Point de vue de CGA-Canada sur l endettement des ménages canadiens



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Transcription:

Point de vue de CGA-Canada sur l endettement des ménages canadiens Un exposé du vice-président, Recherche et normalisation, de CGA-Canada, Rock Lefebvre Colloque international sur la consommation Montréal Les 12 et 13 mars 2009 www.cga.org./canada-fr 1

Où va l argent? La croissance de l endettement des ménages au Canada par Rock Lefebvre, FCGA Vice-président, Recherche et normalisation Colloque international sur la consommation le 12 mars 2009 Montréal, Québec 1 2

Contexte Vu la faiblesse des marchés de l emploi, le ralentissement de l activité commerciale et la perte de valeur croissante des actifs, ceux qui tomberont auront beaucoup de difficulté à se relever. C est triste considérant que ceci représente la fin de ce que nous pourrions appeler une période d abondance. Bonjour. Je vous remercie de me donner l occasion de participer à cette séance. L augmentation de la dette des ménages canadiens fait l objet de discussions animées depuis un bon nombre d années. En cette période que l on dit d effondrement économique, toutefois, la question de l endettement des ménages prend rapidement une importance critique une importance qui découle non seulement de la détérioration de la situation du secteur des ménages, mais aussi de la disparition rapide des coussins d amortissement dans les autres secteurs de l économie. Vu la faiblesse des marchés de l emploi, le ralentissement de l activité commerciale et la perte de valeur croissante des actifs, ceux qui tomberont auront beaucoup de difficulté à se relever. Avant de vous présenter mes vues sur l endettement des ménages canadiens, j aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de CGA-Canada. CGA-Canada est une association professionnelle auto réglementée qui représente les comptables généraux accrédités et licenciés, c est-à-dire les CGA, au Canada et aussi aux Bermudes, dans les pays des Caraïbes, en Chine et à Hongkong. CGA-Canada élabore des normes, fournit des services à ses membres et assure la prestation d un programme d études professionnelles. CGA-Canada mène également des recherches sur différentes questions qui sortent du cadre de la comptabilité. En plus de protéger et de renseigner le public, ces travaux permettent de constituer une base factuelle qui sert à influencer l orientation de la politique socioéconomique. Nous nous sommes penchés sur un bon nombre de questions, notamment le vieillissement de la population, les régimes de retraite, les fiducies de revenu, la productivité et la compétitivité, et l équilibre budgétaire du gouvernement fédéral. C est au début de 2007 que nous avons commencé à nous intéresser à l endettement des ménages. À l`époque, nous cherchions à analyser le niveau d endettement des Canadiens et les risques associés au poids croissant de la dette. Nous nous intéressons de nouveau à cette question, au printemps 2009, pour comprendre les répercussions de la crise actuelle sur les finances des Canadiens qui ont connu des difficultés financières par le passé. Dans cette optique, j aimerais vous parler des résultats de nos recherches dans ce que nous pourrions aujourd hui appeler une période d abondance (c.-à-d. avant 2007) et des changements que nous constatons dans les finances des ménages au fur et à mesure que la crise financière et le ralentissement économique se précisent. 3

