition à toute situation de handicap, quelle que soit la cause ou la source de celui-ci et quel que soit le régime juridique s appliquant par ailleurs au handicap : régimes particuliers des accidentés du travail ou victimes de maladies professionnelles, bénéficiaires de l assurance invalidité des différents régimes de protection sociale existants... Quid de la notion de «handicap» dans le Code de l action sociale et des familles? Aux fins de placement dans des institutions spécialisées, constitue un handicap, «toute limitation d activité ou restriction de participation à 4. Conseil d État 22 février 1991 n o 65847. 5. Article L. 4153-1 du Code du travail. 6. Article L. 5212-13 du Code du travail. 16

LA RECONNAISSANCE DU STATUT DE TRAVAILLEUR HANDICAPÉ la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d une altération substantielle, durable ou définitive d une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d un polyhandicap ou d un trouble de santé invalidant 7». Le critère distinctif n est pas là une réduction de la capacité à exercer une activité professionnelle. Il s agit plutôt d un critère social, lié à la capacité d une personne à participer à la vie en société. Si l on considère que la réinsertion sociale passe par la réinsertion professionnelle, alors le droit du travail et le Code de l action sociale et des familles peuvent se recouper : une personne handicapée au sens du Code de l action sociale et des familles peut devenir ou être employée sur le marché du travail comme travailleur handicapé. Mais bon nombre de personnes handicapées orientées dans une institution spécialisée, régie par le Code de l action sociale et des familles, ne sont pas des salariés au sens du droit du travail, mais des usagers d associations ou d établissements publics. Ils n ont donc pas tout à fait les mêmes droits individuels et collectifs et l association qui les emploie ne connaît pas les mêmes obligations que les entreprises soumises à la législation du travail. Les relations collectives sont distinctes : dans le cadre d associations, les usagers peuvent faire valoir leurs droits et s exprimer collectivement au sein de réunions spécifiques avec l équipe d encadrement ou la direction, dont l organisation est imposée par le projet associatif d établissement. Les salariés de droit commun, quant à eux, ont un droit légal d expression, élisent des délégués du personnel, ou un comité d entreprise pour faire valoir leurs droits au sein de l entreprise qui les emploie. Surtout, la rémunération minimale (SMIC ou minimum conventionnel) s applique aux salariés mais pas aux usagers d établissements dont l activité est l insertion ou la réinsertion sociale et professionnelle. Au regard de la protection sociale : à quelle prestation peut prétendre une personne reconnue handicapée? La reconnaissance d un handicap a ici pour objectif d obtenir une prestation d un régime de protection sociale : 7. Article L. 114 du Code de l action sociale et des familles. 17

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS - d un régime d assurance obligatoire : pension d invalidité indemnités journalières maladie pour les affections de longue durée rente accident du travail ou maladie professionnelle - d un régime de solidarité : allocation adulte handicapé allocation supplémentaire versée en plus d une allocation de solidarité vieillesse allocation logement spécifique pour personnes âgées et personnes «infirmes» - d un régime de prévoyance - d un régime complémentaire, supplémentaire, etc. Chacun des régimes susmentionnés ouvre des droits en cas d incapacité de travail, à des conditions particulières, notamment un taux d incapacité qui varie en fonction de la prestation sollicitée. Ainsi, pour toute demande d attribution ou de renouvellement de l allocation adulte handicapé (AAH), le demandeur doit remplir les conditions suivantes 8 : - résider sur le territoire français ; - ne pas avoir atteint l âge de la retraite ; - avoir une incapacité permanente au moins égale à 80 % ; - ou si ce taux d incapacité n est pas atteint, connaître une restriction substantielle et durable pour l accès à l emploi, reconnue par la commission des droits et de l autonomie des personnes handicapées, compte tenu du handicap de la personne (entre 50 et 79 % d incapacité). Cette incapacité d exercer une activité professionnelle peut se manifester physiquement ou mentalement par une situation de handicap, au sens commun du dictionnaire. Souvent, les législations du droit du travail et de la Sécurité sociale se rejoignent et les mêmes critères sont admis pour ouvrir droit à une prestation sociale et à des droits individuels dans l exercice d une activité salariée. Une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, au sens de l article L. 5213-1 du Code du travail, est désormais engagée à l occasion de l instruction de l AAH 9. 8. Articles L. 821-1 et L. 821-2 du Code de la Sécurité sociale. 9. Article L. 821-7-3 du Code de la Sécurité sociale. 18

Chapitre 4 Les aides AGEFIPH à l emploi d un travailleur handicapé L AGEFIPH (association loi 1901) gère «le fonds de développement pour l insertion professionnelle des handicapés». C est un fonds public, affecté à l insertion professionnelle des personnes handicapées, qu elles soient salariées, demandeurs d emploi, stagiaires, travailleurs indépendants. Il est consacré à l insertion en milieu ordinaire de travail. La gestion de ce fonds spécifique fait l objet d une convention d objectif conclue tous les 3 ans entre l État et cette association 1. De façon générale, les ressources comprises dans le fonds sont affectées notamment : - à la compensation du coût supplémentaire des actions de formation et au financement d actions d innovation et de recherche dont bénéficient les intéressés dans l entreprise ; - à des mesures nécessaires à l insertion et au suivi des travailleurs handicapés dans leur vie professionnelle. L AGEFIPH assure en particulier la redistribution et la répartition de ce fonds public entre entreprises privées fournissant un effort dans l emploi des travailleurs handicapés, personnes handicapées et établissement d accueil de celles-ci. Les aides de l AGEFIPH sont donc multiples et variées, évolutives dans le temps au gré des priorités définies par les politiques nationales. C est pourquoi les intitulés des aides décrites dans ce chapitre, ainsi que les montants afférents sont donnés seulement à titre indicatif. 1. Articles L. 5214-1 et suivants du Code du travail. 83

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS Depuis 2008, les aides au maintien dans l emploi des travailleurs handicapés se sont développées : aides financières liées à l aménagement des postes de travail, aides au reclassement «anti-licenciement». Les aides à l embauche sont bien sûr toujours d actualité. À noter enfin que l AGEFIPH dispense aussi une aide technique aux employeurs. Les aides AGEFIPH à l insertion, préalables à l embauche Aides à la formation des demandeurs d emploi handicapés Dans le cadre d un plan gouvernemental 2009-2011, il s agit de permettre aux personnes handicapées d acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer un métier et accéder à un emploi. Ces aides s adressent donc aux personnes handicapées demandeurs d emploi et non aux employeurs. Elles consistent dans le financement par l AGEFIPH de plusieurs actions ou éléments : - coût pédagogique de la formation nécessaire dans le cadre d un parcours d accès à un emploi ; selon les actions, l AGEFIPH finance la totalité du coût ou le cofinance avec la région, l État, les collectivités territoriales ou le Pôle Emploi ; - formation aux nouvelles technologies de l information et de la communication (NTIC) ; - permis de conduire, plafonné à 800 e et 1 300 e en cas de permis aménagé, à la condition d être âgé de plus de 18 ans (financement non renouvelable en cas d échec à l examen). La demande doit être déposée avant le démarrage de la formation, auprès de la délégation régionale de l AGEFIPH, après examen par un conseiller Cap Emploi ou Pôle Emploi, si la personne le souhaite. Le dossier de demande comporte les documents suivants : - l exposé détaillé du projet, sur papier libre ; - le contenu pédagogique de la formation, et le cas échéant les adaptations pédagogiques envisagées ; - le calendrier de la formation ; - la copie du justificatif du statut de personne handicapée ; - le descriptif du parcours d insertion établi, le cas échéant, avec un organisme accompagnateur (Cap Emploi, Pôle Emploi...) ; - la copie des devis des intervenants ; - le budget prévisionnel et le montant du financement demandé à l AGEFIPH ; 84

LES AIDES AGEFIPH À L EMPLOI D UN TRAVAILLEUR HANDICAPÉ - la copie des demandes chiffrées ou attestations de cofinancement ; - un relevé d identité bancaire du demandeur ou de l organisme de formation. Formation NTIC et dotation forfaitaire L aide spécifique à la formation NTIC, ainsi que la dotation informatique et internet (d un montant de 700 e), sont supprimées à compter du 1 er juillet 2010. Aides au bilan de compétences et d orientation professionnelle L objectif est d identifier les acquis de la personne handicapée et de lui permettre d élaborer son projet professionnel. Cette aide s adresse aux personnes handicapées en recherche d emploi ou en recherche d évolution professionnelle ainsi qu aux entreprises, chacun pouvant tout à la fois être destinataire de subvention(s) spécifique(s). La nature et le montant des aides proposées par l AGEFIPH varient donc selon les destinataires : - pour l employeur : participation au coût du bilan, en complément des financements prévus au plan de formation de l entreprise, participation au coût des prestations spécifiques lorsque le handicap du salarié nécessite des adaptations ; - pour la personne handicapée en recherche d emploi : participation au coût du bilan après validation par l organisme chargé de l accompagnement de la personne (Cap Emploi, Pôle Emploi...). Cette subvention vient en complément des financements de droit commun : région, organisme collecteur du congé individuel de formation (CIF)... La demande peut être déposée par l entreprise ou par la personne handicapée à l antenne régionale AGEFIPH, accompagnée des documents suivants : - l exposé détaillé du projet, sur papier libre ; - le contenu détaillé du bilan et son objectif ; - le calendrier de l action ; 85