La période d abondance Nous savons que la dette des ménages augmente de façon constante depuis 1984. Le ratio dette-actifs est passé de 14,9 % en 1990 à 16,2 % en 2006 alors que le ratio dette-valeur nette est passé de 18,2 % à 19,4 %, tandis que le ratio dette-revenu est passé de 75,1 % à 121,3 %. Les Canadiens à revenu modeste sont grandement affectés. Dans les ouvrages spécialisés et les médias, les situations ou les événements économiques sont souvent évalués d une manière plus ou moins globale. C est pourquoi nous avons principalement voulu, en 2007, cerner le point de vue des Canadiens sur l évolution de leur endettement et de leur richesse et examiner nos constatations dans le contexte des faits et des chiffres disponibles publiquement. Pour ce faire, nous avons intégré les résultats du sondage d opinion commandé par CGA-Canada à une analyse de l information statistique disponible. J aimerais maintenant vous faire part des principales constatations issues de notre recherche, telles qu elles se présentaient au printemps 2007. Nous savons que la dette des ménages corrigée pour tenir compte de l inflation et de la croissance démographique augmente de façon constante depuis 1984. En 2007, toutefois, la situation financière globale du secteur des ménages ne semblait pas inquiétante d un point de vue historique, pas plus qu elle ne semblait se détériorer rapidement. La dette des ménages mesurée en fonction des ratios dette-actif et dette-valeur nette ne s est que légèrement dégradée depuis 1990 et, avant 2007, elle était largement compensée par le rendement élevé des marchés de l habitation et financiers qui ont contribué avec succès à l appréciation de la valeur des actifs. Plus précisément, les pourcentages étaient les suivants : le ratio dette-actif est passé de 14,9 % en 1990 à 16,2 % en 2006, alors que le ratio dette-valeur nette est passé de 18,2 % à 19,4 % tandis que le ratio dette-revenu est passé de 75,1 % à 121,3 %. Bien que ces ratios soient couramment utilisés pour évaluer le niveau d endettement des ménages, ils ont leurs limites et ne peuvent pas traduire parfaitement tous les aspects de la situation financière des ménages. En se concentrant sur le secteur des ménages dans son ensemble, on ne peut pas voir que la situation financière de certains groupes de ménages se détériore peut-être plus rapidement que ne le laisse penser la situation financière de l ensemble du secteur des ménages. En 2007, par exemple, les ménages à faible revenu étaient plus nombreux à consacrer une grande part de leur revenu au remboursement de leurs dettes que les ménages à revenu plus élevé. 4

Le crédit Jusqu en 2008 le marché de l immobilier permettait aux Canadiens de maintenir un équilibre entre leurs prêts hypothécaires et leurs actifs résidentiels. La dette des ménages a atteint le niveau record de 1,3 billion de dollars à la fin de 2008. Le taux d épargne personnel des ménages a reculé d un sommet de 20,2 % en 1982 jusqu à un creux de 1,2 % en 2005. Au cours de la période de 1999 à 2005, nous avons constaté d autres changements négatifs de la situation des ménages. Comparativement à toutes les autres tranches de revenu, la tranche de 20 % constituée par les ménages les moins riches a connu le deuxième taux de croissance de la dette le plus rapide. Le nombre de familles endettées s est accru plus considérablement (de 3 %) que le nombre de familles canadiennes. Et l augmentation de l endettement global des ménages résultait davantage de la croissance de la dette des familles canadiennes moyennes que de celle des ménages plus riches. Certains soutiennent que les ménages peuvent avoir de «bonnes» et de «mauvaises» dettes. Un prêt hypothécaire (une «bonne» dette) est garanti par des actifs résidentiels; par conséquent, la croissance du crédit hypothécaire est habituellement moins préoccupante que la hausse du crédit à la consommation (une «mauvaise» dette), qui, souvent, ne s appuie pas sur des actifs qui peuvent prendre de la valeur. Par contre, même une «bonne» dette peut devenir une «mauvaise» dette comme en témoigne la brusque augmentation des mesures de forclusion. Souvent, ces mesures ne sont pas à l avantage de l emprunteur puisque la valeur des propriétés a baissé et que la valeur réduite des biens qu il peut donné en nantissement ne lui laisse qu une mince marge de manœuvre. À ses belles heures, le marché de l immobilier permettait aux Canadiens de maintenir un équilibre entre leurs prêts hypothécaires et leurs actifs résidentiels et même d améliorer légèrement leur position à ce chapitre. Cet avantage n a toutefois pas réussi à compenser l augmentation de la dette à la consommation, qui n était pas appuyée par l accumulation de biens de consommation durables ou d actifs financiers. À preuve, le ratio crédit à la consommation-biens de consommations durables a presque doublé entre 1990 et 2006 pour passer de 47,9 % à 82,5 %. Cela donne à penser que le «mauvais» endettement était réellement mauvais puisque les ménages utilisaient les fonds empruntés à des fins de consommation au lieu de les consacrer à l accumulation de la richesse. Alors que les statistiques révélaient que la dette des ménages augmentait, les Canadiens avaient plutôt tendance à croire que leur dette diminuait. C est sans doute l une des constatations les plus 5