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS - pour les demandeurs d emploi, la validation du projet par l organisme accompagnant la personne (Cap Emploi, Pôle Emploi...) ; - la copie du justificatif du statut de personne handicapée ou, dans le cas d un maintien dans l emploi, la copie de la demande de reconnaissance du handicap ; - la copie des devis des intervenants ; - le budget prévisionnel et le montant du financement demandé à l AGEFIPH ; - un relevé d identité bancaire du demandeur ; - pour l entreprise, en outre, la copie du contrat de travail du salarié et l attestation de cofinancement de l action de bilan ou d orientation. Aides à la mobilité L objectif des aides à la mobilité dispensées par l AGEFIPH est de faciliter l intégration professionnelle des personnes handicapées en compensant leur handicap lors des déplacements (transports, hébergement). Ces aides s adressent à la personne handicapée souhaitant se préparer à un emploi, y accéder, évoluer dans son emploi ou le conserver. La personne handicapée elle-même est donc destinataire de la subvention. Ces aides concernent les transports et, éventuellement, l hébergement. En ce qui concerne le transport, plusieurs modules alternatifs sont proposés : - participation au coût d un transport adapté, plafonnée à 9 150 e par an, pour les demandeurs d emploi, salariés en milieu ordinaire ou stagiaires de la formation professionnelle (hors centre de rééducation professionnelle) ; - financement de la formation au permis de conduire plafonné à 800 e, et 1 300 e en cas de permis aménagé, à la condition d être âgé d au moins 18 ans, d être demandeur d emploi ou salarié en milieu ordinaire. La subvention n est pas renouvelable ; - participation à l achat d un véhicule dans la limite d un plafond de 4 575 e. Le véhicule doit être indispensable pour accéder à un emploi identifié, évoluer dans cet emploi ou le conserver. Cette subvention n est pas renouvelable ; - participation au coût de l aménagement du véhicule. La subvention ne dépasse pas 50 % du coût total de l aménagement et est plafonnée à 9 150 e. L aménagement du véhicule doit être indispensable pour 86

LES AIDES AGEFIPH À L EMPLOI D UN TRAVAILLEUR HANDICAPÉ accéder à un emploi identifié, évoluer dans cet emploi, le conserver ou pour participer à une formation professionnelle. Ces aides sont destinées à compenser le handicap dans l accès à l emploi. En conséquence, aucune subvention AGEFIPH n est attribuée pour compenser uniquement l éloignement géographique ou la desserte insuffisante du lieu de travail par les transports en commun. En matière d hébergement, l aide AGEFIPH se décompose aussi sous plusieurs formes : - participation aux frais d hébergement à hauteur de 13,75 e par jour pendant 9 mois maximum, si le handicap est incompatible avec des déplacements, à la condition que la personne handicapé soit salarié ou suive une formation professionnelle, hors centre de rééducation professionnelle ; - participation aux frais de déménagement dans la limite d un plafond de 765 e, si le déménagement est nécessaire en raison du handicap, si la personne handicapée suit une formation professionnelle (hors centre de rééducation professionnelle), ou possède une promesse d embauche. La demande doit être adressée à l AGEFIPH de la région d habitation, sous la forme d un dossier comprenant : - l exposé détaillé du projet, sur papier libre, expliquant comment l aide à la mobilité sollicitée compense le handicap ; - l attestation de la situation actuelle vis-à-vis de l emploi : bulletins de salaire, promesse d embauche, attestation de stage, inscription au Pôle Emploi ; - la copie du justificatif du statut de personne handicapée ou, dans le cas d un maintien dans l emploi, la copie de la demande de reconnaissance du handicap ; - le budget prévisionnel et le montant du financement demandé ; - un relevé d identité bancaire du demandeur. Aide à la création d activité Cette aide AGEFIPH s adresse aux personnes handicapées en recherche d emploi et inscrites à Pôle Emploi, qui créent ou reprennent une activité 2. 2. Article R. 5213-52 du Code du travail. 87