surprenantes à ressortir du sondage que nous avons mené auprès des ménages en 2007. Seuls 14 % de l ensemble des répondants ont déclaré que leur endettement s était considérablement accru, tandis que 16 % ont indiqué qu il avait légèrement augmenté. De plus, un bon nombre de Canadiens ne semblaient pas bien comprendre comment l accroissement de leurs dettes pouvait nuire à leur capacité d affronter les revers économiques. En effet, 27 % des répondants au sondage estimaient qu un modeste choc économique ne constituerait pas une menace pour leur bien-être financier. Cette tendance était inquiétante, même en 2007. En effet, même si les perspectives pancanadiennes étaient encourageantes et suggéraient une forte croissance économique, un resserrement du marché du travail et une appréciation rapide des actifs résidentiels, elles masquaient néanmoins certaines disparités régionales importantes. Il n y a pas nécessairement de lien direct entre la dette et l épargne, mais il nous a semblé alarmant que l accroissement de l endettement des ménages soit assorti d une baisse de l épargne dite «active» (c.-à-d. la part du revenu disponible mise de côté). Malgré que la faiblesse de l épargne active ait été nettement compensée par une épargne passive, sous la forme d une appréciation des actifs, cette richesse n était pas répartie également entre les ménages. Notre sondage a aussi confirmé que les Canadiens avaient une attitude relativement insouciante en ce qui a trait à l épargne. Par exemple, le quart des participants non retraités ne consacraient aucune ressource à une formule d épargne standard quelle qu elle soit, même pas en vue de leur retraite. Il est dangereux de conjuguer croissance de l endettement et diminution de l épargne parce que les ménages risquent de se trouver coincés entre le besoin de rembourser leurs dettes et la nécessité d accumuler des fonds en prévision de la retraite. La grande conclusion que nous avons tirée de l analyse des résultats de notre recherche, en 2007, c est qu il y avait lieu de s alarmer devant l accroissement rapide de l endettement des ménages et la détérioration de la situation financière du secteur des ménages. Et je vous confie que nous aurions préféré avoir tort. 6

Les temps difficiles Certains groupes socioéconomiques sont particulièrement vulnérables à l accroissement de l endettement. En effet, l accroissement de la dette est surtout attribuable à la consommation plutôt qu à l accumulation d actifs. Il y a relativement peu de Canadiens qui sont conscients du fait que des chocs économiques peuvent avoir des conséquences défavorables. Passons maintenant au «ralentissement». Il ne fait aucun doute que la chute sans précédent des marchés des capitaux suivie d un ralentissement de l économie réelle n est pas sans incidence sur les finances de la plupart des Canadiens. Mais à quel point? C est dans cette perspective que CGA-Canada a jugé qu il convenait d actualiser son analyse de l endettement des ménages. En novembre 2008, nous avons repris notre sondage d opinion publique en demandant de nouveau aux Canadiens de réfléchir à leur endettement, à leurs dépenses et à leur épargne. Nous chercherons aussi à déterminer si les changements que nous aurons observés seront confirmés par les statistiques officielles. Bien que ce projet de recherche soit toujours en cours, je peux vous faire part de certaines de nos constatations clés qui sont dignes de mention. D abord, même si la proportion de familles canadiennes qui sont endettées n a pas beaucoup changé, les Canadiens sont de plus en plus nombreux à estimer que leur endettement s accroît. Alors qu en 2007, le nombre de répondants dont l endettement diminuait était supérieur (dans une proportion de 42 % à 35 %) au nombre de répondants dont l endettement augmentait, la situation était l inverse en 2008 : 42 % des Canadiens estimaient que leur endettement s accroissait. Et nous avons aussi constaté une augmentation du nombre de répondants qui ont indiqué que leur endettement avait beaucoup augmenté. Certains groupes socioéconomiques sont particulièrement vulnérables à l accroissement de l endettement. Les ménages ayant un revenu annuel de moins de 35 000 $, les ménages avec des enfants et les jeunes répondants sont beaucoup plus susceptibles de reconnaître que leur endettement a considérablement augmenté. Nous avons également remarqué que l augmentation du nombre de répondants dont l endettement s accroît est plus marquée chez les retraités que chez les non-retraités. 7

L inquiétude Même en pouvant compter sur l assistance temporaire d une marge de crédit, le quart des Canadiens seraient incapables d assumer une dépense imprévue de 5 000 $. 10% des Canadiens auraient de la difficulté à composer avec une dépense inattendue de 500 $. Il convient aussi de mentionner que la grande majorité (84 %) des répondants dont la dette a augmenté au cours des trois dernières années s inquiètent de cette augmentation. Le niveau d inquiétude prend lui aussi de l ampleur, à preuve l augmentation (de 17 % en 2007 à 21 % en 2008) du nombre de personnes qui estiment qu elles ont trop de dettes et qui ont de la difficulté à gérer cette dette. Cependant, la majorité des ménages demeurent convaincus qu ils peuvent soit gérer efficacement leur dette actuelle, soit accroître leur niveau d endettement. Il est toutefois intéressant de noter que, même chez les répondants qui estiment pouvoir gérer leur dette efficacement, la plupart admettent que leur endettement limite leur capacité d atteindre leurs objectifs financiers en matière de retraite, d éducation, de loisirs et de voyages ou encore de sécurité financière en cas de circonstances imprévues. Nous avons constaté qu une autre tendance se maintient. En effet, l accroissement de la dette est surtout attribuable à la consommation plutôt qu à l accumulation d actifs. Quelque 58 % des répondants affirment que les dépenses courantes sont la cause première de l accroissement de leur endettement. (Ce pourcentage est supérieur à celui de 52 % constaté en 2007.) Par contre, les dépenses pouvant s avérer rentables, notamment celles consacrées à l achat d une maison, à des études ou à des soins de santé, figurent parmi les causes d accroissement de l endettement les moins probables. Le quatrième élément digne de mention a trait aux chocs économiques. Il y a relativement peu de Canadiens qui sont conscients du fait que des chocs économiques peuvent avoir des conséquences défavorables sur leur bien-être financier. Par exemple, près du quart (24 %) des répondants ne croient pas qu une baisse du marché boursier ou du marché de l habitation, une hausse modérée des taux d intérêt ou une réduction du salaire ou de l accès au crédit se répercuteraient de façon marquée sur leur bien-être financier. La très grande majorité (87 %) des propriétaires de structures résidentielles n estiment pas qu une baisse modérée du prix des maisons constitue une menace pour eux. Et chez les détenteurs d actifs de retraite privés ou de fonds communs de placement, d actions et d obligations, près de 7 répondants sur 10 se disent insensibles à des changements modérés du marché boursier. 8

Par contre, en ce qui a trait à la sensibilité aux chocs économiques, l interprétation des résultats du sondage est assez délicate. Pour être en mesure de comparer les résultats des deux sondages, nous avons formulé la question de la même manière que dans le sondage de 2007. Nous avons donc demandé aux répondants de réfléchir à leur vulnérabilité à des chocs modérés tels qu une baisse de 10 % du marché boursier ou une baisse de 10 % du prix des maisons. Mais en même temps, les baisses véritables de ces marchés, en 2008, étaient souvent pires que celles mentionnées dans le questionnaire du sondage. Il est donc permis de penser que certains répondants ont peut-être jugé qu une baisse de 10 % du marché boursier semblait raisonnable en comparaison de la chute réelle de 40 %. Pour en revenir aux principales constatations de notre sondage de 2008, nous avons fait une constatation troublante en ce qui a trait à la capacité des Canadiens d assumer des dépenses imprévues. Même en pouvant compter sur l assistance temporaire que leur procure une carte de crédit ou une marge de crédit, le quart des Canadiens seraient incapables d assumer une dépense imprévue de 5 000 $ et 10 % auraient de la difficulté à composer avec une dépense inattendue de 500 $. 9