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS Le créateur handicapé doit remplir deux conditions : - être dirigeant de la société : gérant, gérant de société en commandite simple, de société en participation, de SARL, EURL... ; - détenir au moins 50 % du capital, seul ou en famille (conjoint, ascendants et descendants de l intéressé), avec plus de 30 % à titre personnel. La subvention peut aller jusqu à 12 000 e, en complément d un apport de fonds propres minimal de 1 525 e. L aide peut aussi consister dans la participation au financement d une formation à la gestion, dans la limite de 250 heures. Le créateur peut solliciter d autres aides de l AGEFIPH, notamment celles relatives à l adaptation des situations de travail. Mais il ne peut bénéficier pour lui-même de la prime à l insertion, sauf à recruter des salariés handicapés et y avoir droit alors en tant qu employeur. Pour établir la demande de subvention destinée à l antenne AGEFIPH de la région, il est nécessaire de constituer un dossier, le cas échéant avec l aide de l organisme qui accompagne dans le projet de création d entreprise (chambre de commerce et de l industrie, chambre des métiers, etc.) ou d un conseiller Cap Emploi. Ce dossier doit comprendre les pièces suivantes : - l exposé détaillé du projet de création ou de reprise d entreprise, sur papier libre, incluant : l étude de marché, le contrat de franchise s il y a lieu, le lieu d activité, la date prévue de début d activité, le projet de statuts de la société, le cas échéant, le curriculum vitae du dirigeant, la copie du justificatif du statut de personne handicapée ; - le plan de financement regroupant : les besoins financiers : frais d établissement, investissements, besoins en fonds de roulement... (joindre les devis ou les factures), la copie des justificatifs des ressources financières : fonds propres, apports personnels en numéraire et autres apports, emprunts, le montant de la subvention demandée à l AGEFIPH ; - la recherche de cofinancement lancée et les résultats obtenus ; - les comptes de résultats prévisionnels mettant en évidence vos revenus prévisionnels sur 3 ans ; 88

Chapitre 6 Agir contre les discriminations liées au handicap De façon générale, la prise en compte de l état de santé du salarié ou de son handicap est discriminatoire, que ce soit lors de l entretien d embauche, au cours de la relation de travail, en termes de refus de promotion, de perte de prime de productivité, de refus d accéder à une formation professionnelle, ou dans le cadre des procédures de licenciement. La preuve est difficile à rapporter parce qu il s agit le plus souvent de non-dits ou de faux-semblants. Il est pourtant essentiel de dénoncer les agissements et omissions discriminatoires, les actes de harcèlement moral le cas échéant, afin d éveiller les consciences et d encourager l insertion professionnelle et sociale des personnes handicapées. Qu est-ce qu une discrimination? La prise en compte d un critère personnel prohibé Selon le Code du travail, la discrimination n existe que si elle est liée à un critère distinctif de la personne dont la prise en compte est interdite par la loi. L article L. 1132-1 du Code du travail dresse une liste exhaustive de ces critères prohibés, dont plusieurs intéressent directement les salariés handicapés : l apparence physique, l état de santé et le handicap. La personne qui s estime victime d une discrimination doit être personnellement concernée. En d autres termes, ce sont son origine, son sexe, son âge, etc. qui justifient la mesure considérée par elle comme discriminatoire. 147

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS Le même article L. 1132-1 du Code du travail liste les domaines du droit du travail dans lesquels la mesure discriminatoire se situe : - la procédure de recrutement ; - l accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ; - les sanctions disciplinaires ; - le licenciement ; - la rémunération ; - l intéressement ou la distribution d actions ; - la formation professionnelle ; - le reclassement ; - l affectation à un poste de travail ou à un emploi ; - la qualification professionnelle ; - la classification professionnelle ; - la promotion professionnelle ; - les mutations ; - le renouvellement du contrat à durée déterminée ou du contrat de mission d un travailleur temporaire. La liste ci-dessus présentée n est pas exhaustive puisque le terme «notamment» la précède dans l article L. 1132-1. Le législateur parle aussi, et de façon générale, de «mesure discriminatoire», pour intégrer toute attitude, action ou inaction de l employeur qu il serait impossible de décrire ou de prévoir dans un texte précis. À noter que l employeur n est pas expressément désigné comme auteur de la discrimination, ce qui laisse la possibilité aux personnes victimes de discrimination d engager des poursuites à l encontre d autres personnes dans l entreprise. Autres précisions et adaptations légales et conventionnelles L article L. 1132-1 constitue un cadre général auquel il est possible de se référer quand l attitude discriminatoire invoquée ne s intègre pas déjà dans la violation des dispositions légales protectrices spécifiques ou pour augmenter la réparation du préjudice subi. Ainsi, certains salariés, dont les travailleurs handicapés, font l objet de protection particulière, édictée dans des dispositions spécifiques du Code du travail, dont la violation est spécialement sanctionnée 1. D autres articles du même code précisent ce qu il faut entendre par égalité de traitement en matière de rémunération, par égalité entre 1. Articles L. 5211-1 et suivants du Code du travail. 148