La culture de consommation Les sondages révèlent que l accroissement de l endettement entraîne une diminution de l épargne chez les particuliers. Et pour ceux qui comptent sur une stratégie passive relative à l augmentation des valeurs immobilières, la valeur résidentielle par propriétaire est passée de 66 373 $ en 1999 à 57 771 $ en 2005. Les ménages ont vu leur dette progresser de 4,7 % annuellement au cours des 30 dernières années, soit plus rapidement que leur revenu disponible, leur actif et le produit national brut (PNB). Enfin, j aimerais soulever un dernier point, celui de l épargne. Comme on pouvait raisonnablement s y attendre, le sondage révèle que l accroissement de l endettement entraîne une diminution de l épargne chez les particuliers, particulièrement chez ceux qui ne sont pas encore à la retraite. Quelque 40 % des particuliers dont la dette augmente n affectent aucune ressource à une formule d épargne standard quelle qu elle soit (même pas en vue de la retraite). Ce pourcentage était beaucoup plus bas (25 %) pour tous les autres répondants. Il n est donc pas surprenant que plus de la moitié (51 %) des répondants non retraités et endettés ne s attendent pas à ce que leur situation financière soit adéquate à la retraite. Chez les répondants qui n ont pas de dettes, ce pourcentage n est que d un peu plus de 30 %. La détérioration de la conjoncture économique ne semble avoir aucune incidence sur les habitudes d épargne des répondants. La majorité (78 %) des répondants ont indiqué qu ils ne modifieraient pas leurs habitudes d épargne pour se faire ou se refaire un «coussin de sécurité» financier et seuls 16 % d entre eux ont indiqué qu ils comptaient épargner à un rythme accéléré pour faire face aux changements conjoncturels. Cette situation réjouira peut-être certains économistes qui semblent craindre que les ménages se détournent de la «culture de consommation» pour privilégier excessivement une épargne précaire, ce qui contribuerait à faire baisser encore plus le PIB. En même temps, cette situation est alarmante puisque l accroissement de l endettement rend les ménages plus vulnérables aux risques financiers que peuvent poser l instabilité d emploi ou l érosion des actifs. Après tout, en cette période de faiblesse du marché du travail et de ralentissement de l activité économique, il semble que la plupart des gens devront surtout compter sur leurs économies (et de modestes prestations d assurance-emploi) en cas d interruption du revenu. La collecte d information sur les attitudes et les perceptions des ménages quant à leur endettement s est faite de manière relativement simple. Par contre, l évaluation du niveau d endettement et de sa dynamique dans l ensemble du secteur des ménages se révèle un peu plus difficile et cela, pour deux raisons. D abord, il a un décalage naturel entre la crise financière, qui s intensifie rapidement, et ses retombées sur les différents secteurs de l économie réelle. Deuxièmement, même lorsque les retombées se sont matérialisées, il y a un autre décalage entre 10

la collecte de l information statistique et sa publication. Concrètement, cela signifie que l information que nous obtenons maintenant, au début de mars, reflète le bien-être financier des ménages à la fin de 2008, lorsque le Canada n était pas encore «techniquement» en récession. Les données récentes sur les pertes d emploi et les faillites laissent peu de doute quant à la détérioration considérable de la situation du secteur des ménages depuis. Comme je l ai dit tout à l heure, notre recherche est toujours en cours et nous prévoyons publier notre nouveau rapport à la fin du printemps. Ce rapport sera affiché sur le site Web de CGA- Canada à www.cga.org/canada-fr. Et si ça vous intéresse, notre premier rapport, qui comprend une description détaillée des données et des résultats du sondage dont j ai parlé aujourd hui, est aussi affiché sur ce site web. Le rapport s intitule Où va l argent? La croissance de l endettement des ménages au Canada. 11

À considérer Les régimes enregistrés d épargneretraite Compte d épargne libre d impôt Des gains en capital Bien que les établissements de crédit fournissent un service important, la tolérance au risque de ces établissements ne devrait pas remplacer le jugement des particuliers. En terminant, j insiste sur le fait que nous estimons que l endettement est légitimement un choix personnel. Il est toutefois crucial que les Canadiens soient conscients des risques potentiels liés à l accroissement de la dette de leur ménage. Il est crucial, pour la sécurité et le bien-être financiers des ménages, que ces derniers soient à même de bien comprendre leur propre situation financière et les raisons qui les poussent à emprunter, à dépenser et à épargner. C est pourquoi les Canadiens doivent prendre leur capacité financière à cœur, c est-à-dire perfectionner les connaissances, les compétences et la discipline dont ils ont besoin pour prendre des décisions financières. Il est également important de se rappeler que la tolérance au risque des institutions financières ne doit pas se substituer au jugement des particuliers, et que ces derniers doivent peser eux-mêmes le pour et le contre de l endettement. Et nous croyons fermement que l accumulation appréciable d actifs financiers, la constitution d un «coussin de sécurité» financier plus considérable et plus diversifié, et les placements faits en vue de la retraite devraient rester au cœur des objectifs d avenir des Canadiens. 12

Des questions? Merci! Les rapports seront affiché sur le site Web de CGA-Canada à www.cga.org/canada-fr 13