AGIR CONTRE LES DISCRIMINATIONS LIÉES AU HANDICAP salariés à temps plein et salariés à temps partiel, par égalité de traitement entre salariés titulaires d un contrat à durée déterminée et salariés employés à durée indéterminée. Par ailleurs, les accords collectifs applicables dans l entreprise, ainsi que les usages professionnels, et le règlement intérieur, peuvent donner des indications supplémentaires, en particulier élargir le champ des mesures considérées comme discriminatoires et définir plus précisément ce qu il faut entendre par qualification professionnelle, classification professionnelle, promotion, mutation, sanction disciplinaire. Une loi du 27 mai 2008 précise qu une discrimination peut être directe ou indirecte. Est une discrimination directe la situation dans laquelle «une personne est traitée de manière moins favorable qu une ne l est, ne l a été ou ne l aura été dans une situation comparable». La discrimination indirecte, quant à elle, vise la «disposition, critère ou pratique neutre en apparence, mais susceptible d entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d autres personnes» 2. Cette distinction légale est importante parce qu elle permet d englober dans les comportements discriminatoires indirects des situations à venir ou potentielles. Invoquer une discrimination collective est également rendu possible. Discrimination ou abus de droit? La discrimination doit être distinguée de l abus de droit. Les salariés handicapés font l objet d une protection légale particulière, édictée dans des dispositions spécifiques du Code du travail, dont la violation est spécialement sanctionnée. Ces dispositions légales ont été instaurées pour éviter l inégalité de traitement dans le recrutement, dans l évolution de carrière et les ruptures du contrat de travail dites «abusives». L abus de droit est caractérisé lorsque les procédures protectrices légales ne sont tout simplement pas respectées : par exemple le nonrespect de la procédure de reclassement professionnel préalable à toute mesure de licenciement pour inaptitude physique. Ces dispositions légales prévoient alors explicitement que la violation de la protection légale spécifique constitue une conduite abusive. Elles pré- 2. Art. 1 loi n o 2008-496 du 27 mai 2008 JO du 28 mai 2008. 149

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS voient également la sanction qui en découle : le plus souvent la nullité de la mesure abusive et l octroi d une indemnisation au profit du salarié concerné. À ce mécanisme exhaustivement prévu par la loi (ou la convention collective si elle est plus favorable) s ajoute la motivation de la mesure abusive, qui peut être discriminatoire parce que liée à un des éléments définissant la discrimination mentionnée à l article L. 1132-1 du Code du travail. C est le cas lorsque la décision litigieuse prise par l employeur est liée à l objet même de la protection légale spécifique, en l occurrence le handicap ou l état de santé. Dans cette hypothèse, il est possible d invoquer, en plus, la violation de l article L. 1132-1, pour augmenter la réparation du préjudice subi. La personne qui s estime victime d une inégalité de traitement fondée sur son état de santé ou son handicap peut donc invoquer la violation de plusieurs dispositions du Code du travail alternativement ou de façon cumulée : - l article L. 1132-1, qui édicte le principe général de non-discrimination en raison de l état de santé ou du handicap de la personne ; - l article L. 1226-4 qui permet le maintien de la rémunération d un salarié déclaré apte à reprendre son emploi après une absence pour longue maladie non professionnelle, mais qui n est ni reclassé ni licencié par l employeur ; - les articles L. 1226-7 et suivants du Code du travail qui établissent un régime protecteur des absences des victimes d accident du travail ou de maladie professionnelle ; - les articles L. 1226-10 et suivants, sur la procédure à suivre en cas de licenciement pour inaptitude physique ; - les articles L. 1133-4 et L. 5213-6 et suivants du Code du travail qui visent à favoriser l égalité de traitement des travailleurs handicapés avec les autres salariés dans l entreprise. La personne qui s estime victime d une discrimination liée à son état de santé ou son handicap peut invoquer également l article L. 225-1 du Code pénal, pour engager des poursuites devant le juge répressif. Devant le juge civil, le salarié a le choix d invoquer une véritable discrimination ou simplement la violation d une des dispositions protectrices de l état de santé ou du handicap, édictées dans le Code du travail constitutives simplement d abus de droit. La violation de chacune de ces dispositions engage la responsabilité civile de l employeur, 150

AGIR CONTRE LES DISCRIMINATIONS LIÉES AU HANDICAP mais la preuve d une volonté discriminatoire peut être plus difficile à rapporter que celle d une négligence de l employeur, notamment devant les juridictions répressives. Et certains textes sanctionnant les abus de droit, en matière d accident du travail en particulier, précisent les indemnisations que peut recevoir le salarié. Celles-ci peuvent être déjà importantes. Alors que le versement de dommages-intérêts réparant le préjudice subi du fait d une discrimination est toujours aléatoire, l évaluation dépend des différents préjudices subis par le salarié : préjudice physique (dégradation de sa santé), préjudice moral et psychologique, aggravé par le peu de chance de retrouver un emploi si la victime a plus de 45 ans, par les conséquences sur sa situation de famille le cas échéant, etc. Le choix de baser son argumentation sur l un ou l autre de ces textes dépend donc de la demande du salarié et surtout de la situation litigieuse. Repérer les inégalités de traitement fondées sur l état de santé ou le handicap Là encore, le Code du travail vise certaines situations particulièrement protégées dans lesquelles peut être recherché un indice de discrimination fondé sur l état de santé ou le handicap : - accès à une action de formation professionnelle 3 ; - détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l ancienneté dans l entreprise 4 ; - accès à une promotion ou à un avancement au sein de l entreprise 5 ; - licenciement pendant les absences pour maladie ou accident, ou consécutives au handicap, et à leur issue, sans le motiver par la faute grave ou l impossibilité de maintenir le contrat de travail 6 ; - reclassement du salarié déclaré apte à reprendre son travail par la médecine du travail, sans tenir compte de son ancienne rémunération, de la nouvelle tâche à accomplir et de l aptitude du salarié pour ce nouveau poste, sans proposer notamment des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail 7 ; 3. Articles L. 1226-7 et L. 6112-3 du Code du travail. 4. Article L. 1226-7 du Code du travail. 5. Article L. 1226-8 du Code du travail. 6. Articles L. 1226-9 et L. 1226-12 du Code du travail. 7. Article L. 1226-10 du Code du travail. 151

L EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS - rupture anticipée ou non-renouvellement d un contrat à durée déterminée, sans la(le) motiver par la faute grave du salarié ou la force majeure 8 ; - ne pas prendre les mesures nécessaires pour l accès à l emploi, pour la conservation de cet emploi correspondant à la qualification d une personne handicapée, lui permettant de l exercer ou d y progresser (aménagement du temps de travail ou du poste de travail...). Le Code du travail précise que cette inégalité de traitement est une discrimination au sens de l article L. 1133-3 du Code du travail 9 ; - infériorité du salaire d un travailleur handicapé, au regard de celui fixé par des dispositions légales ou des stipulations de la convention ou de l accord collectif de travail 10. La violation d un seul de ces textes n emporte pas le plus souvent la conviction du juge sur l existence d une discrimination. Par contre, elle peut engager la responsabilité civile de l employeur. Lorsque l irrespect de plusieurs de ces textes fait naître chez le salarié le sentiment d être victime d une discrimination, le régime de la preuve commun à tous les critères discriminants est alors applicable : il faut rapporter par écrit et de façon circonstanciée tous les éléments laissant supposer une discrimination : non-respect des textes susvisés, concomitance entre la mesure considérée comme discriminatoire et les absences du salarié en raison de son état de santé ou de son handicap... Si la personne qui s estime victime d une discrimination n est pas dans une des situations précitées, elle peut invoquer l article L. 1132-1 du Code du travail, texte général de base en matière discriminatoire, qui tente d appréhender toutes les autres situations possibles, mais qui n est pas exhaustif. Quelles sont les différences de traitement autorisées? Discriminations «positives» De manière générale, les discriminations dites «positives» sont admises par le Code du travail et la jurisprudence. Il s agit des traitements de faveur des personnes en mauvaise santé ou handicapées. 8. Articles L. 1226-18 et L. 1226-19 du Code du travail. 9. Article L. 5213-6 du Code du travail. 10. Article L. 5213-7 du Code du travail. 152